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Tout ce qui existe... n’existe, ne vit que par un mouvement quelconque... Il y a un mouvement continuel d’accroissement dans les forces productives, de destruction dans les rapports sociaux.
Karl Marx
Le marxisme n’est pas seulement une théorie du socialisme*; c’est une conception du monde achevée, un système philosophique d’où le socialisme prolétarien de Marx découle spontanément. Ce système philosophique porte le nom de matérialisme dialectique.
Aussi bien, exposer le marxisme c’est exposer le matérialisme dialectique.
Pourquoi ce système porte-t-il le nom de matérialisme dialectique*?
Parce que sa méthode est dialectique et sa théorie, matérialiste.
Qu’est-ce que la méthode dialectique?
On dit que la vie sociale est en état de constante évolution et de mouvement. Et cela est juste : on ne peut considérer la vie comme quelque chose d’immuable, de figé*; elle ne s’arrête jamais à un niveau quelconque*; elle est en perpétuel mouvement, elle suit un processus perpétuel de destruction et de création. C’est pourquoi il existe toujours dans la vie du nouveau et du vieux, des éléments croissants et mourants, révolutionnaires et contre-révolutionnaires.
La méthode dialectique affirme qu’il faut regarder la vie telle qu’elle est en réalité. Nous avons vu que la vie est en perpétuel mouvement*; nous devons donc considérer la vie dans son mouvement, et poser la question ainsi*: Où va la vie*? Nous avons vu que la vie offre le spectacle d’une destruction et d’une création perpétuelles*; notre devoir est donc de considérer la vie dans sa destruction et sa création, et de poser la question ainsi*: Qu’est-ce qui se détruit et qu’est-ce qui se crée dans la vie?
Ce qui naît dans la vie et grandit de jour en jour, est irrésistible, et l’on ne saurait en arrêter le progrès. C’est-à-dire que si, par exemple, le prolétariat naît dans la vie en tant que classe et grandit de jour en jour, si faible et peu nombreux qu’il soit aujourd’hui, il finira néanmoins par vaincre. Pourquoi ? Parce qu’il grandit, se fortifie et marche de l’avant. Par contre, ce qui dans la vie vieillit et s’achemine vers la tombe, doit nécessairement subir la défaite, encore que ce soit aujourd’hui une force prodigieuse. C’est-à-dire que si, par exemple, la bourgeoisie voit le terrain se dérouler peu à peu sous ses pieds et marche chaque jour à reculons, si forte et nombreuse qu’elle soit aujourd’hui, elle finira néanmoins par essuyer la défaite. Pourquoi ? Mais parce que, en tant que classe, elle se désagrège, faiblit, vieillit et devient un fardeau inutile dans la vie.
D’où la thèse dialectique bien connue : Tout ce qui existe réellement, c’est-à-dire tout ce qui grandit de jour en jour, est rationnel, et tout ce qui de jour en jour se désagrège, ne l’est point et, par conséquent, n’échappera pas à la défaite.
Exemple. Après 1880, un grand débat s’était institué parmi les intellectuels révolutionnaires russes. Les populistes affirmaient que la force principale capable de se charger de la "libération de la Russie", était la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville. Pourquoi*? leur demandaient les marxistes. Parce que, répondaient les populistes, la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville forme aujourd’hui la majorité*; de plus, elle est pauvre et vit dans la misère.
Les marxistes répliquaient*: en effet, la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville forme aujourd’hui la majorité, et elle est vraiment pauvre, mais la question n’est point là. La petite bourgeoisie forme depuis longtemps déjà la majorité, mais jusqu’à présent elle n’a, sans l’aide du prolétariat, fait preuve d’aucune initiative, dans la lutte pour la "liberté". Pourquoi*? Mais parce que la petite bourgeoisie, en tant que classe, ne grandit pas*; au contraire, de jour en jour elle se désagrège et se décompose en bourgeois et en prolétaires. D’autre part, bien entendu, la pauvreté, elle non plus, n’a pas ici une importance décisive*: les "gueux" sont plus pauvres que la petite bourgeoisie, mais personne ne dira qu’ils peuvent se charger de la "libération de la Russie".
Comme on voit, il ne s’agit pas de savoir quelle classe aujourd’hui forme la majorité, ou quelle classe est plus pauvre, mais bien quelle classe se fortifie et quelle autre se désagrège.
