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A l’origine du 1er Novembre 1954, l’événement fondateur de la République : Ses vrais initiateurs, ses faits d’armes

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  • A l’origine du 1er Novembre 1954, l’événement fondateur de la République : Ses vrais initiateurs, ses faits d’armes

    OMAR RAMDANE 01 NOVEMBRE 2020
    «Le 1er Novembre, c’est moi», a crié une très haute personnalité nationale peu avant sa mort (Allah yerahmou).(1)

    «Krim Belkacem a fait le 1er Novembre au nom de Messali», jurait une escouade de nostalgiques en quête de réhabilitation.(2)

    Lire et entendre pareils mensonges n’a pas dérangé la conscience des nombreuses instances et organisations en charge de l’Histoire et de la mémoire. Elles n’ont pas daigné intervenir, comme elles en ont le devoir, pour balayer ces balivernes, dénoncer les impostures et rétablir les faits afin d’éviter à des générations de jeunes de douter, de se poser la question légitime : «Qui croire et que croire ?»

    L’immense Mourad, l’un des artisans, l’un des précurseurs du 1er Novembre, mort à moins de 28 ans, le 16 janvier 1955, avait exprimé un seul et unique souhait : «Si nous devons mourir, défendez nos mémoires.»

    Mon souhait est que des historiens, de jeunes chercheurs s’intéressent davantage à cet événement grandiose. Que la «vraie histoire», la «grande histoire» de notre révolution, soit connue et rapportée, avant tout par les Algériens, sans falsification des faits et sans usurpation des rôles.
    Le 1er Novembre fut d’abord l’œuvre d’une poignée d’hommes qui eurent le mérite d’être parvenus à exprimer et de mettre en œuvre ce qu’une grande masse d’Algériens pensait et souhaitait : libérer leur pays.

    Dans ce récit, nous allons suivre ces hommes durant les mois et les semaines qui ont précédé le 1er Novembre 1954, reprendre la chronologie des événements, décrire la situation du mouvement national.

    Le 1er Novembre fut, pour partie, le «fruit» de la grave crise que vivait le mouvement national, le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) créé le 11 mars 1937. Parler du mouvement national, c’est évoquer le MTLD, car c’est le seul parti qui revendiqua l’Indépendance de l’Algérie, et ce, depuis le fameux meeting de Messali, tenu le 2 août 1936, au Stade municipal d’Alger (actuellement stade du 20 Août). Ce parti était en crise depuis 1952.

    Il implosa au courant de l’été 1954 : Messali et ses fidèles, tels que Moulay Merbah, Ahmed Mezerna, Abdallah Filali, d’une part, et, d’autre part, ceux qu’on appelait les Centralistes constitués par la direction du parti et le Comité central, dont les têtes sont Hocine Lahouel, Benyoucef Benkhedda, M’hamed Yazid, Abderrahmane Kiouane, Ahmed Bouda, Saïd Amrani, Abdelmalek Temmam.

    Les Centralistes reprochaient à Messali son zaïmisme, le culte de la personnalité. L’autre gros grief tenait de la gestion du parti par délégation. Messali étant souvent absent (emprisonné ou assigné à résidence), il confiait la gestion à ses fidèles Moulay Merbah, Ahmed Mezerna et Abdallah Filali.

    Pour sa part, Messali traitait les responsables du Comité central de réformistes, de bureaucrates coupés du peuple, qui ne pensent qu’aux postes d’élus.

    En réalité, la crise du parti eut des origines et des causes plus vieilles. Il faut remonter à mars 1950, au démantèlement de l’Organisation spéciale (OS) par les services de sécurité français

    Que s’est-il passé réellement et quelle est la genèse de cette crise ? L’OS fut créé par le MTLD, en février 1947, lors de son congrès constitutif, afin de doter le parti d’une organisation paramilitaire avec pour objectif de déclencher la lutte armée, le moment voulu. Le premier responsable de l’OS fût Mohamed Belouizdad ; malade, il fût très vite remplacé par Aït Ahmed qui assurera la fonction jusqu’en 1949.

    Le troisième chef fût Ahmed Ben Bella, jusqu’à mars 1950. Des militants furent sélectionnés pour faire partie de l’organisation ; ils furent choisis au sein de l’organisation clandestine du PPA sur la base de critères tels que : conviction, courage physique, discrétion, etc. Ils s’entraînaient au maniement des armes, à la confection d’engins explosifs.

    Un accident bénin, survenu, en mars 1950, sur la route de Tébessa, allait être fatal à l’organisation. Un militant indiscipliné, bavard, Abdelkader Khiat, dit Rehaiem, responsable local de l’OS, était conduit, en voiture, par d’autres militants, pour être sanctionné parce qu’il avait failli à son serment (on ne peut quitter l’OS). En cours de route, il parvint à s’enfuir et se réfugia au commissariat où il raconta tout. Les services de police découvrirent, ahuris, une vaste organisation couvrant tout le territoire, dont les membres s’entraînaient en plusieurs lieux, clandestinement, en vue de passer un jour à l’action armée.

    La police déclencha une grande rafle, remonta les filières et arrêta ainsi des centaines de membres de l’OS. Ceux qui en échappèrent se réfugièrent dans les maquis ou entrèrent dans la clandestinité. C’est l’affaire de l’OS qui généra la crise au sommet du MTLD, entre, d’un côté, son président et, d’un autre, le comité de direction et le comité central. Les militants furent tiraillés, c’est le désarroi total

    C’est dans cette situation que naquit la nouvelle organisation : le CRUA, Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action. Il fut l’œuvre de Boudiaf accompagné de Ben Boulaïd. Le CRUA fut créé le 23 mars 1954, à la Médersa El Rachad, à La Casbah (Djamâa El Yhoud).. L’objectif du CRUA fut d’amener les deux clans du parti à dépasser leurs différends, de retrouver l’unité pour passer à l’action. Fin mai-début juin, Mustapha Ben Boulaïd accompagné de Didouche Mourad et de Hachemi Hammoud(3) se rendirent chez Messali, à Niort en France. Ils l’informèrent de leur intention de préparer le déclenchement de l’action armée, précisant que leur mouvement se compose de jeunes. Ils lui proposèrent, avec insistance, d’être le leader de leur action.

    Messali affirma son intention d’épurer le parti, sans attendre, mais rejeta toute idée de passer à l’action armée : «Je n’ai encore rien décidé, ce n’est pas des jeunots qui vont m’indiquer ce que je dois faire…» Le «zaïm» fut irrité que des jeunes aient osé décider de lancer la lutte armée, à son insu, alors qu’une telle décision ne pouvait être prise que par lui. Il les a éconduits en les traitant d’aventuriers. où les attendait

    A Alger, les responsables du CRUA constatent les deux camps ne pouvaient pas se réconcilier. Que chacun d’eux se préparait à organiser son Congrès, séparément. Ils décidèrent alors de convoquer une réunion des anciens membres de l’OS. La réunion eut lieu le 23 juin 1954, à Alger, dans la villa de Lyes Derriche, au quartier de Clos Salembier (actuellement El Madania).

    C’est Zoubir Bouadjadj, à la demande de Didouche Mourad, qui proposa la demeure du militant Lyes Derriche, furent effectivement au nombre de «22», y compris Derriche qui faisait le guet.

    C’est Mustapha Ben Boulaïd qui présida la réunion. Il avait à ses côtés quatre autres responsables du CRUA (groupe des 5, devenu en septembre groupe des 6 avec l’intégration de Krim) : Ben Boulaïd, Boudiaf, Didouche, Bitat, Larbi Ben M’hidi. Boudiaf intervient en premier. Il présenta le rapport, élaboré au cours des réunions préparatoires par tout le groupe, relayé de temps à autre par Ben M’hidi et Didouche. Boudiaf fit l’historique des événements depuis l’OS, décrivit la situation du mouvement national, la position de la direction du parti, celle du CRUA et, notamment, ses rapports avec les centralistes.

