Nous avons eu le plaisir d’assister ce samedi à un colloque de grande qualité qui s’est tenu à Zéralda sur le thème : «Participation politique et socioéconomique des femmes dans les pays nord-africains». Organisé à l’initiative du RCD, ce colloque d’une journée avait le mérite d’inviter des spécialistes et des militantes féministes venues de quasiment tout le Maghreb (ne manquait que la Libye). L’occasion de découvrir la situation des femmes chez nos voisins, notamment en Tunisie, au Maroc et en Mauritanie.
Le colloque, qui s’est déroulé dans une salle du complexe de la Mutuelle Matériaux et Construction, a été réparti sur quatre thématiques, chacune avec un panel de trois conférencières. La première thématique portait sur «Les cadres juridiques nationaux et les conventions internationales» (lire à ce propos le compte-rendu de notre collègue Salima Tlemçani dans El Watan d’hier sous le titre : «L’exercice du droit à la citoyenneté, un luxe pour les Nord-Africaines »).
La seconde thématique se proposait d’examiner «La participation des femmes à la vie politique : entre textes réglementaires et réalités du terrain». La politologue Louisa Dris-Aït Hamadouche, maître de conférences à la faculté des sciences politiques et des relations internationales, université Alger 3, s’est attelée sous ce chapitre à décrypter la participation politique des femmes en Algérie, à la lumière notamment de la représentativité féminine dans les assemblées élues. «Les tenants et les aboutissants de la participation des femmes dépend de sa mise en perspective, soit comme variable indépendante, c’est-à-dire une question de femmes qui concerne les femmes, soit comme variable dépendante en inscrivant cette question dans un schéma systémique et au cœur de ce schéma, poser la question de la citoyenneté», a-t-elle souligné.
24% de femmes à l’APN
Dans la première approche qui est de type «gender» (approche de genre), Louisa Aït Hamadouche note «une catégorisation positive » sous certains aspects. Elle rappelle en l’occurrence tous les acquis arrachés par les femmes. Elle cite à titre d’exemple la progression des femmes élues, spécialement à l’Assemblée nationale. Sur ce point, dit-elle, «il y a sans aucun doute une amélioration visible. On est passées de 5% en 1962 à 31% et 24% en 2012 et 2017». Et d’ajouter : «En termes d’amélioration des droits, il y a aussi des éléments à prendre en considération. Par exemple : la réforme du code de la famille, le code de la nationalité ; il y a aussi la loi sur la criminalisation des violences à l’encontre des femmes commises par leur conjoint…» Tout en prenant acte de ces avancées, la conférencière estime que cette approche «présente aussi des inconvénients que j’ai appelés ‘catégorisation négative’».
Elle explique : «Dans l’approche ‘femmes défendues par des femmes à travers des organisations féminines’, nous mettons face à face ces organisations de femmes avec leurs revendications et le pouvoir politique (…) Vous conviendrez avec moi que le rapport de forces est totalement inégal.» Dans ce cas de figure, «l’exécution, le suivi et l’évaluation des mesures qui ont été prises ne sont pas faites par les organisations des femmes elles-mêmes».
Mme Dris-Aït Hamadouche attire l’attention par ailleurs sur le fait que les mesures favorables aux femmes «correspondent toutes à un moment politique déterminé : la fin des mandats présidentiels, le Printemps arabe… A mon sens, il y a une conjonction entre les considérations de politique interne et les gestes consentis en faveur de la participation politique des femmes».
«On n’observe pas d’amélioration qualitative»
Revenant sur l’attribution de «quotas» aux femmes dans les assemblées élues (principe consacré par la loi organique 12-03 du 12 janvier 2012 «fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues»), Louisa Dris-Aït Hamadouche fait remarquer : «Dans les assemblées élues où les femmes sont clairement visibles, on n’observe pas d’amélioration qualitative.» Elle le dit haut et fort : «Le Parlement algérien est l’un des plus féminisés du monde.»
Pour autant, «les lois ne sont pas davantage proposées par le Parlement que par le passé». L’APN ne brille pas non plus, constate-t-elle, par un plus grand contrôle sur l’Exécutif ou la création de vraies commissions d’enquête. Elle ajoute : «Le taux de participation (aux élections) aujourd’hui n’est pas supérieur à ce qu’il était auparavant ; il est même inférieur, malgré la représentation visible des femmes. Donc il y a une absence de saut qualitatif dans les assemblées élues.»