Et comme le prolétariat est la seule classe qui se développe et se fortifie sans cesse, qui pousse en avant la vie sociale et rallie autour de soi tous les éléments révolutionnaires, notre devoir est de le reconnaître pour la force principale du mouvement d’aujourd’hui, de rejoindre ses rangs et de faire nôtres ses tendances progressives.
Ainsi répondaient les marxistes.
Sans doute les marxistes regardaient-ils la vie dialectiquement, tandis que les populistes raisonnaient en métaphysiciens, car ils se représentaient la vie sociale comme étant figée, à un point mort.
C’est ainsi que la méthode dialectique envisage le développement de la vie.
Mais il y a mouvement et mouvement. Il y en eut un, dans la vie sociale, aux "journées de décembre"*[1], quand le prolétariat, l’échine redressée, attaqua les dépôts d’armes et marcha à l’assaut de la réaction. Mais ce qu’il faut encore nommer mouvement social, c’est celui des années antérieures, quand le prolétariat, dans le cadre d’une évolution "pacifique", se contentait de grèves isolées et de la création de petits syndicats.
Il est clair que le mouvement affecte des formes diverses.
Eh bien, la méthode dialectique affirme que le mouvement a une double forme*: évolutionniste et révolutionnaire.
Le mouvement est évolutionniste, quand les éléments progressifs continuent spontanément leur travail journalier et apportent dans le vieil ordre de choses de menus changements quantitatifs.
Le mouvement est révolutionnaire, quand ces mêmes éléments s’unissent, se pénétrant d’une idée commune et se précipitent contre le camp ennemi pour anéantir jusqu’à la racine le vieil ordre de choses et apporter dans la vie des changements qualitatifs, instituer un nouvel ordre de choses.
L’évolution prépare la révolution et crée un terrain qui lui est favorable, tandis que la révolution achève l’évolution et contribue à son progrès.
Les mêmes processus s’opèrent dans la vie de la nature. L’histoire de la science montre que la méthode dialectique est une méthode authentiquement scientifique*: à commencer par l’astronomie et en finissant par la sociologie, partout l’idée se confirme qu’il n’y a rien d’éternel dans le monde, que tout change, tout évolue. Par conséquent, tout dans la nature doit être envisagé du point de vue du mouvement, de l’évolution. Or, cela signifie que l’esprit de la dialectique pénètre toute la science moderne.
Pour ce qui est des formes du mouvement et aussi du fait que, selon la dialectique, les menus changements de quantité aboutissent en fin de compte à de grands changements de qualité, cette loi est tout aussi valable dans l’histoire de la nature. Le "système périodique des éléments" de Mendéléev montre clairement quelle grande portée s’attache, dans l’histoire de la nature, au fait que les changements de qualité naissent des changements de quantité. Témoin aussi, en matière de biologie, la théorie du néolamarckisme, théorie à laquelle fait place le néodarwinisme.
Nous ne disons rien des autres faits, que Fr. Engels étudie avec une ampleur suffisante dans son Anti-Dühring.
Tel est le fond de la méthode dialectique.
Que pensent les anarchistes de la méthode dialectique*?
On sait que le fondateur de la méthode dialectique fut Hegel. Méthode que Marx a épurée et améliorée. Certes, ce fait est connu également des anarchistes. Ils savent que Hegel fut un conservateur, et, profitant de cette occasion, ils s’attaquent avec véhémence à Hegel, qu’ils traitent de partisan de la "restauration"*; ils "démontrent" avec entrain que "Hegel est un philosophe de la restauration... qu’il exalte le constitutionnalisme bureaucratique en sa forme absolue*; que l’idée générale de sa philosophie de l’histoire est subordonnée à la tendance philosophique de l’époque de la restauration, tendance qu’elle sert", etc. (Voir*: Nobati*[2], n°*6 Article de V. Tcherkézichvili).
L’anarchiste bien connu Kropotkine "démontre" la même chose dans ses écrits. (Voir, par exemple, sa Science et anarchisme, en langue russe).
Kropotkine est unanimement soutenu par nos kropotkiniens, depuis Tcherkézichvili jusqu’à Ch. G. (Voir les numéros de Nobati).