    Il regretta l’absence des «frères de Kabylie encore sous obédience messaliste et des camarades qui végètent en prison» et il posa, en conclusion, à ces anciens de l’OS la question principale : faut-il décider le principe de déclenchement de la lutte armée au plus tôt ou attendre que les conditions et les moyens de l’action soient mieux réunis ? La discussion dura tout l’après-midi. Les débats furent vifs. L’intervention émouvante de Souidani Boudjemaâ, les larmes aux yeux, en faveur d’un déclenchement immédiat de la lutte armée, fut décisive.

    La motion adoptée par les «22» décida «le déclenchement de l’insurrection armée, seul moyen pour dépasser les luttes intestines et libérer l’Algérie».

    D’autres événements ont sûrement pesé dans la décision des «22» de passer immédiatement à la lutte armée avec les moyens de bord. Dans les pays voisins, les nationalistes tunisiens avaient pris le maquis en janvier 1952 et, au Maroc, les nationalistes, notamment à Casablanca, avaient entrepris la lutte dès la déposition du Sultan en août 1953.

    Enfin, le gros événement qui produisit un effet considérable fut, sans conteste, la défaite de l’armée française à Diên Biên Phu, au Vietnam, un mois auparavant, le 8 Mai 1954, jour anniversaire des massacres de Sétif et de Guelma.

    Les «22» décidèrent aussi de désigner un coordonnateur du Groupe. Le vote à bulletin secret fut décidé et nécessita deux tours de scrutin. Le nom du coordonnateur ne devait pas être divulgué à l’assemblée. Il devait rester secret. C’est le lendemain matin que Ben Boulaïd révéla à Boudiaf que c’est lui qui fut élu.

    Le lendemain, Boudiaf choisit ses quatre compagnons qui avaient préparé la réunion avec lui : Ben Boulaïd, Didouche, Ben M’hidi et Bitat pour former le Comité des cinq et pour diriger, respectivement, les zones des Aurès-Nememchas, le Constantinois, l’Oranie et l’Algérois.
    La zone de Kabylie n’est pas concernée, pour le moment. Elle le fut par la suite. Le groupe des Cinq est né.

    Dès le 28 juin 1954, Boudiaf et Ben Boulaïd invitèrent leurs autres compagnons à une réunion qui s’est tenue au 6, rue Barberousse, Alger, chez

    Kechida Aïssa, pour la mise œuvre des recommandations de la réunion des «22».
    En juillet 1954, Ben Bella se trouvait à Berne, Suisse.

    Ben Bella ayant demandé à rencontrer Boudiaf, ce dernier arriva en Suisse le 7 juillet 1954 et mit au courant Ben Bella du projet des «22». Ben Bella assura Boudiaf du soutien de Khider et de Aït Ahmed qui étaient comme lui réfugiés au Caire

    Messali tint son congrès à Hornu, près de Bruxelles, en Belgique, du 13 au 15 juillet 1954 (Messali, assigné en résidence, n’y assista pas). C’est la rupture définitive entre les deux ailes. Ce congrès exclut du parti les membres du Comité central, lesquels organisèrent leur congrès, au Hamma, à Alger, du 14 au 17 août 1954 et exclurent du parti, à leur tour, Messali, Mezerna, Moulay Merbah et Filali. La mission du CRUA était terminée. Il fut dissous le 20 juillet 1954.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    En août 1954, nouvelle rencontre, à Berne, de Boudiaf et Didouche Mourad avec Ben Bella. Ce dernier confirma le ralliement de Khider et d’Aït Ahmed au mouvement. Il fit part de la disposition de l’Egypte à accorder toute aide que désiraient les Algériens. Ben Bella fut chargé de procurer un lot d’armes, et ce, avant le déclenchement de la Révolution. A cet effet, un rendez-vous fut fixé à Tripoli, un autre dans le Rif marocain.

    Comme convenu, peu de temps après, Ben Boulaïd se rendit à Tripoli (Libye), Boudiaf et Ben M’hidi, pour leur part, partirent au Maroc, au Rif espagnol.

    Deux semaines plus tard, tous les responsables du Comité furent de retour à Alger, se réunirent et firent le bilan de leurs missions à l’étranger. Les promesses faites ne furent pas tenues. En conclusion, aucune arme n’entra au pays avant le 1er novembre 1954.

    Les Cinq s’attelèrent désormais à ramener la Kabylie. Ben M’hidi y tient beaucoup. La Kabylie était indispensable. Cependant, elle avait pris fait et cause pour le zaïm. D’ailleurs, Krim avait envoyé des représentants, conduits par Ali Zamoum, à son Congrès de Hornu, en Belgique.

    Les contacts entre les Cinq et Krim furent l’œuvre de Hachemi Hammoud qui déploya pour cette mission tout son savoir-faire grâce au efforts de Hachemi Hammoud qui fit plusieurs navettes entre Alger et la Kabylie. Les deux groupes se rencontrent Rue du Chêne, dans la maison du militant Ould Mohamed El hadi, début septembre 1954, où ils présentèrent leurs cadres de Kabylie ; Krim fut alors admis au Comité dont il devient le 6e membre, avec Ouamrane comme adjoint.

    Les Six plus les Trois de la délégation extérieure du Caire (Ben Bella, Khider et Aït Ahmed) devinrent les Neuf, en septembre 1954.
    Les Six décidèrent d’une réunion pour mettre au point leur organisation, choisir le nom à lui donner, arrêter la date du jour J de passage à l’action. Ils se réunirent, le 10 octobre 1954, au domicile du militant Boukchoura, dit Si Mourad, tailleur de son métier, situé au numéro 24 de la rue Comte-Guillot (actuellement avenue Bachir Bedidi), à Pointe Pescade (Raïs Hamidou).

    Au cours de cette rencontre, ils choisirent la dénomination de «Front de Libération Nationale, le FLN» au lieu de «Front de l’Indépendance» ou «Mouvement de Libération» qui furent aussi proposés, entre autres. C’est donc là que le FLN naquit. Ben Boulaïd proposa de constituer une organisation militaire à côté de l’organisation politique. Ils créèrent donc «l’Armée de Libération Nationale, l’ALN». Les Six furent soucieux de consacrer le plus grand secret à leur œuvre d’où une proposition du 15 octobre comme date du déclenchement.

    Mais le délai parut très court. Ils optèrent pour le 1er Novembre à 1h. Mais ils décidèrent que ce jour devait rester absolument secret. Leurs adjoints ne devront le savoir que la veille ; tous les autres, les exécutants, quelques heures seulement avant. Les choix des objectifs militaires et de sabotages furent laissés à l’initiative des chefs de zones et leurs adjoints.

    Bien plus, pour s’assurer qu’il n’y a pas de fuite d’indicateur, les Six propagèrent une fausse information quant à la date du déclenchement. Ils optent pour 23 octobre, jour J, afin de vérifier que les services français ne disposaient pas d’indicateurs. Il ne se passa rien du tout, ce 23 octobre : pas d’alerte, pas de mouvement suspect. Ils conclurent que les services français ignoraient tout des préparatifs.

    Les hommes du 1er Novembre n’eurent que trois semaines pour se préparer. Les Six convinrent d’une ultime réunion. Elle eut lieu le 23 octobre 1954, au même endroit, la maison de Boukchoura. La veille, les Six s’étaient rendus à Bab El Oued, avenue de la Marne (Mohamed Boubella), chez un photographe, qui les prend en photo. Lors de la réunion, ils approuvèrent la Proclamation du FLN et l’appel de l’ALN du 1er Novembre 1954. Le document fut rédigé par Boudiaf et Didouche. Ils décidèrent de se retrouver, de nouveau, à Alger, vers le 15 janvier 1955 pour faire le point. Mais, ils ne se rencontrèrent plus jamais.

