Rédigé par Polygone étoilé
En dépit des séquelles douloureuses de l’attentat terroriste dont il a été victime il y a quelques années, et de la lourde et pénible période de rééducation, Mohamed Rebah a réussi à reprendre la plume pour nous présenter aujourd’hui un ouvrage original et d’une valeur historique incontestable.
A l’origine pourtant, l’auteur, homme de culture et de conviction, n’avait nullement l’intention d’écrire un ouvrage historique. Son ambition, modeste et légitime, était simplement de réhabiliter son frère ainé, Nour Eddine, militant admirable, tombé au champ d’honneur dans les premières années de la guerre de libération nationale, héros oublié comme tant d’autres qu’on ne célèbre plus aujourd’hui que d’une façon anonyme lors des commémorations officielles.
Cependant, au fur et à mesure qu’il recueillait les témoignages et rassemblait les documents et les références d’archives, avec l’aide de ses frères Abdeltif et M’hamed, l’auteur s’apercevait que le parcours de Nour-Eddine se croisait très souvent avec les itinéraires d’autres algériens valeureux au point de se confondre parfois avec eux ou de les accompagner une partie du chemin. Il a conçu alors l’idée de présenter en même temps d’autres personnages de l’histoire du pays. Mais qui choisir ? Il y en avait tant. D’ailleurs au moment même où son frère arrosait de son sang les pentes rocheuses du djebel Béni Salah, certains de ses amis tombaient victimes de la cruauté féroce du colonialisme français.
D’abord, son ancien compagnon de lycée Taleb Abderrahmane, fils authentique de la Casbah d’Alger, jeune et brillant chimiste, condamné à mort et décapité dans la cour même de la prison de Serkadji où l’appareil infâme de la guillotine avait été introduit pendant la nuit.
Le second cas est celui de Omar Djeghri, lui aussi âgé de vingt ans et lui aussi militant de la jeunesse démocratiques (UJDA), à Constantine. Venu à Alger pour une mission de liaison, il avait été arrêté par les parachutistes du Premier R.E.P et torturé à mort dans les caves de la Villa Sésini où il avait fini par succomber, ajoutant son nom à celui de milliers de « disparus » de la Bataille d’Alger.
Destin tragique que celui de ces trois jeunes gens, unis dans la mort comme ils l’avaient été dans la vie.
Nour-Eddine, Abderrahmane, Omar, symbole d’une jeunesse ardente et généreuse, imprégnée du patriotisme et du courage de ses ancêtres. Mohamed Rebah aurait certainement aimé réaliser une trilogie en l’honneur de ces trois héros. Malheureusement les documents de références n’existent pas, et la plupart des témoins de l’époque se sont éteints. Il existe certes des stocks d’archives concernant la guerre de libération, tant en France qu’en Algérie. Mais personne jusqu’ici, d’un côté comme de l’autre de la méditerranée ne semble pressé d’ouvrir ces archives à la curiosité impatiente des chercheurs (et du public).
Or, l’auteur sait très bien qu’un individu n’est rien s’il n’est pas porté par le mouvement de la société dans laquelle il vit. Force est donc de replacer Nour-Eddine et ses amis dans l’histoire et les luttes populaires de leur pays. Il lui fallait trouver en quelque sorte « un témoin du siècle », un homme capable de raconter les espoirs, les combats et les sacrifices de toute une génération.
Cet homme, il a fini par le trouver. Ce n’était pas seulement un témoin mais, comme il le dit lui-même, un homme hors du commun, véritable acteur dans les évènements qui ont marqué l’histoire de l’Algérie dans la seconde partie du dernier siècle.
Cet homme s’appelait Mustapha Saadoun. Il est mort il y a quelque mois à Cherchell, dans la ville même où il est né, il y a quatre vingt dix ans, après avoir survécu à toutes les prisons, à tout les complots, à tous les combats, et en portant haut et ferme ses idéaux de justice et de liberté.
Cet homme il l’a écouté pendant des heures avec passion, non seulement pour parler de son frère Nour-Eddine, mais pour évoquer aussi l’itinéraire remarquable de Mustapha, dont la modestie n’avait d’égale que la grandeur cachée et la simplicité.