Il est vrai que sur ce point personne ne discute avec eux. Au contraire, chacun conviendra que Hegel n’était pas un révolutionnaire. Marx et Engels eux-mêmes ont, avant tous les autres, fait la preuve dans leur Critique de la critique critique, que les conceptions historiques de Hegel contredisent foncièrement l’idée de la souveraineté du peuple. Néanmoins, les anarchistes "démontrent" et tiennent à "démontrer" chaque jour que Hegel est partisan de la "restauration". Pourquoi font-ils cela*? Sans doute pour jeter le discrédit sur Hegel et faire sentir au lecteur que le "réactionnaire" Hegel ne peut avoir qu’une méthode "rebutante" et antiscientifique.
C’est ainsi que les anarchistes croient pouvoir réfuter la méthode dialectique.
Nous déclarons que de cette manière ils ne prouveront rien, sinon leur propre ignorance. Pascal et Leibniz n’étaient pas des révolutionnaires, mais la méthode mathématique qu’ils ont découverte est reconnue aujourd’hui une méthode scientifique. Mayer et Helmholtz n’étaient pas des révolutionnaires, mais leurs découvertes en physique constituent un des fondements de la science. Lamarck et Darwin n’étaient pas non plus des révolutionnaires*; cependant leur méthode évolutionniste a mis sur pied la science biologique... Pourquoi ne reconnaîtrait-on pas le fait que, en dépit de son conservatisme, Hegel a pu élaborer une méthode scientifique dite dialectique*?
Non, de cette manière les anarchistes ne prouveront rien, sinon leur propre ignorance.
Poursuivons. Selon les anarchistes, "la dialectique, c’est de la métaphysique", et comme ils "veulent débarrasser la science de la métaphysique, la philosophie de la théologie", ils réfutent la méthode dialectique. (Voir Nobati, n°*3 et 9. Ch G. Voir aussi Science et anarchisme, de Kropotkine).
Ah, ces anarchistes*! C’est, comme on dit, vouloir rejeter la faute sur son voisin. La dialectique a mûri dans la lutte avec la métaphysique*; elle s’est acquis la gloire dans cette lutte*; or, pour les anarchistes la dialectique, c’est de la métaphysique*!
La dialectique affirme qu’il n’y a rien d’éternel dans le monde, que tout passe, tout change*: la nature, la société, les mœurs et les coutumes, les idées de justice*; la vérité elle-même change, et c’est pourquoi la dialectique considère toute chose avec esprit critique*; c’est pourquoi elle nie la vérité établie une fois pour toutes*; par conséquent, elle nie de même les "principes dogmatiques tout faits que l’on n’a plus, une fois découverts, qu’à apprendre par coeur". (Voir*: F. Engels, Ludwig Feuerbach).
La métaphysique, elle, nous dit tout autre chose. Le monde pour elle est quelque chose d’éternel et d’immuable (voir*: F. Engels, Anti-Dühring)*; il a été une fois pour toutes défini par quelqu’un ou quelque chose. Voilà pourquoi les métaphysiciens ont toujours à la bouche "justice éternelle" et "vérité immuable".
Proudhon, le "père spirituel" des anarchistes, disait qu’il existe dans le monde une justice immanente établie une fois pour toutes, qui doit être mise à la base de la société future. Aussi a-t-on appelé Proudhon un métaphysicien. Marx a combattu Proudhon par la méthode dialectique, il a démontré que, puisque tout change dans le monde, la "justice" doit également changer et que, par conséquent, la "justice immanente" est un délire métaphysique (Voir*: K. Marx, la Misère de la philosophie). Or, les disciples géorgiens du métaphysicien Proudhon nous répètent sans cesse*: "La dialectique de Marx, c’est de la métaphysique*!".
La métaphysique admet différents dogmes nébuleux, comme l’"inconnaissable", la "chose en soi", et passe finalement à une théologie vide de substance. A l’opposé de Proudhon et de Spencer, Engels a combattu ces dogmes par la méthode dialectique. (Voir*: Ludwig Feuerbach). Et les anarchistes - les disciples de Proudhon et de Spencer - de nous dire que Proudhon et Spencer sont des savants, tandis que Marx et Engels sont des métaphysiciens*!
De deux choses l’une*: ou bien les anarchistes se leurrent*; ou bien ils ne savent ce qu’ils disent.
En tous cas, une chose est certaine, c’est que les anarchistes confondent le système métaphysique de Hegel et sa méthode dialectique.
