De quelques remarques sur le projet de révision de la Constitution
Contribution| 22 Septembre 2020 | 21:04
Une première lecture du projet de révision de la Constitution, publié au Journal Officiel 54 du 16 septembre 2020, fait apparaitre des incohérences, des approximations et des omissions, au plan de la forme.
Quant au fond, certains articles méritent une attention particulière.
A-S’agissant de la forme
1-Préambule du projet de révision constitutionnelle
4ème paragraphe :
Manque de concordance entre le paragraphe rédigé en français et celui rédigé en arabe. Ledit paragraphe, en langue française, a omis dans sa deuxième phrase l’adverbe – constamment-: « …et au développement desquelles œuvre constamment l’Etat», qui se retrouve dans ce même paragraphe rédigé en langue arabe.
En outre, dans ce paragraphe, in fine, il est fait état de : « …la guerre de libération nationale… ». Or, dans ce paragraphe en langue arabe, ces termes n’existent pas.
Au plan grammatical, il y a lieu de remplacer le point (.) entre les deux (2) dernières phrases par une virgule (,) et ce pour avoir une cohérence et une compréhension du contenu de ce paragraphe, en langue française.
5ème paragraphe :
Manque de concordance entre le paragraphe en français et celui en arabe.
En français : « …pour asseoir sa volonté d’indépendance et de souveraineté nationales, sauvegarder l’identité culturelle nationale…. ».
En arabe : « …pour assumer son destin collectif dans la liberté et l’identité culturelle nationale retrouvées… ».
13ème paragraphe :
Manque de concordance entre les deux (2) paragraphes, en français et en arabe.
En français : « … ; telles qu’elles ont été consacrées par les traités qu’elle a ratifiées ».
En arabe : « … ; conformément aux traités internationaux qu’elle a ratifiés ».
2-du dispositif projet de révision constitutionnelle
Article 49 :
Manque de concordance entre cet article dans sa rédaction en français et en arabe.
En français : « Tout citoyen a le droit de choisir librement… ».
En arabe : « Tout citoyen jouissant de ses droits civils et politiques a le droit de choisir librement… ».
Article 59 :
En français : « L’Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en encourageant ses chances d’accès… ».
En arabe : « L’Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d’accès… ».
Les verbes encourager et augmenter n’ont pas la même signification.
Article 92 :
En français : « le Président de la République nomme, notamment : … ».
En arabe : « Le Président de la République nomme notamment dans les fonctions et mandats suivants : … ».
Article 98 :
En français : « Lorsque le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions, dans son… »
En arabe : « Lorsque le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions constitutionnelles, dans son… ».
Article 110 :
En français : « S’il résulte des élections législatives une majorité autre qu’une majorité présidentielle… ».
En arabe : « S’il résulte des élections législatives une majorité parlementaire autre qu’une majorité présidentielle… ».
Article 140 :
En francais : « Outre les domaines réservés par la Constitution à la loi organique, relèvent également de la loi organique, les matières suivantes… ».
En arabe : « Outre les domaines réservés par la Constitution à la loi organique, le Parlement légifère par des lois organiques dans les matières suivantes… ».
Article 180 :
Respecter l’ordre protocolaire, le Président du Conseil de la Nation est le deuxième personnage de l’Etat. En l’occurrence, il serait judicieux de réécrire le tiret 4 de cet article comme suit :
« -Six (6) personnalités choisies en raison de leur compétence, en dehors du corps de la magistrature, dont deux (2) choisies par le Président de la République, deux (2) choisies par le Président du Conseil de la Nation en dehors de ses membres, et deux (2) choisies par le Président de l’Assemblée Populaire Nationale en dehors des députés ».
Article 184 :
En français : « Les institutions et organes de contrôle sont chargés… ».
En arabe : « Les institutions constitutionnelles et les organes de contrôle sont chargés… ».
Article 189/2ème alinéa :
Mettre en adéquation le contenu du deuxième alinéa de l’article 189, en langue française, avec le contenu de ce même alinéa, en langue arabe.
Nouvelle formulation proposée : « Le membre de la Cour constitutionnelle ne peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour des actes ne relevant pas de l’exercice de ses fonctions qu’après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité ou sur autorisation de la Cour Constitutionnelle ».
