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Mohammed VI et son château picard : entre Histoire et petits secrets

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  • Mohammed VI et son château picard : entre Histoire et petits secrets

    Le château de Betz dans l'Oise, acheté en 1972 par Hassan II, est un lieu de villégiature prisé par Mohammed VI. Une royale présence qui ne passe pas inaperçue. Par Maxence Eloi
    Modifié le 27/08/2017 à 11:45 - Publié le 25/08/2017 à 15:13 | Le Point.fr
    Mohammed VI a Paris lors de la COP21.

    Le roi du Maroc vient en son domaine de Betz chaque saison de l'annee.


    Betz, son église romane, sa petite épicerie, sa « rue de la Libération » et son château habité par un roi. Entouré de murs en pierres apparentes, un domaine de 70 hectares dans le centre de Betz appartient au roi du Maroc, Sa Majesté Mohammed VI. Le prestigieux habitant ne fait pas de facétie, essayant tant bien que mal d'être le plus discret possible. Mais comme tout chef d'État, il ne passe jamais inaperçu avec son armada de gardes du corps.

    Été comme hiver, le souverain chérifien se ressource en terre picarde dans une demeure dont lui seul connaît toute la beauté et la richesse historique. Les 1 200 âmes de cette commune située à soixante kilomètres au nord-est de Paris n'ont jamais eu l'occasion d'entrer dans le parc du château classé au patrimoine national.

    Château de Betz (60) depuis le parc de la propriété © T. Abran

    Une ancienne propriété monégasque

    Betz fait partie d'une région riche d'histoire, proche de villes comme Compiègne, Senlis ou Chantilly, qui ont toutes accueilli des rois. Un château féodal occupait les lieux avant qu'il ne soit détruit, pillé et détérioré par le temps. En 1780, la princesse de Monaco décide d'en faire son domaine. Marie-Catherine de Brignole, mariée au prince Honoré III de la principauté de Monaco, vit alors une aventure plus qu'amicale avec le prince de Condé résidant à Chantilly. Afin de se rapprocher de son amant, elle achète le parc et les ruines, et décide de reconstruire un château de style Renaissance sur les bords de la Grivette, la rivière qui traverse le parc, avec des extérieurs inspirés des plus beaux jardins anglais de l'époque.

    Mais la Révolution survient. La voilà qui émigre en Angleterre. Le château de Betz se retrouve abandonné. Il est racheté en 1810 par une « bande noire », ces groupes de vendeurs peu scrupuleux qui rachètent des domaines à tour de bras pour en revendre les pierres taillées, très recherchées à l'époque. S'ensuit un siècle où les propriétaires se succèdent sans réellement prêter attention au site. Ce n'est qu'à la veille de la Première Guerre mondiale que Betz est à nouveau doté d'un édifice à la hauteur de ses jardins. Une riche bourgeoise investit et fait bâtir un château entre 1912 et 1914. Grâce à son attachement au site, plus rien ne se détériorera.


    Parc du château de Betz (60) © T. Abran

    Le parc, un trésor méconnu

    Si le roi Mohammed VI peut aujourd'hui jouir de sa propriété isarienne, c'est grâce à l'entretien incessant prodigué par Mme Vincent, la riche bourgeoise qui occupa la demeure de 1912 à 1958. Malgré les guerres, les occupations allemandes et le coût financier, le joyau de Betz a tenu le choc. En 1950, Marcel Dassault songe même à s'approprier le bien. C'est finalement Hassan II en 1972 qui jette son dévolu sur le château.

    Sans doute est-ce le jardin qui lui tape dans l'œil. Pensé et mis en œuvre par Hubert Robert, l'un des principaux artistes du XVIIIe siècle, le parc est classé depuis 1991 à l'Inventaire général du patrimoine culturel par les ministères de la Culture et de l'Écologie. Le peintre paysagiste s'inspira de divers jardins d'agrément anglais, dont le parc Jean-Jacques Rousseau d'Ermenonville. Un guide touristique des années 1950 référence d'ailleurs la création d'Hubert Robert comme le 3e plus beau jardin anglais de France.

    Il n'a quasiment pas été modifié depuis sa création. Grâce au cours d'eau qui traverse Betz, le parc bénéficie d'un large étang parsemé de nombreux îlots parfois reliés par des ponts en arc faits de moulures en béton et de bois. Une bonne partie de la propriété est recouverte de hêtres, de bouleaux et de chênes. Pour agrémenter le parc, la princesse de Monaco fit édifier différents monuments. Outre une chapelle, un kiosque, un pavillon de repos, plusieurs petits monuments qui confèrent aux lieux une allure de Carte du tendre.

    Un temple de l'Amitié célèbre ainsi la relation qu'entretint la princesse monégasque avec le prince de Condé. À l'intérieur, moulures au plafond voûté, colonnes et statues. L'édifice s'inspire des constructions de l'Antiquité. À quelques encablures de là s'érige une colonne sculptée en l'honneur de Tancrède de Hauteville, un chevalier normand qui prit part aux premières croisades. Il y est inscrit plusieurs vers de Voltaire tirés d'une œuvre sur ce même chevalier : « Conservez ma devise, elle est chère à mon cœur ; Elle a dans mes combats soutenu ma vaillance ; Elle a conduit mes pas et fait mon espérance, ces mots me sont sacrés : c'est l'Amour et l'Honneur. » S'y ajoutent un temple chinois ou encore un obélisque en la mémoire de l'indépendance des États-Unis.


