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La politique du travail et des salaires

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  • La politique du travail et des salaires

    Publié par LSA
    le 07.09.2020

    Par Dr Bachir Chara(*)
    Dans le domaine du travail, la politique sociale appliquée, depuis la moitié des années 1960, s'est révélée, avec le temps, catastrophique pour le pays. En effet, pour satisfaire le nombre élevé des demandes d'emploi des citoyens algériens, les entreprises de l'État et l'administration publique, sur injonction des politiques, ont recruté en masse, sans se soucier des aspects économiques, du rendement et de la qualité du travail fourni. Les effectifs en personnel des entreprises sont devenus pléthoriques au point où ils ont constitué un lourd fardeau pour certaines entités économiques et administratives. Le cas d'Air Algérie est très significatif. Cette compagnie emploie 9 565 personnes pour une flotte de 59 appareils (chiffres de janvier 2018) alors que, selon les professionnelles des transports aériens, les besoins en personnel de cette compagnie ne doit nullement dépasser un effectif de 3 000 personnes. La lourdeur de la masse salariale d'Air Algérie ne permettra en aucune manière à cette compagnie de se développer et de résorber le déficit chronique qu'elle a accumulé depuis plusieurs années. Elle ne doit d'ailleurs sa survie qu’au renflouement de ses caisses par le Trésor public. Alors que, compte tenu de la position géographique de l’Algérie, Alger aurait pu devenir un hub pour relier l’Afrique au reste du monde et inversement. De très nombreuses entreprises ont été également victimes des sureffectifs et certains ont mis, comme dit le dicton, les clés sous le paillasson, mettant des centaines de milliers de personnes au chômage et des pertes incalculables pour le Trésor public. Leur cession au secteur privé n'a presque rien apporté aux caisses de l'État. Les acquéreurs de ces entités économiques ont, comme le dit l'expression populaire, pris le beurre et l'argent du beurre.
    Les conditions définies dans les cahiers des charges n'ont pas été respectées ; des licenciements de personnels ont été opérés et des détournements d'objectifs se sont produits. La perte pour l'État est double, la vente ne s'est pas faite à sa juste valeur, elle n'a même pas couvert le prix de l'assiette foncière et les objectifs primaires des entreprises privatisées détournés, ce qui a obligé le pays à faire appel à l'importation des produits préalablement fabriqués en Algérie. Inutile de développer ici le profil des heureux acquéreurs, car ils sont connus de tous et constituent la classe des privilégiés du système antérieur algérien et dont certains sont aujourd’hui traduits devant les tribunaux de la République.
    Si au cours des deux premières décennies post-indépendance, il était facile de trouver un emploi du fait des recrutements tous azimuts. À partir de la deuxième moitié des années 1980, les offres d’emploi devenaient de plus en plus rares et la demande de plus en plus élevée en raison : - du départ au chômage d’un nombre important de personnes des entreprises privatisées ou mises en liquidation ; - de l’arrivée de milliers de jeunes, formés dans les universités, sur le marché du travail ; - et de la démographie galopante. Ne pouvant répondre à la demande, l’administration publique et les entreprises économiques étatiques, encore en activités, commençaient à être de plus en plus sélectives dans leurs recrutements, et ont établi des priorités, pour pourvoir les postes budgétaires devenus vacants et/ou nouvellement créés.
    La priorité est donnée aux membres des familles de la nomenklatura, ensuite à ceux exerçant dans l’administration ou dans l’entreprise économique concernée, viennent après les membres de la tribu, et au bout de la chaîne les enfants du peuple qui éprouvent d’énormes difficultés à trouver un emploi, surtout s’ils ne sont pas recommandés, ou n’ont pas une grande expérience et une qualification répondant aux exigences des postes.
    Cette pratique de recrutement a fait que les grandes entreprises économiques et les administrations publiques se retrouvaient avec un personnel, souvent non qualifié, ingérable, et dont la production et la productivité sont très en deçà de la moyenne, vu qu’il se considère comme intouchable. Cette situation caractérise notamment à la Sonatrach et ses différentes filiales, Air Algérie et beaucoup d’autres entreprises nationales ou de wilaya ainsi que les administrations publiques. Le dégrèvement des effectifs de ces administrations et entreprises nationales est souvent difficile, voire impossible sauf en cas de manquement grave.