Tout ce qui existe... n’existe, ne vit que par un mouvement quelconque... Il y a un mouvement continuel d’accroissement dans les forces productives, de destruction dans les rapports sociaux.
Karl Marx
Le marxisme n’est pas seulement une théorie du socialisme*; c’est une conception du monde achevée, un système philosophique d’où le socialisme prolétarien de Marx découle spontanément. Ce système philosophique porte le nom de matérialisme dialectique.
Aussi bien, exposer le marxisme c’est exposer le matérialisme dialectique.
Pourquoi ce système porte-t-il le nom de matérialisme dialectique*?
Parce que sa méthode est dialectique et sa théorie, matérialiste.
Qu’est-ce que la méthode dialectique?
On dit que la vie sociale est en état de constante évolution et de mouvement. Et cela est juste : on ne peut considérer la vie comme quelque chose d’immuable, de figé*; elle ne s’arrête jamais à un niveau quelconque*; elle est en perpétuel mouvement, elle suit un processus perpétuel de destruction et de création. C’est pourquoi il existe toujours dans la vie du nouveau et du vieux, des éléments croissants et mourants, révolutionnaires et contre-révolutionnaires.
La méthode dialectique affirme qu’il faut regarder la vie telle qu’elle est en réalité. Nous avons vu que la vie est en perpétuel mouvement*; nous devons donc considérer la vie dans son mouvement, et poser la question ainsi*: Où va la vie*? Nous avons vu que la vie offre le spectacle d’une destruction et d’une création perpétuelles*; notre devoir est donc de considérer la vie dans sa destruction et sa création, et de poser la question ainsi*: Qu’est-ce qui se détruit et qu’est-ce qui se crée dans la vie?
Ce qui naît dans la vie et grandit de jour en jour, est irrésistible, et l’on ne saurait en arrêter le progrès. C’est-à-dire que si, par exemple, le prolétariat naît dans la vie en tant que classe et grandit de jour en jour, si faible et peu nombreux qu’il soit aujourd’hui, il finira néanmoins par vaincre. Pourquoi ? Parce qu’il grandit, se fortifie et marche de l’avant. Par contre, ce qui dans la vie vieillit et s’achemine vers la tombe, doit nécessairement subir la défaite, encore que ce soit aujourd’hui une force prodigieuse. C’est-à-dire que si, par exemple, la bourgeoisie voit le terrain se dérouler peu à peu sous ses pieds et marche chaque jour à reculons, si forte et nombreuse qu’elle soit aujourd’hui, elle finira néanmoins par essuyer la défaite. Pourquoi ? Mais parce que, en tant que classe, elle se désagrège, faiblit, vieillit et devient un fardeau inutile dans la vie.
D’où la thèse dialectique bien connue : Tout ce qui existe réellement, c’est-à-dire tout ce qui grandit de jour en jour, est rationnel, et tout ce qui de jour en jour se désagrège, ne l’est point et, par conséquent, n’échappera pas à la défaite.
Exemple. Après 1880, un grand débat s’était institué parmi les intellectuels révolutionnaires russes. Les populistes affirmaient que la force principale capable de se charger de la "libération de la Russie", était la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville. Pourquoi*? leur demandaient les marxistes. Parce que, répondaient les populistes, la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville forme aujourd’hui la majorité*; de plus, elle est pauvre et vit dans la misère.
Les marxistes répliquaient*: en effet, la petite bourgeoisie de la campagne et de la ville forme aujourd’hui la majorité, et elle est vraiment pauvre, mais la question n’est point là. La petite bourgeoisie forme depuis longtemps déjà la majorité, mais jusqu’à présent elle n’a, sans l’aide du prolétariat, fait preuve d’aucune initiative, dans la lutte pour la "liberté". Pourquoi*? Mais parce que la petite bourgeoisie, en tant que classe, ne grandit pas*; au contraire, de jour en jour elle se désagrège et se décompose en bourgeois et en prolétaires. D’autre part, bien entendu, la pauvreté, elle non plus, n’a pas ici une importance décisive*: les "gueux" sont plus pauvres que la petite bourgeoisie, mais personne ne dira qu’ils peuvent se charger de la "libération de la Russie".
Comme on voit, il ne s’agit pas de savoir quelle classe aujourd’hui forme la majorité, ou quelle classe est plus pauvre, mais bien quelle classe se fortifie et quelle autre se désagrège.