    Le 26 octobre, Boudiaf quitta Alger pour le Caire, muni d’un exemplaire de la Proclamation qui sera lue, à la Radio «Saout El Arab» du Caire par Ben Bella, le 1er novembre 1954, à 18 heures.

    Le 27 octobre, Krim conduisit Mohamed Laïchaoui, journaliste proche du MTLD, capable de faire la frappe dactylo de la Proclamation du 1er Novembre 1954, sur stencils et d’effectuer le tirage sur une ronéo en Kabylie. Il confia Laïchaoui à Ouamrane qui le conduisit à Tizi Ouzou d’où Ali Zamoum l’emmena à Ighil Imoula. C’est là que furent tirées, durant toute la nuit, quelques centaines d’exemplaires de la Proclamation.
    Que s’est-il passé, en divers points du territoire, dans la nuit du Premier Novembre 1954 ?

    En Zone 5 (l’Oranie) : dirigée par Larbi Ben M’hidi. Il avait pour adjoints : Abdelahafidh Boussouf, membre de l’OS et responsable du parti à Tlemcen, Abdelmalek Ramdane, lui aussi de l’OS et responsable de la région de Mostaganem-Relizane. Il disposa de peu de moyens : 60 hommes environ, une dizaine d’armes. Les armes qui devaient arriver, transitant par le Rif marocain ne parvinrent pas.

    Les actions dans l’Oranie toucheront la commune de Cassaigne (Sidi Ali) qui fut sabotée et la gendarmerie locale attaquée ; un transformateur électrique fut détruit à Ouillis. Toutes les fermes et installations des colons sont touchées. Le bilan s’établit à un mort parmi les européens et plusieurs blessés.

    En Zone 4, Alger et la Mitidja : sous l’autorité de Rabah Bitat, aidé de deux adjoints, Souidani Boudjemaâ et Bouchaïb Ahmed, tous deux réfugiés depuis des années dans la Mitidja, les actions menées dans la nuit du 1er novembre, furent nombreuses.

    A Alger, d’abord, les opérations de sabotage menées par l’équipe de Zoubir Bouadjadj, visaient :
    – La Radio, au 10, rue Hoche (rue Ahmed Zabana, actuellement) : Mohamed Merzougui ne put s’introduire à l’intérieur des locaux dès minuit, la rue étant encore très fréquentée. Il déposa les bombes sur les rebords d’une fenêtre. Une bombe explosera.
    – Othmane Belouizdad, frère du 1er chef de l’OS, eut pour mission d’incendier les dépôts de carburant de la société Mory, au port d’Alger. Les bombes explosèrent causant un début d’incendie.

    – Attaque de l’usine à gaz de l’EGA à Belcourt dirigée par Abderrahmane Kaci et son neveu Mokhtar.
    – Sabotage du central téléphonique du Champ de manœuvre (1er Mai actuellement) par le groupe d’Ahmed Bisker.
    Dans la Mitidja, deux cibles importantes :

    – La caserne Bizot à Blida : Bitat et Bouchaib pénétrèrent avec leurs hommes dans la caserne. Ils avaient un complice, le caporal Khoudi. Ils trouvent le magasin vide.

    A Boufarik, opérèrent Souidani et Ouamrane venu en renfort avec des hommes de Kabylie. Ils devaient avec l’aide d’un complice, le caporal-chef Bentobal, frère de Lakhdar Bentobal, s’introduire dans la caserne. Mais, à 23 h 45’, des explosions furent entendues. D’autres groupes, sûrement, qui n’opéraient pas très loin, agirent trop tôt. Ce qui obligea Souidani et Ouamrane à passer à l’action immédiatement. Introduits par Bentobal dans la caserne, ils récupérèrent une dizaine d’armes dans le poste de police, à l’entrée. L’alerte fut donnée et ils ne purent atteindre l’armurerie qui était l’objectif visé. D’autres actions ont visé la coopérative d’agrumes de Boufarik qui fut incendiée de même que le stock d’alfa de l’usine Cellunaf de Baba Ali.

    La Kabylie, Zone 3 : possédait plus de moyens que l’Oranie et l’Algérois. Elle avait aussi plus d’hommes, quelques centaines, et assez d’armes pour engager les opérations programmées dans la nuit du 1er novembre. La Kabylie est dirigée par Krim Belkacem, au maquis depuis 1947. Il fut condamné à mort deux fois. C’est le plus ancien moudjahid.

    La mairie de Tizi N’Tleta, dans le secteur de Tizi Ouzou, fut saccagée et les poteaux électriques sciés, empêchant les forces de l’ordre de communiquer. Dans plusieurs localités, des actions de sabotage eurent lieu, notamment, à Bordj Menaïel où les dépôts de liège, les hangars de stockage du tabac furent incendiés. Des gendarmeries furent attaquées à Tigzirt, Azazga. Des administrations furent harcelées et des poteaux sciés dans la région.

    Le bilan s’établit à 1 mort et 1 blessé grave.

    Le Nord constantinois, Zone 2, est dirigé par le jeune Didouche Mourad (27 ans). Responsable de l’OS, clandestin depuis 1950, Didouche fut toujours partisan de la lutte armée. Il puisait largement dans les revenus familiaux pour financer ses activités nationalistes. La zone ne disposait que d’une vingtaine d’armes et quelques dizaines de combattants. Comme actions, il y eut l’attaque de la gendarmerie de Condé Smendou, les harcèlements de camps militaires au Khroub. Une bonne action eut lieu près d’El Milia, à la mine de Sidi Makhlouf, où un groupe réussit à récupérer un lot important d’explosifs et de détonateurs.

    C’est en Zone 1, les Aurès et sa région, qu’eurent lieu les actions les plus spectaculaires. Il est vrai que le chef de la zone, le prestigieux Mustapha Ben Boulaïd, l’homme jouissant d’une grande autorité morale, avait réuni plus de moyens humains et matériels pour ce grand jour. Ben Boulaïd avait même offert quelques armes de guerre à d’autres zones, à l’Algérois et la Kabylie, notamment.

    Sous les ordres de Aït Ahmed, chef de l’OS, Ben Boulaïd s’approvisionna en Libye, d’où il a convoyé par caravanes de chameaux, beaucoup d’armes, notamment, des fusils Stati de l’arsenal italien.

    Dans les Aurès, de tout temps, se réfugièrent les militants de toutes les régions du pays qui étaient recherchés. S’y cachèrent aussi, de nombreux bandits d’honneur que Ben Boulaïd sut convaincre de rejoindre le mouvement national. Parmi eux, figurait Grine Belkacem qui fit parler de lui, le 1er Novembre.

    Ben Boulaïd réunit ses hommes le matin du 31 octobre, à Ouled Moussa, près d’Arris. Ils étaient au nombre de 150, venus par petits groupes. Ils partirent vers leurs objectifs à 19h 30. Tous les groupes devaient intervenir à 3h du matin. Les objectifs furent Batna, Khenchela, Biskra, Tkout, Arris. A Batna, le chef était Hadj Lakhdar qui devint plus tard Colonel, chef de la wilaya 1. C’est la sous-préfecture qui fut mitraillée en premier lieu.

    Puis, le groupe s’approcha de la caserne. Mais l’alerte fut donnée avant 3h, parce que des éléments chargés d’attaquer Biskra agirent avec une demi-heure d’avance ; ils attaquent le commissariat, la caserne, les locaux de la commune, une centrale électrique, des dépôts d’essence. Hadj Lakhdar ne put donc donner l’assaut à la caserne de Batna, avec pour objectif récupérer des armes. Mais, dans leur repli, ses hommes mitraillèrent un véhicule militaire qui rejoignait la caserne, tuant deux soldats.

    A Khenchela, l’un des adjoints de Ben Boulaïd, Abbas Laghrour, débuta ses actions comme prévu à 3h. Le groupe fit sauter le transformateur électrique de la ville. Le commissariat est pris d’assaut et trois agents sont désarmés. Un autre groupe attaqua la caserne des spahis. Mais les tirs au commissariat mirent en alerte les soldats. Le chef du peloton, le lieutenant Darnaud, sorti devant la caserne fut tué et un spahi blessé.

