Annonce

Réduire
Aucune annonce.

La guerre comme berceau de saïd sadi

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La guerre comme berceau de saïd sadi

    Au-delà des traces laissées en lui par la misère qui sévissait dans la Kabylie de sa tendre enfance, Saïd Sadi avoue que c’est plutôt le trauma de la guerre de Libération nationale qui a eu les incidences les plus lourdes sur lui et son accomplissement futur.

    “Qu’elle ait été heureuse ou chahutée, que ses joies aient été entretenues ou oubliées, que ses épreuves continuent de faire souffrir, aient cicatrisé ou soient refoulées, l’enfance pèse bien plus qu’on ne le dit dans la vie de l’Homme”, a écrit Saïd Sadi dans l’avant-propos de son livre intitulé Mémoires : la guerre comme berceau, paru le 20 août aux éditions Frantz Fanon. Cette phrase, à elle seule, montre, si besoin est, que l’homme est souvent le produit de son enfance. Les bons et les mauvais moments vécus dans le cocon familial comme les grandes tragédies qui frappent les pays déteignent inexorablement sur la personnalité de l’enfant et contribuent grandement à façonner sa vie d’adulte.

    Et Saïd Sadi sait de quoi il parle, lui qui a été marqué directement ou indirectement par trois guerres : celle de 45, celle de 1954-62 et, enfin, celle de 1963-65, avec la rébellion du FFS contre le régime de Ben Bella. Avec un style chatoyant, Sadi atteste donc le poids de l’enfance dans le cheminement et l’accomplissement d’une vie.

    À 72 ans, après une carrière politique bien remplie et une autre d’écrivain prolifique, Sadi fait dans ce livre œuvre de pédagogie historique. C’est que les acteurs politiques algériens ayant écrit sur leur vie ou sur les séquences dont ils étaient acteurs ne sont pas des masses. Ce qui n’est pas le cas de Saïd Sadi, qui est un des politiques les plus féconds en produisant une dizaine de livres. sa passion pour l’écriture l’ont aidé peu ou prou dans cette entreprise. Mais au-delà de son talent littéraire, l’enfant d’Aghribs refuse tout dévoiement du projet de l’Algérie démocratique et plurielle au service duquel, près d’un demi-siècle durant, il a mis toutes ses forces.

    En fait, écrire sur les événements historiques dont il était témoin ou non participe d’une double démarche chez l’ancien président du RCD : d’abord “purifier” un tant soit peu l’histoire de la guerre de Libération des “souillures, manipulations et autres mystifications qui l’ont accablée”. S’il ne s’explique pas le silence des miraculés survivants de la guerre de Libération, Sadi se refuse obstinément de les juger et, encore moins, de les condamner. Ensuite, préserver le combat qu’il a mené lui et ses camarades pour le parachèvement de “la libération nationale par l’édification de l’État démocratique et social” et l’avènement d’une Algérie moderne certes, mais aussi fière de son identité millénaire, de tout détournement ou mystification, comme c’était le cas pour le combat libérateur.

    Dans ce livre, Saïd Sadi a tenu à rendre hommage à la génération d’avril 80 qui, face à la “désertion” des artisans de l’indépendance du pays du terrain de l’écrit et du témoignage, n’a jamais renoncé à la quête de la vérité historique, mais sans aller à des “jugements de valeur” sur les comportements des uns et des autres. “Jeunes, nous avions souvent réécrit l’histoire. Nous étions bien déterminés à évaluer sans complaisance aucune les conséquences des esquives, des reports récurrents des grands débats et les incidences d’opportunismes contagieux qui avaient tant de fois marqué la scène algérienne depuis le XXe siècle”, soutient-il. Autre attitude exemplaire dont peut se targuer cette génération charnière : plutôt que de sombrer dans les luttes de pouvoir, elle a eu l’intelligence de s’investir dans la “polonisation des esprits”, “guidés” alors par l’immense romancier Mouloud Mammeri, cet “exemple de dévouement et de pugnacité”.

    “Nous n’aspirions pas à dominer l’État mais à remembrer l’histoire”, assure Saïd Sadi, non sans insister : “Nous ne prétendions pas à la prise de pouvoir, nous labourions l’humus social.”

    Au-delà des traces laissées en lui par la misère qui sévissait dans la Kabylie de sa tendre enfance, la frugalité et les privations qui rythmaient la vie du petit indigène qu’il était au sein d’une famille nombreuse, pauvre mais assez harmonieuse, c’est plutôt le trauma de la guerre de Libération nationale qui a les incidences les plus lourdes sur lui et son accomplissement futur. Il a façonné à jamais l’homme, comme c’était d’ailleurs le cas pour de nombreux adolescents de sa génération.

    Et il n’est pas exagéré de dire que la révolution algérienne et son détournement futur par le clan d’Oujda ont été pour beaucoup dans l’engagement politique de Saïd Sadi, qui a toujours dit autour de lui avoir pour modèle le colonel Amirouche Aït Hamouda, à qui il a consacré d’ailleurs une remarquable biographie qui, à sa parution, a suscité une grosse polémique. Même dans ce premier tome de ses mémoires, Saïd Sadi rappelle le jour où l’instituteur civil de l’école d’Aghribs leur avait annoncé la mort du colonel Amirouche, cette “légende vivante des maquis”. “Non, non ce n’est pas vrai, Amirouche n’est pas mort, ça, c’est de la propagande”, s’était-il alors écrié. Il a aussi narré avec une rare justesse et des mots pleins de commisérations et parfois empreints de colère les affres et les complications de la guerre vécues par les populations civiles, la grande fierté suscitée par les maquisards chez les enfants, l’exécution de Mouloud Feraoun et de Ali Hamoutène par des éléments de l’OAS alors qu’il était collégien à Tizi Ouzou et la consternation suscitée par ce crime auprès de ses camarades, les réjouissances des villageois à l’annonce du cessez-le-feu, le désenchantement et les luttes fratricides du lendemain de l’indépendance, etc. L

    es pages consacrées par Saïd Sadi dans ses mémoires à l’épopée de la guerre d’indépendance donnent à voir un enfant puis un adolescent sensible aux drames qui accablent sa communauté et un leader en gestation. “Et les guerres n’allaient pas finir de nous accabler. Nous serons toujours des enfants de la guerre”, a-t-il écrit. Un enfant de la guerre qui, l’instruction aidant, deviendra, quelques décennies plus tard, un des hommes politiques les plus marquants de ces 40 dernières années.

    Par : Arab Chih
    Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent
Chargement...
X