Publié par Abla Chérif - Le Soir d'Algérie
L’enquête diligentée dans l’affaire Tayeb Louh a pris fin. Elle a établi, prouvé l’existence de véritables réseaux chargés d’orienter le cours de certains dossiers sensibles, en exerçant des pressions terribles sur des magistrats qui n’ont pas hésité à témoigner contre leur ancien ministre. Certains d’entre eux ont décidé de se porter partie civile lors du procès où est également attendu le témoignage accablant de l’ex-secrétaire général du ministère de la Justice.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le témoignage que le SG a livré aux enquêteurs est lourd, très compromettant. Fin analyste, il parvient à résumer en quelques phrases le «système» mis en place par Louh, ses rouages, ses raisons et ses terribles conséquences sur le fonctionnement de la justice. Il dresse d’emblée le décor en affirmant que «tous les magistrats savent parfaitement de quelle manière se déroulaient les nominations à cette époque… en fonction de leur proximité et leur fidélité au ministre». Une situation qui lui déplaisait, et dont il s’était éloigné, soutient-il, tout en affirmant que 80% des instructions de Louh étaient véhiculées par l’inspecteur général du ministère de la Justice. Il avoue en avoir été témoin, car certains de ces ordres ont été donnés de son bureau. Des exemples sont cités.
Législatives 2017 à Ghardaïa : le président de la cour muté pour ne pas avoir appliqué les instructions de Louh
Le premier concerne l’immixtion prouvée du ministère durant les législatives de 2017. Tayeb Louh était à l’époque contrarié par un problème survenu dans cette wilaya sensible, où le président de la cour refusait d’obtempérer aux instructions qui lui venaient d’Alger. Le problème ? Il concerne une ancienne membre du comité central du FLN, tendance hostile à Djamel Ould Abbès, qui a déposé après les délais son dossier de candidature, dans les listes des indépendants. Aux enquêteurs, la concernée affirme ne jouir d’aucune immunité et que son seul tort est d’avoir pris du retard dans la collecte de signatures. Bizarrement, celle-ci reçoit le soutien du ministère, du ministre lui-même qui agit via le secrétaire général afin de solutionner rapidement ce problème.
D’anciens hauts responsables de ce ministère affirment que ce SG disait que le «président de la Cour de Ghardaïa avait créé un problème en refusant d’appliquer les directives de Louh, ce qui n’avait pas lieu d’être», martèle-t-il car, leur disait-il, «il avait un avenir politique personnel qui s’inscrivait dans la réussite du cinquième mandat».
Dans ses réponses aux enquêteurs, l’ex-SG du ministère de la Justice résume la situation, en affirmant que «les principaux ministres de cette époque travaillaient en perspective du cinquième mandat, et que l’opération se déroulait entre le ministère de la Justice et le Premier ministre Ouyahia.
Le ‘’problème’’ de Ghardaïa entre justement dans ce cadre. Les signatures amassées pour lui permettre un poste à la députation allaient en fait être aussi utilisées durant la collecte de signatures qui allait se dérouler pour le cinquième mandat». En colère, Tayeb Louh demande à ses collaborateurs de joindre le président de la Cour de Ghardaïa. Contraints d’obéir aux ordres, ils s’exécutent. Face au refus de ce dernier, l’inspecteur général du ministère de la Justice profère des menaces et demande à la concernée de saisir la chambre d’accusation.
Des instructions ont été données là aussi pour que l’affaire se dénoue en sa faveur. Le président de la Cour de Ghardaïa est muté, et les magistrats qui l’avaient soutenu sanctionnés. Interrogé sur ce sujet, le fameux ex-secrétaire général du ministère avoue : «Le ministre m’a appelé pour me demander de lui amener les documents récoltés par la candidate à Ghardaïa.»
Renouvellement du Sénat en 2015 : des magistrats attaqués au taser
Tous les magistrats questionnés durant l’enquête, ils sont au nombre de neuf, attestent du rôle terrible joué par cet inspecteur qui affirme, lui, n’avoir fait qu’exécuter la feuille de route de Tayeb Louh. Son nom est évoqué par tous les juges et procureurs mis sous enquête. L’une des magistrates victime de ses pratiques a décidé de se porter partie civile dans cette affaire. Son nom ne pourra être dévoilé avant le procès. Son histoire a fait grand bruit parmi ses collègues. Chargée de trancher lors d’une plainte déposée par la SNVI contre Mahieddine Tahkout, elle s’est retrouvée, selon ses dires, prise dans une très grande tourmente, sous de très grosses pressions exercées par le SG du ministère pour que justice soit rendue en faveur de Tahkout. «C’est l’un des financiers du cinquième mandat, à tes risques et périls», lui lance le collaborateur de Tayeb Louh lorsqu’il apprend que cette magistrate avait décidé de ne pas appliquer ses directives. Durant la même période, un autre contentieux oppose Tahkout à la Sonacome, le même scénario se répète.