    Chihani Bachir avait en charge le secteur d’Arris, Tkout. Dès 3h, Arris fut encerclée, isolée par le groupe commandé par Grine Belkacem. Ses hommes occupèrent les hauteurs et tirèrent sur tous ceux qui tentaient de quitter le village. Les gendarmes qui essayaient de sortir furent mitraillés et retournèrent à leur caserne. Un pont sur la route vers le Nord fut saboté. Arris était coupée de tout. Elle resta isolée jusqu’au 2 novembre.

    Quant à Chihani Bachir (25 ans, adjoint principal de Ben Boulaïd), il dressa un barrage sur la route Biskra-Arris, dès 3h.
    Au matin, le car assurant la liaison Biskra-Arris fut arrêté par les hommes de Chihani. Cette affaire fit un grand bruit, car, parmi les voyageurs du car, se trouvaient le Caïd Hadj Sadok et un couple de jeunes instituteurs, les Monnerot. Chihani fit descendre du car le Caïd Hadj Sadok et le couple Monnerot. Il interrogea le caïd qui afficha un air méprisant et hautain.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    • #3
      A un moment, Hadj Sadok fit un geste pour sortir un pistolet automatique. Un compagnon de Chihani qui vit le mouvement du Caïd tire une rafale qui le toucha au ventre. Il s’écroula mais ne mourut pas. Chihani ne l’acheva pas. Mais la rafale toucha aussi l’époux Monnerot, placé juste derrière le Caïd. Son épouse fut blessée à l’aine. Hadj Sadok rendra l’âme à l’hôpital de Batna ; l’épouse Monnerot fut sauvée, mais son époux mourut.

      Il y a lieu de préciser que Ben Boulaïd et les autres responsables qui décidèrent le 1er novembre, donnèrent des instructions strictes : les exécutions des civils européens étaient interdites.

      Au cours des jours suivant le 1er novembre, les autorités coloniales déclenchèrent une intense propagande axée sur «l’assassinat des jeunes instituteurs . La propagande officielle mettra particulièrement en exergue le sort du couple Monnerot et la personnalité de Grine Belkacem, considéré comme un grand bandit, un condamné de droit commun.

      Quel bilan et quelle évaluation tirons-nous de la nuit du 1er novembre 1954 ?

      S’il est vrai que, dans certaines zones, l’activité fut moins intense, que de nombreux objectifs ne furent pas atteints, parce que des armes manquaient ou des bombes, de confection rudimentaire, n’avaient pas toutes explosé ou que des tentatives d’incendies n’avaient pas réussi, il n’en reste pas moins que l’essentiel fut réalisé : des actions concertées, planifiées eurent lieu de l’ouest à l’est de l’Algérie, sur un front de 1200 km, des actions qui mobilisèrent un millier d’hommes et que les forces coloniales n’ont pu ni empêcher, ni arrêter, ni même prévoir.

      Les opérations déclenchées, le 1er novembre, par le FLN surprirent les autorités françaises. Les autorités eurent du mal à savoir pendant longtemps à qui attribuer les attentats et les attaques visant des objectifs précis, à travers tout le territoire, en l’espace de quelques heures, qui suscitèrent l’admiration et la fierté des nationaux.

      L’administration coloniale n’a rien vu venir ; les services de sécurité non plus. Ce fut la surprise totale pour eux. Le cloisonnement, le secret fonctionnèrent bien. Par exemple, le chef des équipes d’Alger, Zoubir Bouadjadj, n’informa ses hommes que le 31 octobre 1954, à 17h, pour leur dire : «C’est ce soir».

      Autre déroute des services de sécurité et de l’administration coloniale : ils ne réussirent pas à mettre des noms sur les Chefs de l’«insurrection», ces derniers ayant pris des surnoms : Boudiaf, c’est Tayeb, Didouche, c’est Si Abdelkader, Bitat, c’est Si Mohamed, Ben M’hidi, c’est Hakim… Les services français ne surent pas qui était derrière le 1er Novembre.

      Le 1er novembre, ils accoururent vers le siège du parti, à la Place de Chartres, Alger, et arrêtèrent tous ceux qui s’y trouvaient. Ils arrêtèrent notamment Moulay Merbah.

      Le lendemain, le 2 novembre, persuadés que le CRUA était une création des centralistes du MTLD, ils procédèrent à l’arrestation de plus de 2000 militants du parti qui n’avaient rien à voir avec le déclenchement du 1er Novembre. Didouche a parlé juste puisqu’il a prédit la réaction des autorités d’occupation.

      Ministre de l’Intérieur au moment des faits, fonction qui en faisait l’homme censé être le mieux informé de la situation, François Mitterand donna l’exemple le plus significatif de l’incapacité des services français à prévoir l’explosion du 1er Novembre 1954.

      Au moment de quitter l’Algérie, à l’issue d’un voyage officiel en Algérie (19-23 octobre 1954), Mitterrand déclara à l’aéroport Bône-les-Salines (Annaba) : «J’ai trouvé les trois départements français d’Algérie en état de calme et de prospérité. Je pars empli d’optimisme».



      Par Omar Ramdane , Membre de l’ALN





      Source :

      Boudiaf «La préparation du 1er novembre 1954» (15 novembre 1974).
      Mohamed Laïchaoui fut membre de l’ALN. Il tomba au champ d’honneur, en 1959, dans la région de Zbarbar.

      —————————————————-
      1- Ahmed Ben Bella , 1er président de la République.
      2- Krim Belkacem rencontre en décembre 1954 à Alger la pointe pescade, Zitouni Mokhtar, trésorier du MNA. Krim fait croire à ce dernier qu’il est toujours pour Messali. il se fait remettre la somme de 100 000 000 d’anciens francs.
      3- Hachemi Hammoud est un valeureux militant du PPA – MTLD. Membre du Comité central du MLTD de 1949 à 1955, membre de l’OS, du CRUA,Responsable FLN à Alger, arrêté à Alger début février 1957, il est torturé à mort au centre de commandement des parachutistes d’El Biar (Birtraria)
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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      • #4
        un couple de jeunes instituteurs, les Monnerot.
        Hadj Sadok rendra l’âme à l’hôpital de Batna ; l’épouse Monnerot fut sauvée, mais son époux mourut. Il y a lieu de préciser que Ben Boulaïd et les autres responsables qui décidèrent le 1er novembre, donnèrent des instructions strictes : les exécutions des civils européens étaient interdites.
        Sans déconner !
        Hadj Sadok a été chargé dans le car et conduit à l'hôpital car dixit le "chef" : c'est quand même un musulman !".
        Les époux Monnerot sont restés au bord de la route. L'épouse, qui a survécu, a fait des confidence au médecin comme quoi elle aurait été violée.
        Quant à son mari, il a agonisé pendant six heures à ses côtés. Lorsque les secours sont arrivés, il était décédé et son épouse sauvée de justesse.
        S'ils avaient été mis dans le car et conduit à l'hôpital comme Hadj Sadok, Guy Monnerot aurait pu être sauvé, mais ce n'était qu'un kouffar qui ne méritait pas la même attention qu'un musulman même considéré comme un traitre.
        Le racisme à la mode FLN.
        D'autre part, la première victime civile du FLN a été le jeune Laurent François, 22 ans, tué dès 01h30 le 1er novembre près de Mostaganem.
        Dernière modification par alibigoud, 03 novembre 2020, 21h42.

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        • #5
          Bijour Alibigoud

          Alibigoud
          D'autre part, la première victime civile du FLN a été le jeune Laurent François, 22 ans, tué dès 01h30 le 1er novembre près de Mostaganem.
          Ton propos très précis prouve que tu es :
          - soit un pied noir d'Algérie,
          - soit un civil francais qui a vécu cette période en algérie
          - soit un militaire qui a fait ses services en Algérie,

          Ceci explique bien tes comportements, tes réactions et tes prises de positions contre des algériens ici, et pourquoi tu tiens beaucoup à ce forum.