Et comme le prolétariat est la seule classe qui se développe et se fortifie sans cesse, qui pousse en avant la vie sociale et rallie autour de soi tous les éléments révolutionnaires, notre devoir est de le reconnaître pour la force principale du mouvement d’aujourd’hui, de rejoindre ses rangs et de faire nôtres ses tendances progressives.
Ainsi répondaient les marxistes.
Sans doute les marxistes regardaient-ils la vie dialectiquement, tandis que les populistes raisonnaient en métaphysiciens, car ils se représentaient la vie sociale comme étant figée, à un point mort.
C’est ainsi que la méthode dialectique envisage le développement de la vie.
Mais il y a mouvement et mouvement. Il y en eut un, dans la vie sociale, aux "journées de décembre"*[1], quand le prolétariat, l’échine redressée, attaqua les dépôts d’armes et marcha à l’assaut de la réaction. Mais ce qu’il faut encore nommer mouvement social, c’est celui des années antérieures, quand le prolétariat, dans le cadre d’une évolution "pacifique", se contentait de grèves isolées et de la création de petits syndicats.
Il est clair que le mouvement affecte des formes diverses.
Eh bien, la méthode dialectique affirme que le mouvement a une double forme*: évolutionniste et révolutionnaire.
Le mouvement est évolutionniste, quand les éléments progressifs continuent spontanément leur travail journalier et apportent dans le vieil ordre de choses de menus changements quantitatifs.
Le mouvement est révolutionnaire, quand ces mêmes éléments s’unissent, se pénétrant d’une idée commune et se précipitent contre le camp ennemi pour anéantir jusqu’à la racine le vieil ordre de choses et apporter dans la vie des changements qualitatifs, instituer un nouvel ordre de choses.
L’évolution prépare la révolution et crée un terrain qui lui est favorable, tandis que la révolution achève l’évolution et contribue à son progrès.
Les mêmes processus s’opèrent dans la vie de la nature. L’histoire de la science montre que la méthode dialectique est une méthode authentiquement scientifique*: à commencer par l’astronomie et en finissant par la sociologie, partout l’idée se confirme qu’il n’y a rien d’éternel dans le monde, que tout change, tout évolue. Par conséquent, tout dans la nature doit être envisagé du point de vue du mouvement, de l’évolution. Or, cela signifie que l’esprit de la dialectique pénètre toute la science moderne.
Pour ce qui est des formes du mouvement et aussi du fait que, selon la dialectique, les menus changements de quantité aboutissent en fin de compte à de grands changements de qualité, cette loi est tout aussi valable dans l’histoire de la nature. Le "système périodique des éléments" de Mendéléev montre clairement quelle grande portée s’attache, dans l’histoire de la nature, au fait que les changements de qualité naissent des changements de quantité. Témoin aussi, en matière de biologie, la théorie du néolamarckisme, théorie à laquelle fait place le néodarwinisme.
Nous ne disons rien des autres faits, que Fr. Engels étudie avec une ampleur suffisante dans son Anti-Dühring.
Tel est le fond de la méthode dialectique.
Que pensent les anarchistes de la méthode dialectique*?
On sait que le fondateur de la méthode dialectique fut Hegel. Méthode que Marx a épurée et améliorée. Certes, ce fait est connu également des anarchistes. Ils savent que Hegel fut un conservateur, et, profitant de cette occasion, ils s’attaquent avec véhémence à Hegel, qu’ils traitent de partisan de la "restauration"*; ils "démontrent" avec entrain que "Hegel est un philosophe de la restauration... qu’il exalte le constitutionnalisme bureaucratique en sa forme absolue*; que l’idée générale de sa philosophie de l’histoire est subordonnée à la tendance philosophique de l’époque de la restauration, tendance qu’elle sert", etc. (Voir*: Nobati*[2], n°*6 Article de V. Tcherkézichvili).
L’anarchiste bien connu Kropotkine "démontre" la même chose dans ses écrits. (Voir, par exemple, sa Science et anarchisme, en langue russe).
Kropotkine est unanimement soutenu par nos kropotkiniens, depuis Tcherkézichvili jusqu’à Ch. G. (Voir les numéros de Nobati).
