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Dimanche 1er novembre 2020
par Alger republicain
Que dire de ce texte au moment où les citoyens sont appelés à se prononcer sur son contenu ?
La montagne a accouché d’une souris !
Les promesses de changements véritables dans le respect de la méthode décidée par le régime, sans « transition » ni « processus constituant », tels que revendiqués par des groupes du « hirak » aux objectifs sciemment flous, ces promesses n’engageront selon la formule cynique d’un dirigeant français de droite que ceux qui y croient.
Une lecture attentive de certains articles-clés est instructive.
Le préambule est truffé de généralités. Il fait l’impasse sur les référents et parcours historiques spécifiques du peuple algérien, notamment l’étape du mouvement national de libération moderne avant le déclenchement du 1er Novembre. Et surtout il passe sous silence toutes les tentatives progressistes opérées durant les 20 premières années qui ont suivi l’indépendance au cours des luttes dans un contexte complexe de parti unique autour de l’application du Programme de Tripoli de juin 1962, de la Charte d’Alger de 1964, de la Charte Nationale de 1976. Malgré les méthodes autoritaires de gouvernement, cette période fut marquée par une mobilisation et un enthousiasme populaires rarement observés dans les sociétés. Les fractions réactionnaires de la société et du pouvoir présentent cette période sous les couleurs les plus sombres. L’amalgame fait entre deux périodes historiques distinctes, celle d’avant 1980 et celle d’après s’inscrit dans un négationnisme dangereux pour les aspirations sociales et politiques des masses laborieuses engagées dans de nouveaux combats pour des perspectives nouvelles.
****
Dicté par les intérêts des classes possédantes, dont la domination s’est établie politiquement sur les classes laborieuses depuis le tournant de 1980-81, il y a manifestement un processus de réécriture de l’histoire des causes profondes de la guerre de libération nationale.
Le premier acte de ce processus révisionniste fut ouvert par la Constitution de 1989. Toute référence aux aspirations des classes laborieuses à une société
socialiste - fondée sur la prédominance du secteur public économique- fut expurgée à l’exception d’un petit aliéna qui subsiste jusqu’à présent. Cet article stipule que les « institutions interdisent l’exploitation de l’homme par l’homme et les pratiques féodales ». Les chefs de la rupture avec l’orientation socialiste avaient accompli l’essentiel du travail idéologique en déchirant la Constitution de 1976. Mais il fallait donner le change en introduisant un article vide de tout contenu réel. Ceux qui leur ont succédé, depuis, n’ont pas jugé utile de s’en débarrasser, du moment que la propriété privée des moyens de production et l’argent est maintenant dominante et assurée. Cet alinéa est n’est qu’une phrase creuse, un résidu oublié.
Il y a toujours eu depuis l’indépendance un effort de brouillage idéologique pour réduire les facteurs fondamentaux de la guerre de libération à une lutte pour le « recouvrement de la personnalité nationale », définie comme langue (arabe essentiellement), culture et religion, brimées par le colonialisme. La résistance de la paysannerie contre sa dépossession par les colons, les luttes ouvrières contre l’exploitation, le combat du peuple contre le fardeau d’une fiscalité discriminatoire, pour le travail, l’instruction, la santé, tout cela est escamoté.
La résistance du peuple algérien est ramenée uniquement à la défense de sa culture, de ses « valeurs et composantes fondamentales » liées à l’identité arabo-musulmane et en dernier à l’Amazighité.
A bon escient. L’intention est claire : le cordon ombilical qui relie les aspirations actuelles de la masse du peuple à ses luttes contre l’oppression coloniale doit être définitivement coupé. Sur ce plan les courants islamistes font bien ce travail d’occultation en ramenant toute cette glorieuse résistance à une question de défense de l’Islam. Le courant nationaliste socialement reclassé, soucieux de conserver les délices des privilèges accumulés contre lesquels se dresse la masse des jeunes issus des classes populaires, apporte de son côté sa touche à cette entreprise de réécriture. Il met un soin particulier à élaguer l’histoire du mouvement national de toutes ces références dont la seule évocation fait frémir de peur les nouveaux nantis. Le « serment fait aux martyrs » semble lui convenir parfaitement pour éviter de mettre en exergue tout motif historique à un débat sur le contenu économique et social de l’alternative à laquelle aspirent au moins spontanément de larges pans populaires du « hirak ». Précisément, les courants droitiers à l’œuvre au sein du « hirak » pour établir leur hégémonie sur le mouvement populaire partagent avec les couches nanties au pouvoir la même préoccupation : silence sur ce contenu. Mêmes références aux « valeurs de Novembre » : « république démocratique et sociale » amendées par la revendication d’un « Etat de droit » que le régime a repris pour l’appliquer à sa manière. Le paquet doit être mis sur les aspects institutionnels afin d’évacuer toute réflexion sur la plate-forme économique et sociale dont le hirak doit se doter, sous peine de porter à la tête du pays de nouveaux rapaces.