Mustapha, Nour-Eddine ! J’ai eu personnellement la chance de les connaitre tous les deux, de les accompagner de longues années durant leur vie militaire, d’écouter parfois les confidences. Ils étaient à la fois différents et semblables. Mais leurs différences mêmes les rendaient complémentaires dans l’action.
Ainsi la sagesse prudente et réfléchie de l’aîné valorisait la fougue juvénile du second et donnait aux équipes qu’ils constituaient une efficacité remarquable. Mais ils étaient semblables aussi par leur rêves, ceux d’une Algérie libre, d’une vie meilleure pour ceux qui travaillent, d’un monde plus juste et plus humain.
Tous les deux ont adhéré au parti communiste algérien qu’ils estimaient le plus apte à réaliser ces rêves. Ils ont connu certes des moments de joie intense et même d’exaltation, mais aussi des moments de déception et de tristesse. Ils ont appris en particulier que les hommes ne sont pas tous bons et généreux comme le pensait jadis Jean-Jacques Rousseau, mais qu’il y a souvent parmi eux des gens égoïstes et méchants.
Ils ont compris aussi que les plus hauts dirigeants, les zaïms, les leaders ne sont que des êtres humains qui peuvent se tromper, avoir des faiblesses, parfois même faire passer leur intérêt personnel avant les intérêts collectifs qu’ils sont sensés défendre.
C’est ce qui les amenés à rejeter tout ce qui peut relever du culte de la personnalité pour prôner la direction collective à tous les niveaux, pour encourager les militants et les citoyens à parler, à dire leurs avis, à participer à la gestion des affaires de leur organisation, c'est-à-dire à l’exercice de la démocratie dans la vie politique et sociale. Ce qui ne les empêchait nullement de rester profondément attachés à leurs convictions et aux principes de leur Parti. Jamais en tout cas, malgré les immenses difficultés rencontrées, ils n’ont désespéré.
Les obstacles, disaient-ils, sont fait pour etre surmontés. Jamais ils n’ont remis en cause l’existence indispensable des partis politiques et des organisations de toutes natures nécessaires, selon eux, pour préparer le peuple et ses diverses catégories sociales à la lutte de libération. Jamais ils n’ont renié leur idéal de liberté et de justice, même lorsque, devenus membres de l’ALN et du FLN, ils apprenaient que plusieurs de leurs anciens camarades de parti, ayant rejoints le maquis dans des régions éloignées, étaient victimes de mauvais traitements et parfois même assassinés par certaines chefs locaux sectaires, d’esprit étroit et d’un comportement contraire aux intérêts de la révolution.
Mustapha et Nour-Eddine ont toujours été d’ardents partisans de l’Union nationale, considérée comme une condition essentielle de la lutte pour l’indépendance. Non pas une union artificielle calquée sur l’ancien système soviétique d’un parti unique, éliminant toute autre forme d’organisation, d’expression ou de critique pour assurer son hégémonie sur le pays (et ses richesses).
Ce qu’ils voudraient par contre, c’est une union de combat, un front commun de lutte où chaque organisation garde sa personnalité et contribue à la réalisation des objectifs communs librement décidés par tous. L’un et l’autre ont d’ailleurs participé à la création du premier grand rassemblement national algérien sous la forme du Front pour la Défense et le respect des Libertés (FADRL, 1951), avec la participation de tous les partis nationaux : MTLD, UDMA, PCA, auxquels se sont joints les syndicats ouvriers, les Oulamas, et même des chrétiens progressistes. Ce rassemblement a été jugé par le gouvernement général de l’Algérie, Roger Léonard, tellement inquiétant qu’il a immédiatement alerté le gouvernement Français en expliquant que ce Front mettait en danger la domination française en Algérie. Avec la même préoccupation, Mustapha et Nour-Eddine ont réussi à créer dés 1952 le Front national de la Jeunesse avec la participation de l’UJDA, de la JUDMA, des Scouts Musulmans, des comités d’étudiants et d’autres organisations de jeune à caractère sportif ou culturel.
