Par : MOHAMED BOUCHAKOUR
PRÉSIDENT EVALDZ
Introduction
Le 25 septembre 2015, après deux années de négociations, l’AG des Nations unies a adopté un programme intégré pour le développement durable à l’horizon 2030. La mise en œuvre de ce programme, dénommé également Agenda 2030, est en train de boucler son premier quinquennat ; une occasion de prendre du recul et de se demander où en est le processus et comment tirer le meilleur parti de la décennie à venir. Tel est l’objet de la présente contribution dont le but reste cependant très modeste. Il s’agit plus ici de proposer quelques idées destinées à relancer un débat qui n’a pas, jusque-là, retenu l’attention qu’il méritait que de fournir une évaluation d’étape en bonne et due forme.
Quelques rappels utiles
À la différence du programme des OMD qui n’étaient qu’au nombre de 8 et tournés vers la lutte contre la pauvreté au sein des pays en développement, les ODD concernent l’ensemble des pays et sont au nombre de 17, décomposés en 169 cibles (ou sous-objectifs) portant sur un spectre de domaines désignés par les “5 P”.
Les 17 objectifs de développement durable
Peuple
ODD 1. Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde.
ODD 2. Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition, etc.
ODD 3. Assurer une vie saine et promouvoir le bien-être pour tous à tous les âges.
ODD 4. Assurer une éducation de qualité inclusive et équitable, etc.
ODD 5. Réaliser l’égalité du genre et l’autonomisation des femmes et des filles.
Planète
ODD 6. Assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et l’assainissement pour tous.
ODD 12. Assurer des modes de consommation et de production durables.
ODD 13. Prendre des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique et ses impacts.
ODD 14. Conserver et utiliser durablement les océans, les mers et les ressources marines, etc.
ODD 15. Protéger, restaurer et promouvoir l’utilisation durable des écosystèmes terrestres, etc.
Prospérité
ODD 7. Assurer l’accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous.
ODD 8. Promouvoir une croissance économique soutenue, inclusive et durable, etc.
ODD 9. Construire une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation inclusive et durable.
ODD 10. Réduire les inégalités dans et entre les pays.
ODD 11. Rendre les villes et les établissements humains inclusifs, sûrs, résilients et durables.
PAIX
ODD 16. Promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, permettre un accès à la justice pour tous et bâtir des institutions efficaces, redevable et inclusives à tous les niveaux.
Partenariats
ODD 17. Renforcer les moyens de mise en œuvre et de revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable.
De plus, l’Agenda 2030 a introduit quatre grands principes auxquels chaque pays est invité à veiller :
•ne pas se contenter d’atteindre les ODD à l’échelle nationale, mais viser l’élimination des disparités internes à chaque pays ;
•assurer un suivi et une évaluation sur la base d’un référentiel d’indicateurs embarqué dans le programme dès son lancement ;
•impliquer de manière pleine et entière la société civile comme actrice et partie prenante dans la mise en œuvre des ODD, leur suivi et leur évaluation ;
•rendre compte publiquement de la mise en œuvre du programme et de ses résultats, à travers la publication régulière de revues nationales volontaires (RNV).
Le champ couvert par l’Agenda 2030 est donc plus large et plus complet, ses défis plus complexes et plus exigeants.
•Quelques éléments d’appréciation sur le quinquennat 2015-2020
Plusieurs enseignements ressortent explicitement ou implicitement des nombreuses RNV rendues publiques au cours de ces 2 ou 3 dernières années. Dans l’ensemble, on peut retenir que ce premier quinquennat a été consacré au démarrage du programme, mais surtout que les tâtonnements et les tâches à caractère préparatoire se sont accaparé une grande partie des efforts et du temps, ceci aussi bien au niveau des pays qu’au niveau des appuis techniques attendus du Système des Nations unies.
Ces tâches ont été principalement au nombre de trois : (i) l’appropriation du programme par les pays (entendre par là sa compréhension et son assimilation) ; (ii) l’adaptation et l’intégration des ODD et de leurs cibles dans les politiques publiques ; (iii) la construction au sein des systèmes nationaux d’information de la plateforme de suivi et d’évaluation dédiée aux ODD.