Article 199/1er alinéa :
En français : « La Cour des Comptes est une institution supérieure de contrôle du patrimoine…».
En arabe : « La Cour des Comptes est une institution supérieure indépendante de contrôle du patrimoine … ».
Article 199/4ème alinéa :
Une correction s’impose dans le texte en français : substituer « …par le président de la Cour », à ce qui est transcrit « …par le président du Conseil ».
Article 205/3ème tiret :
Substituer au verbe « enjoindre », le verbe « donner », car il y a dans ce tiret une juxtaposition d’un verbe et d’un substantif qui ont le même sens (enjoindre et injonctions). Le pouvoir d’injonction est celui d’ordonner, aussi il convient d’éviter le pléonasme que constitue l’emploi du verbe (enjoindre), déjà contenu dans le substantif injonction, laquelle interdit, ordonne.
Nouvelle formulation proposée :
« …et de donner, le cas échéant, des injonctions aux institutions et organes concernés », au lieu de :
« …et d’enjoindre, le cas échéant, des injonctions aux institutions et organes concernés ».
Article 221 :
En français : « …ni n’affecte d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions… ».
En arabe : « … ni n’affecte d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions constitutionnels… ».
3-la division en titres et chapitres
Le projet de révision de la Constitution est divisé en titres et chapitres. Chaque titre comporte des chapitres. Cependant, cette règle formelle n’est guère respectée.
Dans le titre III, « les situations exceptionnelles » dont l’intitulé figure comme un chapitre ne sont pas articulés comme étant un chapitre. En fait, ca devrait être le Chapitre 2 dudit titre III.
Le titre V (articles 206 à 218) intitulé « Des organes consultatifs » n’est pas organisé en chapitres bien qu’il renferme huit (8) sous-titres (chapitres), ayant trait aux organes suivants : Le Haut Conseil Islamique, le Haut Conseil de Sécurité, le Conseil National Economique, Social et Environnemental, le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Observatoire National de la Société Civile, le Conseil Supérieur de la Jeunesse, le Conseil National de la Recherche Scientifique et des Technologies et l’Académie Algérienne des Sciences et des Technologies.
Il me parait qu’il s’agit là d’une erreur d’inattention. Il convient d’y remédier.
4-Inclusion d’un organe indépendant dans le titre V dédié aux organes consultatifs
En effet, l’article 218 qui fait partie intégrante de ce titre consacré aux organes consultatifs est clair et ne souffre d’aucune ambigüité « L’Académie algérienne des sciences et des technologies est un organe indépendant à caractère scientifique et technologique ».
5-Confusion entre paragraphes et alinéas
Les articles de la Constitution, de la loi et des textes réglementaires (décrets et arrêtés) sont composés d’alinéas. C’est le terme consacré.
Dans ce projet de révision de la Constitution, les deux (2) termes (paragraphe et alinéa) sont employés indifféremment à titre d’exemple article 96/3ème alinéa et article 190/4ème alinéa).
6-Omission de la traduction des deux (2) serments prévus par les articles 90 et 185
Les deux (2) serments prévus par les dispositions des articles 90 et 185 du projet de révision de la Constitution n’ont pas été traduits, dans la version en langue française dudit projet. Il s’agit des termes par lesquels le Président de la République prête serment pour entrer en fonction, et de ceux par lesquels les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment avant leur entrée en fonction.
B- Quant au fond :
Article 30 :
Cet article a fait l’objet d’un ajout d’un 4ème alinéa, rédigé ainsi qu’il suit : « L’Armée Nationale Populaire défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays conformément aux dispositions constitutionnelles ».
Les rédacteurs de ce projet de révision de la Constitution ont donné suite à une proposition formulée par le Ministère de la Défense Nationale rédigée ainsi qu’il suit : « L’Armée Nationale Populaire défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays en toutes circonstances. Les modalités de l’application de cet alinéa sont fixées par la loi ».
Par ailleurs, cet article a fait l’objet de treize (13) propositions de modification ou d’enrichissement, dont celle du ministère de la défense nationale. Bien entendu, cette dernière a été prise en compte, par une écriture qui dépasse les espérances de l’auteur de cette proposition d’ajout d’un 4ème alinéa.