En dépit des séquelles douloureuses de l’attentat terroriste dont il a été victime il y a quelques années, et de la lourde et pénible période de rééducation, Mohamed Rebah a réussi à reprendre la plume pour nous présenter aujourd’hui un ouvrage original et d’une valeur historique incontestable.
A l’origine pourtant, l’auteur, homme de culture et de conviction, n’avait nullement l’intention d’écrire un ouvrage historique. Son ambition, modeste et légitime, était simplement de réhabiliter son frère ainé, Nour Eddine, militant admirable, tombé au champ d’honneur dans les premières années de la guerre de libération nationale, héros oublié comme tant d’autres qu’on ne célèbre plus aujourd’hui que d’une façon anonyme lors des commémorations officielles.
Cependant, au fur et à mesure qu’il recueillait les témoignages et rassemblait les documents et les références d’archives, avec l’aide de ses frères Abdeltif et M’hamed, l’auteur s’apercevait que le parcours de Nour-Eddine se croisait très souvent avec les itinéraires d’autres algériens valeureux au point de se confondre parfois avec eux ou de les accompagner une partie du chemin. Il a conçu alors l’idée de présenter en même temps d’autres personnages de l’histoire du pays. Mais qui choisir ? Il y en avait tant. D’ailleurs au moment même où son frère arrosait de son sang les pentes rocheuses du djebel Béni Salah, certains de ses amis tombaient victimes de la cruauté féroce du colonialisme français.
D’abord, son ancien compagnon de lycée Taleb Abderrahmane, fils authentique de la Casbah d’Alger, jeune et brillant chimiste, condamné à mort et décapité dans la cour même de la prison de Serkadji où l’appareil infâme de la guillotine avait été introduit pendant la nuit.
Le second cas est celui de Omar Djeghri, lui aussi âgé de vingt ans et lui aussi militant de la jeunesse démocratiques (UJDA), à Constantine. Venu à Alger pour une mission de liaison, il avait été arrêté par les parachutistes du Premier R.E.P et torturé à mort dans les caves de la Villa Sésini où il avait fini par succomber, ajoutant son nom à celui de milliers de « disparus » de la Bataille d’Alger.
Destin tragique que celui de ces trois jeunes gens, unis dans la mort comme ils l’avaient été dans la vie.
Nour-Eddine, Abderrahmane, Omar, symbole d’une jeunesse ardente et généreuse, imprégnée du patriotisme et du courage de ses ancêtres. Mohamed Rebah aurait certainement aimé réaliser une trilogie en l’honneur de ces trois héros. Malheureusement les documents de références n’existent pas, et la plupart des témoins de l’époque se sont éteints. Il existe certes des stocks d’archives concernant la guerre de libération, tant en France qu’en Algérie. Mais personne jusqu’ici, d’un côté comme de l’autre de la méditerranée ne semble pressé d’ouvrir ces archives à la curiosité impatiente des chercheurs (et du public).
Or, l’auteur sait très bien qu’un individu n’est rien s’il n’est pas porté par le mouvement de la société dans laquelle il vit. Force est donc de replacer Nour-Eddine et ses amis dans l’histoire et les luttes populaires de leur pays. Il lui fallait trouver en quelque sorte « un témoin du siècle », un homme capable de raconter les espoirs, les combats et les sacrifices de toute une génération.
Cet homme, il a fini par le trouver. Ce n’était pas seulement un témoin mais, comme il le dit lui-même, un homme hors du commun, véritable acteur dans les évènements qui ont marqué l’histoire de l’Algérie dans la seconde partie du dernier siècle.
Cet homme s’appelait Mustapha Saadoun. Il est mort il y a quelque mois à Cherchell, dans la ville même où il est né, il y a quatre vingt dix ans, après avoir survécu à toutes les prisons, à tout les complots, à tous les combats, et en portant haut et ferme ses idéaux de justice et de liberté.
Cet homme il l’a écouté pendant des heures avec passion, non seulement pour parler de son frère Nour-Eddine, mais pour évoquer aussi l’itinéraire remarquable de Mustapha, dont la modestie n’avait d’égale que la grandeur cachée et la simplicité.
