OMAR RAMDANE 01 NOVEMBRE 2020
«Le 1er Novembre, c’est moi», a crié une très haute personnalité nationale peu avant sa mort (Allah yerahmou).(1)
«Krim Belkacem a fait le 1er Novembre au nom de Messali», jurait une escouade de nostalgiques en quête de réhabilitation.(2)
Lire et entendre pareils mensonges n’a pas dérangé la conscience des nombreuses instances et organisations en charge de l’Histoire et de la mémoire. Elles n’ont pas daigné intervenir, comme elles en ont le devoir, pour balayer ces balivernes, dénoncer les impostures et rétablir les faits afin d’éviter à des générations de jeunes de douter, de se poser la question légitime : «Qui croire et que croire ?»
L’immense Mourad, l’un des artisans, l’un des précurseurs du 1er Novembre, mort à moins de 28 ans, le 16 janvier 1955, avait exprimé un seul et unique souhait : «Si nous devons mourir, défendez nos mémoires.»
Mon souhait est que des historiens, de jeunes chercheurs s’intéressent davantage à cet événement grandiose. Que la «vraie histoire», la «grande histoire» de notre révolution, soit connue et rapportée, avant tout par les Algériens, sans falsification des faits et sans usurpation des rôles.
Le 1er Novembre fut d’abord l’œuvre d’une poignée d’hommes qui eurent le mérite d’être parvenus à exprimer et de mettre en œuvre ce qu’une grande masse d’Algériens pensait et souhaitait : libérer leur pays.
Dans ce récit, nous allons suivre ces hommes durant les mois et les semaines qui ont précédé le 1er Novembre 1954, reprendre la chronologie des événements, décrire la situation du mouvement national.
Le 1er Novembre fut, pour partie, le «fruit» de la grave crise que vivait le mouvement national, le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) créé le 11 mars 1937. Parler du mouvement national, c’est évoquer le MTLD, car c’est le seul parti qui revendiqua l’Indépendance de l’Algérie, et ce, depuis le fameux meeting de Messali, tenu le 2 août 1936, au Stade municipal d’Alger (actuellement stade du 20 Août). Ce parti était en crise depuis 1952.
Il implosa au courant de l’été 1954 : Messali et ses fidèles, tels que Moulay Merbah, Ahmed Mezerna, Abdallah Filali, d’une part, et, d’autre part, ceux qu’on appelait les Centralistes constitués par la direction du parti et le Comité central, dont les têtes sont Hocine Lahouel, Benyoucef Benkhedda, M’hamed Yazid, Abderrahmane Kiouane, Ahmed Bouda, Saïd Amrani, Abdelmalek Temmam.
Les Centralistes reprochaient à Messali son zaïmisme, le culte de la personnalité. L’autre gros grief tenait de la gestion du parti par délégation. Messali étant souvent absent (emprisonné ou assigné à résidence), il confiait la gestion à ses fidèles Moulay Merbah, Ahmed Mezerna et Abdallah Filali.
Pour sa part, Messali traitait les responsables du Comité central de réformistes, de bureaucrates coupés du peuple, qui ne pensent qu’aux postes d’élus.
En réalité, la crise du parti eut des origines et des causes plus vieilles. Il faut remonter à mars 1950, au démantèlement de l’Organisation spéciale (OS) par les services de sécurité français
Que s’est-il passé réellement et quelle est la genèse de cette crise ? L’OS fut créé par le MTLD, en février 1947, lors de son congrès constitutif, afin de doter le parti d’une organisation paramilitaire avec pour objectif de déclencher la lutte armée, le moment voulu. Le premier responsable de l’OS fût Mohamed Belouizdad ; malade, il fût très vite remplacé par Aït Ahmed qui assurera la fonction jusqu’en 1949.
Le troisième chef fût Ahmed Ben Bella, jusqu’à mars 1950. Des militants furent sélectionnés pour faire partie de l’organisation ; ils furent choisis au sein de l’organisation clandestine du PPA sur la base de critères tels que : conviction, courage physique, discrétion, etc. Ils s’entraînaient au maniement des armes, à la confection d’engins explosifs.