En effet, le ministère de la défense nationale, respectueux de la République, de la loi et des institutions constitutionnelles, a conditionné les modalités d’application de cette défense des intérêts vitaux et stratégiques du pays, l’Algérie, à l’élaboration et l’adoption d’une loi. Et, on connait tous le processus d’élaboration et d’adoption d’un projet de loi.
Sur ce point précis, les rédacteurs dudit projet de révision de la Constitution semblent avoir été plus « militaires » que les responsables militaires. En effet, point de loi, ils ont emballé cette importante et cruciale question qui doit interpeller chacun de nous, dans une formulation vague et sans contours précis : « conformément aux dispositions constitutionnelles », qui ajoute de l’imprécision et de l’ambigüité. Ce qui va permettre à l’ANP, aux autorités militaires, de décider, seules, de la détermination des intérêts vitaux et stratégiques du pays.
En somme, l’ANP devient le tuteur de la Nation, du peuple, et peut mettre fin, en arguant de la défense des intérêts vitaux et stratégiques du pays, à tout processus démocratique ou évincer tel ou tel responsable, y compris le Président de la République.
Sur ce point précis, revenons au projet de révision de la Constitution pour connaitre s’il existe une définition, même en termes généraux, des intérêts vitaux et stratégiques du pays.
Force est de constater que cette appellation « intérêts vitaux et stratégiques du pays » ne figure dans aucune autre disposition du projet de révision de la Constitution. De même, il n’existe aucune définition ou délimitation de ces intérêts vitaux et stratégiques du pays.
L’article 70, in fine, fait état de ce qui suit : « le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre de la loi. La loi peut en interdire ou en limiter l’exercice dans les domaines de défense nationale et de sécurité, ou pour tous services ou activités publics d’intérêt vital pour la Nation ». Ce qui n’a aucun rapport avec le contenu de l’article où l’ANP défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays.
L’article 74, dans ses alinéas 1er et 2ème, prévoit ce qui suit : « La création intellectuelle, y compris dans ses dimensions scientifique et artistique, est garantie. Cette liberté ne peut être restreinte, sauf en cas d’atteinte à la dignité des personnes au aux intérêts supérieurs de la nation ou aux valeurs et constantes nationales ».
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Contribution| 22 Septembre 2020 | 21:04
Une première lecture du projet de révision de la Constitution, publié au Journal Officiel 54 du 16 septembre 2020, fait apparaitre des incohérences, des approximations et des omissions, au plan de la forme.
Quant au fond, certains articles méritent une attention particulière.
A-S’agissant de la forme
1-Préambule du projet de révision constitutionnelle
4ème paragraphe :
Manque de concordance entre le paragraphe rédigé en français et celui rédigé en arabe. Ledit paragraphe, en langue française, a omis dans sa deuxième phrase l’adverbe – constamment-: « …et au développement desquelles œuvre constamment l’Etat», qui se retrouve dans ce même paragraphe rédigé en langue arabe.
En outre, dans ce paragraphe, in fine, il est fait état de : « …la guerre de libération nationale… ». Or, dans ce paragraphe en langue arabe, ces termes n’existent pas.
Au plan grammatical, il y a lieu de remplacer le point (.) entre les deux (2) dernières phrases par une virgule (,) et ce pour avoir une cohérence et une compréhension du contenu de ce paragraphe, en langue française.
5ème paragraphe :
Manque de concordance entre le paragraphe en français et celui en arabe.
En français : « …pour asseoir sa volonté d’indépendance et de souveraineté nationales, sauvegarder l’identité culturelle nationale…. ».
En arabe : « …pour assumer son destin collectif dans la liberté et l’identité culturelle nationale retrouvées… ».
13ème paragraphe :
Manque de concordance entre les deux (2) paragraphes, en français et en arabe.
En français : « … ; telles qu’elles ont été consacrées par les traités qu’elle a ratifiées ».
En arabe : « … ; conformément aux traités internationaux qu’elle a ratifiés ».
2-du dispositif projet de révision constitutionnelle
Article 49 :
Manque de concordance entre cet article dans sa rédaction en français et en arabe.
En français : « Tout citoyen a le droit de choisir librement… ».
En arabe : « Tout citoyen jouissant de ses droits civils et politiques a le droit de choisir librement… ».
Article 59 :
En français : « L’Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en encourageant ses chances d’accès… ».