          Ca te permet de te rapprocher de ce pays que vous avez perdu à jamais.... N'est ce pas Alibigood ? ou je me trompes !
          Dernière modification par Pomaria, 03 novembre 2020, 23h35.
          Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

          Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

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          • #6
            Pomaria

            Bonjour,
            Je vais répondre volontiers à votre curiosité féminine.
            C'est la troisième fois que j'explique ma situation sur ce forum.
            J'ai vécu en Algérie de 1953 à 1957 et de 1959 à 1962.
            En effet, en 1953, mon père a été muté au 1er RTA (Régiment de Tirailleurs Algériens) à Bône.
            Ma mère et moi l'avons accompagné dans cette affectation.
            Dès le 1er novembre 1954, au vu des évènements de la nuit écoulée, un bataillon de marche de son régiment a été constitué et dès le lendemain acheminé vers Batna par voie ferrée.
            Ce bataillon, dont mon père faisait partie, a été engagé aussitôt dans l'Aurès pour dégager les communes en difficulté.
            Il a donc été témoin oculaire dès le tout début de cette guerre.
            Plus tard, je me suis passionné pour l'histoire de celle-ci, et j'ai essayé d'en savoir le plus possible en me procurant le maximum de livres et de documents sur cette période.
            J'en ai fait de même pour la guerre d'Indochine, où a également servi mon père.
            Quant à ma présence sur le forum, elle ne relève pas d'une nostalgie quelconque, ou d'une déception d'avoir perdu l'Algérie.
            D'une part, parce que je n'ai pas connu l'Algérie d'avant les évènements (ou si peu) et que d'autre part, je n'étais pas originaire, ni de ce pays, ni Pied Noir.
            Mon étude détaillée de ce conflit m'a appris très tôt que l'Algérie devait être indépendante, car la période d'après guerre était tournée vers la décolonisation et qu'en quelque sorte c'était le sens de l'Histoire.
            J'estime ma présence sur le forum tout à fait légitime, dans la mesure où je suis certain que j'ai vécu plus longtemps en Algérie que d'autres participants au forum, qui eux sont nés en France et ne vont au bled que pour y passer des vacances et retrouver leur famille.
            Beaucoup de ceux qui ont des certitudes ancrées concernant ce conflit, n'étaient même pas nés à cette époque et n'ont pas été témoin de faits qu'ils tiennent pour acquis, vu qu'ils ont pour beaucoup été nourris par la propagande du FLN.
            Je suis donc sur le forum pour pouvoir y discuter de faits contemporains du passé, et aussi à cause du fait que mon pays y est la cible permanente d'attaques en tout genre.
            Je ne suis pas dans la rancoeur d'une période coloniale, mais parce que je suis intéressé par un pays où j'ai vécu et dans lequel j'ai été présent au cours d'une période historique.
            Je dois dire que je m'amuse beaucoup à poster sur le forum, car en plus, cela n'a échappé à personne, j'ai un caractère pour le moins taquin et parfois provocateur.
            Voilà, je me suis à nouveau dévoilé, et il ne me reste plus qu'à attendre en retour la volée de bois vert.

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            • #7
              Voilà, je me suis à nouveau dévoilé, et il ne me reste plus qu'à attendre en retour la volée de bois vert.
              alibigoud,

              Bien le contraire cette franchise est tout à ton honneur ! ...

              Et puis nous y gagnons tous à revisiter une histoire toute faite par le feuleuneux et les nationalistes de la rente ...
              Dernière modification par infinite1, 04 novembre 2020, 11h23.

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              • #8
                alizegood tu es un makhnazi....
                The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                • #9
                  Entre un copier-coller et une réponse si peu argumentée, vous n'avez pas fait d'effort.

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                  • #10
                    D'autre part, la première victime civile du FLN a été le jeune Laurent François, 22 ans, tué dès 01h30 le 1er novembre près de Mostaganem.

                    non c etait le premier colon

                    colon
                    Personne qui a quitte son pays pour aller exploiter une terre et ses habitants par la force qui ne lui appartient pas
                    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                    • #11
                      Si le 1er Novembre m’était conté…(*) (1re partie)

                      Publié par LSA
                      le 04.11.2020

                      Par Abdelalim Medjaoui
                      En hommage au regretté âami Madjid Merdaci, Allah yarhmou !
                      Il faut que notre résistance devienne plus forte que leur répression !
                      Mohammed Belouizdad

                      (Dans son enseignement lors de ses efforts pour la reconstitution des rangs du PPA saignés par la tuerie de mai 1945).


                      On peut dire que ceux des «élèves» d’un Belouizdad pourvoyeur d’espoir qui ont déclenché Novembre ont parfaitement assimilé la leçon et réussi en la matière. Ils ont su susciter et organiser la résistance populaire à l’échelle nationale et la rendre si ferme qu’elle fera échouer la formidable guerre de reconquête lancée contre elle et, par là, l’objectif du pouvoir colonialiste de maintenir et protéger «l’Algérie française».
                      Comment cette résistance s’est-elle manifestée et organisée ? Comment l’ALN est-elle née ? On ne dira jamais assez l’audace raisonnée de ce petit collectif des «22» qui s’érige ainsi en démiurge d’un mouvement qui bouleverse le monde colonial et au-delà, et participe de la libération de l’Homme.
                      Comme tout ce qui est nouveau, cela n’a pas été facile ; mais engager la lutte armée, cette nouvelle façon de faire de la politique, en défendant notre propre champ politique national, c'est-à-dire en se situant hors du système colonial, et en le remettant en cause, c’était – répétons-le – vraiment une innovation.

                      Le sens des premières actions
                      Ce qui a préparé à l’implantation de l’ALN, ce sont les premières actions des «22» hommes de Novembre, et de la maigre cohorte de leurs compagnons de l’OS qui étaient décidés à les suivre, augmentés de ceux, sans doute un peu plus nombreux, de Kabylie.
                      Ces actions n’ont pas toutes rencontré le succès attendu. Il n’était pas facile, même pour les plus intrépides, de partir à l’assaut d’une forteresse réputée invincible pour marquer le nouveau champ politique national…, … et pour récupérer des armes afin d’abattre cette citadelle.
                      Mais ces actions ont retenti à travers tout le pays sur l’étendue duquel elles ont enclenché la lutte armée des paysans, marquant la volonté de négation de «l’Algérie française», et c’est ce qui fait leur importance.
                      Les médias de la France coloniale, en Algérie et en ladite «métropole», la presse internationale témoignent, en ce 1er novembre 1954 de l’écho assourdissant de ces actions. Des actions armées étonnamment osées contre une puissance qui vient, certes, de subir le cuisant Diên Biên Phu, mais qui, de ce fait, se promet de prendre sa revanche en ne se laissant plus faire dans la défense de la Grande France dont la République impériale l’a chargée…
                      Les journaux colonialistes, cartes à l’appui, font le bilan de leur «nuit de la Toussaint» : des actions limitées et «sporadiques», pas de quoi fouetter un chat, mais quand même un «crime odieux» dans les Aurès, commis par des bandits contre la culture, contre un instituteur qui rejoignait, avec sa femme, son poste d’instituteur à Arris.
                      Cependant, une appréciation plus proche de la réalité du bilan de l’ennemi est portée par un des acteurs les plus symboliques de ladite guerre d’Algérie, je veux parler de l’«assassin» de Ben M’hidi, le général Aussaresses. Je mets les guillemets à ce terme, puisque, selon l’auteur de cet acte, son engagement dans les services spéciaux a décriminalisé(1) ce qu’il a accompli comme «actions réprouvées par la morale ordinaire, tombant […] sous le coup de la loi […] : voler, assassiner, vandaliser, terroriser…». Il précise : «Tout cela pour la France…» (C’est moi qui souligne).
                      Rappelons que le 12 novembre, le conflit fut officialisé sans ambiguïté par la République : la seule négociation, c’est la guerre ! Ce général précise : «Mais cette guerre, nous les hommes de l’ombre savions bien qu’elle était commencée depuis longtemps. Le gouvernement dont nous dépendions le savait aussi. Depuis près d’un an, le Service Action du SDECE […] commençait à préparer des actions(2) visant à empêcher la rébellion de s’approvisionner en armes.» Diên Biên Phu n’était pas encore digéré que «la lutte armée algérienne s’était ajoutée à ces préoccupations. Mais, à cette époque, selon la formule que [nos] autorités […] ne cessaient de rappeler, l’Algérie c’était la France et le SDECE n’avait pas le droit d’intervenir sur le territoire national. Du moins en théorie. Il devenait nécessaire d’«intervenir directement contre la rébellion, et pour cela il fallait avoir un pied en Algérie […] Affecté depuis le 1er novembre 1954 à la 41e demi-brigade, je dus attendre la fin du mois de janvier 1955 pour embarquer de Marseille [pour] Philippeville [auj. Skikda]».
                      Un tel état d’esprit ne peut s’accommoder du bilan d’actions «sporadiques».