Un accident bénin, survenu, en mars 1950, sur la route de Tébessa, allait être fatal à l’organisation. Un militant indiscipliné, bavard, Abdelkader Khiat, dit Rehaiem, responsable local de l’OS, était conduit, en voiture, par d’autres militants, pour être sanctionné parce qu’il avait failli à son serment (on ne peut quitter l’OS). En cours de route, il parvint à s’enfuir et se réfugia au commissariat où il raconta tout. Les services de police découvrirent, ahuris, une vaste organisation couvrant tout le territoire, dont les membres s’entraînaient en plusieurs lieux, clandestinement, en vue de passer un jour à l’action armée.
La police déclencha une grande rafle, remonta les filières et arrêta ainsi des centaines de membres de l’OS. Ceux qui en échappèrent se réfugièrent dans les maquis ou entrèrent dans la clandestinité. C’est l’affaire de l’OS qui généra la crise au sommet du MTLD, entre, d’un côté, son président et, d’un autre, le comité de direction et le comité central. Les militants furent tiraillés, c’est le désarroi total
C’est dans cette situation que naquit la nouvelle organisation : le CRUA, Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action. Il fut l’œuvre de Boudiaf accompagné de Ben Boulaïd. Le CRUA fut créé le 23 mars 1954, à la Médersa El Rachad, à La Casbah (Djamâa El Yhoud).. L’objectif du CRUA fut d’amener les deux clans du parti à dépasser leurs différends, de retrouver l’unité pour passer à l’action. Fin mai-début juin, Mustapha Ben Boulaïd accompagné de Didouche Mourad et de Hachemi Hammoud(3) se rendirent chez Messali, à Niort en France. Ils l’informèrent de leur intention de préparer le déclenchement de l’action armée, précisant que leur mouvement se compose de jeunes. Ils lui proposèrent, avec insistance, d’être le leader de leur action.
Messali affirma son intention d’épurer le parti, sans attendre, mais rejeta toute idée de passer à l’action armée : «Je n’ai encore rien décidé, ce n’est pas des jeunots qui vont m’indiquer ce que je dois faire…» Le «zaïm» fut irrité que des jeunes aient osé décider de lancer la lutte armée, à son insu, alors qu’une telle décision ne pouvait être prise que par lui. Il les a éconduits en les traitant d’aventuriers. où les attendait
A Alger, les responsables du CRUA constatent les deux camps ne pouvaient pas se réconcilier. Que chacun d’eux se préparait à organiser son Congrès, séparément. Ils décidèrent alors de convoquer une réunion des anciens membres de l’OS. La réunion eut lieu le 23 juin 1954, à Alger, dans la villa de Lyes Derriche, au quartier de Clos Salembier (actuellement El Madania).
C’est Zoubir Bouadjadj, à la demande de Didouche Mourad, qui proposa la demeure du militant Lyes Derriche, furent effectivement au nombre de «22», y compris Derriche qui faisait le guet.
C’est Mustapha Ben Boulaïd qui présida la réunion. Il avait à ses côtés quatre autres responsables du CRUA (groupe des 5, devenu en septembre groupe des 6 avec l’intégration de Krim) : Ben Boulaïd, Boudiaf, Didouche, Bitat, Larbi Ben M’hidi. Boudiaf intervient en premier. Il présenta le rapport, élaboré au cours des réunions préparatoires par tout le groupe, relayé de temps à autre par Ben M’hidi et Didouche. Boudiaf fit l’historique des événements depuis l’OS, décrivit la situation du mouvement national, la position de la direction du parti, celle du CRUA et, notamment, ses rapports avec les centralistes.
Il regretta l’absence des «frères de Kabylie encore sous obédience messaliste et des camarades qui végètent en prison» et il posa, en conclusion, à ces anciens de l’OS la question principale : faut-il décider le principe de déclenchement de la lutte armée au plus tôt ou attendre que les conditions et les moyens de l’action soient mieux réunis ? La discussion dura tout l’après-midi. Les débats furent vifs. L’intervention émouvante de Souidani Boudjemaâ, les larmes aux yeux, en faveur d’un déclenchement immédiat de la lutte armée, fut décisive.
La motion adoptée par les «22» décida «le déclenchement de l’insurrection armée, seul moyen pour dépasser les luttes intestines et libérer l’Algérie».
D’autres événements ont sûrement pesé dans la décision des «22» de passer immédiatement à la lutte armée avec les moyens de bord. Dans les pays voisins, les nationalistes tunisiens avaient pris le maquis en janvier 1952 et, au Maroc, les nationalistes, notamment à Casablanca, avaient entrepris la lutte dès la déposition du Sultan en août 1953.
