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    La suspension du transport interwilayas pour cause de covid-19 pénalise les usagers et les transporteurs
    Déplacements interwilayas : un calvaire au quotidien

    el-watan.com


    ( photo : B. Souhil )


    MUSTAPHA BENFODIL
    23 SEPTEMBRE 2020

    Dimanche 20 septembre. Gare routière du Caroubier. Il est bientôt midi et l’immense station de bus est déserte. Nous franchissons tout de même la grille de la gare dans l’espoir de rencontrer quelque membre des syndicats des transporteurs, qui ont leurs locaux dans l’enceinte même de la Sogral, la Société d’exploitation des gares routières d’Algérie.

    Des agents de sécurité, un poil nerveux, s’enquièrent de l’objet de notre visite. «Pour l’instant, il n’y a rien de nouveau», nous déclare tout de go un responsable de la sécurité. Comprendre : pas de reprise des transports. L’homme accepte tout de même de nous accompagner vers l’aile abritant, tout au fond du grand bâtiment central, les bureaux de deux des principales organisations des transporteurs : l’Union nationale des transporteurs (UNAT) et l’Organisation nationale des transporteurs algériens (ONTA).

    Après un quart d’heure d’attente, un autre responsable de la sécurité nous signifie qu’il fallait revenir avec un ordre de mission. On apprend que «ce matin (dimanche, ndlr), il y a eu du grabuge», ce qui explique la légère tension qui enveloppe les lieux. Allusion à une action de protestation organisée pour exiger le déconfinement des lignes de transport interwilayas, l’une des rares activités encore gelées au nom des mesures de prévention anti-Covid. En traversant le bâtiment intérieur de la gare, une image retient d’emblée notre attention : tous les locaux sont fermés : boutiques, cafés, fast-food, toilettes…

    Devant les nombreux guichets de réservation, une signalétique spéciale a été mise en place, appelant au respect des gestes barrières. «Veuillez respecter la distance de sécurité», peut-on lire un peu partout. Mais point de reprise jusqu’à l’heure où nous écrivons ces lignes.
    Une file de clandestins

    A l’extérieur de la gare routière, sur la longue avenue, et tout spécialement aux abords de l’aire de stationnement réservée aux taxis interwilayas, et qui, elle aussi, est déserte, une foule est massée sur les deux rives de la chaussée. Des rabatteurs crient les noms de plusieurs destinations : Tizi Ouzou, Chlef, Médéa, Blida, Annaba, Tébessa, Relizane, Aïn Defla… Une file de clandestins attend des clients providentiels.

    A chaque pas, l’un de ces «fraudeurs», comme on les appelle ici, vient nous proposer ses services. Et quand on décline notre identifié professionnelle, certains se méfient et tournent casaque. «Ma tahraguenache (ne nous grillez pas)», lâche l’un d’eux. Il faut dire que les clandestins et les taxis, qui acceptent de prendre le risque, sont les seuls moyens de transport disponibles pour les déplacements interwilayas. Depuis le début de la pandémie et l’instauration du confinement en mars dernier, tous les moyens de transport disponibles pour aller d’une wilaya à une autre, que ce soit par bus, par train ou par taxi, ont été suspendus. Et cette situation pèse lourdement sur les usagers, et tout particulièrement les travailleurs qui résident dans une wilaya et émargent dans une autre. C’est le cas de milliers de personnes qui se déplacent quotidiennement vers Alger, en provenance de Blida, Tizi Ouzou, Boumerdès, Tipasa… Et inversement, beaucoup d’Algérois travaillent ou étudient dans l’une de ces wilayas et triment pour trouver une locomotion.

    «Lâchez les trains !»