Examinant maintenant «la deuxième hypothèse qui consiste à dire que la participation politique des femmes est une variable dépendante parmi d’autres», la politiste relève : «Lorsqu’on place cette question dans un cadre systémique, nous ne sommes plus dans ce face à face femmes-autorité politique. On peut l’envisager avec des alliés élargis.
Ce ne sont plus uniquement les organisations féminines qui vont répondre sur la participation politique des femmes mais l’ensemble de la société civile, les partis politiques, quelle que soit leur obédience…» La question de la participation politique des femmes s’inscrirait alors dans un processus de refondation citoyenne : «Au lieu de parler de la promotion de la participation politique des femmes, on va restructurer, reformuler et réformer profondément la participation politique tout court : revoir la loi électorale, le rôle de l’administration, sa neutralité, l’instance indépendante de surveillance des élections… On est dans la participation citoyenne dont la femme est partie prenante».
A ce moment-là, «la participation politique devient l’aval d’un processus profond de démocratisation» qui implique la construction en amont d’un Etat de droit, avec une justice indépendante, des élections libres, etc.
Louisa Dris-Aït Hamadouche termine en suggérant de tenter une approche «hybride» qui consiste à «coupler la participation politique [des femmes] en tant que variable indépendante et la participation comme variable dépendante. Donc la participation politique devient le contenu et la participation citoyenne le contenant, ce qui permet d’élargir les alliés potentiels. C’est un défi important parce qu’il s’agit de créer des synergies et des intérêts complémentaires entre des forces politiques qui ne sont pas en complémentarité».
«Le chômage des femmes diplômées est de 55%»
La troisième thématique de ces rencontres s’est intéressée aux femmes face au monde du travail, avec comme titre générique : «Participation des femmes à la vie socioéconomique : faible représentation dans les centres de décision et harcèlement moral et sexuel». La sociologue Dalila Iamarene Djerbal a ouvert ce panel par un brillant exposé sur l’emploi féminin en Algérie. Elle a commencé par abattre «deux mythes», comme elle dit : «Il y a d’abord le mythe selon lequel il y a beaucoup de femmes qui travaillent.
La suite...........
Le colloque, qui s’est déroulé dans une salle du complexe de la Mutuelle Matériaux et Construction, a été réparti sur quatre thématiques, chacune avec un panel de trois conférencières. La première thématique portait sur «Les cadres juridiques nationaux et les conventions internationales» (lire à ce propos le compte-rendu de notre collègue Salima Tlemçani dans El Watan d’hier sous le titre : «L’exercice du droit à la citoyenneté, un luxe pour les Nord-Africaines »).
La seconde thématique se proposait d’examiner «La participation des femmes à la vie politique : entre textes réglementaires et réalités du terrain». La politologue Louisa Dris-Aït Hamadouche, maître de conférences à la faculté des sciences politiques et des relations internationales, université Alger 3, s’est attelée sous ce chapitre à décrypter la participation politique des femmes en Algérie, à la lumière notamment de la représentativité féminine dans les assemblées élues. «Les tenants et les aboutissants de la participation des femmes dépend de sa mise en perspective, soit comme variable indépendante, c’est-à-dire une question de femmes qui concerne les femmes, soit comme variable dépendante en inscrivant cette question dans un schéma systémique et au cœur de ce schéma, poser la question de la citoyenneté», a-t-elle souligné.
24% de femmes à l’APN
Dans la première approche qui est de type «gender» (approche de genre), Louisa Aït Hamadouche note «une catégorisation positive » sous certains aspects. Elle rappelle en l’occurrence tous les acquis arrachés par les femmes. Elle cite à titre d’exemple la progression des femmes élues, spécialement à l’Assemblée nationale. Sur ce point, dit-elle, «il y a sans aucun doute une amélioration visible. On est passées de 5% en 1962 à 31% et 24% en 2012 et 2017». Et d’ajouter : «En termes d’amélioration des droits, il y a aussi des éléments à prendre en considération. Par exemple : la réforme du code de la famille, le code de la nationalité ; il y a aussi la loi sur la criminalisation des violences à l’encontre des femmes commises par leur conjoint…» Tout en prenant acte de ces avancées, la conférencière estime que cette approche «présente aussi des inconvénients que j’ai appelés ‘catégorisation négative’».