On ne s’étonnera pas que le rôle décisif des couches laborieuses, notamment la paysannerie pauvre entrainée et encadrée par des éléments révolutionnaires issus des travailleurs immigrés et des couches populaires urbaines dans les luttes politiques et de résistance armée contre l’occupation colonialiste, soit escamoté sous le concept global de « peuple algérien ».
La solidarité précieuse apportée sur le plan international par les peuples du monde arabe et celle des pays socialistes à la lutte d’indépendance du peuple algérien n’est pas mise en exergue.
Des qualificatifs et notions galvaudés qui n’ont aucun sens ou attache historique sont mis en avant tels que ‘’hérauts de la liberté, de l’unité et du progrès’’, ‘’bâtisseurs d’Etats démocratiques et prospères‘’.
Ou encore : peuple ‘’mobilisé et unifié dans le mouvement national’’. Une contre-vérité alors qu’au sein du principal parti nationaliste PPA-MTLD étaient apparues de sérieuses dissensions aboutissant à son éclatement à la veille de la préparation du déclenchement de la lutte armée. C’est dans le feu de la révolution et sous la terrible répression subie que le peuple a forgé son unité pour faire face à la sauvagerie colonialiste et à sa politique de terre brûlée.
Aussi l’affirmation de ‘’construction d’un Etat à son service exclusif’’ parlant du peuple, est vraiment discutable quand on sait les dérives de cet Etat et son détournement au service des appétits d’une bourgeoisie et d’une véritable oligarchie qui ont fait main basse sur les richesses du pays.
Une autre affirmation : ‘’ il ( le peuple) a souverainement décidé de mettre en œuvre une politique de paix et de réconciliation nationale qui a donné ses fruits’’est encore une déformation des faits. Alors que cette opération a été pilotée par une frange de la bourgeoisie au pouvoir qui, pour préserver ses intérêts de classe, avait passé un deal avec l’islamisme armé pour le blanchir de tous ses crimes et actes sanglants contre les victimes du terrorisme et le réhabiliter.
Au plan institutionnel la révision a introduit la notion d’équilibre des pouvoirs. Il fait des concessions à la mystification constitutionnelle propagée par les experts en cette matière. Dans les pays capitalistes qui ont tourné depuis longtemps la page des périodes révolutionnaires anti-féodales, la « séparation et l’équilibre des pouvoirs » vantés ne sont que tromperies. Les différentes fonctions de la machine d’Etat, dont l’essence est la défense des intérêts de la bourgeoisie et le maintien des prolétaires dans leur condition de classe exploitée, sont proclamées indépendants les uns des autres pour soi-disant protéger les citoyens contre le despotisme. Dans la réalité ces fonctions sont exercées de façon unifiées et coordonnées par le capital qui impose son diktat à travers sa présence dans toutes les institutions et sa personnification sous divers costumes et casquettes. Nos démocrates propagent des illusions au sein du peuple sur ces fictions pour lui faire croire qu’il n’a pas besoin de chercher une issue hors du « modèle universel de gouvernance », cette indépendance-séparation étant garante de la réalisation de ses aspirations à la justice sociale et à la démocratie. Elle serait l’antidote de la corruption. Nos « hirakistes » de droite utilisent le même discours dans leur plan de remplacement du personnel dirigeant discrédité par de nouveaux et jeunes visages. Les politiciens qui s’accrochent au pouvoir doivent changer pour que rien ne change dans les bases économiques de la société, pourrait-on dire
Dimanche 1er novembre 2020
par Alger republicain
Que dire de ce texte au moment où les citoyens sont appelés à se prononcer sur son contenu ?