    Il arrive de trouver quelques petites entreprises qui emploient un personnel issu d’une même région. Les exemples sont nombreux et reflètent une certaine stratégie utilisée par les responsables pour leur maintien en poste. En effet, du fait de leur appartenance à la même région, ces responsables ne sont jamais décriés par le personnel, qui leur ait redevable, et ce, malgré les faibles performances des entreprises qu’ils gèrent.
    L’absence de contrat de performance pour ces responsables et leurs accointances avec les personnes qui les ont nommés, ne font que renforcer leur présence jusqu’à la mise en liquidation des entreprises ou leur départ en retraite.
    Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que les enfants du peuple, même les plus doués, ne prennent que les miettes de ce qui reste dans le marché du travail du secteur public. Les offres d’emploi qui font l’objet d’annonces dans les journaux interviennent souvent une fois que les postes sont déjà pourvus. L’annonce de leur vacance est destinée à faire croire qu’il y a de la transparence dans les recrutements. La solution pour les diplômés des universités, c’est de rechercher des emplois dans le secteur privé, qui exige plusieurs années d’expérience, condition que les nouveaux diplômés ne pouvaient satisfaire, surtout s’ils n’ont pas suivi des formations additionnelles dans des écoles privées spécialisées, fonctionnant en partenariat avec des écoles et/ou des universités étrangères, moyennant des sommes d’argent, pas à la portée, même des classes moyennes. Cet état de fait conduit la plupart des diplômés à l’exil à la recherche de postes de travail et de conditions de vie meilleures, même si parfois ils le font au prix de leur vie, comme les harraga qui périssent en mer Méditerranée. La question qui vient à l’esprit et de savoir pourquoi alors former des Algériens et ne pas leur offrir un emploi et s’ils arrivent à être recrutés pourquoi ne pas les mettre dans les meilleures conditions de travail ? S’agit-il d’une volonté délibérée d’offrir une main-d’œuvre où des cerveaux bien structurés à des pays qui n’ont rien dépensé pour eux ?
    Les promotions et les évolutions de carrière ne sont nullement régies par les qualifications et les compétences, mais relèvent plutôt de considérations d’ordre familial, tribal, régionaliste, protectionniste, corporatiste et surtout par fidélité au chef. Cela s’est traduit par la propulsion de personnes incompétentes aux responsabilités des entreprises et des institutions techniques et administratives de l’État. Un exemple frappant concerne la gestion des hôpitaux qui est confiée à une corporation d’administrateurs qui ont tous suivi le même cursus de formation, à savoir l’Ecole nationale d’administration (ENA), comme s’il n’y a que cette structure de formation qui est capable de former des administrateurs dans le pays. On se demande pourquoi il y a une centaine d’universités et centres universitaires en Algérie et à quoi servent les centaines de milliers de diplômés qu’elles forment ? On peut citer également les walis, les chefs de daïra et beaucoup d’autres postes des administrations centrales qui sont confiés à des énarques. La majorité des portefeuilles ministériels ne sont pas du reste, ils sont, depuis une trentaine d’années, souvent chasse gardée pour les diplômés de l’ENA ; c’est à croire que cette école forme des génies, mais en réalité, elle a formé une secte qui se partage les responsabilités dans le pays. Les déboires économiques de l’Algérie et les mots sociaux qui caractérisent aujourd’hui sa société (corruption, régionalisme, favoritisme, trafic d’influence, passe-droits, corporatisme, etc.) sont, en grande partie, la résultante de l’œuvre de ces pseudo-dirigeants. Ils se protègent mutuellement et leurs erreurs sont souvent camouflées par leurs supérieurs hiérarchiques qui appartiennent à la même secte.