Il faut admettre que du fait de la nouveauté du programme et de sa complexité (conceptuelle, institutionnelle, instrumentale), la réalisation des tâches préparatoires fut laborieuse en particulier dans les pays en développement. En parallèle, les politiques publiques ont continué à suivre leur cours et à “donner ce qu’elles ont” en matière de développement durable. Un grand nombre de pays ont publié leurs RNV dont l’Algérie.
La fin du premier quinquennat a été fortement perturbée par la pandémie de Covid-19 qui a sévi partout dans le monde à partir de la fin du 1er trimestre 2020. Il a même été relevé que de précieux progrès accomplis en matière de pauvreté, de soins de santé ou encore d’éducation ont été inversés. Il y aura un avant et un après Covid et l’Agenda 2030 devra compter avec. Quelles que soient les incertitudes, on est tenté de considérer que l’étape préparatoire est pratiquement terminée et que même si, à la marge, certains ajustements ponctuels ou permanents restent encore à opérer, il est grand temps de passer à l’étape suivante, celle de la montée en puissance dans la mise en œuvre effective des ODD. Mais les choses ne sont pas aussi simples.
•La ligne droite des 10 prochaines années
En septembre 2019, le Secrétaire général des Nations unies a lancé dans un langage franc et direct : “Nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs.” Il pointait du doigt la contrainte du financement, en particulier dans les pays en voie de développement. Pour ces seuls pays, les besoins s’élèveraient, selon les estimations du Pnud, à 2500 milliards de dollars par an.
Certes, la question du financement des ODD est cruciale pour le succès de l’Agenda 2030. Mais elle n’est malheureusement pas la seule. Elle représente l’arbre qui cache la forêt. Les enseignements qui ressortent des premiers RNV rendues publiques et des nombreux travaux émanant d’experts et d’institutions internationales, révèlent que derrière les tâches préparatoires menées depuis 2015 se dissimulaient un ensemble de problématiques fondamentales qui restent toujours en suspens. Ces problématiques étaient déjà sous-jacentes lors de la conception du programme des ODD, mais elles n’ont pas, semble-t-il, fait l’objet de toute l’attention voulue à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, il n’a pas été prévu des accompagnements à la mesure de leur poids et de leur complexité.
PRÉSIDENT EVALDZ
Introduction
Le 25 septembre 2015, après deux années de négociations, l’AG des Nations unies a adopté un programme intégré pour le développement durable à l’horizon 2030. La mise en œuvre de ce programme, dénommé également Agenda 2030, est en train de boucler son premier quinquennat ; une occasion de prendre du recul et de se demander où en est le processus et comment tirer le meilleur parti de la décennie à venir. Tel est l’objet de la présente contribution dont le but reste cependant très modeste. Il s’agit plus ici de proposer quelques idées destinées à relancer un débat qui n’a pas, jusque-là, retenu l’attention qu’il méritait que de fournir une évaluation d’étape en bonne et due forme.
Quelques rappels utiles
À la différence du programme des OMD qui n’étaient qu’au nombre de 8 et tournés vers la lutte contre la pauvreté au sein des pays en développement, les ODD concernent l’ensemble des pays et sont au nombre de 17, décomposés en 169 cibles (ou sous-objectifs) portant sur un spectre de domaines désignés par les “5 P”.
Les 17 objectifs de développement durable
Peuple
ODD 1. Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde.
ODD 2. Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition, etc.
ODD 3. Assurer une vie saine et promouvoir le bien-être pour tous à tous les âges.
ODD 4. Assurer une éducation de qualité inclusive et équitable, etc.
ODD 5. Réaliser l’égalité du genre et l’autonomisation des femmes et des filles.
Planète
ODD 6. Assurer la disponibilité et la gestion durable de l’eau et l’assainissement pour tous.
ODD 12. Assurer des modes de consommation et de production durables.
ODD 13. Prendre des mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique et ses impacts.
ODD 14. Conserver et utiliser durablement les océans, les mers et les ressources marines, etc.
ODD 15. Protéger, restaurer et promouvoir l’utilisation durable des écosystèmes terrestres, etc.
Prospérité
ODD 7. Assurer l’accès à une énergie abordable, fiable, durable et moderne pour tous.
ODD 8. Promouvoir une croissance économique soutenue, inclusive et durable, etc.
ODD 9. Construire une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation inclusive et durable.
ODD 10. Réduire les inégalités dans et entre les pays.
ODD 11. Rendre les villes et les établissements humains inclusifs, sûrs, résilients et durables.