La montagne a accouché d’une souris !
Les promesses de changements véritables dans le respect de la méthode décidée par le régime, sans « transition » ni « processus constituant », tels que revendiqués par des groupes du « hirak » aux objectifs sciemment flous, ces promesses n’engageront selon la formule cynique d’un dirigeant français de droite que ceux qui y croient.
Une lecture attentive de certains articles-clés est instructive.
Le préambule est truffé de généralités. Il fait l’impasse sur les référents et parcours historiques spécifiques du peuple algérien, notamment l’étape du mouvement national de libération moderne avant le déclenchement du 1er Novembre. Et surtout il passe sous silence toutes les tentatives progressistes opérées durant les 20 premières années qui ont suivi l’indépendance au cours des luttes dans un contexte complexe de parti unique autour de l’application du Programme de Tripoli de juin 1962, de la Charte d’Alger de 1964, de la Charte Nationale de 1976. Malgré les méthodes autoritaires de gouvernement, cette période fut marquée par une mobilisation et un enthousiasme populaires rarement observés dans les sociétés. Les fractions réactionnaires de la société et du pouvoir présentent cette période sous les couleurs les plus sombres. L’amalgame fait entre deux périodes historiques distinctes, celle d’avant 1980 et celle d’après s’inscrit dans un négationnisme dangereux pour les aspirations sociales et politiques des masses laborieuses engagées dans de nouveaux combats pour des perspectives nouvelles.
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Dicté par les intérêts des classes possédantes, dont la domination s’est établie politiquement sur les classes laborieuses depuis le tournant de 1980-81, il y a manifestement un processus de réécriture de l’histoire des causes profondes de la guerre de libération nationale.
Le premier acte de ce processus révisionniste fut ouvert par la Constitution de 1989. Toute référence aux aspirations des classes laborieuses à une société
socialiste - fondée sur la prédominance du secteur public économique- fut expurgée à l’exception d’un petit aliéna qui subsiste jusqu’à présent. Cet article stipule que les « institutions interdisent l’exploitation de l’homme par l’homme et les pratiques féodales ». Les chefs de la rupture avec l’orientation socialiste avaient accompli l’essentiel du travail idéologique en déchirant la Constitution de 1976. Mais il fallait donner le change en introduisant un article vide de tout contenu réel. Ceux qui leur ont succédé, depuis, n’ont pas jugé utile de s’en débarrasser, du moment que la propriété privée des moyens de production et l’argent est maintenant dominante et assurée. Cet alinéa est n’est qu’une phrase creuse, un résidu oublié.
Il y a toujours eu depuis l’indépendance un effort de brouillage idéologique pour réduire les facteurs fondamentaux de la guerre de libération à une lutte pour le « recouvrement de la personnalité nationale », définie comme langue (arabe essentiellement), culture et religion, brimées par le colonialisme. La résistance de la paysannerie contre sa dépossession par les colons, les luttes ouvrières contre l’exploitation, le combat du peuple contre le fardeau d’une fiscalité discriminatoire, pour le travail, l’instruction, la santé, tout cela est escamoté.
La résistance du peuple algérien est ramenée uniquement à la défense de sa culture, de ses « valeurs et composantes fondamentales » liées à l’identité arabo-musulmane et en dernier à l’Amazighité.
A bon escient. L’intention est claire : le cordon ombilical qui relie les aspirations actuelles de la masse du peuple à ses luttes contre l’oppression coloniale doit être définitivement coupé. Sur ce plan les courants islamistes font bien ce travail d’occultation en ramenant toute cette glorieuse résistance à une question de défense de l’Islam. Le courant nationaliste socialement reclassé, soucieux de conserver les délices des privilèges accumulés contre lesquels se dresse la masse des jeunes issus des classes populaires, apporte de son côté sa touche à cette entreprise de réécriture. Il met un soin particulier à élaguer l’histoire du mouvement national de toutes ces références dont la seule évocation fait frémir de peur les nouveaux nantis. Le « serment fait aux martyrs » semble lui convenir parfaitement pour éviter de mettre en exergue tout motif historique à un débat sur le contenu économique et social de l’alternative à laquelle aspirent au moins spontanément de larges pans populaires du « hirak ». Précisément, les courants droitiers à l’œuvre au sein du « hirak » pour établir leur hégémonie sur le mouvement populaire partagent avec les couches nanties au pouvoir la même préoccupation : silence sur ce contenu. Mêmes références aux « valeurs de Novembre » : « république démocratique et sociale » amendées par la revendication d’un « Etat de droit » que le régime a repris pour l’appliquer à sa manière. Le paquet doit être mis sur les aspects institutionnels afin d’évacuer toute réflexion sur la plate-forme économique et sociale dont le hirak doit se doter, sous peine de porter à la tête du pays de nouveaux rapaces.
