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LA CÔTE OUEST DE BÉJAÏA DÉFIGURÉE- L’envers du décor

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  • LA CÔTE OUEST DE BÉJAÏA DÉFIGURÉE- L’envers du décor

    © Liberté
    Des initiatives sont à inscrire à l’actif des animateurs associatifs de la région qui s’emploient à nettoyer les plages.

    En ce début du mois de septembre, la plage de Boulimat, côte ouest de Béjaïa, était à peine remplie, comme à son accoutumée. Les fortes pluies qui se sont abattues sur le chef-lieu de la wilaya de Béjaïa et son arrière-pays mercredi en début de matinée ont fini par dissuader beaucoup d’estivants. Seuls les téméraires s’y étaient aventurés, advienne que pourra. Et ils avaient bien vu. Le temps s’est éclairci et le soleil est venu à bout de cet orage, venu annoncer l’arrivée de l’été indien. Les vacanciers ont pu observer un redoux des températures.

    Mais dès que le thermomètre s’est mis à grimper, on a assisté, depuis la fin de matinée, au rush habituel des estivants à bord de voitures de toutes marques et immatriculées dans les 48 wilayas sur cette RN24 devenue impraticable par endroits. Période chargée, mais moins que les semaines précédentes. “Aujourd’hui, je peux vous assurer que l’on respire”, a assuré Khadidja. Et pour cause : “D’habitude, on roule parechoc contre parechoc.”

    Elle en a profité pour évoquer certains automobilistes qui, par leur conduite dangereuse, “sont à l’origine des bouchons et parfois malheureusement des accidents. Ils ne respectent ni le code de la route ni les règles de bonne conduite. Dieu merci, aujourd’hui, ce n’est pas le cas”. Propos affirmés par M. Allaoua Bendif, docteur en psychologie clinique, dans Violences algériennes, paru il y a quelques mois chez Koukou Éditions.

    “Les chiffres accablants de l’accidentologie routière n’ont pas cessé et leur cause majeure reste l’incivisme au volant, le non-respect du code de la route et le non-respect de la vie d’autrui.” Hamid, habitué de cette portion de route, l’a constaté lui aussi : “Il y a bien plus de voitures ces dernières semaines.” Une impression que partage Mourad, gérant d’une agence immobilière : “Aujourd’hui, il y a eu moitié moins de trafic que les jours précédents, mais ça reprend, surtout que le soleil commence à taper.” La RN24, qui relie Béjaïa à Alger via Azeffoun, connaît, selon lui, de “fréquents embouteillages estivaux”, comme c’était le cas les saisons estivales précédentes. Peut-être davantage en raison du déconfinement.

    Dans l’un des parkings de Boulimat, Aziz vient de garer sa voiture, immatriculée à Batna – un parking, pour une fois, presque vide. À la vue de ces tables et parasols inoccupés, il s’est mis à frotter les mains. “Vous avez vu, la plage est presque vide. Mais les gens ne vont pas tarder à arriver”, pronostique-t-il. “J’ai découvert Boulimat il y a cinq ans. Je viens en famille pour une semaine ou deux en fonction des opportunités. Les loyers n’ont pas tellement grimpé cette année.”

    Autre rencontre, fortuite, celle de Smaïl, originaire de Boumerdès, venu récupérer de sa voiture les couches de sa fille de deux ans. “On a loué un appartement à Saket, mais on aime venir à Boulimat pour la baignade.”
    En déclinant notre identité, il s’est empressé de nous faire part d’une conduite pleine d’incongruités à la plage de Boulimat. “Que l’on soit équipé ou non de parasols et de chaises, on nous oblige à louer des tables, installées tout le long de la plage, censée être réservée aux baigneurs.” Le plus grave, a témoigné Smaïl Hassissène, vice-président de l’association écologique Nemla (fourmi), “ils ne sont jamais inquiétés.

    Au lieu d’avoir un box à l’écart pour louer tables, parasols et chaises aux estivants, comme l’exige la loi – il y a même un arrêté de l’APC de Béjaïa qui est reconduit chaque année. Mais personne ne veille à son respect – ils installent abusivement leur matériel tout au long de la plage, car ils sont plusieurs”. Et de s’interroger : “Jusqu’à quand durera leur diktat.” Par la même occasion, Smaïl Hassissène a posé un autre problème, plus sérieux : l’accès à Nizla, la petite île, appelée aussi l’île des Pisans, qui reçoit, selon lui, “plus de visiteurs alors qu’elle fait partie d’une aire maritime protégée”.

    On y vient, selon lui, à bord de toutes sortes d’embarcations. Ces virées nautiques par des groupes de jeunes ont “un impact négatif sur l’écosystème fragile de l’îlot”, a-t-il expliqué. Il a expliqué qu’à force d’organiser ces escales intempestives – et quotidiennement *— sur cette petite île, “ces gens agressent cet écosystème fragile”. Comment ? En y laissant, ajoutera-t-il, “toutes sortes de détritus, de l’emballage (bouteilles de bière, canettes), des bouteilles en plastique, etc., alors qu’il s’agit d’un site à protéger”.