La magistrate décide de débouter Tahkout. Des magistrats acquis au SG et Tayeb Louh lui mènent la vie dure. Le SG met aussi ses menaces à exécution. Il la dégrade, la nomme conseillère, une fonction qui lui ôte la possibilité d’agir dans cette affaire, et la mute à Chlef avec un salaire largement amputé.
Le contentieux avec la SNVI n’était rien d’autre qu’un différend pour un terrain où Tahkout garait ses bus. La juge affirme que toutes les instructions venaient de Louh et de la présidence de la République. Le juge qui la remplace subit des pressions similaires et raconte dans les mêmes termes les propos menaçants du SG du ministère : «Il finance le cinquième mandat, il faut l’aider.» Durant son audition, Mahieddine Tahkout nie tous les faits qui lui sont reprochés. Il affirme ne pas avoir été en contact avec Tayeb Louh, et que son seul contact avec les ministres était Abdelmalek Sellal, qu’il appelait durant les fêtes religieuses.
Les faits de ce genre sont, malheureusement loin d’être isolés. En 2015, des magistrats concernés par l’opération du renouvellement partiel du membre du Sénat vivent des moments de terreur. Cinq juges se sont penchés sur des listes FLN lorsque des individus munis d’armes blanches défoncent la porte du bureau. L’un d’eux tente alors de prendre la fuite vers un étage supérieur mais il est rattrapé. Il subit une fouille corporelle, il est battu, subit des violences corporelles et reçoit des coups de pistolet électrique, (taser). En bas, ses collègues subissent aussi le supplice des tasers. Bizarrement, aucune enquête n’est ouverte. Le SG du ministère de la Justice affirme avoir été informé et avoir informé le ministre qui était déjà au courant ! Il avoue n’avoir dépêché aucune équipe pour enquêter sur l’affaire, car n’ayant pas reçu d’instruction en ce sens. «Je ne savais pas qu’un juge avait été frappé, qu’il avait subi une fouille corporelle et qu’on lui avait enlevé son téléphone portable. J’ignorais aussi que les juges qui se cachaient dans le bureau avaient reçu des charges électriques». Les propos tenus par Tayeb Louh durant l’enquête apportent des précisions supplémentaires.
À Tlemcen, fait savoir ce dernier, un juge a été enlevé de force de l’équipe chargée des élections. il s’est caché dans les toilettes de l’étage du dessus, et il a été menacé à l’arme blanche. Il affirme en avoir été informé par le procureur général de la cour de Tlemcen qui évoquait une querelle, et l’utilisation de tasers. «Ce rapport ne comportait pas le nom de mon neveu comme on le dit, il est membre du Conseil de la Nation, l’enquête n’a pas rendu ses conclusions à ce jour».
Des magistrats dégradés pour ne pas avoir aidé Haddad et Tahkout
Les résultats de l’enquête menée autour des réseaux de Tayeb Louh fait aussi ressortir l’absence de suites aux plaintes déposées par cinq juges ayant subi de grosses pressions pour intervenir en faveur «des hommes fortunés». L’un d’entre eux n’est autre que Ali Haddad.
Une magistrate témoigne avoir subi des pressions pour trancher en faveur de Haddad dans une affaire l’opposant à Saïd Allik. Durant son audition, l’ex-patron de l’ETRHB rappelle que Saïd Allik avait déposé une plainte contre lui. «Le club (l’USMAlger Ndlr )avait des problèmes d’argent et Allik voulait le racheter à 70%. Nommé DG, il voulait diriger comme il voulait, ce que je refusais. Il a menacé de se retirer et je ne me suis pas opposé, il a dit que j’allais le payer cher». Les propos de ces magistrats au sujet des interférences dans leurs affaires sont confirmés par l’ancien SG du ministère. Ce dernier va même plus loin, affirmant que la présidence de la République et Ahmed Ouyahia interféraient totalement dans le travail de la justice. «Ils appelaient les procureurs à intervenir en faveur de Tahkout et Haddad». Ouyahia est, quant à lui, accusé d’être aussi personnellement intervenu pour la libération d’une personne qui n’avait pas payé la pension alimentaire à son ex-épouse. Le magistrat interrogé à ce propos a, quant à lui, déclaré que le procédé était totalement illégal, car le mis en cause avait été incarcéré suite un procès en referee.
