Plus que la religion, le désespoir reste la première matrice du terrorisme islamiste en Algérie.
La réflexion sécuritaire post-11 avril continue d’agiter les hauts responsables des services de sécurité: quelle est la solution, ou les solutions, après près d’un quart de siècle de lutte antiterroriste? Du tout-sécuritaire au tout-préventif, en passant par le tout-répressif, la concorde civile et la réconciliation nationale, on aura tout essayé. Pour peu qu’on oublie les formulations d’usage dans le marketing politique, du genre «terrorisme résiduel», on a, en face, un problème qui n’en finit pas de grossir, de s’élever, en techniques et en niveau, de sorte qu’aujour-d’hui, les chefs du GIA ne sont qu’une piètre copie des chefs actuels du Gspc-Al Qaîda.
Mais c’est surtout les nouveaux «modus operandi» des groupes armés qui font peur. Que peut-on contre un kamikaze? Même le ministre de l’Intérieur a essayé de minimiser l’onde de choc qui a touché tous les responsables de la sécurité intérieure en écartant -maladroitement- la thèse de l’attentat suicide, alors que tout, pratiquement tout, corrobore l’adoption par la branche-mère Al Qaîda, et au niveau planétaire, de ce mode opératoire. Au Maroc, en Algérie, en Indonésie, en Irak, en Turquie, à Madrid et à Londres, nous avons vu ces attaques suicide en action, et il serait vain et dangereux à la fois de faire comme s’il s’agissait d’un acte isolé d’un marginal ou d’une attaque qui ne se répéterait plus.
Zones-crise
La grande force du Gspc aujourd’hui, est de recruter dans les zones-crise, les zones-grises et les bas-fonds des quartiers populaires, où les marginaux et les laissés-pour-compte peuvent se changer en un rien de temps en une incontrôlable bombe humaine. L’avantage du Gspc par rapport au langage officiel est d’user de procédés simples et efficaces: l’Etat licencie, le Gspc recrute, l’Etat ne paie pas, le Gspc paie cash. Aux dernières statistiques -non officielles, bien sûr- il y a entre 15.000 et 20.000 qui n’auraient pas perçu leurs salaires depuis le mois de janvier 2007.
Les vendeurs à la sauvette ont été «délocalisés» des rues et ruelles où ils vendaient depuis toujours leurs produits de fortune. Cela avait créé des tensions énormes entre les APC et les vendeurs des quartiers populaires ambulants, ce qui avait souvent poussé les responsables communaux ou la wilaya à demander la réquisition de la force publique. La police, au bout de la chaîne sécuritaire, était obligée, à son corps défendant, d’user de moyens forts pour «nettoyer» les places et les rues de la commune.
Un responsable de la Bmpj d’un quartier populaire et «à risque» nous confiait avec amertume: «Tout est train de retomber sur nous. Les jeunes que nous sommes en train de chasser de leurs quartiers à coups de pied peuvent, par conviction ou par vengeance, intégrer le premier groupe armé qui leur propose argent et de quoi organiser leurs propres représailles. J’ai dit au maire de ce quartier qu’il faut qu’il propose aux jeunes un espace de vente au moins hebdomadaire à défaut de les laisser occuper illégalement les rues. Mais il semble qu’en ce moment, tout le monde est occupé à faire de la politique...»
Et justement, le jeune kamikaze qui a désintégré le Palais du gouvernement était un vendeur ambulant, qui, au gré des «descentes» policières, vendait de la tomate, de la sardine, ou s’abstenait de faire sortir sa marchandise...
Lorsqu’au lendemain des attaques du 11 avril, nous avions rendu visite à sa famille, la situation sociale dans laquelle tout le monde vivait, augurait déjà des germes vindicatifs qui se profilaient chez le jeune garçon harcelé entre une famille «aux quatre vents» et une police qui faisait son travail sans merci. Entre les deux, les élus locaux, la wilaya, les instances politiques n’ont pas fonctionné.