Enfin, le gros événement qui produisit un effet considérable fut, sans conteste, la défaite de l’armée française à Diên Biên Phu, au Vietnam, un mois auparavant, le 8 Mai 1954, jour anniversaire des massacres de Sétif et de Guelma.
Les «22» décidèrent aussi de désigner un coordonnateur du Groupe. Le vote à bulletin secret fut décidé et nécessita deux tours de scrutin. Le nom du coordonnateur ne devait pas être divulgué à l’assemblée. Il devait rester secret. C’est le lendemain matin que Ben Boulaïd révéla à Boudiaf que c’est lui qui fut élu.
Le lendemain, Boudiaf choisit ses quatre compagnons qui avaient préparé la réunion avec lui : Ben Boulaïd, Didouche, Ben M’hidi et Bitat pour former le Comité des cinq et pour diriger, respectivement, les zones des Aurès-Nememchas, le Constantinois, l’Oranie et l’Algérois.
La zone de Kabylie n’est pas concernée, pour le moment. Elle le fut par la suite. Le groupe des Cinq est né.
Dès le 28 juin 1954, Boudiaf et Ben Boulaïd invitèrent leurs autres compagnons à une réunion qui s’est tenue au 6, rue Barberousse, Alger, chez
Kechida Aïssa, pour la mise œuvre des recommandations de la réunion des «22».
En juillet 1954, Ben Bella se trouvait à Berne, Suisse.
Ben Bella ayant demandé à rencontrer Boudiaf, ce dernier arriva en Suisse le 7 juillet 1954 et mit au courant Ben Bella du projet des «22». Ben Bella assura Boudiaf du soutien de Khider et de Aït Ahmed qui étaient comme lui réfugiés au Caire
Messali tint son congrès à Hornu, près de Bruxelles, en Belgique, du 13 au 15 juillet 1954 (Messali, assigné en résidence, n’y assista pas). C’est la rupture définitive entre les deux ailes. Ce congrès exclut du parti les membres du Comité central, lesquels organisèrent leur congrès, au Hamma, à Alger, du 14 au 17 août 1954 et exclurent du parti, à leur tour, Messali, Mezerna, Moulay Merbah et Filali. La mission du CRUA était terminée. Il fut dissous le 20 juillet 1954.
«Le 1er Novembre, c’est moi», a crié une très haute personnalité nationale peu avant sa mort (Allah yerahmou).(1)
«Krim Belkacem a fait le 1er Novembre au nom de Messali», jurait une escouade de nostalgiques en quête de réhabilitation.(2)
Lire et entendre pareils mensonges n’a pas dérangé la conscience des nombreuses instances et organisations en charge de l’Histoire et de la mémoire. Elles n’ont pas daigné intervenir, comme elles en ont le devoir, pour balayer ces balivernes, dénoncer les impostures et rétablir les faits afin d’éviter à des générations de jeunes de douter, de se poser la question légitime : «Qui croire et que croire ?»
L’immense Mourad, l’un des artisans, l’un des précurseurs du 1er Novembre, mort à moins de 28 ans, le 16 janvier 1955, avait exprimé un seul et unique souhait : «Si nous devons mourir, défendez nos mémoires.»
Mon souhait est que des historiens, de jeunes chercheurs s’intéressent davantage à cet événement grandiose. Que la «vraie histoire», la «grande histoire» de notre révolution, soit connue et rapportée, avant tout par les Algériens, sans falsification des faits et sans usurpation des rôles.
Le 1er Novembre fut d’abord l’œuvre d’une poignée d’hommes qui eurent le mérite d’être parvenus à exprimer et de mettre en œuvre ce qu’une grande masse d’Algériens pensait et souhaitait : libérer leur pays.
Dans ce récit, nous allons suivre ces hommes durant les mois et les semaines qui ont précédé le 1er Novembre 1954, reprendre la chronologie des événements, décrire la situation du mouvement national.
Le 1er Novembre fut, pour partie, le «fruit» de la grave crise que vivait le mouvement national, le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) créé le 11 mars 1937. Parler du mouvement national, c’est évoquer le MTLD, car c’est le seul parti qui revendiqua l’Indépendance de l’Algérie, et ce, depuis le fameux meeting de Messali, tenu le 2 août 1936, au Stade municipal d’Alger (actuellement stade du 20 Août). Ce parti était en crise depuis 1952.
