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Y-a-t-il une ambulance pour l'Algérie ? (par Ghania Mouffok)

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  • Y-a-t-il une ambulance pour l'Algérie ? (par Ghania Mouffok)

    Ceux qui nous gouvernent sont dans une impasse qui menace tous les équilibres instables de la nation. La légèreté politique avec laquelle ils ont géré la fin du Bouteflikisme, incarnée par un homme incapable d'assumer ses prérogatives constitutionnelles énormes de président, sans lequel toutes les institutions réelles et formelles sont paralysées, témoigne d'un déficit de pensée politique, d'intelligence du moment des plus inquiétants pour l'avenir.

    L'impotence de A. Bouteflika n'a, à l'évidence, pas inspiré leur imaginaire politique, alors que les lois de la biologie, de la nature auraient dû les convaincre que pour que leur modèle de pouvoir hyper centralisé puisse se reproduire, le chef de l'état en Algérie doit absolument être doté d'une santé de fer en guise de CV. Puisque le président n'est qu'un bouclier, on aurait pu attendre des soldats, des prêtres, des trésoriers, des usuriers protecteurs de la nation, de l'intégrité territoriale, interdisant les attroupements non armés et autres menaces, qu'ils apprennent à le choisir d'acier.

    Non seulement ils n'y ont pas pensé en choisissant de faire élire A. Tebboune, né en 1945 à la fin de la deuxième guerre mondiale et ce, en pleine pandémie mondiale du corona qui avait mis au cœur du débat la santé, la proximité de la mort, mais en plus ils ont installé en guise de barrière, au poste de deuxième homme, au- cas- où... un ancien, au nom de “la légitimité révolutionnaire”, né en 1931, en la personne de Salah Goudjil qui, selon la loi et si les dés du destin le veulent, sera appelé à le remplacer le temps de voir ...avec cette fois- ci en guise de casse-tête supplémentaire qu'il est Président du Conseil de la Nation...par intérim. Cela ne s'invente pas.

    Il semblerait bien que ceux qui nous gouvernent n'aient pas encore compris que les hommes, y compris de pouvoir, ne sont pas immortels, et qu'à cet âge vénérable le temps est compté, sans même parler des capacités nécessaires pour diriger un autre grand corps malade qu'est devenue l'Algérie, sans faire appel à une troisième ambulance.

    Cette situation d'une ironie tragique, un malade remplace un malade, un avion ambulance remplace un avion ambulance dans l'obscurité des soirs qui tombent, devrait enfin leur crever les yeux au moment de relire la nouvelle Constitution et avant de nous ordonner de l'applaudir.

    Ceux qui nous gouvernent n'ont-ils rien appris du vide constitutionnel qu'ils viennent de traverser avec difficulté et dans le deuil du leader feu le général Gaïd Salah, cet autre mortel qui pensait que l'on pouvait remplir le vide par le vide ?

    On veut bien les croire quand ils affirment qu'”ils ne font pas de politique” mais dans ce cas, qu'ils fassent au moins de la biologie.
    Cela leur épargnera, au moins, le ridicule de téléphoner la nuit à la France et de lui dire :

    “allô ici l'Algérie, euh, c'est au sujet de la pandémie, euh, auriez vous une place de disponible dans l'un de “vos grands -hôpitaux” pour des examens complémentaires d'un “grand-malade” et euh, si possible, euh et sans abuser, si vous pouviez aussi assurer son transport ...?

    Et la France de répondre : Mais vous avez déjà un avion ambulance que peut utiliser le président Bouteflika...

    Et l'Algérie de chuchoter : euuuh, ce n'est pas de l'ex président Bouteflika qu'il s'agit, et effet son ambulance est toujours en marche malheureusement il en a toujours besoin, euh... mais, euh, comment vous dire ? là il s'agit du nouveau, du tout neuf...

    Et, la France, lourdingue : mais “le nouveau” quoi ?

    Et, l'Algérie de se fâcher : “Tebboune ***** alors, c'est Tebboune qui est malade puisqu'il faut tout vous dire et en la circonstance, on ne cracherait pas sur une deuxième ambulance et même peut-être une troisième si vous pouviez la mettre en réserve, parce que là on est un peu dans le ***** pour ne pas vous mentir...”

    Au moment d'écrire la nouvelle Constitution, ceux qui nous gouvernent auraient pu au moins innover et inventer une Constitution médicalisée :

    “Art 1 : On se moque royalement de savoir si l'Algérie est berbère, kabyle ou arabe mais une chose est sûre, pour faire élire un président bouclier doté de tous les pouvoirs constitutionnels et plus encore, ceux qui ne font pas de politique s'attachent à le remettre à la nation pieds et poings liés en excellente santé pour servir à qui de droit.