    Ces flux de mobilité ont été ainsi fortement pénalisés par l’interruption des liaisons routières et ferroviaires. Sur sa page Facebook, la SNTF publiait le 16 septembre : «Pendant la période de quarantaine décidée par les autorités publiques depuis mars 2020, la Société nationale de transport ferroviaire (SNTF) a continué d’assurer le transport régulier de marchandises, notamment le transport du carburant, des céréales, du minerai de fer, du phosphate, des conteneurs et de produits divers. Pour le transport de voyageurs, nous rappelons que la reprise du trafic sera annoncée au moment opportun par les pouvoirs publics.» En réaction à cette publication, beaucoup d’internautes se sont plaints de l’incidence de cette suspension des liaisons ferroviaires sur leur quotidien, notamment les trains de banlieue qui sont les moyens les plus prisés pour relier les villes moyennes aux grands centres urbains. «A quand la reprise ? Wallah vous exagérez. Instaurez des mesures de prévention et reprenez le service. On est pénalisés. On travaille loin», proteste un citoyen. Un autre, étudiant de son état, s’inquiète : «Je vais bientôt reprendre mes études et il n’y a que le train pour me rendre à El Affroun.» Un autre renchérit : «Nous sommes des travailleurs, nos responsables nous ont sommés de revenir à nos postes et il n’y a pas de transport.»

    Un facebooker s’emporte : «Lâchez les trains et faites un contrôle strict, avec port du masque obligatoire.» Notons, enfin, cette réflexion d’un usager dépité : «De toute façon, c’est le pauvre citoyen qui continue de payer cher l’arrêt des transports interwilayas. Personne ne se soucie de lui !» De fait, tant que les transports collectifs n’ont pas repris, en premier lieu les trains de banlieue et les bus, les usagers sont obligés de se rabattre sur les véhicules légers, qu’ils soit taxis, clandestins ou VTC, et cela coûte forcément plus cher et devient financièrement intenable pour les travailleurs à faibles revenus. Pour revenir à la gare routière, la vie autour de ce périmètre était ainsi rythmée par ces images contrastées : d’un côté, des aires de stationnement désertes et une gare totalement vide. De l’autre : la chaussée prise d’assaut par une foule de voyageurs désemparés et par des transporteurs qui acceptent de défier les barrages routiers pour gagner leur croûte. Ironie du sort : même les chauffeurs de taxi réguliers sont réduits au statut de clandestins puisque officiellement, le trafic interwilayas n’est pas autorisé.


    «Je dois faire une radiothérapie»

    Un «taxieur» posté à une station de bus interurbains s’écrie à chaque minibus qui s’arrête, en provenance de la banlieue Est : «Aya Tizi une place !» «C’est 1000 DA par personne», nous dit-il. «En temps normal, c’est 750 DA la place», précise le monsieur. «Les gens sont toujours bloqués à cause de cette situation, c’est infernal. Ce matin (dimanche, ndlr), il y a eu une grève. On espère qu’ils vont lâcher du lest.» Un autre chauffeur de taxi qui fait, lui aussi, la ligne Alger-Tizi, indique : «C’est 4000 DA la course. Sinon, c’est 1000 DA la place.» Et de lancer, excédé : «ça fait six mois qu’on n’a pas travaillé, c’est très difficile. Les fraudeurs font comme ils veulent, aux prix qu’ils veulent. Personne ne les embête. Et nous, on est dans le risque permanent. Mais qu’est-ce que tu vas faire ? On doit se débrouiller pour gagner notre croûte.» Voyant un minibus des lignes interurbaines s’arrêter pour ramasser quelques clients, le chauffeur de taxi peste : «Regardez-moi ça ! Le bus est bondé au mépris des règles sanitaires. Et il travaille le plus normalement du monde. Et nous, on nous interdit de reprendre. Ce n’est pas sérieux !»

    A quelques pas de là, assis sous un pont, trois jeunes poireautent. Ils ont rendez-vous avec un transporteur. «On est venus de Tizi et on doit se rendre à Béchar. On travaille dans un chantier. Il y a quelqu’un qui va nous conduire à Aïn Defla, et de là-bas, on va aller à Béchar», explique l’un d’eux. En tout, le périple leur revient à 6000 DA chacun. Et de faire remarquer : «Beaucoup de gens à Tizi Ouzou ont perdu leur emploi parce qu’ils ne pouvaient plus rejoindre leur lieu de travail. Ils bossaient hors de Tizi, et comme le transport interwilayas est paralysé, ils se sont retrouvés au chômage.» Une centaine de mètres plus loin, toujours sur la longue avenue qui jouxte la gare routière, un clandestin nous propose une place pour Chlef. «C’est 600 DA la place», lance-t-il, avant de nous raconter son histoire. «J’ai déposé une demande à Chlef pour faire taxi réglementaire et j’attends depuis deux ans. Il y a trop de taxis urbains», confie-t-il.