Il implosa au courant de l’été 1954 : Messali et ses fidèles, tels que Moulay Merbah, Ahmed Mezerna, Abdallah Filali, d’une part, et, d’autre part, ceux qu’on appelait les Centralistes constitués par la direction du parti et le Comité central, dont les têtes sont Hocine Lahouel, Benyoucef Benkhedda, M’hamed Yazid, Abderrahmane Kiouane, Ahmed Bouda, Saïd Amrani, Abdelmalek Temmam.
Les Centralistes reprochaient à Messali son zaïmisme, le culte de la personnalité. L’autre gros grief tenait de la gestion du parti par délégation. Messali étant souvent absent (emprisonné ou assigné à résidence), il confiait la gestion à ses fidèles Moulay Merbah, Ahmed Mezerna et Abdallah Filali.
Pour sa part, Messali traitait les responsables du Comité central de réformistes, de bureaucrates coupés du peuple, qui ne pensent qu’aux postes d’élus.
En réalité, la crise du parti eut des origines et des causes plus vieilles. Il faut remonter à mars 1950, au démantèlement de l’Organisation spéciale (OS) par les services de sécurité français
Que s’est-il passé réellement et quelle est la genèse de cette crise ? L’OS fut créé par le MTLD, en février 1947, lors de son congrès constitutif, afin de doter le parti d’une organisation paramilitaire avec pour objectif de déclencher la lutte armée, le moment voulu. Le premier responsable de l’OS fût Mohamed Belouizdad ; malade, il fût très vite remplacé par Aït Ahmed qui assurera la fonction jusqu’en 1949.
Le troisième chef fût Ahmed Ben Bella, jusqu’à mars 1950. Des militants furent sélectionnés pour faire partie de l’organisation ; ils furent choisis au sein de l’organisation clandestine du PPA sur la base de critères tels que : conviction, courage physique, discrétion, etc. Ils s’entraînaient au maniement des armes, à la confection d’engins explosifs.
Un accident bénin, survenu, en mars 1950, sur la route de Tébessa, allait être fatal à l’organisation. Un militant indiscipliné, bavard, Abdelkader Khiat, dit Rehaiem, responsable local de l’OS, était conduit, en voiture, par d’autres militants, pour être sanctionné parce qu’il avait failli à son serment (on ne peut quitter l’OS). En cours de route, il parvint à s’enfuir et se réfugia au commissariat où il raconta tout. Les services de police découvrirent, ahuris, une vaste organisation couvrant tout le territoire, dont les membres s’entraînaient en plusieurs lieux, clandestinement, en vue de passer un jour à l’action armée.
La police déclencha une grande rafle, remonta les filières et arrêta ainsi des centaines de membres de l’OS. Ceux qui en échappèrent se réfugièrent dans les maquis ou entrèrent dans la clandestinité. C’est l’affaire de l’OS qui généra la crise au sommet du MTLD, entre, d’un côté, son président et, d’un autre, le comité de direction et le comité central. Les militants furent tiraillés, c’est le désarroi total
C’est dans cette situation que naquit la nouvelle organisation : le CRUA, Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action. Il fut l’œuvre de Boudiaf accompagné de Ben Boulaïd. Le CRUA fut créé le 23 mars 1954, à la Médersa El Rachad, à La Casbah (Djamâa El Yhoud).. L’objectif du CRUA fut d’amener les deux clans du parti à dépasser leurs différends, de retrouver l’unité pour passer à l’action. Fin mai-début juin, Mustapha Ben Boulaïd accompagné de Didouche Mourad et de Hachemi Hammoud(3) se rendirent chez Messali, à Niort en France. Ils l’informèrent de leur intention de préparer le déclenchement de l’action armée, précisant que leur mouvement se compose de jeunes. Ils lui proposèrent, avec insistance, d’être le leader de leur action.
Messali affirma son intention d’épurer le parti, sans attendre, mais rejeta toute idée de passer à l’action armée : «Je n’ai encore rien décidé, ce n’est pas des jeunots qui vont m’indiquer ce que je dois faire…» Le «zaïm» fut irrité que des jeunes aient osé décider de lancer la lutte armée, à son insu, alors qu’une telle décision ne pouvait être prise que par lui. Il les a éconduits en les traitant d’aventuriers. où les attendait
A Alger, les responsables du CRUA constatent les deux camps ne pouvaient pas se réconcilier. Que chacun d’eux se préparait à organiser son Congrès, séparément. Ils décidèrent alors de convoquer une réunion des anciens membres de l’OS. La réunion eut lieu le 23 juin 1954, à Alger, dans la villa de Lyes Derriche, au quartier de Clos Salembier (actuellement El Madania).