Son grand-père, septuagénaire tranquille, n’était pourtant pas fataliste: «Oui, il vivait ici, tranquille et sans histoire, il aidait son père et sa famille avec ce qu’il pouvait vendre quotidiennement de sardines ou de tomates.» Ses amis du quartier du «lot A» de La Montagne, le populaire «Haî al-Jabal» (d’ou il tirera son nom de guerre «Mouadh Ibnou Jabal»), ne donnent pas l’air d’être étonnés de l’acte de cet enfant du quartier. «Oui, il vendait ses tomates ici, au lot A. C’est sur ce côté de la chaussée qu’on exposait nos tables. La plupart du temps, Merouane vendait des tomates, mais il lui arrivait de trouver les marchés de gros de Bougara et des Eucalyptus saturés, vides, chers ou encombrés, alors on se rabattait sur la sardine de Zemmouri, qu’on vendait entre 100 et 140DA le kilo».
Face au «lot A», un commerçant, un homme d’âge mûr, nous disait: «Il vendait ici ses tomates ou ses sardines, et venait souvent acheter chez moi des sachets en plastique dans lesquels il emballait sa marchandise.» Son geste? «Je n’en reviens pas. C’est nouveau, ces attentats kamikazes. C’était un garçon rangé depuis qu’il a commencé à faire la prière, il y a une année, mais ce n’était pas un fanatique. Plutôt gentil et ouvert que renfermé. Mais qu’est-ce qui s’est passé dans sa tête? Je ne saurais le dire. J’ai vu qu’il fréquentait les mosquées, ne ratait plus ses heures de prière, mais de là à s’attendre à le voir s’en aller, se faire sauter...»
«Le second kamikaze semble être un garçon de Boubsila, un autre quartier de Bachdjarah. C’est un ami de Merouane», nous avait dit un jeune, ami de Merouane, et qui semble bien le connaître. Portant barbe et kamis, il jette des regards furtifs à gauche et à droite: «La police a fait une descente ici dans ´´la Place´´ de la Montagne et a embarqué beaucoup de jeunes barbus pour vérification.»
La réflexion sécuritaire post-11 avril continue d’agiter les hauts responsables des services de sécurité: quelle est la solution, ou les solutions, après près d’un quart de siècle de lutte antiterroriste? Du tout-sécuritaire au tout-préventif, en passant par le tout-répressif, la concorde civile et la réconciliation nationale, on aura tout essayé. Pour peu qu’on oublie les formulations d’usage dans le marketing politique, du genre «terrorisme résiduel», on a, en face, un problème qui n’en finit pas de grossir, de s’élever, en techniques et en niveau, de sorte qu’aujour-d’hui, les chefs du GIA ne sont qu’une piètre copie des chefs actuels du Gspc-Al Qaîda.
Mais c’est surtout les nouveaux «modus operandi» des groupes armés qui font peur. Que peut-on contre un kamikaze? Même le ministre de l’Intérieur a essayé de minimiser l’onde de choc qui a touché tous les responsables de la sécurité intérieure en écartant -maladroitement- la thèse de l’attentat suicide, alors que tout, pratiquement tout, corrobore l’adoption par la branche-mère Al Qaîda, et au niveau planétaire, de ce mode opératoire. Au Maroc, en Algérie, en Indonésie, en Irak, en Turquie, à Madrid et à Londres, nous avons vu ces attaques suicide en action, et il serait vain et dangereux à la fois de faire comme s’il s’agissait d’un acte isolé d’un marginal ou d’une attaque qui ne se répéterait plus.
Zones-crise
La grande force du Gspc aujourd’hui, est de recruter dans les zones-crise, les zones-grises et les bas-fonds des quartiers populaires, où les marginaux et les laissés-pour-compte peuvent se changer en un rien de temps en une incontrôlable bombe humaine. L’avantage du Gspc par rapport au langage officiel est d’user de procédés simples et efficaces: l’Etat licencie, le Gspc recrute, l’Etat ne paie pas, le Gspc paie cash. Aux dernières statistiques -non officielles, bien sûr- il y a entre 15.000 et 20.000 qui n’auraient pas perçu leurs salaires depuis le mois de janvier 2007.