    On apprend que son association avec ses partenaires dont des institutionnels, à l’instar du Commissariat national du littoral (CNL), travaillent dans le sens d’interdire l’accès à Nizla au grand public et de le réserver exclusivement à des missions scientifiques et éducatives. D’où l’appel adressé aux autorités locales, plus singulièrement aux garde-côtes, afin d’intervenir et surtout d’appliquer la loi, du moment que cet espace maritime est censé être protégé.

    En effet, l’îlot en question a bénéficié en août 2017 d’une mission scientifique, “engagée par le Commissariat national du littoral dans le cadre de la 1re Semaine nationale de la mer”. L’activité consiste à faire une observation ornithologique (science relative à l’étude des oiseaux) et à établir des inventaires des peuplements marins et sous-marins qui évoluent dans cet environnement. L’île des Pisans ou Nizla servait naguère pour les autochtones à la mise en quarantaine de leurs bétails malades, suite notamment à la propagation rapide de maladies contagieuses.

    Après la période requise des 40 jours, ils partent à bord de barques ou de bateaux, c’est en fonction du poids de leurs animaux domestiques, récupérer les plus coriaces d’entre eux, c’est-à-dire ceux ayant survécu à la maladie. Dans un passé récent, de jeunes baigneurs se lançaient des défis, celui de rejoindre à la nage l’île des Pisans et de revenir jusqu’au point de départ. Les plus fatigués acceptaient volontiers de revenir à bord d’embarcation. Nizla a été depuis toujours visitée par des estivants à bord de petits bateaux ou de barques.

    Plages et routes, véritables des déchetteries
    Autre problème soulevé par un amoureux de la nature, Zahir, les déchets laissés quotidiennement sur les plages béjaouies et algériennes d’une manière générale, au lieu d’être jetés à la poubelle. En effet, de nombreuses “destinations” pâtissent de cette pollution. C’est le cas, a constaté notre écologiste, de la plage de Boulimat. Jusqu’à présent, ajoutera-t-il, “il n’est pas évident de poser sa serviette sur cette plage, notamment en période de grand rush, surtout les week-ends, en raison de la présence d’autres groupes de vacanciers et de la présence de déchets”.

    Il faut désormais, a-t-il ajouté, “faire attention aux sacs en plastique, aux bouteilles et autres mégots laissés sur le sable”. Il y a bien eu des initiatives à inscrire à l’actif des animateurs associatifs de la région, qui nettoient très tôt le matin les plages. Mais elles sont salies très vite, à mesure de l’arrivée des estivants. Il n’y a “rien de plus efficace que d’aller ramasser les ordures qui polluent les plages”, a indiqué Zahir.

    Il a révélé en outre que les personnes qui participent aux opérations de nettoyage ont un sentiment gratifiant “de faire quelque chose d’utile pour la communauté et d’avoir ensuite le plaisir simple de se balader en bord de mer et de faire de l’exercice pour les férus de sport”. Mais leur disponibilité n’est pas toujours évidente.

    Plus encore, si au niveau des plages il est possible d’intervenir et d’y faire face – grâce notamment à la mobilisation de volontaires, jeunes et moins jeunes *–, ce n’est pas le cas sur la route. En effet, des deux côtés de la RN24, des immondices (ordures ménagères et débris de toutes sortes) sont jetées.

    “Avec l’incivisme, on se retrouve avec des bouteilles de bière, des bouteilles de plastique quasiment tout le long de la route”, a dénoncé Malek, un habitant du douar Aït Timsyet. S’il est vrai que les éléments des services de sécurité mais aussi ceux de la Protection civile (les maîtres nageurs en l’occurrence), mobilisés depuis la récente ouverture de la saison estivale sur le littoral béjaoui, veillent à la sécurité des vacanciers sur les plages, ils peinent à faire respecter la distanciation sociale face au rush des estivants.

    “Il y a tellement de monde ici à Boulimat qu’il est difficile de faire respecter la distanciation physique. Mais sur d’autres plages, Laach Lvaz, Tighremt, Timridjine, Oued Dass, Aït Mendil ou Beni Ksila, celle-ci se pratique normalement, surtout les jours de semaine où il y a moins de monde par rapport au week-end”, a indiqué Samira, une habitante de Béjaïa, rencontrée sur la route de Boulimat.

    “Aujourd’hui, je ne vais pas à la plage, car j’ai préféré faire sortir ma mère, malade. Elle a besoin de changer d’air. On s’est arrêté à Sahel, une plage de galets, où on a pris des photos souvenirs. On va poursuivre jusqu’à Saket où on essayera de manger du poisson frais. Il est 13h30, ma mère commence à avoir faim.”


    Reportage réalisé par : Moussa OUYOUGOUTE
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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