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Affaire Omar Radi, l’infâmie contre les plumes et les voix libres

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  • Affaire Omar Radi, l’infâmie contre les plumes et les voix libres

    L'Humanité, Lundi 21 Septembre 2020

    Ce mardi 22 septembre comparaît devant la justice marocaine un des journalistes d’investigation les plus en vue, une des rares voix critiques dans les médias : Omar Radi. Révélations sur une affaire éminemment sensible, qui croise deux luttes cruciales : l’engagement contre la répression des journalistes et des opposants et le combat contre les violences sexuelles et sexistes, de plus en plus instrumentalisées par le régime marocain à des fins politiques et sécuritaires. Une enquête coréalisée par Rosa Moussaoui, de l’Humanité, et Rachida El Azzouzi, de Mediapart.

    Depuis qu’elle a éclaté, l’affaire fait grand bruit au Maroc ; elle suscite la sidération dans les milieux militants et dans les rédactions. Elle déchire coeurs et consciences entre deux luttes cruciales : d’un côté, le combat contre les violences sexuelles et sexistes de l’autre, l’engagement contre la répression des voix et des plumes libres. Ce mardi 22 septembre comparaît devant la justice marocaine un des journalistes d’investigation les plus en vue, une des rares voix critiques dans les médias, défenseur des droits humains : Omar Radi. Les dossiers ne sont pas disjoints : le jeune homme 34 ans doit répondre des accusations d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État [en entretenant avec des agents étrangers] des intelligences ayant pour objet de nuire à la situation diplomatique du Maroc », d’« atteinte à la sûreté intérieure de l’État [en recevant une rémunération étrangère] pour [...] ébranler la fidélité que les citoyens doivent à l’État et aux institutions du peuple marocain », d’« attentat à la pudeur avec violences », de viol, d’infraction au code général des impôts marocain et d’évasion fiscale.

    Dans le collimateur

    C’était au cœur de l’été, le 30 juillet puis le 3 août. Dans les colonnes d’*********, un site basé en France, dédié à l'actualité du Maroc et du Maghreb, Hafsa Boutahar, une jeune femme, employée en freelance, pour des missions commerciales et administratives au Desk, un site d’information dédié à l’investigation, accuse le journaliste et militant des droits de l’homme Omar Radi, depuis longtemps dans le collimateur du pouvoir, de l’avoir violée lors d’une soirée chez leurs patrons, Ali Amar et Fatima-Zahra Lqadiri, dans la nuit du 12 au 13 juillet 2020.


    « J’ai décidé de ne parler qu’une seule fois pour que les gens sachent la vérité ». Si Hafsa Boutahar prend la parole, dit-elle, c’est que sur Facebook, Omar Radi, incarcéré le 29 juillet à la prison d’Oukacha, à Casablanca, quatre jours après le dépôt de la plainte de la jeune femme, livre selon elle « des mensonges dégoûtants ». Il parle d’une « relation consentie entre deux adultes », d’un « piège », d’une « machination ». Le journaliste se trouve déjà derrière les barreaux ; son message est relayé sur la page de son père, Driss Radi.

    « Je ne peux pas rester les bras croisés et le laisser dire ce qu’il veut pour me salir. Mon avocat considère que c’est une violation grave du secret de l’instruction », s’indigne la plaignante, qui donne en détail sa version des faits à *********.

    « Peur du scandale », de la « hchouma »

    Hafsa Boutahar explique avoir hésité dix jours avant de décider de déposer sa plainte le 23 juillet auprès du procureur du roi, parce qu’elle ne voulait pas nuire à ses employeurs « qui l’ont toujours bien traitée », qu’elle avait « peur du scandale », de la « hchouma », la honte en arabe dialectal, ce mot qui sert à taire au Maroc les tabous liés au corps, au genre, à la sexualité, aux violences contre les femmes comme le harcèlement sexuel et le viol.