                      Et du côté du FLN-ALN, quel bilan ?
                      Un bilan politique incontestable : c’est un marquage du champ politique national, un ébranlement décisif de la citadelle coloniale, qui établit, dans la Proclamation (et ces actions armées qui la mettent en exergue), «l’institution [qui] est là pour écarter l’interrogation et l’angoisse liée à l’arbitraire qui se rappelle dans les commencements…»(3), et fonde le droit du FLN de mobiliser le peuple à la résistance et de le conduire vers l’issue libératrice…
                      Ce qui est intéressant dans ce propos (de Bourdieu), c’est justement ce pouvoir de l’institution; pouvoir qui, hier, par exemple, a permis, chez nous, le retour de Boudiaf pour régler la crise de la vacance du poste présidentiel, sans qu’on pût dire : «De quel droit ?»
                      Pourtant, l’institution qui, chez nous, a ce pouvoir immense, n’a que soixante-six ans d’âge ! La réunion des «22» a été l’instance qui a résolu «l’angoisse liée à l’arbitraire qui se rappelle dans les commencements» pour renouer avec l’Algérie historique.
                      Cette angoisse était là, assurément, chez ces «22 Prométhée» qui ont donné le signal de l’assaut du ciel de la libération de la patrie enchaînée. Elle s’est exprimée par l’interrogation inquiète de Boudjemâa Souidani quant à ce qui lui est apparu hésitation chez ses camarades devant l’impératif de l’heure, pour lequel ils ont été choisis. Elle s’est alors résolue dans l’accord sur le lancement de la lutte armée et l’élection d’une direction pour le mettre en œuvre, ouvrant la voie à la Proclamation du 1er Novembre 1954 – acte fondateur et institution de l’État algérien – et à la mise en œuvre de ce programme.

                      Et le bilan en matière de récupération d’armes ?
                      Précisons d'abord que cette entrée dans l’histoire de l’homme – nié dans le colonisé – est vouée à la rendre universelle pour la première fois ; et cela mérite de se battre : «À défaut d’autres armes, la patience du couteau suffira»,(4) écrit Frantz Fanon. Qui répond ainsi pour ce qui est de la récupération d’armes pendant ces actions, où tous les espoirs ne sont pas exaucés : difficultés imprévues à atteindre les cibles, hésitations ou même abandon, devant la tâche, des militants prévus pour la mener, du fait de sa terrible nouveauté.
                      Le bilan sur le terrain se mesure aussi aux arrestations et à la mort au champ d’honneur parmi les initiateurs des actions, lors d’accrochages avec les forces d’occupation, tout de suite mobilisées. Ces pertes de la petite équipe qui a pris sur elle de conduire la lutte de libération sont importantes à prendre en considération au plan historique.
                      Il est vrai que les paysans, qui étaient en attente d’apprendre que la situation soit mûre pour une insurrection nationale, se sont mis en action ; et sur ce plan, la réussite est pleine. Si l’ALN manque d’armes, elle ne risque pas de souffrir faute d’hommes décidés à en prendre, y compris en allant, à mains nues, en délester l’ennemi.
                      «Que valent tous les chiffres, dira F. Fanon,(5) en face de la sainte et colossale énergie qui maintient en ébullition tout un peuple ? Même s’il est prouvé que nos forces ne dépassent pas 5 000 hommes, mal armés, quelle valeur une telle connaissance peut-elle avoir puisque avec un million d’armes nous ferions encore des mécontents et des aigris...»
                      Mais sur le plan de la direction des actions armées prévues sur le terrain, pour lancer le mouvement, la petite équipe n’était pas en surnombre, loin s’en faut !
                      Déjà, le groupe chargé du secteur de la capitale du Constantinois et de ses alentours n’est pas à son poste. Pour éviter toute surprise liée aux hésitations dont ils ont fait montre après la rencontre des «22», le grand événement aura lieu à leur insu. Ils rejoignent, ailleurs, et dans la précipitation, le combat dont ils devaient être dirigeants dans la région mise sous leur autorité : deux d’entre eux tomberont au champ d’honneur, incognito, dans le maquis – gloire à eux ! –, et deux autres, arrêtés, ne seront libérés qu’à l’indépendance.(6)
                      Le manque à gagner de ce petit «couac» – si l’on peut dire – sera comblé plus tard (le 20 août 1955).

                      L’aube – et non «la nuit» –, où les actions ont été engagées
                      Bien évidemment, ces premières actions ont été engagées là où elles avaient les meilleures chances de succès dans «ces môles sociologiques de la Kabylie, des Aurès, de l’Ouarsenis», dont J. Berque a signalé le «rôle considérable dès les premiers temps de l’insurrection», car «ils sauvegardent, sur le plan géographique, comme la femme sur le plan social et moral, des réduits de signifiance».(7)
                      Et, parmi ces môles, les Aurès, entre autres, font parler d’eux en cette aube du 1er Novembre 1954. Nous précisons ici l’aube – et non « la nuit», définitivement «coloniale» depuis que Ferhat Abbas l’a pertinemment ainsi qualifiée – ; ceci pour affirmer l’exacte symbolique de l’évènement et nous démarquer autant de celle, macabrement idéologique, de la «Nuit de la Toussaint», que de celle de la «Nuit rebelle» adoptée par certains historiens et qui pèche en plus par le qualificatif qui induit la légitimité de l’autorité remise en cause.
                      En la matière, ce n’est pas seulement une nuance.
                      «À Betrouna, précise Ali Zamoum, le PC de la Wilaya (sic) III tint sa dernière réunion quelques jours avant le 1er Novembre. […] Krim nous donna les dernières recommandations […] Puis, lentement, d’une voix grave, il nous dit : ‘’Le déclenchement aura lieu le 1er novembre prochain à 0 heure’’.»(8)
                      On ne peut être plus clair ! Affirmant l’autorité nationale et annonçant une ère nouvelle pour l’Algérie, celle de la libération, ces actions n’avaient pas besoin d’être trop nombreuses ni même trop destructrices pour faire l’effet voulu. Leur seule survenue était significative.
                      Des tableaux ont été dressés de ces actions, de leur nombre, de leurs localisations, de leurs résultats sur la base des informations diffusées par les autorités coloniales et leurs médias mobilisés pour les dénoncer et les noircir idéologiquement.(9)
                      Tel est l’état de cet important domaine de la guerre, l’information sur cette question que, pour tenter de comprendre ce qui s’est passé en cette aube naissante, les historiens épluchent ces données à partir des dossiers établis par les services de police et des tribunaux de la «drôle» de justice de ceux, parmi les «22» et leurs soutiens, qui ont été arrêtés ou qui sont tombés précocement au champ d’honneur. Ils peuvent s’en remettre aussi à ce qu’ils arrivent à tirer de l’étude des souvenirs recueillis de ceux des acteurs de cette épopée restés en vie.