Mustapha, Nour-Eddine ! J’ai eu personnellement la chance de les connaitre tous les deux, de les accompagner de longues années durant leur vie militaire, d’écouter parfois les confidences. Ils étaient à la fois différents et semblables. Mais leurs différences mêmes les rendaient complémentaires dans l’action.
Ainsi la sagesse prudente et réfléchie de l’aîné valorisait la fougue juvénile du second et donnait aux équipes qu’ils constituaient une efficacité remarquable. Mais ils étaient semblables aussi par leur rêves, ceux d’une Algérie libre, d’une vie meilleure pour ceux qui travaillent, d’un monde plus juste et plus humain.
Tous les deux ont adhéré au parti communiste algérien qu’ils estimaient le plus apte à réaliser ces rêves. Ils ont connu certes des moments de joie intense et même d’exaltation, mais aussi des moments de déception et de tristesse. Ils ont appris en particulier que les hommes ne sont pas tous bons et généreux comme le pensait jadis Jean-Jacques Rousseau, mais qu’il y a souvent parmi eux des gens égoïstes et méchants.
Ils ont compris aussi que les plus hauts dirigeants, les zaïms, les leaders ne sont que des êtres humains qui peuvent se tromper, avoir des faiblesses, parfois même faire passer leur intérêt personnel avant les intérêts collectifs qu’ils sont sensés défendre.
C’est ce qui les amenés à rejeter tout ce qui peut relever du culte de la personnalité pour prôner la direction collective à tous les niveaux, pour encourager les militants et les citoyens à parler, à dire leurs avis, à participer à la gestion des affaires de leur organisation, c'est-à-dire à l’exercice de la démocratie dans la vie politique et sociale. Ce qui ne les empêchait nullement de rester profondément attachés à leurs convictions et aux principes de leur Parti. Jamais en tout cas, malgré les immenses difficultés rencontrées, ils n’ont désespéré.
Les obstacles, disaient-ils, sont fait pour etre surmontés. Jamais ils n’ont remis en cause l’existence indispensable des partis politiques et des organisations de toutes natures nécessaires, selon eux, pour préparer le peuple et ses diverses catégories sociales à la lutte de libération. Jamais ils n’ont renié leur idéal de liberté et de justice, même lorsque, devenus membres de l’ALN et du FLN, ils apprenaient que plusieurs de leurs anciens camarades de parti, ayant rejoints le maquis dans des régions éloignées, étaient victimes de mauvais traitements et parfois même assassinés par certaines chefs locaux sectaires, d’esprit étroit et d’un comportement contraire aux intérêts de la révolution.
Mustapha et Nour-Eddine ont toujours été d’ardents partisans de l’Union nationale, considérée comme une condition essentielle de la lutte pour l’indépendance. Non pas une union artificielle calquée sur l’ancien système soviétique d’un parti unique, éliminant toute autre forme d’organisation, d’expression ou de critique pour assurer son hégémonie sur le pays (et ses richesses).
Ce qu’ils voudraient par contre, c’est une union de combat, un front commun de lutte où chaque organisation garde sa personnalité et contribue à la réalisation des objectifs communs librement décidés par tous. L’un et l’autre ont d’ailleurs participé à la création du premier grand rassemblement national algérien sous la forme du Front pour la Défense et le respect des Libertés (FADRL, 1951), avec la participation de tous les partis nationaux : MTLD, UDMA, PCA, auxquels se sont joints les syndicats ouvriers, les Oulamas, et même des chrétiens progressistes. Ce rassemblement a été jugé par le gouvernement général de l’Algérie, Roger Léonard, tellement inquiétant qu’il a immédiatement alerté le gouvernement Français en expliquant que ce Front mettait en danger la domination française en Algérie. Avec la même préoccupation, Mustapha et Nour-Eddine ont réussi à créer dés 1952 le Front national de la Jeunesse avec la participation de l’UJDA, de la JUDMA, des Scouts Musulmans, des comités d’étudiants et d’autres organisations de jeune à caractère sportif ou culturel.
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