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Afrique : Rappeler le passé colonial ou le travestir ?

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    RAPPELER LE PASSÉ COLONIAL OU LE TRAVESTIR ?

    voir le communiqué de l'ACCA qui renforce notre conviction que la "Mission de Mémoire" confiée par Macron à Benjamin Stora n'est probablement pas autre chose qu'une escroquerie politicienne à visée électoraliste- Jean-Louis Bertrand
    publié le : 14 octobre 2020

    Nous sommes nombreux à avoir attendu avec impatience la diffusion par la chaîne 2 nationale de l'émission en 2 parties intitulée " Décolonisations, du sang et des larmes ". Nous espérions tous qu'enfin la Télévision d’État francaise en finisse avec la chape de silence et les falsifications réhabilitant l'Empire colonial français qui dure depuis son effondrement il y a 60 ans. Effondrement par les indépendances, arrachées dans le sang et les larmes par les combattants anticolonialistes, Indochinois, Algériens et Africains, mais aussi Francais: car nous sommes fiers d'avoir été de cette minorité de citoyens de France qui leur donnèrent raison contre "Nos" colons et "Nos" tortionnaires. La signature de Pascal Blanchard qui sut écrire des pages justes contre la persistance un demi-siècle après des nostalgies coloniales en France nous faisait penser que ces émissions seraient le début d'un discours enfin décolonisé à la Télévision nationale.

    Et d'emblée, nous y trouvâmes enfin une dénonciation sans ambages de cette énorme bêtise historique si répandue encore, les " aspects positifs de l'œuvre coloniale de la France ", que nos dirigeants et députés voulaient il y a quelques années faire enseigner dans les écoles de la REPUBLIQUE. Une critique sévère de l'exploitation des hommes et des peuples coloniaux, des crimes inhérents à la répression coloniale à Madagascar, en Afrique Noire, et ailleurs, partout où des combattants se levaient contre l'ignominie colonialiste. Un discours agrémenté d'images fortes sorties d'archives inconnues du public actuel, dont la mémoire est fabriquée, modelée, par des médias français ( télés, radios, journaux...et écoles ), trop souvent imprégnés des nostalgies de l'Empire perdu.

    Pourquoi alors ce malaise qui nous a saisi peu à peu à la vision des deux émissions, une première dite " la fracture " (avant 1954 ), et une seconde titrée " la rupture " ( 1954-2017 ) ?
    L'historien n'ergotera pas à propos d'erreurs factuelles mineures. Mais les militants anticoloniaux français qui ont vécu, comme certains d'entre nous, cette histoire tragique, ne peuvent se reconnaître, et se sentent occultés délibérément, voire méprisés. Tout cela au nom d'un antisovietisme et d'un anticommunisme d'un autre âge. Qu'Ho Chi Minh y soit montre comme un des acteurs essentiels de la lutte anticoloniale, tant mieux. Mais il est aberrant d'occulter qu'il a démarré ce combat sur le sol français en 1920, en intervenant au Congrès de Tours, dans le même sens que la majorité des délégués socialistes, qui ont décide de créer le Parti Communiste Français, affilié à la IIIeme Internationale. C'est grâce au PCF que celui qu'on n'appelait pas encore l'Oncle Ho publia la feuille anticolonialiste "Le Paria". L'un des principes fondateurs du PCF était l'engagement de combattre l’Impérialisme colonial, à commencer par celui de son propre Etat national. De 1920 à l'après deuxième guerre mondiale, il l'a fait avec constance, même si ce fut parfois mal, ou insuffisamment.

    ALORS QUE LE PARTI SOCIALISTE FRANCAIS A TOUJOURS SOUTENU L'EMPIRE COLONIAL, QUITTE A PRÔNER SON "HUMANISATION" . Y compris en 1937, quand le Gouvernement du "Front Populaire", présidé par le Socialiste Blum, a interdit le mouvement du Nationaliste algérien Messali Hadj ( l’Étoile Nord-Africaine ), et l'a fait interner. Il pourrait ne s'agir pour nos auteurs que d'un oubli. Ce n'est plus le cas quand le récitant nous assène cette contre-vérité infantile: " le parti Communiste dénonce l'Empire français sur l'ordre de Moscou". En fait, il s'agit bien d'une volonté délibérée d'effacer de l'histoire nationale les SEULS anticolonialistes français avant 1939, Communistes ou anarchistes.
    Notre malaise s'est accru durant Le deuxième volet de l'émission. Ici aussi, nous avons apprécié le récit de crimes coloniaux effacés de la mémoire collective des Français, au Cameroun après 1960, en Guadeloupe en 1967. Mais à côté de ces rappels salutaires, une avalanche d'omissions délibérées et de fausses informations, toujours dans la même optique bassement politicienne:

    1/ pas un mot sur les mobilisations populaires d'après-guerre contre la " sale guerre d'Indochine" à l'initiative du seul PCF. Mais on cite comme ayant initié les critiques de l'Empire qu'il jugeait trop coûteux, le journaliste de Droite et de Paris-Match Raymond Cartier !

    2/ on nous dit les soldats du Contingent envoyés en 1956 réprimer les insurgés algériens, mais sans préciser que c'était sur décision du Gouvernement dirigé par Le Socialiste Guy Mollet, et en occultant totalement les manifestations qui s'y opposèrent, à l'initiative encore du PCF !

    3/ on pourfend à juste titre la torture pratiquée par l'armée, sans dire que c'était avec l'aval du gouvernement Socialiste,Mais le seul personnage cite pour s'y être opposé est l'écrivain catholique Mauriac, pas le journal quotidien du PCF L’Humanité, pourtant saisi des dizaines de fois par le gouvernement Socialiste pour l'avoir dénoncée. Pas plus qu'il n'est question du livre-témoignage du Communiste Henri Alleg, La Question, que nous allions diffuser alors qu'il était interdit.

    4/ De Gaulle, allant approuver les putschistes colonialistes à Alger, est jugé "ambigu" alors que leur soulèvement lui permettra de s'emparer du pouvoir, avec la complaisance des dirigeants socialistes. Et il est malhonnête de ne pas signaler, dés 1958, les manifestations en France contre la guerre coloniale, poursuivie en Algérie par De Gaulle durant 8 ans, manifestations trop souvent à l'appel des seuls communistes.

    5/ il est juste de rappeler la conduite criminelle de la police française à l'encontre des manifestants algériens le 17 octobre 1961 à Paris. Mais si ces policiers assassins étaient sous les ordres du Préfet Papon, ex vichyste, il ne faisait qu'appliquer les directives du Gouvernement Gaulliste. Et c'est la même police de De Gaulle qui, le 8 février 1962, tua 8 manifestants anticolonialistes français au métro Charonne à Paris. Effacer délibérément la mémoire de ces martyrs est une insulte à l'égard de ceux d'entre nous qui étions ce soir là avec eux pour crier notre haine de l'injustice coloniale. Sans avoir besoin pour cela de directives du Kremlin ! Lors du débat qui a suivi les projections, l'historien Benjamin Stora s'est efforcé de rectifier quelques erreurs. Mais cela laisse intactes nos questions: Certains invités se sont offusqués de l'ignorance par les jeunes Français du passé colonial de notre pays. Mais qui a entretenu cette méconnaissance du passé? Croit on que ce genre de travestissement de l'histoire, cette négation du mouvement populaire anticolonialiste en France pourra y remédier ? Dans ces conditions, la "Mission de Mémoire" confiée par Macron à Benjamin Stora sera t'elle autre chose qu'une escroquerie politicienne à visée électoraliste ?

    FRANCIS ARZALIER
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