                      Sur le plan méthodologique, on ne peut ignorer «que tout cela est faux ou vague comme tout ce qui a été réinterprété par la mémoire de trop d’individus différents […] Ces bribes de faits crus connus sont cependant entre cette aube du 1er Novembre 1954 et nous «la seule passerelle viable ; ils sont la seule bouée qui nous soutient […] sur la mer du temps. C’est avec curiosité que [nous nous mettons] à les rejointoyer pour voir ce que va donner leur assemblage.»(10)
                      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                      • #12
                        Que disent précisément ces tableaux ?
                        On y note que les cinq zones délimitées par les «Six» ont été le théâtre d’attaques armées, mais que, paradoxalement, dans l’Algérois (Zone 4), aucune action n’a été engagée dans l’Ouarsenis, et que la même «abstention» a été observée pour la ville de Constantine, contrairement à Alger et Oran.
                        Si pour la capitale de l’Est, cela s’explique (comme nous l’avons fait plus haut), il n’en est pas de même pour le troisième «môle sociologique» dont la «réserve de signifiance» n’a pas été mobilisée, malgré la présence sur place et les efforts des membres des «22» chargés de la Zone 4 (l’Algérois), Bitat, Souidani et Bouch’aïb.
                        On a pu penser que le point faible était Bitat qui n’a été versé à la direction de la zone qu’au dernier moment en permutant avec Didouche.(11)
                        Mais ses deux adjoints étaient depuis un bon moment chez eux, installés pour y protéger leur clandestinité militante. Boudjemâa y avait même tissé des liens solides en y fondant un foyer. C’est dire qu’ils connaissaient bien la région et ses militants, mais les informations manquent pour que l’on puisse savoir le rôle qu’a tenu Souidani dans la zone, dont la responsabilité lui a été assignée comme un des adjoints de Bitat : on le signale, dans une des actions du 1er Novembre, à Boufarik, où «grâce à la complicité (sic) du caporal-chef Saïd Bentobbal», le commando qu’il dirige avec Ouamrane peut «se saisir des armes du poste de garde»(12) et incendier le dépôt de la coopérative des agrumes. Puis on n’entendra plus parler de lui jusqu’à la date fatidique du 16 avril 1956 où il tombe au champ d’honneur en voulant forcer un barrage de gendarmes près de Koléa. Quant à l’autre adjoint, Bouch’aïb, il a été arrêté dès les débuts de la révolution (où ? Comment ?). Un troisième novembriste, natif, lui, de la région de l’Ouarsenis, Omar Benmahdjoub, n’a fait parler de lui que lorsque la direction de la Wilaya 4, après le congrès de la Soummam, l’a envoyé à l’étranger.
                        Que pouvaient-ils devant le puissant blocage politique de l’appareil «centraliste» qui a intelligemment tourné la neutralité de la base militante vis-à-vis de la crise de la direction du MTLD en abstention envers la lutte armée ?
                        On sait que Abdesslam et Mehri ont fait état d’un changement centraliste vis-à-vis de la lutte armée.(13) Mais il ne se confirme pas dans cette abstention.
                        Sans doute, l’appareil centraliste attendait-il un retour d’écho de la mission de ses chefs émissaires, Lahouel-Yazid, partis au Caire. Ce que semble indiquer le fait que les divers responsables de l’appareil du MTLD (chefs de wilaya, de daïra, etc.) gèlent soudain leurs activités et donc celles des militants qu’ils ont en charge, et s’effacent du champ politique.(14)
                        Là se situerait l’explication du vide militant rencontré par les hommes de Novembre, la non-réponse de la base du parti nationaliste dont les coupait l’appareil centraliste.
                        C’est sans doute cette abstention annoncée qui aurait suscité de la part de Boudiaf sa fameuse boutade, à une rencontre à Ouled Yaïch, dans la proche banlieue de Blida ; s’adressant à Lahouel et ses affidés centralistes, dans leur fief, il leur aurait crié que la lutte armée sera lancée même si l’on doit, faute de mieux, s’appuyer sur «les singes de la Chiffa» !
                        Cette situation de blocage explique la précaution que les «6» ont prise en chargeant Krim de prévoir une aide à la zone. Ali Zamoum signale qu’à la réunion de Betrouna, «nous avons désigné une quinzaine d’éléments pour une mission spéciale : aller en renfort en Mitidja pour mener là-bas des attaques contre une caserne et d’autres objectifs. C’est Ouamrane qui dirigea ce groupe».(15) Ainsi, en dehors d’Alger, où les actions ont été menées sous la houlette de ceux des «22» chargés de la capitale, Bouadjadj et Merzougui, pour celles qui l’ont été dans le reste de la zone, il a fallu cette indispensable rescousse de la Zone 3 (Kabylie) avec la petite troupe dirigée par Ouamrane.
                        Cette intervention des «Kabyles» – aussi nécessaire fut-elle pour que la Zone 4 ne fût pas absente à l’appel révolutionnaire – a sans doute eu l’inconvénient d’accréditer auprès de la base centraliste la fausse idée de l’accointance du mouvement avec des éléments au «messalisme» patent.
                        C’est dire la gravité du blocage centraliste en Zone 4, blocage qui n’a pas été ébranlé par les actions du 1er Novembre, comme l’a été la citadelle coloniale. Le verrou est si efficient que la décision est prise – notamment après l’arrestation de Bitat — qu’une partie de la direction novembriste de Kabylie, placée sous l’autorité de Ouamrane, a pris en charge la direction et l’organisation de la lutte de résistance de la zone.

                        Une solution de force pour briser le verrou ?
                        Entre-temps, heureusement, le FLN s’enrichit d’une recrue de qualité, quasiment miraculeuse. Abane, qui vient de sortir de prison (10 janvier 1955)(16) n’hésite pas à répondre aux sollicitations de Krim pour qu’il seconde Bitat dans sa tâche jusque-là insurmontable. Il trouvera la solution radicale au problème dont malheureusement ce dernier, bientôt arrêté (15 mars 1955), ne pourra pas profiter, mais qui sera bénéfique à ses successeurs et leur évitera d’utiliser la manière forte.
                        Ajoutons, concernant cette zone centrale, qu’elle l’est à tous les points de vue, notamment du fait qu’elle est le centre du pouvoir colonial – de son commandement politique et armé – et où, face à l’Ouarsenis, se tient – protégé par le réseau des plus grandes casernes du pays – le puissant colonat de la Mitidja que dirige la non moins puissante organisation des maires d’Algérie. Et pour compléter ce tableau, du côté «indigène», installé comme une grosse verrue au pied de l’Ouarsenis, le grand centre harki du bachagha Boualem dans les Beni Boudouane.
                        Décidément, la zone Centre fait un mauvais départ.