    « S’il n’était pas allé parler de moi dans les bars en riant de ce qu’il m’avait fait subir, peut-être que je me serais tue comme la plupart des personnes qui se font violer, explique-t-elle à *********. Vous croyez vraiment que c’est facile de s’adresser à la justice pour ce genre de chose dans une société comme la nôtre ? Que c’est facile de prendre le risque qu’on vous réponde que vous l’avez peut-être bien cherché ? Qu’on se demande ce que vous faisiez là ? Je me suis posé mille fois la question : allait-on m’aider ? Omar Radi est très connu et a de nombreux soutiens et moi, je n’ai rien. »

    Un électron libre qui dérange

    L’homme que Hafsa Boutahar accuse n’est pas n’importe qui. Omar Radi, 34 ans, est dans le viseur de la monarchie depuis des années. En cause : les prises de position critiques de cet électron libre, ses activités politiques, ses enquêtes journalistiques sur l’économie de rente, la corruption, la spoliation des terres, la collusion entre le Palais et les affairistes, la répression des mouvements sociaux dans les régions périphériques abandonnées par l’État, comme le Rif ou l’Oriental. « Omar Radi fait de l’économie politique. Ses enquêtes dérangent, assure Aboubakr Jamai, fondateur du Journal hebdomadaire, un titre phare de la presse marocaine fermé sur décision des autorités en 2010. Son travail sur la spoliation des terres collectives fait peur : le jour où les gens au Maroc connaîtront l’ampleur et les bénéficiaires de ces expropriations sous l’alibi de l’utilité publique, le pouvoir au Maroc aura de gros problèmes. » Pour conduire un travail au long cours sur ce sujet, le journaliste a justement décroché une importante bourse de la Bertha Foundation.


    Emprisonné le 26 décembre 2019 à la suite d’un vieux tweet fustigeant la justice marocaine et les magistrats qui avaient confirmé en appel, le 6 avril 2019, la condamnation des porte-voix du soulèvement populaire dans le Rif à de très lourdes peines, le journaliste avait finalement été libéré quelques jours plus tard, sous la pression d’une mobilisation nationale et internationale inédite. Dans cette affaire, il a finalement écopé, en mars dernier, d’une peine de quatre mois de prison avec sursis.

    Sous surveillance

    Dans la foulée, un rapport d’Amnesty International a révélé que son téléphone avait été espionné via le logiciel Pegasus, de la firme israélienne NSO, utilisé selon elle par les autorités marocaines. Reprises dans une quinzaine de médias sous la coordination du collectif Forbidden Stories, ces révélations font scandale.

    En 2018 déjà, CitizenLab, un laboratoire indépendant de l’université de Toronto, avait mis au jour les traces de plus de mille attaques lancées dans 45 pays via le logiciel Pegasus. L’étude de CitizenLab désignait déjà les autorités marocaines, suspectées d’avoir eu recours à ce spyware pour surveiller des opposants jusqu’en France.

    Ces révélations avaient décidé WhatsApp (propriété de Facebook) à poursuivre NSO devant la justice américaine : au moins 1 400 usagers de cette messagerie instantanée avaient été piratés dans le monde. Parmi eux, des journalistes, des militants des droits humains, des responsables politiques.

    Riposte des autorités marocaines

    Prises la main dans le sac, les autorités marocaines ripostent. Le 25 juin, le procureur général près la cour de Casablanca ouvre une enquête sur « l’implication présumée du journaliste dans une affaire d’obtention de financements étrangers en relation avec des services de renseignement ». Quand survient l’accusation de viol le 23 juillet, Omar Radi, repeint par le pouvoir en espion, a déjà répondu à une vingtaine de convocations de la brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ).

    Les dossiers ne sont pas disjoints : le journaliste comparaît ce mardi 22 septembre sous les accusations d’« atteinte à la sûreté extérieure de l’État (en entretenant avec des agents étrangers) des intelligences ayant pour objet de nuire à la situation diplomatique du Maroc », d’« atteinte à la sûreté intérieure de l’État (en recevant une rémunération étrangère) pour (…) ébranler la fidélité que les citoyens doivent à l’État et aux institutions du peuple marocain », d’« attentat à la pudeur avec violences », de viol, d’infraction au code général des impôts marocain et d’évasion fiscale.