On ne s’étonnera pas que le rôle décisif des couches laborieuses, notamment la paysannerie pauvre entrainée et encadrée par des éléments révolutionnaires issus des travailleurs immigrés et des couches populaires urbaines dans les luttes politiques et de résistance armée contre l’occupation colonialiste, soit escamoté sous le concept global de « peuple algérien ».
La solidarité précieuse apportée sur le plan international par les peuples du monde arabe et celle des pays socialistes à la lutte d’indépendance du peuple algérien n’est pas mise en exergue.
Des qualificatifs et notions galvaudés qui n’ont aucun sens ou attache historique sont mis en avant tels que ‘’hérauts de la liberté, de l’unité et du progrès’’, ‘’bâtisseurs d’Etats démocratiques et prospères‘’.
Ou encore : peuple ‘’mobilisé et unifié dans le mouvement national’’. Une contre-vérité alors qu’au sein du principal parti nationaliste PPA-MTLD étaient apparues de sérieuses dissensions aboutissant à son éclatement à la veille de la préparation du déclenchement de la lutte armée. C’est dans le feu de la révolution et sous la terrible répression subie que le peuple a forgé son unité pour faire face à la sauvagerie colonialiste et à sa politique de terre brûlée.
Aussi l’affirmation de ‘’construction d’un Etat à son service exclusif’’ parlant du peuple, est vraiment discutable quand on sait les dérives de cet Etat et son détournement au service des appétits d’une bourgeoisie et d’une véritable oligarchie qui ont fait main basse sur les richesses du pays.
Une autre affirmation : ‘’ il ( le peuple) a souverainement décidé de mettre en œuvre une politique de paix et de réconciliation nationale qui a donné ses fruits’’est encore une déformation des faits. Alors que cette opération a été pilotée par une frange de la bourgeoisie au pouvoir qui, pour préserver ses intérêts de classe, avait passé un deal avec l’islamisme armé pour le blanchir de tous ses crimes et actes sanglants contre les victimes du terrorisme et le réhabiliter.
Au plan institutionnel la révision a introduit la notion d’équilibre des pouvoirs. Il fait des concessions à la mystification constitutionnelle propagée par les experts en cette matière. Dans les pays capitalistes qui ont tourné depuis longtemps la page des périodes révolutionnaires anti-féodales, la « séparation et l’équilibre des pouvoirs » vantés ne sont que tromperies. Les différentes fonctions de la machine d’Etat, dont l’essence est la défense des intérêts de la bourgeoisie et le maintien des prolétaires dans leur condition de classe exploitée, sont proclamées indépendants les uns des autres pour soi-disant protéger les citoyens contre le despotisme. Dans la réalité ces fonctions sont exercées de façon unifiées et coordonnées par le capital qui impose son diktat à travers sa présence dans toutes les institutions et sa personnification sous divers costumes et casquettes. Nos démocrates propagent des illusions au sein du peuple sur ces fictions pour lui faire croire qu’il n’a pas besoin de chercher une issue hors du « modèle universel de gouvernance », cette indépendance-séparation étant garante de la réalisation de ses aspirations à la justice sociale et à la démocratie. Elle serait l’antidote de la corruption. Nos « hirakistes » de droite utilisent le même discours dans leur plan de remplacement du personnel dirigeant discrédité par de nouveaux et jeunes visages. Les politiciens qui s’accrochent au pouvoir doivent changer pour que rien ne change dans les bases économiques de la société, pourrait-on dire
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