    Le corporatisme n’est pas le propre des anciens de l’ENA. Les membres de la promotion de 1966 de l’Institut national agronomique (INA) ont également régné sans partage sur les administrations de l’agriculture algérienne jusqu’au début des années 2 000. Ces deux exemples illustres bien l’emprise du corporatisme sur les administrations et même les partis politiques algériens. Cet état de fait a renforcé la pensée unique au point de la scléroser.
    Ces pratiques ont lésé énormément d’Algériens qui, en réponse, adoptaient des attitudes non citoyennes, allant parfois jusqu’à la contestation qui ne trouve pas des échos favorables, à tous les niveaux de responsabilité du fait que ce sont des pratiques plus ou moins institutionnelles. À ce niveau, il ne faut pas également oublier que certaines responsabilités sont acquises par corruption interposée. Malheureusement cette situation perdure jusqu’à nos jours, car on voit que même ceux qui prêchent le changement, adoptent les mêmes réflexes. On n’est pas donc sorti de l’auberge et la tragédie continue.
    Additionner à cela, le comportement indigne des syndicalistes, qui ont de tout temps servi les organes décisionnels du pouvoir. En effet, rares sont ceux qui défendent les intérêts des travailleurs, ils sont plutôt là pour servir et se servir, en bénéficiant de promotions dont ils n’ont ni les qualifications ni les compétences, des avantages en nature (voiture de fonction, logement de fonction, primes diverses, missions fictives, vacances comme dit l’expression aux frais de la princesse et autres). Ce syndicalisme stérile n’a nullement servi les intérêts de la nation Algérie, il l’a même desservi en plombant son développement. Leur rôle consiste le plus souvent comme dit l’expression à éteindre le feu quand les revendications desservent leurs intérêts et faire le contraire pour apparaître importants aux responsables et leur soutirer quelques avantages. Ils ont toujours été une main-d’œuvre non affectable, du fait qu’ils ne sont impliqués dans aucune opération de production, vu que la loi permettait à certain d’avoir des détachements pour se consacrer uniquement à l’activité syndicale.
    Il est même courant que des personnes en âge de retraite continuent leur mission de syndicaliste au sein de la centrale syndicale. Ils défendent qui ces syndicalistes de pacotille, qui sont utilisés pour aider les décideurs et qui les font parfois bénéficier de postes électifs comme ceux de députés par exemple. De nombreux syndicalistes se sont retrouvés à faire de la politique à partir du début de la décennie noire, ce qui est contraire aux valeurs syndicales.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    À ces pratiques malencontreuses s’ajoutent les mentalités de certains citoyens, dont la notion du «beylik» (propriété de l'État) est ancrée dans leurs esprits et qui militent pour détruire tout ce qui pourrait être positif pour le pays, sans compter la forfaiture de certaines personnes hautement placées dans les sphères de l’État algérien, qui sont à la solde d’autres pays. Concernant les «beylikistes», habitués, du temps de la colonisation, à détruire tous ce qui appartenait au colonisateur et qui ont conservé cette attitude après l’indépendance du pays. Ils n'avaient pas encore compris que le colonisateur est parti et qu'ils travaillaient pour leur compte. La gestion socialiste des entreprises, dont l'objectif était d'emmener les travailleurs à fournir plus d'efforts en matière de production et de productivité, a eu l'effet inverse, car tout le monde se croyait patron et rares sont les personnes qui s'acquittaient de leurs obligations contractuelles.
    Cette décision politique populiste a fait énormément de mal aux entreprises économiques, et comme il était difficile pour ses promoteurs de revenir en arrière, elle a enterré les entreprises au lieu de les faire prospérer. Aussi, l'absentéisme, très fréquent, et non pénalisé et le syndicalisme stérile sont d'autres facteurs, qui ont joué un rôle négatif dans le fonctionnement du tissu économique du pays. Ils ont plutôt participé à la réduction des postes de travail et l’augmentation du chômage, car les outils créateurs de richesses et d’emplois (entreprises) ont été sabordés pour permettre à certains barons de verser dans l’import-import, de constituer des monopoles pour chaque produit et des lobbys qui freinent tout développement intérieur du pays.
    De tels comportements constituent des nuisances extrêmes pour l’économie algérienne, que l’État doit combattre en utilisant tous les moyens (douanes, services fiscaux et juridictions).