Il est vrai que sur ce point personne ne discute avec eux. Au contraire, chacun conviendra que Hegel n’était pas un révolutionnaire. Marx et Engels eux-mêmes ont, avant tous les autres, fait la preuve dans leur Critique de la critique critique, que les conceptions historiques de Hegel contredisent foncièrement l’idée de la souveraineté du peuple. Néanmoins, les anarchistes "démontrent" et tiennent à "démontrer" chaque jour que Hegel est partisan de la "restauration". Pourquoi font-ils cela*? Sans doute pour jeter le discrédit sur Hegel et faire sentir au lecteur que le "réactionnaire" Hegel ne peut avoir qu’une méthode "rebutante" et antiscientifique.
C’est ainsi que les anarchistes croient pouvoir réfuter la méthode dialectique.
Nous déclarons que de cette manière ils ne prouveront rien, sinon leur propre ignorance. Pascal et Leibniz n’étaient pas des révolutionnaires, mais la méthode mathématique qu’ils ont découverte est reconnue aujourd’hui une méthode scientifique. Mayer et Helmholtz n’étaient pas des révolutionnaires, mais leurs découvertes en physique constituent un des fondements de la science. Lamarck et Darwin n’étaient pas non plus des révolutionnaires*; cependant leur méthode évolutionniste a mis sur pied la science biologique... Pourquoi ne reconnaîtrait-on pas le fait que, en dépit de son conservatisme, Hegel a pu élaborer une méthode scientifique dite dialectique*?
Non, de cette manière les anarchistes ne prouveront rien, sinon leur propre ignorance.
Poursuivons. Selon les anarchistes, "la dialectique, c’est de la métaphysique", et comme ils "veulent débarrasser la science de la métaphysique, la philosophie de la théologie", ils réfutent la méthode dialectique. (Voir Nobati, n°*3 et 9. Ch G. Voir aussi Science et anarchisme, de Kropotkine).
Ah, ces anarchistes*! C’est, comme on dit, vouloir rejeter la faute sur son voisin. La dialectique a mûri dans la lutte avec la métaphysique*; elle s’est acquis la gloire dans cette lutte*; or, pour les anarchistes la dialectique, c’est de la métaphysique*!
La dialectique affirme qu’il n’y a rien d’éternel dans le monde, que tout passe, tout change*: la nature, la société, les mœurs et les coutumes, les idées de justice*; la vérité elle-même change, et c’est pourquoi la dialectique considère toute chose avec esprit critique*; c’est pourquoi elle nie la vérité établie une fois pour toutes*; par conséquent, elle nie de même les "principes dogmatiques tout faits que l’on n’a plus, une fois découverts, qu’à apprendre par coeur". (Voir*: F. Engels, Ludwig Feuerbach).
La métaphysique, elle, nous dit tout autre chose. Le monde pour elle est quelque chose d’éternel et d’immuable (voir*: F. Engels, Anti-Dühring)*; il a été une fois pour toutes défini par quelqu’un ou quelque chose. Voilà pourquoi les métaphysiciens ont toujours à la bouche "justice éternelle" et "vérité immuable".
Proudhon, le "père spirituel" des anarchistes, disait qu’il existe dans le monde une justice immanente établie une fois pour toutes, qui doit être mise à la base de la société future. Aussi a-t-on appelé Proudhon un métaphysicien. Marx a combattu Proudhon par la méthode dialectique, il a démontré que, puisque tout change dans le monde, la "justice" doit également changer et que, par conséquent, la "justice immanente" est un délire métaphysique (Voir*: K. Marx, la Misère de la philosophie). Or, les disciples géorgiens du métaphysicien Proudhon nous répètent sans cesse*: "La dialectique de Marx, c’est de la métaphysique*!".
La métaphysique admet différents dogmes nébuleux, comme l’"inconnaissable", la "chose en soi", et passe finalement à une théologie vide de substance. A l’opposé de Proudhon et de Spencer, Engels a combattu ces dogmes par la méthode dialectique. (Voir*: Ludwig Feuerbach). Et les anarchistes - les disciples de Proudhon et de Spencer - de nous dire que Proudhon et Spencer sont des savants, tandis que Marx et Engels sont des métaphysiciens*!
De deux choses l’une*: ou bien les anarchistes se leurrent*; ou bien ils ne savent ce qu’ils disent.
En tous cas, une chose est certaine, c’est que les anarchistes confondent le système métaphysique de Hegel et sa méthode dialectique.
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