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L’enquête diligentée dans l’affaire Tayeb Louh a pris fin. Elle a établi, prouvé l’existence de véritables réseaux chargés d’orienter le cours de certains dossiers sensibles, en exerçant des pressions terribles sur des magistrats qui n’ont pas hésité à témoigner contre leur ancien ministre. Certains d’entre eux ont décidé de se porter partie civile lors du procès où est également attendu le témoignage accablant de l’ex-secrétaire général du ministère de la Justice.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Le témoignage que le SG a livré aux enquêteurs est lourd, très compromettant. Fin analyste, il parvient à résumer en quelques phrases le «système» mis en place par Louh, ses rouages, ses raisons et ses terribles conséquences sur le fonctionnement de la justice. Il dresse d’emblée le décor en affirmant que «tous les magistrats savent parfaitement de quelle manière se déroulaient les nominations à cette époque… en fonction de leur proximité et leur fidélité au ministre». Une situation qui lui déplaisait, et dont il s’était éloigné, soutient-il, tout en affirmant que 80% des instructions de Louh étaient véhiculées par l’inspecteur général du ministère de la Justice. Il avoue en avoir été témoin, car certains de ces ordres ont été donnés de son bureau. Des exemples sont cités.
Législatives 2017 à Ghardaïa : le président de la cour muté pour ne pas avoir appliqué les instructions de Louh
Le premier concerne l’immixtion prouvée du ministère durant les législatives de 2017. Tayeb Louh était à l’époque contrarié par un problème survenu dans cette wilaya sensible, où le président de la cour refusait d’obtempérer aux instructions qui lui venaient d’Alger. Le problème ? Il concerne une ancienne membre du comité central du FLN, tendance hostile à Djamel Ould Abbès, qui a déposé après les délais son dossier de candidature, dans les listes des indépendants. Aux enquêteurs, la concernée affirme ne jouir d’aucune immunité et que son seul tort est d’avoir pris du retard dans la collecte de signatures. Bizarrement, celle-ci reçoit le soutien du ministère, du ministre lui-même qui agit via le secrétaire général afin de solutionner rapidement ce problème.
D’anciens hauts responsables de ce ministère affirment que ce SG disait que le «président de la Cour de Ghardaïa avait créé un problème en refusant d’appliquer les directives de Louh, ce qui n’avait pas lieu d’être», martèle-t-il car, leur disait-il, «il avait un avenir politique personnel qui s’inscrivait dans la réussite du cinquième mandat».
Dans ses réponses aux enquêteurs, l’ex-SG du ministère de la Justice résume la situation, en affirmant que «les principaux ministres de cette époque travaillaient en perspective du cinquième mandat, et que l’opération se déroulait entre le ministère de la Justice et le Premier ministre Ouyahia.
Le ‘’problème’’ de Ghardaïa entre justement dans ce cadre. Les signatures amassées pour lui permettre un poste à la députation allaient en fait être aussi utilisées durant la collecte de signatures qui allait se dérouler pour le cinquième mandat». En colère, Tayeb Louh demande à ses collaborateurs de joindre le président de la Cour de Ghardaïa. Contraints d’obéir aux ordres, ils s’exécutent. Face au refus de ce dernier, l’inspecteur général du ministère de la Justice profère des menaces et demande à la concernée de saisir la chambre d’accusation.
Des instructions ont été données là aussi pour que l’affaire se dénoue en sa faveur. Le président de la Cour de Ghardaïa est muté, et les magistrats qui l’avaient soutenu sanctionnés. Interrogé sur ce sujet, le fameux ex-secrétaire général du ministère avoue : «Le ministre m’a appelé pour me demander de lui amener les documents récoltés par la candidate à Ghardaïa.»
Renouvellement du Sénat en 2015 : des magistrats attaqués au taser
Tous les magistrats questionnés durant l’enquête, ils sont au nombre de neuf, attestent du rôle terrible joué par cet inspecteur qui affirme, lui, n’avoir fait qu’exécuter la feuille de route de Tayeb Louh. Son nom est évoqué par tous les juges et procureurs mis sous enquête. L’une des magistrates victime de ses pratiques a décidé de se porter partie civile dans cette affaire. Son nom ne pourra être dévoilé avant le procès. Son histoire a fait grand bruit parmi ses collègues. Chargée de trancher lors d’une plainte déposée par la SNVI contre Mahieddine Tahkout, elle s’est retrouvée, selon ses dires, prise dans une très grande tourmente, sous de très grosses pressions exercées par le SG du ministère pour que justice soit rendue en faveur de Tahkout. «C’est l’un des financiers du cinquième mandat, à tes risques et périls», lui lance le collaborateur de Tayeb Louh lorsqu’il apprend que cette magistrate avait décidé de ne pas appliquer ses directives. Durant la même période, un autre contentieux oppose Tahkout à la Sonacome, le même scénario se répète.