    Il faut signaler que des investisseurs qui voulaient s’inscrire dans des créneaux déjà occupés, afin de créer une concurrence, ont tout simplement été ruinés, avec la complicité de certains fonctionnaires de l’État, comme par exemple le blocage de leurs marchandises au niveau des ports, impliquant d’énormes surestaries et une péremption de leurs produits.
    Ajoutée aux causes citées précédemment, la forfaiture (qui fera l’objet d’une autre contribution) a le plus impacté les niveaux de production et de productivité des entreprises, tous secteurs confondus, qui se sont répercutés négativement sur l’emploi et les salaires des Algériens. Il fallait donc répartir une masse salariale sur des nombres pléthoriques d’employés et de travailleurs. L’augmentation de la masse salariale ne signifie nullement une augmentation des salaires mais répond plutôt une évolution parallèle des effectifs. Les salaires sont restés longtemps stationnaires, n’offrant qu’un très faible pouvoir d’achat aux ménages. Le SNMG (Salaire national minimum garanti) était de 2 000 DA avant janvier 1991, il est passé à 2 500 DA en juillet 1991 et atteint 3 500 DA en janvier 1992. Il a ensuite stagné jusqu’au 1er mai 1997, pour atteindre 4 800 DA et 6 000 DA le 1er septembre 1998. L’embellie financière aidant, à la faveur de l’augmentation du prix du baril de pétrole, le SNMG a connu, à trois reprises, à chaque fois, une hausse de 2 000 DA, pour s’élever à 12 000 DA en janvier 2007. L’application de l’article 87 bis du code du travail et son abrogation de la loi 90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations du travail, ont permis au SNMG d’évoluer et atteindre 18 000 DA en janvier 2015. Dans l’apparence, on se dit que le SNMG a évolué de manière très positive, mais la réalité et tout autre.

    En effet, quand on examine ces chiffres de près, on constate qu’avant 1990, le smicard percevait l’équivalent 476,19 dollars/mois (parité dinar-dollar US : 4,2 DA pour 1 dollar). En juillet 1991, ce salaire est passé à 207,98 dollars (parité dinar-dollar US : 12,02 dinars pour 1 dollar) il a donc été divisé par 2,3 fois. En 1997, le salaire mensuel du smicard est passé à 83,17 dollars (parité dinar-dollar US : 57,71 dinars pour 1 dollar) encore une fois le pouvoir d’achat du smicard est réduit de 2,5 fois. L’augmentation du SNMG à 12 000 DA a permis aux smicards d’avoir un salaire de 173 dollars/mois en 2007 (parité dinar-dollar US : 69,36 dinars pour 1 dollar US) 2,75 fois moins que le salaire qu’il percevait à la fin des années 1980. Depuis aucune évolution notable n’a été enregistrée dans le SNMG ; il a été de 165,19 dollars en 2009 (1 dollar=72,64 dinars) ; en 2013, il est descendu à 151,17 dollars (1 dollar US=79,38 dinars) ; en 2015, il enregistre une légère augmentation pour atteindre 179,19 dollars US (1 dollar US=100,45 dinars). Actuellement le SNMG équivaut 140,23 dollars (1 dollar US=128,37 dinars), il a donc diminué de 38,96 dollars par rapport à 2015. Cette évolution des salaires, qui n’est autre qu’une dégringolade du pouvoir d’achat des Algériens, a accentué la malvie des populations, d’autant plus que les prix des produits de première nécessité, souvent importés, ont subi une hausse vertigineuse, malgré leur soutien par l’État. Entre 1988 et le 7 août 2020, les salaires ont subi une dépréciation de l’ordre de 339,5%.
    Cette analyse relative au SNMG pourrait être extrapolée aux salaires des autres catégories des travailleurs et même ceux de la classe moyenne, car ils ont toujours été nivelés par le bas. Il est donc clair que les gouvernants algériens utilisaient la ruse pour calmer les esprits ; d’un côté ils augmentent le SNMG et les salaires des autres travailleurs et de l’autre, ils dévaluent la monnaie algérienne pour réduire le pouvoir d’achat et par là même limiter les importations des produits de consommation.