En arabe : « L’Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d’accès… ».
Les verbes encourager et augmenter n’ont pas la même signification.
Article 92 :
En français : « le Président de la République nomme, notamment : … ».
En arabe : « Le Président de la République nomme notamment dans les fonctions et mandats suivants : … ».
Article 98 :
En français : « Lorsque le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions, dans son… »
En arabe : « Lorsque le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions constitutionnelles, dans son… ».
Article 110 :
En français : « S’il résulte des élections législatives une majorité autre qu’une majorité présidentielle… ».
En arabe : « S’il résulte des élections législatives une majorité parlementaire autre qu’une majorité présidentielle… ».
Article 140 :
En francais : « Outre les domaines réservés par la Constitution à la loi organique, relèvent également de la loi organique, les matières suivantes… ».
En arabe : « Outre les domaines réservés par la Constitution à la loi organique, le Parlement légifère par des lois organiques dans les matières suivantes… ».
Article 180 :
Respecter l’ordre protocolaire, le Président du Conseil de la Nation est le deuxième personnage de l’Etat. En l’occurrence, il serait judicieux de réécrire le tiret 4 de cet article comme suit :
« -Six (6) personnalités choisies en raison de leur compétence, en dehors du corps de la magistrature, dont deux (2) choisies par le Président de la République, deux (2) choisies par le Président du Conseil de la Nation en dehors de ses membres, et deux (2) choisies par le Président de l’Assemblée Populaire Nationale en dehors des députés ».
Article 184 :
En français : « Les institutions et organes de contrôle sont chargés… ».
En arabe : « Les institutions constitutionnelles et les organes de contrôle sont chargés… ».
Article 189/2ème alinéa :
Mettre en adéquation le contenu du deuxième alinéa de l’article 189, en langue française, avec le contenu de ce même alinéa, en langue arabe.
Nouvelle formulation proposée : « Le membre de la Cour constitutionnelle ne peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour des actes ne relevant pas de l’exercice de ses fonctions qu’après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité ou sur autorisation de la Cour Constitutionnelle ».
Article 199/1er alinéa :
En français : « La Cour des Comptes est une institution supérieure de contrôle du patrimoine…».
En arabe : « La Cour des Comptes est une institution supérieure indépendante de contrôle du patrimoine … ».
Article 199/4ème alinéa :
Une correction s’impose dans le texte en français : substituer « …par le président de la Cour », à ce qui est transcrit « …par le président du Conseil ».
Article 205/3ème tiret :
Substituer au verbe « enjoindre », le verbe « donner », car il y a dans ce tiret une juxtaposition d’un verbe et d’un substantif qui ont le même sens (enjoindre et injonctions). Le pouvoir d’injonction est celui d’ordonner, aussi il convient d’éviter le pléonasme que constitue l’emploi du verbe (enjoindre), déjà contenu dans le substantif injonction, laquelle interdit, ordonne.
Nouvelle formulation proposée :
« …et de donner, le cas échéant, des injonctions aux institutions et organes concernés », au lieu de :
« …et d’enjoindre, le cas échéant, des injonctions aux institutions et organes concernés ».
Article 221 :
En français : « …ni n’affecte d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions… ».
En arabe : « … ni n’affecte d’aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions constitutionnels… ».
3-la division en titres et chapitres
Le projet de révision de la Constitution est divisé en titres et chapitres. Chaque titre comporte des chapitres. Cependant, cette règle formelle n’est guère respectée.
Dans le titre III, « les situations exceptionnelles » dont l’intitulé figure comme un chapitre ne sont pas articulés comme étant un chapitre. En fait, ca devrait être le Chapitre 2 dudit titre III.
Le titre V (articles 206 à 218) intitulé « Des organes consultatifs » n’est pas organisé en chapitres bien qu’il renferme huit (8) sous-titres (chapitres), ayant trait aux organes suivants : Le Haut Conseil Islamique, le Haut Conseil de Sécurité, le Conseil National Economique, Social et Environnemental, le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Observatoire National de la Société Civile, le Conseil Supérieur de la Jeunesse, le Conseil National de la Recherche Scientifique et des Technologies et l’Académie Algérienne des Sciences et des Technologies.
Il me parait qu’il s’agit là d’une erreur d’inattention. Il convient d’y remédier.