La magistrate décide de débouter Tahkout. Des magistrats acquis au SG et Tayeb Louh lui mènent la vie dure. Le SG met aussi ses menaces à exécution. Il la dégrade, la nomme conseillère, une fonction qui lui ôte la possibilité d’agir dans cette affaire, et la mute à Chlef avec un salaire largement amputé.
Le contentieux avec la SNVI n’était rien d’autre qu’un différend pour un terrain où Tahkout garait ses bus. La juge affirme que toutes les instructions venaient de Louh et de la présidence de la République. Le juge qui la remplace subit des pressions similaires et raconte dans les mêmes termes les propos menaçants du SG du ministère : «Il finance le cinquième mandat, il faut l’aider.» Durant son audition, Mahieddine Tahkout nie tous les faits qui lui sont reprochés. Il affirme ne pas avoir été en contact avec Tayeb Louh, et que son seul contact avec les ministres était Abdelmalek Sellal, qu’il appelait durant les fêtes religieuses.
Les faits de ce genre sont, malheureusement loin d’être isolés. En 2015, des magistrats concernés par l’opération du renouvellement partiel du membre du Sénat vivent des moments de terreur. Cinq juges se sont penchés sur des listes FLN lorsque des individus munis d’armes blanches défoncent la porte du bureau. L’un d’eux tente alors de prendre la fuite vers un étage supérieur mais il est rattrapé. Il subit une fouille corporelle, il est battu, subit des violences corporelles et reçoit des coups de pistolet électrique, (taser). En bas, ses collègues subissent aussi le supplice des tasers. Bizarrement, aucune enquête n’est ouverte. Le SG du ministère de la Justice affirme avoir été informé et avoir informé le ministre qui était déjà au courant ! Il avoue n’avoir dépêché aucune équipe pour enquêter sur l’affaire, car n’ayant pas reçu d’instruction en ce sens. «Je ne savais pas qu’un juge avait été frappé, qu’il avait subi une fouille corporelle et qu’on lui avait enlevé son téléphone portable. J’ignorais aussi que les juges qui se cachaient dans le bureau avaient reçu des charges électriques». Les propos tenus par Tayeb Louh durant l’enquête apportent des précisions supplémentaires.
À Tlemcen, fait savoir ce dernier, un juge a été enlevé de force de l’équipe chargée des élections. il s’est caché dans les toilettes de l’étage du dessus, et il a été menacé à l’arme blanche. Il affirme en avoir été informé par le procureur général de la cour de Tlemcen qui évoquait une querelle, et l’utilisation de tasers. «Ce rapport ne comportait pas le nom de mon neveu comme on le dit, il est membre du Conseil de la Nation, l’enquête n’a pas rendu ses conclusions à ce jour».
Des magistrats dégradés pour ne pas avoir aidé Haddad et Tahkout
Les résultats de l’enquête menée autour des réseaux de Tayeb Louh fait aussi ressortir l’absence de suites aux plaintes déposées par cinq juges ayant subi de grosses pressions pour intervenir en faveur «des hommes fortunés». L’un d’entre eux n’est autre que Ali Haddad.
Une magistrate témoigne avoir subi des pressions pour trancher en faveur de Haddad dans une affaire l’opposant à Saïd Allik. Durant son audition, l’ex-patron de l’ETRHB rappelle que Saïd Allik avait déposé une plainte contre lui. «Le club (l’USMAlger Ndlr )avait des problèmes d’argent et Allik voulait le racheter à 70%. Nommé DG, il voulait diriger comme il voulait, ce que je refusais. Il a menacé de se retirer et je ne me suis pas opposé, il a dit que j’allais le payer cher». Les propos de ces magistrats au sujet des interférences dans leurs affaires sont confirmés par l’ancien SG du ministère. Ce dernier va même plus loin, affirmant que la présidence de la République et Ahmed Ouyahia interféraient totalement dans le travail de la justice. «Ils appelaient les procureurs à intervenir en faveur de Tahkout et Haddad». Ouyahia est, quant à lui, accusé d’être aussi personnellement intervenu pour la libération d’une personne qui n’avait pas payé la pension alimentaire à son ex-épouse. Le magistrat interrogé à ce propos a, quant à lui, déclaré que le procédé était totalement illégal, car le mis en cause avait été incarcéré suite un procès en referee.
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