    La classe ouvrière et les fonctionnaires de l’État algérien ont vécu et continuent à vivre dans une précarité, qui ne dit pas son nom, au moment où une classe de privilégiés mène une vie de château. Certaines familles ne vivent qu’avec le pain et les pâtes d’où une facture importante d’importation de céréales (plus de trois milliards d’euros environ par an), qui place l’Algérie comme le premier importateur mondial de cette denrée alimentaire. Il est difficile, voire impossible, pour un fonctionnaire de l’État, de pouvoir acquérir son propre logement et de s’acheter une voiture pour améliorer les conditions de vie de sa famille, s’il n’exerce pas une activité complémentaire, ne cumule pas les salaires de tous les membres de la famille et ou ne tombe pas dans le vol et la corruption. Malheureusement, c’est le constat que l’on peut faire, dans une Algérie riche par ses ressources, naturelles et humaines, dont ses dirigeants, n’ont appris à ses enfants, que les pratiques illégales, le clientélisme, la tricherie, les malversations, la paresse, l’assistanat, au lieu et place du travail, de la morale, de l’intégrité, du respect des lois et de la citoyenneté qui ne peuvent être assurés qu’avec des salaires qui couvrent les besoins fondamentaux des familles tout en leur permettant de vivre avec dignité.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      L’autre point de discorde dans la politique des salaires se rapporte aux disparités qui existent entre les différents départements ministériels. Les employés relevant du secteur des finances ont toujours eu des salaires plus avantageux par rapport à leurs collègues des autres départements ministériels.
      Ce qui est flagrant, c’est que des fois en se retrouvent dans des situations où un professeur de médecine, exerçant au sein des hôpitaux publics, touche un salaire deux fois moins important que celui d’un médecin qui travaille au sein de la Caisse nationale des assurés sociaux (Cnas), organisme de l’État doté de l’autonomie financière. Que dire d’un appariteur ou d’une femme de ménage qui travaillent à la Sonatrach et dont les salaires sont supérieurs à ceux des ingénieurs de la Fonction publique. Ces deux exemples élucident très bien ces disparités qui existent entre les travailleurs et attestent d’une réelle dégradation des échelles des valeurs. Cette situation s’est souvent traduite par un désintéressement de certaines catégories de travailleurs et leur démobilisation dans le travail. Ils appliquent la politique du moindre effort, ce qui se répercute sur leur production et leur productivité.
      La politique populiste, des différents gouvernants, qui se sont succédé à la tête de l’État algérien, en matière d’emploi, des salaires et de gestion des entreprises a cassé le tissu social et mis fin à une échelle des valeurs, qui était un élément stimulateur, pour tous les jeunes Algériens, qui faisaient des efforts, dans leur scolarité et leur quotidien, pour évoluer dans l’échelle sociale. Mettre tout le monde dans le même panier, c’est briser l’initiative, amoindrir l’effort et pousser au laxisme ; ce qui est anti-social et anti-économique. Les pays, qui se développent et prospèrent, sont ceux qui se basent sur le principe, à travail égal salaire égal et non ceux qui distribuent des bénéfices à des employés exerçant dans des entreprises déficitaires.
      Les travailleurs du service public, voyant leurs emplois préservés, rares sont ceux qui accomplissent les 8 heures de travail par jour, l'absentéisme est très élevé, et même quand ils sont sur les lieux de travail, ils n'accomplissant pas intégralement leur devoir. À cause des faibles salaires qu'ils perçoivent, les Algériens honnêtes, qui maintiennent d’ailleurs le pays debout, exercent, après les horaires de travail, en enfreignant la loi, des boulots de second plan pour arrondir les fins de mois. Il clair qu’un travailleur qui fait 16 heures de boulot par jour ne peut se donner entièrement à son travail le lendemain et voit sa production et sa productivité diminuer. Même en procédant de la sorte, ils ne peuvent satisfaire entièrement les besoins de leurs familles ; c’est la solidarité des membres de cette dernière qui leur permet de vivre, voire même de survivre.