    Art 2 : Le reste sans changement.” On en aurait eu au moins pour notre temps passé à les regarder s'agiter, nous voler nos marches alors qu'ils n'ont même pas marché.

    Si pour ceux qui nous gouvernent la politique n'est qu'un spectacle, une comédie dans laquelle ils veulent jouer tous les rôles principaux, peuple souverain et président, législateurs et exécuteurs, juges et procureurs, propriétaires et notaires, général et soldat au service de la nation, on veut bien être spectateurs mais à condition que la chute ne soit pas mortelle, quel ennui ! comment veulent-ils qu'on regarde la télé si le spectateur à la fin il meurt ?

    A la veille d'un premier novembre en plus, date de toutes les espérances, du combat libérateur du colonialisme, lequel ? l'ambulancier ?

    De la tragédie à la comédie et de la comédie à la tragédie

    Comment le spectateur pourrait-il jouir du spectacle quand on lui promet une comédie et qu'au beau milieu, il se découvre figurant dans une tragédie, lui à qui on a fait croire qu'il n'y avait qu'un héros, le peuple. Comment pourra-t-il jouer son rôle quand il découvrira le chef à la fois “Crime et châtiment” emballé dans les draps blancs de l'ambulance, un masque de mort en guise de couverture ?

    C'est quoi ce tragique spectacle où ceux qui l'écrivent ne cessent de tuer le père alors que les fils n'ont déjà plus l'âge d'être tendres, eux mêmes en vieillesse avancée ?

    Au cinéma même les remakes ont une fin.

    Et, dans la vie, seuls les nouveaux nés rêvent de tuer le père, pour prendre sa place.

    C'est quoi cette écriture où les fils si vieux sont condamnés à l'avance à choisir un père déjà habité par la mort ? quelle gloire y -a-t-il à l'achever ?

    Il faut du temps pour tuer le père, sinon à la queue leu leu, l'histoire se perd, on ne sait plus qui est le fils et qui est le père et la scène explose en recouvrant de cendres un dessein sans destin.

    Sinon les spectateurs se demandent : mais c'est quoi notre rôle dans cette affaire, à nous les figurants ? Pendant que vous vous langez derrière les rideaux, nous on sort à la lumière, on marche, on porte les chalumeaux tels des zombies pour mettre le feu jusqu'à notre mémoire ?

    Bien entendu nous ne le ferons pas. C'est là, notre triste rôle, à chaque fois qu'une langue morte, nous récite des impasses, nous inventons des chemins obtus, serrés comme on fuit la mort et la destruction et nous convoquons nos chants de résistance dans la crainte de leur oubli.

    Sinon qu'est-ce qu'on y gagne à la fin ? Pendant que vous feignez d'écrire une comédie, nous savons que vous nous préparez un nouvel acte pour la belle Cassandre, comme si de rien n'était, de référendum en référendum.

    Que sommes nous censés référender ?

    Le règne des ambulances, le ballet des enterrements, dans le mélange du vôtre et du nôtre, tels des esclaves antiques allumant le brasier du sacrifice ?

    Et quand bien même nous serions des millions prêt à allumer le brasier, il est où le prêtre qui présidera à la cérémonie, allumera la torche sans lequel aucun sésame du pouvoir ne peut s'ouvrir ? c'est vous mêmes qui l'avez écrit.

    Sommes nous coupables de vos confusions entre écrire une histoire et jeter une insulte à la gueule des spectateurs depuis une écriture qui ne sait pas économiser la patience de ses figurants, qui les épuise à force de légèreté, qui n'a d'égale que la lourdeur du décor entre chars inutiles et boucliers si vieux qu'ils font peine à voir.

    Y-a-t-il prévu avant la chute qu'un chamane ambulancier transporte aussi le pays en Allemagne, en Russie, en Suisse, en Laponie, en Biélorussie, pour la mettre à son tour en respiration artificielle ?

    Oh, vous qui nous gouvernez
    Qu'avez vous appris de novembre 54 à novembre 2020 ?
    Qu'avez vous appris de la tragédie si connue de “la lutte implacable et obscure que se livrent les hommes et la fortune” ?
    Qu'avez vous appris de Ben Bella à Boumediène,
    de Boumediène à Chadli,
    de Chadli au HCE,
    du HCE à Boudiaf,
    de Boudiaf à Zeroual,
    de Zeroual à Bouteflika
    et de Bouteflika à Tebboune ?

