Depuis que les Ould Abbes et Tliba ont avoué avoir fait commerce des sièges de l’APN, les appels à la dissolution du “majliss echkara” se multiplient.
La réaction, naïve ou artificieuse, a le tort de faire d’une pratique inhérente au système un simple scandale fortuit. Elle a surtout le tort de reposer sur l’hypothèse d’un système qui pourrait fonctionner avec efficacité et probité mais qui, parfois, connaîtrait des dysfonctionnements d’organes !
Or, la vente et l’achat de fonctions électives ne sont ni des faits occasionnels ni des opérations à la marge de la vie politique nationale ; ils font partie du fonctionnement politique. Un article de Liberté, publié à la veille des élections sénatoriales de 2009, rapportait déjà les tarifs des voix d’électeurs (c’est-à-dire des élus locaux qui votent pour le Conseil de la nation) variant en fonction de l’importance démographique de la circonscription.
Et voici en quels termes les dirigeants des deux partis qui, depuis toujours, se partagent le Sénat se sont, à l’époque, scandalisés de cette pratique : Bouhadja disait que “la vente des voix est un acte de corruption répréhensible que le FLN condamne” ; et Miloud Chorfi, porte-parole du RND, déclarait que “la vente des voix est un acte de corruption que le RND dénonce et condamne”.
Aujourd’hui, les responsables actuels du FLN et du RND n’hésiteront pas, non plus, à s’effaroucher de ces abjectes manigances. Pour l’heure, le nombre et les noms des acquéreurs des sièges parlementaires par adjudication sont tus ; ce qui fait peser la responsabilité de ce crime sur les seuls corrompus, préservant les corrupteurs. Peut-être parce qu’on en a encore besoin, tels qu’ils sont.
Pourquoi le pouvoir devrait-il faire semblant de s’être trompé de candidats, alors qu’il les a choisis pour ce qu’ils sont ? Et, en effet, pour ce qu’il attend de ses députés — avaliser machinalement les textes qu’il leur soumet —, quelle autre qualité peut-il exiger d’eux que celle d’obéir aveuglément ?
En outre, et d’une manière générale, le dispositif de sanction déployé par le système est d’abord conçu pour le préserver lui-même avant d’être conçu pour assurer le bon fonctionnement institutionnel.
En cas de catastrophe, et pour refroidir une éventuelle colère populaire, il peut accepter, à l’occasion, de sacrifier une partie de ses membres en quantité et en qualité nécessaire à l’étouffement du scandale. Ainsi, et grâce à ce sacrifice, le régime est sauf. Et le système, surtout, aussi.
La dégénérescence morale qui frappe le régime altère l’ensemble de son fonctionnement, qu’il s’agisse des organes élus ou de fonctions pourvues par nomination. Cette manière de crier au loup, ou plutôt, en termes politiques, de crier au complot, constitue le moyen de défense le plus souvent et le plus adroitement manié par le système.
On dénonce le “complot” ; puis on “limoge”. Et le cas échéant, on juge, voire on condamne. Mais ce n’est pas avec des limogeages localisés qu’on répare un système conçu pour servir ses seuls clans et non pour assurer les fonctions de libertés, de justice, de protection sociale, de service public, de développement…
C’est le système qui doit être remplacé. S’il perdure, il devra perdurer avec les défaillances qui le caractérisent.
Mustapha Hammouche
Liberté du 06-09-2020
La réaction, naïve ou artificieuse, a le tort de faire d’une pratique inhérente au système un simple scandale fortuit. Elle a surtout le tort de reposer sur l’hypothèse d’un système qui pourrait fonctionner avec efficacité et probité mais qui, parfois, connaîtrait des dysfonctionnements d’organes !
Or, la vente et l’achat de fonctions électives ne sont ni des faits occasionnels ni des opérations à la marge de la vie politique nationale ; ils font partie du fonctionnement politique. Un article de Liberté, publié à la veille des élections sénatoriales de 2009, rapportait déjà les tarifs des voix d’électeurs (c’est-à-dire des élus locaux qui votent pour le Conseil de la nation) variant en fonction de l’importance démographique de la circonscription.
Et voici en quels termes les dirigeants des deux partis qui, depuis toujours, se partagent le Sénat se sont, à l’époque, scandalisés de cette pratique : Bouhadja disait que “la vente des voix est un acte de corruption répréhensible que le FLN condamne” ; et Miloud Chorfi, porte-parole du RND, déclarait que “la vente des voix est un acte de corruption que le RND dénonce et condamne”.
Aujourd’hui, les responsables actuels du FLN et du RND n’hésiteront pas, non plus, à s’effaroucher de ces abjectes manigances. Pour l’heure, le nombre et les noms des acquéreurs des sièges parlementaires par adjudication sont tus ; ce qui fait peser la responsabilité de ce crime sur les seuls corrompus, préservant les corrupteurs. Peut-être parce qu’on en a encore besoin, tels qu’ils sont.
Pourquoi le pouvoir devrait-il faire semblant de s’être trompé de candidats, alors qu’il les a choisis pour ce qu’ils sont ? Et, en effet, pour ce qu’il attend de ses députés — avaliser machinalement les textes qu’il leur soumet —, quelle autre qualité peut-il exiger d’eux que celle d’obéir aveuglément ?
En outre, et d’une manière générale, le dispositif de sanction déployé par le système est d’abord conçu pour le préserver lui-même avant d’être conçu pour assurer le bon fonctionnement institutionnel.
En cas de catastrophe, et pour refroidir une éventuelle colère populaire, il peut accepter, à l’occasion, de sacrifier une partie de ses membres en quantité et en qualité nécessaire à l’étouffement du scandale. Ainsi, et grâce à ce sacrifice, le régime est sauf. Et le système, surtout, aussi.
La dégénérescence morale qui frappe le régime altère l’ensemble de son fonctionnement, qu’il s’agisse des organes élus ou de fonctions pourvues par nomination. Cette manière de crier au loup, ou plutôt, en termes politiques, de crier au complot, constitue le moyen de défense le plus souvent et le plus adroitement manié par le système.
On dénonce le “complot” ; puis on “limoge”. Et le cas échéant, on juge, voire on condamne. Mais ce n’est pas avec des limogeages localisés qu’on répare un système conçu pour servir ses seuls clans et non pour assurer les fonctions de libertés, de justice, de protection sociale, de service public, de développement…
C’est le système qui doit être remplacé. S’il perdure, il devra perdurer avec les défaillances qui le caractérisent.
Mustapha Hammouche
Liberté du 06-09-2020
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