Les vendeurs à la sauvette ont été «délocalisés» des rues et ruelles où ils vendaient depuis toujours leurs produits de fortune. Cela avait créé des tensions énormes entre les APC et les vendeurs des quartiers populaires ambulants, ce qui avait souvent poussé les responsables communaux ou la wilaya à demander la réquisition de la force publique. La police, au bout de la chaîne sécuritaire, était obligée, à son corps défendant, d’user de moyens forts pour «nettoyer» les places et les rues de la commune.
Un responsable de la Bmpj d’un quartier populaire et «à risque» nous confiait avec amertume: «Tout est train de retomber sur nous. Les jeunes que nous sommes en train de chasser de leurs quartiers à coups de pied peuvent, par conviction ou par vengeance, intégrer le premier groupe armé qui leur propose argent et de quoi organiser leurs propres représailles. J’ai dit au maire de ce quartier qu’il faut qu’il propose aux jeunes un espace de vente au moins hebdomadaire à défaut de les laisser occuper illégalement les rues. Mais il semble qu’en ce moment, tout le monde est occupé à faire de la politique...»
Et justement, le jeune kamikaze qui a désintégré le Palais du gouvernement était un vendeur ambulant, qui, au gré des «descentes» policières, vendait de la tomate, de la sardine, ou s’abstenait de faire sortir sa marchandise...
Lorsqu’au lendemain des attaques du 11 avril, nous avions rendu visite à sa famille, la situation sociale dans laquelle tout le monde vivait, augurait déjà des germes vindicatifs qui se profilaient chez le jeune garçon harcelé entre une famille «aux quatre vents» et une police qui faisait son travail sans merci. Entre les deux, les élus locaux, la wilaya, les instances politiques n’ont pas fonctionné.
Son grand-père, septuagénaire tranquille, n’était pourtant pas fataliste: «Oui, il vivait ici, tranquille et sans histoire, il aidait son père et sa famille avec ce qu’il pouvait vendre quotidiennement de sardines ou de tomates.» Ses amis du quartier du «lot A» de La Montagne, le populaire «Haî al-Jabal» (d’ou il tirera son nom de guerre «Mouadh Ibnou Jabal»), ne donnent pas l’air d’être étonnés de l’acte de cet enfant du quartier. «Oui, il vendait ses tomates ici, au lot A. C’est sur ce côté de la chaussée qu’on exposait nos tables. La plupart du temps, Merouane vendait des tomates, mais il lui arrivait de trouver les marchés de gros de Bougara et des Eucalyptus saturés, vides, chers ou encombrés, alors on se rabattait sur la sardine de Zemmouri, qu’on vendait entre 100 et 140DA le kilo».
Face au «lot A», un commerçant, un homme d’âge mûr, nous disait: «Il vendait ici ses tomates ou ses sardines, et venait souvent acheter chez moi des sachets en plastique dans lesquels il emballait sa marchandise.» Son geste? «Je n’en reviens pas. C’est nouveau, ces attentats kamikazes. C’était un garçon rangé depuis qu’il a commencé à faire la prière, il y a une année, mais ce n’était pas un fanatique. Plutôt gentil et ouvert que renfermé. Mais qu’est-ce qui s’est passé dans sa tête? Je ne saurais le dire. J’ai vu qu’il fréquentait les mosquées, ne ratait plus ses heures de prière, mais de là à s’attendre à le voir s’en aller, se faire sauter...»
«Le second kamikaze semble être un garçon de Boubsila, un autre quartier de Bachdjarah. C’est un ami de Merouane», nous avait dit un jeune, ami de Merouane, et qui semble bien le connaître. Portant barbe et kamis, il jette des regards furtifs à gauche et à droite: «La police a fait une descente ici dans ´´la Place´´ de la Montagne et a embarqué beaucoup de jeunes barbus pour vérification.»
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