PAIX
ODD 16. Promouvoir des sociétés pacifiques et inclusives pour le développement durable, permettre un accès à la justice pour tous et bâtir des institutions efficaces, redevable et inclusives à tous les niveaux.
Partenariats
ODD 17. Renforcer les moyens de mise en œuvre et de revitaliser le partenariat mondial pour le développement durable.
De plus, l’Agenda 2030 a introduit quatre grands principes auxquels chaque pays est invité à veiller :
•ne pas se contenter d’atteindre les ODD à l’échelle nationale, mais viser l’élimination des disparités internes à chaque pays ;
•assurer un suivi et une évaluation sur la base d’un référentiel d’indicateurs embarqué dans le programme dès son lancement ;
•impliquer de manière pleine et entière la société civile comme actrice et partie prenante dans la mise en œuvre des ODD, leur suivi et leur évaluation ;
•rendre compte publiquement de la mise en œuvre du programme et de ses résultats, à travers la publication régulière de revues nationales volontaires (RNV).
Le champ couvert par l’Agenda 2030 est donc plus large et plus complet, ses défis plus complexes et plus exigeants.
•Quelques éléments d’appréciation sur le quinquennat 2015-2020
Plusieurs enseignements ressortent explicitement ou implicitement des nombreuses RNV rendues publiques au cours de ces 2 ou 3 dernières années. Dans l’ensemble, on peut retenir que ce premier quinquennat a été consacré au démarrage du programme, mais surtout que les tâtonnements et les tâches à caractère préparatoire se sont accaparé une grande partie des efforts et du temps, ceci aussi bien au niveau des pays qu’au niveau des appuis techniques attendus du Système des Nations unies.
Ces tâches ont été principalement au nombre de trois : (i) l’appropriation du programme par les pays (entendre par là sa compréhension et son assimilation) ; (ii) l’adaptation et l’intégration des ODD et de leurs cibles dans les politiques publiques ; (iii) la construction au sein des systèmes nationaux d’information de la plateforme de suivi et d’évaluation dédiée aux ODD.
Il faut admettre que du fait de la nouveauté du programme et de sa complexité (conceptuelle, institutionnelle, instrumentale), la réalisation des tâches préparatoires fut laborieuse en particulier dans les pays en développement. En parallèle, les politiques publiques ont continué à suivre leur cours et à “donner ce qu’elles ont” en matière de développement durable. Un grand nombre de pays ont publié leurs RNV dont l’Algérie.
La fin du premier quinquennat a été fortement perturbée par la pandémie de Covid-19 qui a sévi partout dans le monde à partir de la fin du 1er trimestre 2020. Il a même été relevé que de précieux progrès accomplis en matière de pauvreté, de soins de santé ou encore d’éducation ont été inversés. Il y aura un avant et un après Covid et l’Agenda 2030 devra compter avec. Quelles que soient les incertitudes, on est tenté de considérer que l’étape préparatoire est pratiquement terminée et que même si, à la marge, certains ajustements ponctuels ou permanents restent encore à opérer, il est grand temps de passer à l’étape suivante, celle de la montée en puissance dans la mise en œuvre effective des ODD. Mais les choses ne sont pas aussi simples.
•La ligne droite des 10 prochaines années
En septembre 2019, le Secrétaire général des Nations unies a lancé dans un langage franc et direct : “Nous ne sommes pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs.” Il pointait du doigt la contrainte du financement, en particulier dans les pays en voie de développement. Pour ces seuls pays, les besoins s’élèveraient, selon les estimations du Pnud, à 2500 milliards de dollars par an.
Certes, la question du financement des ODD est cruciale pour le succès de l’Agenda 2030. Mais elle n’est malheureusement pas la seule. Elle représente l’arbre qui cache la forêt. Les enseignements qui ressortent des premiers RNV rendues publiques et des nombreux travaux émanant d’experts et d’institutions internationales, révèlent que derrière les tâches préparatoires menées depuis 2015 se dissimulaient un ensemble de problématiques fondamentales qui restent toujours en suspens. Ces problématiques étaient déjà sous-jacentes lors de la conception du programme des ODD, mais elles n’ont pas, semble-t-il, fait l’objet de toute l’attention voulue à ce moment-là. Quoi qu’il en soit, il n’a pas été prévu des accompagnements à la mesure de leur poids et de leur complexité.
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