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Bouteflika et la justice

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  • Bouteflika et la justice

    "Je ne crois pas à l'indépendance de la justice. La justice, c'est moi." C'est ainsi que s'est adressé Bouteflika un jour de l'an 2000 à son chef du gouvernement lorsque celui-ci lui remet le rapport du professeur Mohand Issad sur la réforme de la justice. La justice, c'est lui. Chikour. Et quand on touche à un de ses amis, il met cette justice au service du copain d'enfance d'Oujda. Une vraie mafia. Qu'on en juge.

    Mars 2013. La justice boucle son enquête sur le scandale de corruption lié la gestion de Sonatrach. Le juge qui s'est rendu en Suisse et en Italie a cumulé assez de preuves pour poursuivre Chakib Khelil, sa femme, leurs deux enfants et d'autres encore. Dans ce dossier, le FBI a pleinement coopéré avec les Algériens.

    Mars donc, Said Bouteflika prévient Chakib Khelil qu'il allait être convoqué et inculpé. Khelil panique et prend la fuite vers les USA pour se mettre à l'abri.

    Août 2013. Chakib Khelil et sa famille sont inculpés et font l'objet de mandats d'arrêt internationaux. Le procureur, l'actuel ministre de la Justice, explique que les preuves contre Khelil et sa bande son accablantes.

    Bouteflika est déjà à Zéralda, sur une chaise roulante. Quand il apprend que son ami d'enfance fait l'objet de poursuites et d'un mandat par la justice algérienne, il ne décolère pas. Il reçoit le général Toufik, chef du DRS, pour demander des explications. Celui-ci lui explique qu'on ne pouvait pas faire autrement avec Khelil et sa bande. Et c'est d'ailleurs le président qui a demandé une enquête.

    Le 23 février 2013, suite au scandale qui a éclaté en Italie impliquant Khelil, Bouteflika dit ceci : " Ces informations soulèvent notre révolte et réprobation, mais je fais confiance à la justice de notre pays pour tirer au clair l’écheveau de ces informations, pour situer les responsabilités et appliquer avec rigueur et fermeté les sanctions prévues par notre législation. Je ne peux pas passer sous silence les scandales qui touchent la gestion de Sonatrach."

    Après l'entrevue avec Toufik ce mois d'août 2013, Bouteflika se calme. Aussitôt le chef du DRS a-t-il quitté Zéralda que Said va voir son grand frère pour râler contre ce DRS qui enquête sur les ministres, sur cette justice qui inculpe les amis de la Famiglia. Déjà, quelques mois plus tôt, le DRS voulait entendre Ali Haddad sur l'hôtel qu'il a acheté à Barcelone pour 68 millions d'euros. Said a tout fait pour que Haddad ne soit pas entendu. Et ne l'a pas été. Je raconterai un jour le rôle que Haddad a joué dans l'opération démembrement du DRS

    Donc Said dit à son frère que si on laisse faire Toufik, les juges les procureurs, on va bientôt arriver à Said et les autres. Said dit à son frère qu'il faut arrêter tout ça, démanteler le DRS, virer Toufik, liquider le juge et le procureur qui ont traqué Khelil et en finir avec ses enquêtes sur la corruption. Et ça n'a pas tardé.

    Septembre 2013. La fête commence. Le ministre de la Justice est viré. Vous vous souvenez de Amar Saadani qui lui recommandait, le jour même où il a été désigné par Said Bouteflika comme SG du FLN, de blanchir Khelil s'il voulait rester ministre de la Justice ? Il avait un plan les Bouteflika, une revanche et de la haine. Le procureur et le juge derrière l'inculpation du gang de Khelil? Dégradés, mutés. La cellule du DRS qui a notamment enquêté sur Sonatrach et l'autoroute Est-Ouest? Démantelée. Le sort de Toufik? Déjà scellé. En attendant de le virer, on lâche à ses basques le doberman Drabki. Le clan respire. On peut préparer un peu plus tranquillement le 4e mandat.

    Mars 2016. Chakib Khelil effectue son retour via le salon d'honneur de l'aéroport d'Oran. Il est accueilli par le wali, Abdelkader Zaalane, actuellement en prison. Ils ont osé s'attaquer à Chakib Khelil, l'ami de Bouteflika? Ils vont tous payer et Khelil sera réhabilité.

    Bouteflika ordonne au ministre de la Justice de blanchir son ami Khelil et les membres de sa famille. Le mandat d'arrêt contre Khelil est annulé ainsi que toutes les poursuites engagées contre lui. Il en sera de même avec sa femme et les deux fils. Il n'y a plus d'affaires Khelil. Jamais il n'aurait dû y en avoir une. Réhabilité, blanchi, ses os lavés dans les zawiyas, Chakib Khelil veut être président. Il fait une dépression et passe son temps sur Facebook.

    La meilleure? Le juge qui a annulé les mandats d'arrêt contre Khelil et son gang a hérité de l'instruction autour des 701 kilos de cocaïne trouvés dans les conteneurs de Kamel Chikhi, alias El Bouchi. C'est Tayeb Louh, ministre de la justice, qui lui a confié ce dossier. Louh est en prison. Said en prison. Zaalane en prison. Toufik en prison. Bouteflika dans une prison à ciel ouvert. Khelil est en fuite aux USA.

    Farid Alilat
    18-09-2020
    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien
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