    La peur étend son ombre

    Depuis son incarcération, c’est la tétanie dans les cercles journalistiques et militants. Ceux qui osent mettre en doute ces accusations deviennent les cibles de menaces, d’intimidation. Ils sont traînés dans la boue. Des voix libres, pourtant rompues aux méthodes du régime, choisissent la retenue. La peur étend chaque jour un peu plus son ombre. « On est nombreux à s’être déconnectés des réseaux sociaux, épuisés par le harcèlement de meutes de trolls. Moi, j’ai supprimé Whatsapp même Signal, changé de téléphone. On en vient à s’écrire des lettres qu’on remet à des gens pour éviter de passer par la poste, avec le risque d’interception », soupire une activiste.


    Plusieurs figures de la lutte pour la défense des droits humains refusent tout simplement de s’exprimer sur cette affaire - « Le climat ne nous permet plus de parler » - ou préfèrent s’exprimer sous couvert d’anonymat.

    Icon Quote Le régime fait payer quiconque soutient Omar ou remet en question la version officielle. Ils utilisent la vie privée des gens contre eux. C’est comme la Stasi en Allemagne de l’Est, tout le monde a peur, se voit comme le prochain sur la liste. »

    Une journaliste

    « Omar Radi est devenu une ligne rouge, autant que le Sahara ou le roi », lâche une journaliste sous couvert d'anonymat. « C’est trop risqué, trop éprouvant psychiquement, souffle-t-elle. Le régime fait payer quiconque soutient Omar ou remet en question la version officielle. Ils utilisent la vie privée des gens contre eux. C’est comme la Stasi en Allemagne de l’Est, tout le monde a peur, se voit comme le prochain sur la liste. » « Toute personne associée à Omar Radi est une cible potentielle de diffamation, d’attaques et même de poursuites judiciaires », confirme un avocat.


    Dans ce climat oppressant, le doute s’installe, s’instille. Les féministes se divisent : certaines dénoncent l’instrumentalisation de la lutte contre les violences sexuelles, d’autres pointent la culture du viol qui déprécie la parole de la plaignante. Les trolls attaquent, une guerre des pétitions est lancée ; les « médias de diffamation » font leurs gorges chaudes de cette affaire.

    L’impunité judiciaire de nouveaux médias

    Bien des journaux nés sur la Toile dans le sillage des soulèvements arabes, dans la phase d’expansion de la presse numérique, sont suspectés d’être liés aux services de sécurité marocains. Ils ont relayé tout l’été, sur cette affaire, appels, lettres ouvertes et « révélations-chocs ». Pour la première fois, au Maroc, des voix se sont levées pour dénoncer leur profusion et leur impunité judiciaire. Le 16 juillet, 110 journalistes marocains appelaient à des sanctions contre ces médias.

    Au milieu du mois d’août, une pétition titrée « L’ombre est là », signée par 400 personnalités parmi lesquelles des artistes et des intellectuels de renommée, comme le poète Abdellatif Lâabi, l’écrivain Abdellah Taïa ou encore la cinéaste Leïla Marrakchi, a condamné « la répression policière », « les emprisonnements politiques », « le lynchage public » des dissidents dans les « médias réactionnaires de diffamation ».

    « Violations flagrantes des droits humains »

    Pour ces « 400 », cette presse en ligne joue « un rôle important dans les violations flagrantes des droits humains au Maroc ». Ils décrivent un climat répressif plus délétère encore depuis la pandémie de Covid-19 et l’état d’urgence, « les harcèlements et les emprisonnements des journalistes, les arrestations de citoyen.ne.s qui ont exprimé leurs opinions sur les réseaux sociaux, les violentes répressions des manifestations ».

    Ils érigent en symbole les cas d’Omar Radi et Hajar Raissouni, une autre journaliste harcelée par le régime, condamnée en septembre 2019 à deux ans de prison pour avortement illégal et relations sexuelles avant d’être graciée par le roi sous la pression d’une mobilisation internationale.