      Il est rapporté que même les entreprises étrangères sont sommées de ne pas octroyer à leurs ouvriers, non qualifiés, plus que le SNMG national, c’est ce que m’ont rapporté des personnes travaillant dans le secteur du bâtiment, avec une entreprise chinoise. Quand on voit les malfaçons dans les constructions de l’AADL, de l’ENPI et des OPGI, réalisées, en sous-traitance, par ces entreprises, on ne peut que constater les dégâts d’une telle politique, qui pourrait conduire le pays au chaos.
      En Algérie, on a souvent oublié que c’est l’homme qui crée la richesse par sa force de travail, son esprit d’innovation et sa capacité de création, qui ne s’expriment entièrement que lorsqu’il est placé dans de bonnes conditions de travail. Parmi celles-ci, un salaire suffisant qui lui permet de vivre de manière digne et décente loin de toute pression psychologique qui réduit ses capacités morales et intellectuelles. Il ne s’agit pas simplement de produire, mais de le faire avec une intuition créatrice qui intègre l’intelligence fabricatrice, l’instinct générateur de la perfection et le génie. Malheureusement, ces notions ont souvent échappé aux décideurs qui croyaient que la mise en place d’équipements et la fourniture de postes de travail suffisaient à eux seuls pour que l’économie soit créatrice de richesse et d’emplois et ils ont omis le côté humain, particulièrement dans sa composante social et sociologique. Même les énormes efforts consentis dans la formation des hommes, n’ont pas pu apporter les solutions requises pour une économie performante créatrice de richesses et d’emplois. L’élément stimulateur n’ayant pas été de mise, on a continué à prêcher dans un océan de solutions sans s’attaquer au véritable problème que constitue le pouvoir d’achat des travailleurs. Au lieu de se consacrer à leur travail avec toutes leurs capacités intellectuelles et créatives, ces derniers se morfondaient dans l’attente d’une amélioration de leur vie quotidienne tout en cherchant les moyens de l’améliorer. Si la très grande majorité effectue des emplois parallèles, avec ce que cela implique comme infractions à la loi algérienne sur le travail.
      Le non accomplissement de la durée réglementaire quotidienne de travail pèse également sur la production et la productivité des travailleurs car rares sont ceux du secteur public qui accomplissent les huit heures de travail par jour. Ils utilisent tous les subterfuges possibles et imaginables (prière, pause-café, discussions stériles entre employés, les courses d’approvisionnement, le règlement d’affaires administratives et familiales, etc.) ; ajouter à cela l’absentéisme, les congés de maladie fictifs, la participation aux fêtes et aux cérémonies mortuaires entre autres.
      Malgré la descente aux enfers de l’économie algérienne, le génie des décideurs n’a, à aucun moment, été utilisé pour résoudre le problème et améliorer les conditions d’existence de la majorité des Algériens afin de les écarter des soucis sociaux et les rendre productifs, innovateurs et créateurs de richesses. Il a plutôt été utilisé pour leur faire voir des mirages qui les rendent plus assoiffés qu’ils ne l’étaient auparavant, alors que le pays traversait, à un certain moment, une période faste en matière de liquidités financières. Ces moyens qui ont servi une classe de gouvernants, les membres de leurs familles et des oligarques sans scrupules qui ont amassé des fortunes, placées dans des paradis fiscaux et ruiné par là même le pays. C’est ce qu’ont révélé d’ailleurs les derniers scandales post-Hirak, impliquant de très hauts gradés de l’armée, des très hauts fonctionnaires de l’État et des oligarques, privilégiés du système.