    Même à la télévision les tyrans le savent: une nation ne s'enferme pas dans des coffres forts y compris quand ils sont blindés.

    Qu'avez vous appris de la tragédie syrienne, libyenne et irakienne ?
    Qu'avez vous appris des spectres qui habitent vos nuits de Gueddafi, mort dans une bouche d'égout, de Saddam Hussein pendu dans une cave, du fils Assad enfermé dans un bunker sur le corps fumant de son propre pays ?
    Moi, j'ai appris que les nations n'explosent que lorsque leurs tyrans interdisent à leur peuple de respirer dans la lumière de la scène et que c'est avec ce qu'ils écrivent avec le sang des autres qu'ils convoquent la mort même si la main qui la transporte est étrangère.

    Comment pouvait - t-il en être autrement puisqu'ils avaient emmuré leur peuple dans la figure de la pierre ?

    Qu'avez vous appris du serment qui ouvre la scène à novembre ? qui a convoqué l'imaginaire des vivants prêts non seulement à mourir pour que cesse la tyrannie mais prêts également à laisser leurs mémoires devant le tribunal de l'histoire , n'ont-ils pas écrits avant de s'armer : “A vous qui êtes appelé à nous juger” ?

    C'est ainsi que l'on ouvre la scène de l'histoire par cette écriture qui laisse aux spectateurs de la tragédie un puissant héritage et de se dire jusqu'à la fin des temps : “puisque de tels êtres ont vécu en conservant cette foi humaine, la vie n'est pas dépourvue de sens et nous l'estimons embellie de ce qu'ils sont passés près de nous.”

    Comment pourrions nous oublier qu'ils sont passés si prêts de nous ?
    Et, puisque nous sommes dans la tragédie, laissez moi convoquer l'un de ses maîtres, il se dit que W. Shakespeare, avant de mourir et dans la crainte qu'on ne le déterre, aurait écrit lui même son épitaphe :

    Mon ami, pour l’amour du Sauveur, abstiens-toi
    De creuser la poussière déposée sur moi.
    Béni soit l’homme qui épargnera ces pierres
    Mais maudit soit celui violant mon ossuaire

    Ghania Mouffok
    31-10-2020
    Dernière modification par shadok, 31 octobre 2020, 18h12.
    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

  • #2
    Excellent papier de Ghania Mouffok. A lire !

    "On veut bien les croire quand ils affirment qu'”ils ne font pas de politique” mais dans ce cas, qu'ils fassent au moins de la biologie"
    Dernière modification par shadok, 31 octobre 2020, 18h10.
    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

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    • #3
      Oh, vous qui nous gouvernez
      Qu'avez vous appris de novembre 54 à novembre 2020 ?
      Qu'avez vous appris de la tragédie si connue de “la lutte implacable et obscure que se livrent les hommes et la fortune” ?
      Qu'avez vous appris de Ben Bella à Boumediène,
      de Boumediène à Chadli,
      de Chadli au HCE,
      du HCE à Boudiaf,
      de Boudiaf à Zeroual,
      de Zeroual à Bouteflika

      Le poste du président est fatidique aucun président n'a fini sa mission en terme d'une mandat

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      • #4
        Ceux qui nous gouvernent n'ont-ils rien appris du vide constitutionnel qu'ils viennent de traverser
        S'ils pouvaient imposer quelque chose, ils auraient au moins pu imposer le poste de vice-président à Tebboune et le vide aurait été évité.

        Mais Tebboune avait réfusé et c'est là que tu rigoles des gens qui disent que les militaires imposent ceux-ci et cela !!
        La guerre c'est le massacre entre gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais qui ne se massacrent pas.

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        • #5
          c'est du lourd...
          Qui est derrière G. Moufok ?

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          • #6
            Excellent ! bravo Ghania !
            A lire et à relire .......
            Dernière modification par molker, 31 octobre 2020, 20h30.
            L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.”Aristote

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            • #7
              Cette situation d'une ironie tragique, un malade remplace un malade, un avion ambulance remplace un avion ambulance dans l'obscurité des soirs qui tombent, devrait enfin leur crever les yeux au moment de relire la nouvelle Constitution et avant de nous ordonner de l'applaudir
              Bravo Madame Ghania Moufouk!
              البعره تدل على البعير

              Quand l’injustice devient la loi, la Résistance est un Devoir !✊🏼DZ

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              • #8
                Elle sous entend que l'avion présidentiel continue de transporter bouteflika en france pour son suivi médical

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