    Quelques jours plus tard, une contre-pétition, rassemblant 670 artistes et créateurs « qui font confiance aux institutions de leur pays », est venue contredire leur manifeste pour se réjouir de l’état des libertés individuelles au Maroc. Parmi les signataires, le peintre Mehdi Qotbi ou encore le poète Mostafa Nissabouri, cofondateur avec Abdellatif Laâbi de la célèbre revue , qui incarnait dans les années 1960 la renaissance culturelle dans le Maghreb postcolonial.
    Dernière modification par icosium, 21 septembre 2020, 22h44.
    "Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles que l'on a le plus d'intérêt à savoir" (Proverbe Chinois)

  • #2
    La vie n'est pas rose pour la presse au Maroc


    "Les vérités qu'on aime le moins à apprendre sont celles que l'on a le plus d'intérêt à savoir" (Proverbe Chinois)

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    • #3
      « Omar Radi est devenu une ligne rouge, autant que le Sahara ou le roi », lâche une journaliste sous couvert d'anonymat. « C’est trop risqué, trop éprouvant psychiquement, souffle-t-elle. Le régime fait payer quiconque soutient Omar ou remet en question la version officielle. Ils utilisent la vie privée des gens contre eux. C’est comme la Stasi en Allemagne de l’Est, tout le monde a peur, se voit comme le prochain sur la liste. » « Toute personne associée à Omar Radi est une cible potentielle de diffamation, d’attaques et même de poursuites judiciaires », confirme un avocat.
      Ca se passe de tout commentaire.
      ثروة الشعب في سكانه ’المحبين للعمل’المتقنين له و المبدعين فيه. ابن خلدون

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      • #4
        « Omar Radi est devenu une ligne rouge, autant que le Sahara ou le roi », lâche une journaliste sous couvert d'anonymat. « C’est trop risqué, trop éprouvant psychiquement, souffle-t-elle. Le régime fait payer quiconque soutient Omar ou remet en question la version officielle. Ils utilisent la vie privée des gens contre eux. C’est comme la Stasi en Allemagne de l’Est, tout le monde a peur, se voit comme le prochain sur la liste. » « Toute personne associée à Omar Radi est une cible potentielle de diffamation, d’attaques et même de poursuites judiciaires », confirme un avocat.
        Il est vrai que ce passage est effrayant..pour dire la vérité il faut se sacrifier, accepter de tout perdre....on a compris que ce n'est pas le choix des journalistes en général...la majorité joue du bendir.

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        • #5
          Le contexte de l'épidémie du Covid19 favorise l'exacerbation autoritaire dans pas mal de pays comme par exemple le Maghreb entier (sauf la Tunisie).
          J'aime surfer sur la vague du chaos.

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          • #6
            Je n arrive pas a comprendre ce que Radi dit que les autres ne disent pas...

            c'est bizzare cette histoire car il est un simple journaliste qui dit ce que tout le monde dit

            peut être que c'est la menace contre le juge du hirak d'al-hoceima ....

            En tous cas dire que radi est devenu une ligne rouge comme le roi ou le sahara voir l'islam c'est faux

            les journeaux et réseau sociaux ne parle que de ça
            Droite des Valeurs
            Gauche du Travail
            Centre "Intérêt de Mon Pays"

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            • #7
              Je n arrive pas a comprendre ce que Radi dit que les autres ne disent pas...
              ca....

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              • #8
                Ok ok

                donc sa n'a rien avoir avec ces soit disant investigation journalistique qui dérangerait la monarchie ou le makhzen dont les marocains connaissent les sujets en long en large et en travers.

                il est présenté comme un activiste des droit de l'homme et non comme journaliste.

                Et il ne nie pas avoir travaillé (et rémunéré) avec un ex agent du MI6 a la retraite sur des questions économiques....


                je me disais bien qu'il y'avait plus que cette soit disant opposition
                Dernière modification par Hand, 22 septembre 2020, 21h28.
                Droite des Valeurs
                Gauche du Travail
                Centre "Intérêt de Mon Pays"

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