      La situation économique de l’Algérie d’aujourd’hui est la résultante de toutes les manœuvres malsaines de certains responsables qui ne cherchaient que l’intérêt personnel, familial et même tribal au lieu de servir un peuple et une nation qui leur ont fait confiance et qui leur ont tout donné. Ils ont même parfois était au service de pays étrangers. La mise à mal de leur notoriété ne peut maintenant réparer tout le préjudice qu’ils ont fait au pays. Il faudrait plusieurs années, voire des décennies pour redresser la situation, faudrait-il que la situation économique du pays le permet. Un travail de très longue haleine est nécessaire pour changer le cours des événements et remettre le pays sur la voie de la création, de la créativité et du développement. Pour y arriver, il faut beaucoup plus investir sur l’homme, seul à même de faire avancer le pays dans le sens du développement et de la prospérité. Cet investissement doit commencer par l’éducation civique et morale, que l’école doit enseigner à nos enfants, compléter par des formations solides sur les plans scientifique et technique pour les préparer aux défis de demain.
      Des réformes profondes doivent être entreprises dans ce secteur-clé de structuration et de développement d’une société. Un changement des mentalités allant dans le sens : - du respect des lois de la république ; - de la considération envers autrui ; - de l’amour de la nation et de la protection de son patrimoine ; - l’inviolabilité de la propriété privée est à rechercher. Dans ce cadre, l’État doit œuvrer pour : - instaurer une véritable égalité des chances ; - la reconsidération des échelles de valeur ; - la valorisation du travail par des salaires qui assurent un pouvoir d’achat à toutes les catégories sociales ; - une justice équitable pour tous ; - l’élimination des passe-droits ; - la promotion du mérite. La mise œuvre de ces mesures rendra confiance aux citoyens qui se mettraient à servir la nation au lieu de se servir ; tout en installant un climat de confiance entre le gouvernant et le gouverné. Cela créera également une compétition entre les Algériens pour l’acquisition du savoir et la possibilité de se faire distinguer. En outre, la citoyenneté deviendra effective et la protection du patrimoine sera une affaire de tous. L’égoïsme individuel cédera la place à l’œuvre communautaire, ce qui profitera à la nation tout entière.
      L’État doit assumer avec rigueur ses fonctions régaliennes, particulièrement celles liées à la sécurité. Sa crédibilité dépendra également des mesures qu’elle prendra en matière de protection des citoyens et de leurs biens ainsi que la mise à leur disposition de services efficaces dans les domaines de la santé, l’administration, l’éducation et l’environnement. Une justice équitable et applicable à tous sans distinction de rang et une lutte implacable contre la corruption et la fraude fiscale rétabliraient très certainement l’autorité de l’État et la confiance que lui devront les citoyens.
      B. C.

      (*) Ex-vice-président de l’Assemblée populaire nationale, ex-président de la Commission permanente de l’économie rurale, de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement du Parlement panafricain.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        En effet, quand on examine ces chiffres de près, on constate qu’avant 1990, le smicard percevait l’équivalent 476,19 dollars/mois (parité dinar-dollar US : 4,2 DA pour 1 dollar). En juillet 1991, ce salaire est passé à 207,98 dollars (parité dinar-dollar US : 12,02 dinars pour 1 dollar) il a donc été divisé par 2,3 fois. En 1997, le salaire mensuel du smicard est passé à 83,17 dollars (parité dinar-dollar US : 57,71 dinars pour 1 dollar) encore une fois le pouvoir d’achat du smicard est réduit de 2,5 fois. L’augmentation du SNMG à 12 000 DA a permis aux smicards d’avoir un salaire de 173 dollars/mois en 2007 (parité dinar-dollar US : 69,36 dinars pour 1 dollar US) 2,75 fois moins que le salaire qu’il percevait à la fin des années 1980. Depuis aucune évolution notable n’a été enregistrée dans le SNMG ; il a été de 165,19 dollars en 2009 (1 dollar=72,64 dinars) ; en 2013, il est descendu à 151,17 dollars (1 dollar US=79,38 dinars) ; en 2015, il enregistre une légère augmentation pour atteindre 179,19 dollars US (1 dollar US=100,45 dinars). Actuellement le SNMG équivaut 140,23 dollars (1 dollar US=128,37 dinars), il a donc diminué de 38,96 dollars par rapport à 2015.
        ’Avant 1990, le smicard percevait l’équivalent 476,19 dollars/mois. Actuellement le SNMG équivaut 140,23 dollars.
        Un des plus bas SMIG au monde.

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