    Il nous dit au passage que son père «est parti en France pour faire une opération de la prostate. Il devait y rester un mois, il est resté bloqué pendant plus de cinq mois». Un vieux retraité, un bandeau sur l’œil, vient d’arriver de Mostaganem. «Je suis venu pour des soins, je souffre d’un cancer. Je dois faire une radiothérapie. J’ai dû louer une place dans un véhicule clandestin. C’est 2500 DA par personne et ma retraite est de 20 000 DA. Mais je n’ai pas le choix, Allah ghaleb !» témoigne-t-il. Un clando faisant la ligne Alger-Blida (à raison de 500 DA la place) s’indigne : «Enass rahi t’âni (les gens souffrent le martyre). Il y a des personnes qui travaillent à Blida, ou des gens de Blida qui travaillent à Alger. Et ça leur revient cher le transport comme ça. Pourquoi l’Etat autorise tout sauf les liaisons entre les wilayas ? C’est le peuple qui est en train de payer la facture à la fin.»

    «Aucune date n’a été fixée pour la reprise»

    Dans une lettre adressée au Premier ministre, Abdelaziz Djerad, datée du 8 septembre, l’ONTA a tenu à alerter les pouvoirs publics sur la détresse des transporteurs routiers. «Les chauffeurs de taxi et les transporteurs collectifs interwilayas sont en train de souffrir en silence d’une crise asphyxiante et des conditions désastreuses qui durent depuis 6 mois. Ils ne peuvent plus assurer leur gagne-pain en raison de ce chômage imposé par les mesures de prévention sanitaire», écrit le syndicat. L’ONTA demande la levée des restrictions imposées aux transporteurs sous réserve du respect des mesures anti-Covid, «au même titre que les autres professions et prestataires, à l’instar des cafés, des restaurants, des marchés et des grands magasins d’habillement».

    Le 19 septembre dernier, le ministre des Transports, Lazhar Hani, a reçu les représentants des principales organisations professionnelles du secteur : l’UNAT, l’ONTA, l’UGCAA-Transport, le Syndicat national des transports terrestres (SNTT-UGTA) ainsi que l’Union nationale des chauffeurs de taxis (Unact). Les représentants des transporteurs «ont fait part de leurs préoccupations socioprofessionnelles, notamment celles inhérentes au gel de l’activité des transports en raison de la pandémie de Covid-19, aux indemnités y afférentes décidées par les pouvoirs publics, au renouvellement du parc, à la conversion de la motorisation des véhicules de transport au GPL ainsi qu’aux autres points en rapport avec la profession», indique un communiqué du ministère des Transports.

    Le représentant du gouvernement a assuré les transporteurs du «soutien de l’Etat, de sa compréhension et de son entière disponibilité à œuvrer à leur satisfaction et à leur prise en charge, en tenant compte de la situation sanitaire et économique du pays», précise le même communiqué.

    Joint par téléphone, le président de l’UNAT, Mohamed Belal, qui a été reçu ce lundi 21 septembre par un conseiller de la présidence de la République, nous a déclaré que pour l’heure, «aucune date n’a été fixée pour la reprise de l’activité».



    Une aide de 30 000 DA aux «transporteurs routiers de personnes»

    Le gouvernement a décidé d’allouer une aide financière de 30 000 DA «au profit des transporteurs routiers de personnes, affectés par les mesures de restriction sur le transport entre les wilayas, dans le cadre des mesures de prévention et de lutte contre la propagation du coronavirus (Covid-19)». C’est ce qu’a indiqué hier un communiqué des services du Premier ministère, relayé par l’APS. En outre, «une aide financière de 10 000 DA est également accordée au profit des conducteurs et receveurs», ajoute le communiqué, en précisant que ces mesures «sont applicables pour la période d’août, septembre et octobre 2020».
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