C’est Zoubir Bouadjadj, à la demande de Didouche Mourad, qui proposa la demeure du militant Lyes Derriche, furent effectivement au nombre de «22», y compris Derriche qui faisait le guet.
C’est Mustapha Ben Boulaïd qui présida la réunion. Il avait à ses côtés quatre autres responsables du CRUA (groupe des 5, devenu en septembre groupe des 6 avec l’intégration de Krim) : Ben Boulaïd, Boudiaf, Didouche, Bitat, Larbi Ben M’hidi. Boudiaf intervient en premier. Il présenta le rapport, élaboré au cours des réunions préparatoires par tout le groupe, relayé de temps à autre par Ben M’hidi et Didouche. Boudiaf fit l’historique des événements depuis l’OS, décrivit la situation du mouvement national, la position de la direction du parti, celle du CRUA et, notamment, ses rapports avec les centralistes.
Il regretta l’absence des «frères de Kabylie encore sous obédience messaliste et des camarades qui végètent en prison» et il posa, en conclusion, à ces anciens de l’OS la question principale : faut-il décider le principe de déclenchement de la lutte armée au plus tôt ou attendre que les conditions et les moyens de l’action soient mieux réunis ? La discussion dura tout l’après-midi. Les débats furent vifs. L’intervention émouvante de Souidani Boudjemaâ, les larmes aux yeux, en faveur d’un déclenchement immédiat de la lutte armée, fut décisive.
La motion adoptée par les «22» décida «le déclenchement de l’insurrection armée, seul moyen pour dépasser les luttes intestines et libérer l’Algérie».
D’autres événements ont sûrement pesé dans la décision des «22» de passer immédiatement à la lutte armée avec les moyens de bord. Dans les pays voisins, les nationalistes tunisiens avaient pris le maquis en janvier 1952 et, au Maroc, les nationalistes, notamment à Casablanca, avaient entrepris la lutte dès la déposition du Sultan en août 1953.
Enfin, le gros événement qui produisit un effet considérable fut, sans conteste, la défaite de l’armée française à Diên Biên Phu, au Vietnam, un mois auparavant, le 8 Mai 1954, jour anniversaire des massacres de Sétif et de Guelma.
Les «22» décidèrent aussi de désigner un coordonnateur du Groupe. Le vote à bulletin secret fut décidé et nécessita deux tours de scrutin. Le nom du coordonnateur ne devait pas être divulgué à l’assemblée. Il devait rester secret. C’est le lendemain matin que Ben Boulaïd révéla à Boudiaf que c’est lui qui fut élu.
Le lendemain, Boudiaf choisit ses quatre compagnons qui avaient préparé la réunion avec lui : Ben Boulaïd, Didouche, Ben M’hidi et Bitat pour former le Comité des cinq et pour diriger, respectivement, les zones des Aurès-Nememchas, le Constantinois, l’Oranie et l’Algérois.
La zone de Kabylie n’est pas concernée, pour le moment. Elle le fut par la suite. Le groupe des Cinq est né.
Dès le 28 juin 1954, Boudiaf et Ben Boulaïd invitèrent leurs autres compagnons à une réunion qui s’est tenue au 6, rue Barberousse, Alger, chez
Kechida Aïssa, pour la mise œuvre des recommandations de la réunion des «22».
En juillet 1954, Ben Bella se trouvait à Berne, Suisse.
Ben Bella ayant demandé à rencontrer Boudiaf, ce dernier arriva en Suisse le 7 juillet 1954 et mit au courant Ben Bella du projet des «22». Ben Bella assura Boudiaf du soutien de Khider et de Aït Ahmed qui étaient comme lui réfugiés au Caire
Messali tint son congrès à Hornu, près de Bruxelles, en Belgique, du 13 au 15 juillet 1954 (Messali, assigné en résidence, n’y assista pas). C’est la rupture définitive entre les deux ailes. Ce congrès exclut du parti les membres du Comité central, lesquels organisèrent leur congrès, au Hamma, à Alger, du 14 au 17 août 1954 et exclurent du parti, à leur tour, Messali, Mezerna, Moulay Merbah et Filali. La mission du CRUA était terminée. Il fut dissous le 20 juillet 1954.
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