4-Inclusion d’un organe indépendant dans le titre V dédié aux organes consultatifs
En effet, l’article 218 qui fait partie intégrante de ce titre consacré aux organes consultatifs est clair et ne souffre d’aucune ambigüité « L’Académie algérienne des sciences et des technologies est un organe indépendant à caractère scientifique et technologique ».
5-Confusion entre paragraphes et alinéas
Les articles de la Constitution, de la loi et des textes réglementaires (décrets et arrêtés) sont composés d’alinéas. C’est le terme consacré.
Dans ce projet de révision de la Constitution, les deux (2) termes (paragraphe et alinéa) sont employés indifféremment à titre d’exemple article 96/3ème alinéa et article 190/4ème alinéa).
6-Omission de la traduction des deux (2) serments prévus par les articles 90 et 185
Les deux (2) serments prévus par les dispositions des articles 90 et 185 du projet de révision de la Constitution n’ont pas été traduits, dans la version en langue française dudit projet. Il s’agit des termes par lesquels le Président de la République prête serment pour entrer en fonction, et de ceux par lesquels les membres de la Cour constitutionnelle prêtent serment avant leur entrée en fonction.
B- Quant au fond :
Article 30 :
Cet article a fait l’objet d’un ajout d’un 4ème alinéa, rédigé ainsi qu’il suit : « L’Armée Nationale Populaire défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays conformément aux dispositions constitutionnelles ».
Les rédacteurs de ce projet de révision de la Constitution ont donné suite à une proposition formulée par le Ministère de la Défense Nationale rédigée ainsi qu’il suit : « L’Armée Nationale Populaire défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays en toutes circonstances. Les modalités de l’application de cet alinéa sont fixées par la loi ».
Par ailleurs, cet article a fait l’objet de treize (13) propositions de modification ou d’enrichissement, dont celle du ministère de la défense nationale. Bien entendu, cette dernière a été prise en compte, par une écriture qui dépasse les espérances de l’auteur de cette proposition d’ajout d’un 4ème alinéa.
En effet, le ministère de la défense nationale, respectueux de la République, de la loi et des institutions constitutionnelles, a conditionné les modalités d’application de cette défense des intérêts vitaux et stratégiques du pays, l’Algérie, à l’élaboration et l’adoption d’une loi. Et, on connait tous le processus d’élaboration et d’adoption d’un projet de loi.
Sur ce point précis, les rédacteurs dudit projet de révision de la Constitution semblent avoir été plus « militaires » que les responsables militaires. En effet, point de loi, ils ont emballé cette importante et cruciale question qui doit interpeller chacun de nous, dans une formulation vague et sans contours précis : « conformément aux dispositions constitutionnelles », qui ajoute de l’imprécision et de l’ambigüité. Ce qui va permettre à l’ANP, aux autorités militaires, de décider, seules, de la détermination des intérêts vitaux et stratégiques du pays.
En somme, l’ANP devient le tuteur de la Nation, du peuple, et peut mettre fin, en arguant de la défense des intérêts vitaux et stratégiques du pays, à tout processus démocratique ou évincer tel ou tel responsable, y compris le Président de la République.
Sur ce point précis, revenons au projet de révision de la Constitution pour connaitre s’il existe une définition, même en termes généraux, des intérêts vitaux et stratégiques du pays.
Force est de constater que cette appellation « intérêts vitaux et stratégiques du pays » ne figure dans aucune autre disposition du projet de révision de la Constitution. De même, il n’existe aucune définition ou délimitation de ces intérêts vitaux et stratégiques du pays.
L’article 70, in fine, fait état de ce qui suit : « le droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre de la loi. La loi peut en interdire ou en limiter l’exercice dans les domaines de défense nationale et de sécurité, ou pour tous services ou activités publics d’intérêt vital pour la Nation ». Ce qui n’a aucun rapport avec le contenu de l’article où l’ANP défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays.
L’article 74, dans ses alinéas 1er et 2ème, prévoit ce qui suit : « La création intellectuelle, y compris dans ses dimensions scientifique et artistique, est garantie. Cette liberté ne peut être restreinte, sauf en cas d’atteinte à la dignité des personnes au aux intérêts supérieurs de la nation ou aux valeurs et constantes nationales ».
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