    Temple de l'Amitié construit par Marie-Catherine de Brignole pour célébrer sa relation avec le prince de Condé - parc du château de Betz (60) © T. Abran


    Un château aménagé sur mesure
    Pour le reste, difficile de savoir ce qui compose le domaine, en particulier le château et ses intérieurs. Son architecture copie les grands hôtels de la côte normande construits à la fin du XIXe siècle. Cependant, l'intérieur de la demeure diffère du style de la Belle Époque avec des façades à colombages et de grandes fenêtres. En effet, comme l'avance Dominique Vasseur, historienne et auteur du livre Betz – Histoire du château et des propriétaires successifs, le roi Hassan II y a voulu une ambiance orientale plus à son goût.

    Pour son jeune fils, qui lui a depuis succédé, Hassan II a fait dresser un pavillon à côté du château. Ce serait le seul édifice important mis sur pied depuis l'achat du monarque, il est même considéré par certains comme un « second château ». Il y a aussi installé deux wagons-lits des trains Grands Express européens, un hommage à son père Mohammed V avec lequel il avait voyagé dans ces trains. Certains lui prêtent aussi la construction d'un abri antiatomique.

    Mohammed VI, quant à lui, s'est fait aménager une pension pour y abriter ses pur-sang arabes. Féru de courses hippiques, il fait courir ses montures dans divers hippodromes comme à Chantilly ou à Compiègne. Tous les travaux menés dans la propriété sont effectués par les artisans locaux. « Sa Majesté fait travailler les artisans et les commerces du coin. Il y a un vrai lien historique et permanent entre Betz et le roi du Maroc », explique fièrement Philippe Boulland, maire UMP de la commune entre 1995 et 2004 et aujourd'hui conseiller municipal. Il est vrai que les souverains marocains ont su se faire accepter par la population malgré leur statut de personnalité exceptionnelle.

    Royales libéralités

    Impossible de donner un chiffre exact, mais Mohammed VI, comme son père auparavant, n'hésite pas à financer le développement du village. Entre le périscolaire, la cantine, le foyer rural ou encore la salle polyvalente, ils ont grandement contribué au renouveau culturel, éducatif et social de Betz. Depuis quelques années, une quinzaine d'enfants de la commune et de ses alentours sont même conviés au Maroc afin de découvrir le pays. Les jeunes et heureux élus, encadrés par des animateurs, logent dans des hôtels de haut standing, comme à Agadir, où ils profitent des nombreuses activités proposées, telles que le jet-ski ou les randonnées à dos de chameau. Le roi offre, en point d'orgue, à chaque enfant 500 euros d'argent de poche ainsi que 1 000 euros pour chaque accompagnateur.

    Quand on demande à certains élus municipaux si ces manœuvres ne seraient pas un moyen d'acheter l'adhésion de la population locale, personne n'y croit. « Le roi reste attentif aux besoins de la commune. […] Quand on connaît Sa Majesté, il fait à Betz ce qu'il fait au Maroc. Il fait les mêmes gestes que dans ses autres palais », justifie Philippe Boulland, qui entretenait comme maire de bons rapports avec Mohammed VI. Pourtant, lorsque le roi se rend dans son château picard, le bourg perd sa quiétude. La routine des citoyens de la localité se voit quelque peu bousculée.

    Protection rapprochée et discrétion absolue

    Ils sont une cinquantaine, au moins, à surveiller les abords du domaine. Vêtus d'un jogging ou d'un costume noir à la cravate rouge, les gardes du corps de Mohammed VI sillonnent le village donnant une impression de siège. Pas en reste, la gendarmerie les supplée en positionnant une dizaine d'hommes avec deux camions d'intervention devant l'entrée du château. La rue principale partiellement bouclée limite les déplacements.

    Le personnel du château participe aussi à la sécurité du roi. Tous signent une convention de confidentialité leur interdisant la divulgation du moindre détail de sa vie privée, de ses biens et de sa propriété. Une vingtaine de techniciens de surface, de jardiniers et d'intendants y travaillent à l'année. Le nombre d'employés grimpe à soixante lorsque le château est occupé. Tous les travailleurs proviennent du village ou des bourgades limitrophes. Leurs revenus, trois à quatre fois supérieurs au smic actuel, justifient l'attrait pour cet emploi que l'on se transmet parfois de père en fils. De quoi s'assurer une discrétion à toute épreuve : « Désolé, mais si je parle de la moindre chose concernant le château, je risque de me faire virer », explique un brin tendu un employé occasionnel. Le conservateur du domaine dément toute pression de ce genre...

    En cette fin de mois d'août, le drapeau du Maroc flotte à Betz. La gendarmerie filtre les personnes qui transitent à proximité de la résidence de Mohammed VI. Des camions de livraison pénètrent dans la propriété sous le regard méfiant de la garde personnelle du roi. Un ballet incessant de berlines noires aux vitres teintées effectue des va-et-vient. Qui s'offre un court séjour provincial ? Famille du souverain, amis proches ou le souverain lui-même…, personne ne sait. Les secrets de la vie de château bessine restent bien gardés.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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