Elle explique : «Dans l’approche ‘femmes défendues par des femmes à travers des organisations féminines’, nous mettons face à face ces organisations de femmes avec leurs revendications et le pouvoir politique (…) Vous conviendrez avec moi que le rapport de forces est totalement inégal.» Dans ce cas de figure, «l’exécution, le suivi et l’évaluation des mesures qui ont été prises ne sont pas faites par les organisations des femmes elles-mêmes».
Mme Dris-Aït Hamadouche attire l’attention par ailleurs sur le fait que les mesures favorables aux femmes «correspondent toutes à un moment politique déterminé : la fin des mandats présidentiels, le Printemps arabe… A mon sens, il y a une conjonction entre les considérations de politique interne et les gestes consentis en faveur de la participation politique des femmes».
«On n’observe pas d’amélioration qualitative»
Revenant sur l’attribution de «quotas» aux femmes dans les assemblées élues (principe consacré par la loi organique 12-03 du 12 janvier 2012 «fixant les modalités augmentant les chances d’accès de la femme à la représentation dans les assemblées élues»), Louisa Dris-Aït Hamadouche fait remarquer : «Dans les assemblées élues où les femmes sont clairement visibles, on n’observe pas d’amélioration qualitative.» Elle le dit haut et fort : «Le Parlement algérien est l’un des plus féminisés du monde.»
Pour autant, «les lois ne sont pas davantage proposées par le Parlement que par le passé». L’APN ne brille pas non plus, constate-t-elle, par un plus grand contrôle sur l’Exécutif ou la création de vraies commissions d’enquête. Elle ajoute : «Le taux de participation (aux élections) aujourd’hui n’est pas supérieur à ce qu’il était auparavant ; il est même inférieur, malgré la représentation visible des femmes. Donc il y a une absence de saut qualitatif dans les assemblées élues.»
Examinant maintenant «la deuxième hypothèse qui consiste à dire que la participation politique des femmes est une variable dépendante parmi d’autres», la politiste relève : «Lorsqu’on place cette question dans un cadre systémique, nous ne sommes plus dans ce face à face femmes-autorité politique. On peut l’envisager avec des alliés élargis.
Ce ne sont plus uniquement les organisations féminines qui vont répondre sur la participation politique des femmes mais l’ensemble de la société civile, les partis politiques, quelle que soit leur obédience…» La question de la participation politique des femmes s’inscrirait alors dans un processus de refondation citoyenne : «Au lieu de parler de la promotion de la participation politique des femmes, on va restructurer, reformuler et réformer profondément la participation politique tout court : revoir la loi électorale, le rôle de l’administration, sa neutralité, l’instance indépendante de surveillance des élections… On est dans la participation citoyenne dont la femme est partie prenante».
A ce moment-là, «la participation politique devient l’aval d’un processus profond de démocratisation» qui implique la construction en amont d’un Etat de droit, avec une justice indépendante, des élections libres, etc.
Louisa Dris-Aït Hamadouche termine en suggérant de tenter une approche «hybride» qui consiste à «coupler la participation politique [des femmes] en tant que variable indépendante et la participation comme variable dépendante. Donc la participation politique devient le contenu et la participation citoyenne le contenant, ce qui permet d’élargir les alliés potentiels. C’est un défi important parce qu’il s’agit de créer des synergies et des intérêts complémentaires entre des forces politiques qui ne sont pas en complémentarité».
«Le chômage des femmes diplômées est de 55%»
La troisième thématique de ces rencontres s’est intéressée aux femmes face au monde du travail, avec comme titre générique : «Participation des femmes à la vie socioéconomique : faible représentation dans les centres de décision et harcèlement moral et sexuel». La sociologue Dalila Iamarene Djerbal a ouvert ce panel par un brillant exposé sur l’emploi féminin en Algérie. Elle a commencé par abattre «deux mythes», comme elle dit : «Il y a d’abord le mythe selon lequel il y a beaucoup de femmes qui travaillent.
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