                        Et le 1er Novembre en Zone 3 ?
                        Heureusement, la Zone 4 trouve à ses côtés la Zone 3 qui, elle, réussit son «1er Novembre», si l’on se réfère à ce qu’en a dit un de ses animateurs, Ali Zamoum. Il a eu le temps de participer à l’événement et de décrire comment et avec quels hommes il a été déployé, jusqu’à cette «fin février 1955» où il tombe entre les mains de l’ennemi. Là aussi, les premières actions n’ont pas toutes abouti et certains militants se sont même rétractés. L’engagement étant volontaire, ils sont retournés dans leurs foyers, en laissant cependant leurs armes. Mais ces actions ont fait leur effet, obligeant l’armée coloniale à se déployer dans la région.
                        S’ensuit alors le développement d’une véritable guerre contre un mouvement qui tend à assurer la juste mesure entre affirmer sa présence : embuscades, exécution de traîtres, sciage de poteaux…», et consolider et protéger son implantation et son organisation : «des jeunes commençaient à demander à s’enrôler. Certains revenaient spécialement de France» – en évitant l’affrontement avec l’ennemi. «On apprenait les premières morts et les arrestations massives. Bref, nous avons perdu beaucoup d’hommes en ces débuts de l’insurrection.»(17)
                        Si malgré ces pertes, la zone trouve encore à aider les autres, cela tient à la façon dont se sont engagés ses chefs, et à leur tête le grand Krim qui a su adroitement maintenir la cohésion des hommes de l’OS de la région et la pérennité de leur structure en vue de l’objectif pour lequel elle a été créée, en appui intelligent sur Messali pour pouvoir ignorer l’ordre « centraliste » de sa dissolution et en ne prenant la décision de rejoindre les « 22 » qu’après leur claire rupture avec le CC dans le CRUA ; mais également seulement après avoir dûment participé au congrès d’Hornu et constaté qu’on n’y mettait pas la lutte armée à l’ordre du jour.
                        Belle gestion politique du collectif des militants destinés à la lutte armée, où ils n’ont pas été perturbés par des enjeux idéologiques liés à la crise à la tête du MTLD. Elle montre un Krim qui, tout en étant convaincu de l’inanité des luttes légalistes au sein du système colonial pour les droits de «l’indigène», penche sentimentalement vers celle, plébéienne, des deux tendances qui se disputent la direction du parti. Il est intéressant de retrouver la même inclination chez Abane. «Moi, d’instinct, je suis messaliste», a-t-il dit à Mazouzi dans la discussion où ils supputaient sur l’identité de Novembre. Et n’oublions pas le verdict critique de Ben Boulaïd rapporté par Belaïd Abdesslam devant le CC : «Politiquement, c’est Messali qui a raison.» !
                        Décidément, chez les révolutionnaires, la plèbe, même réformiste, a toujours meilleure presse que l’aristocratie, ouvrière ou nationaliste.
                        A. M.
                        (A suivre)

                        (*) Extrait d’une étude à paraître sous forme d’Essai…
                        1) Cf. Services spéciaux Algérie 1955-1957, Perrin, 2001, p. 15.
                        2) Menées hors des frontières, ces actions ont visé des marchands d’armes – dont certains ont «eu des malaises bizarres ou de soudaines pulsions suicidaires –, et des bateaux de transport d’armes, dont beaucoup ont sombré inexplicablement [en] mer du Nord ou en Méditerranée», Ibid., p. 16.
                        3) Cf. P. Bourdieu, Leçon sur la leçon, éd. de Minuit, Paris, 1982, p. 7.
                        4) Les Damnés de la terre, Maspero (Cahiers libres), 1961, p. 13.
                        5) Dans l’Introduction de sociologie d’une révolution (L’An V de la révolution algérienne), PC Maspero, 1959, p. 15.
                        6) Ils laisseront, par bonheur, deux rares et riches témoignages sur les vicissitudes et la grandeur de l’expérience des hommes de l’OS. Abdesselam Habachi, Du mouvement national à l’indépendance. Itinéraire d’un militant, Casbah, 2008, et Mohamed Mechati, Parcours d’un militant, Chihab, 2009.
                        7) Dans Dépossession du monde, Seuil, 1964, p. 168.
                        8) Ali Zamoum, Le Pays des hommes libres, Casbah, 2006, p. 170.
                        9) En criminalisant les actions et acteurs de cette aube libératrice (par les termes tels qu’assassinats, tueurs, complicité, complice). (cf. Littré : complice = qui participe à un délit, à un crime.)
                        10) Pour paraphraser Marguerite Yourcenar, cherchant à faire revivre l’enfant qu’elle était, dans ses Souvenirs pieux, Gallimard, 1974, p. 12.
                        11) Précisons que les hommes de l’OS – dont on dit souvent qu’ils sont de l’est du pays – ont, de par leur vécu militant et de par les responsabilités qu’ils ont assumées, une connaissance intime du pays et de ses habitants sur toute son étendue, où ils étaient partout chez eux, connus – sous des noms d’emprunt –, respectés et protégés contre les coups de la police coloniale toujours à leurs trousses.
                        12) Cf. M. Harbi, Le FLN, Institutions et pratiques politiques, In La Nuit rebelle, Éd. La Tribune, Alger, 2004. Tableau repris par Abdelmadjid Merdaci, In 1er novembre 1954. La Nuit des insurgés (Enag Éd., 2019, pp. 24-25). Ni notre ami Madjid –Allah yarhmou – ni M. Harbi n’ont été assez vigilants envers le terme complicité criminalisant le militant S. Bentobal.
                        13) Cf. à ce sujet la Préface de Mehri au livre de A. Kechida, Les Architectes de la révolution (Chihab éd., 2001) et La Crise avec Messali et la naissance du FLN de B. Abdesslam, Le Hasard et l’histoire, EAG éd., 1990, pp. 47 sq.
                        14) Parmi eux, Brahim Chergui s’installe, sous un faux nom, marchand de chaussures en gros à Alger, «début 1955, après un court séjour à Sétif puis à Blida», Cf. Au Cœur de la bataille d’Alger, Dahleb, p. 60. Il explique son geste par des poursuites policières renouvelées depuis novembre 1954. Pour les autres, nous n’avons pas de traces écrites à propos du gel de leurs activités.
                        15) Ali Zamoum, Le Pays des hommes libres, Op. cit., p. 170, et p. 185 : «Parmi les gars partis du village le 1er novembre […] en Mitidja, certains ont été arrêtés, d’autres ont rejoint le maquis.»
                        16) Mohand-Saïd Mazouzi, qui l’a croisé à la centrale d’El Harrach, l’a trouvé fébrilement intéressé par l’insurrection. Il rapporte (dans J’ai Vécu le pire et le meilleur, Casbah, 2015, p. 178), que «sa principale sinon son exclusive préoccupation était de savoir comment avait été déclenché le 1er Novembre»
                        17) Cf. Le Pays des hommes libres, Op. cit., pp. 176 et 185.
                        The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                        • #13
                          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                          • #14
                            Personne qui a quitte son pays pour aller exploiter une terre et ses habitants par la force qui ne lui appartient pas
                            C'est ce qu'on fait vos ancêtres en Espagne et en France à partir du 8ème siècle.

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                            • #15
                              Bonjour Alibigood
                              Ce bataillon, dont mon père faisait partie, a été engagé aussitôt dans l'Aurès pour dégager les communes en difficulté.
                              Il a donc été témoin oculaire dès le tout début de cette guerre.

                              Je ne sais pas quel age vous aviez et ce que vous faisiez surplace, mais 8 ans de présence avec vos parents pendant cette guerre tragique du début jusqu'à sa fin, ca ne se s'oublie pas si facilement.
                              Au contraire ca vous marque toute votre vie. Donc ceci explique cela !
                              De plus, on voit bien que vous vous intéressez et vous vous documentez beaucoup à l'histoire de votre pays.

                              D'ailleurs, moi-même n'ayant pas assisté à ces événements (ni mon papa qui était encore très jeune à l'époque), et n'ayant connus ca qu'à travers le prisme de ceux qui ont pris le pouvoir depuis 62, on ne peut qu'avoir un regard biaisé nous aussi.
                              Et pareil pour vous aussi d'ailleurs ! Vous ne pouvez pas être impartial dans cette histoire.
                              Malgrè ca, votre vision contradictoire des choses (parfois même systématique... vous avez trop de certitudes...) permet d'alimenter le débat et des fois, éliminer certaines de nos fausses certitudes aussi.

                              Notre histoire est encore à réécrire par des vrais historiens. Ceux qui y ont participé, peuvent être des témoins factuels de ce qu'ils ont vécu certes, mais ne peuvent jamais écrire cette histoire eux même. C'est le travail de spécialistes impartiaux et objectifs.
                              En tout cas, merci pour vos confidences.
                              Dernière modification par Pomaria, 04 novembre 2020, 20h37.
                              Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

                              Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

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