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Salariés du secteur privé…Les esclaves des temps modernes

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  • Salariés du secteur privé…Les esclaves des temps modernes

    Le monde interlope, qui flirte souvent avec l’illégalité et dans tous les cas de figure "border line" de l’apprentissage ne vaut guère mieux
    “Pour pouvoir jouer pleinement son rôle de pilier incontournable de l’économie nationale, le secteur privé, marginalisé à une époque pas si lointaine, se doit d’opérer une mue aussi salvatrice qu’indispensable et accepter de jouer le jeu". Cette petite phrase, lâchée par un observateur averti de la scène économique locale et industriel lui-même pose toute la problématique d’un secteur prolifique en dysfonctionnement dans le moindre n’est sûrement pas la nature des rapports qu’il entretient avec la main d’œuvre.
    Les règles du jeu, il les fixe lui-même, de manière unilatérale et sans se soucier le moins du monde de l’avis de ceux qui lui apportent richesse et pérennité. L’absence quasi-générale de politique salariale place ce secteur souvent en porte-à-faux par rapport à la légalité. Si les équilibres micro-économiques sont peu ou prou respectés dans les grandes entreprises qui demeurent dans l’œil du cyclone car étroitement surveillés par le fisc et les organismes sociaux, le secteur tertiaire qui absorbe un maximum de main d’œuvre ignore superbement toute règle, toute loi et agit souvent en marge de la légalité. Déjà, en amont, le recrutement obéit à des critères qui n’ont souvent rien à voir avec l’excellence et les salaires procèdent de la même logique et frisent l’indécence. Quand à la couverture sociale, elle relève du rêve, de la gageure. Et c’est au noir, sous l’œil impassible des agents chargés de contrôler tout ça, que des milliers de jeunes triment, souvent plus que de raison. La petite main d’œuvre, sans grande qualification est très largement sous-payée, pour des temps de travail aussi longs qu’une journée sans pain ! Si ce n’est pas de l’esclavagisme, ça y ressemble ! Ils ne sont pas rares, en effet, à émarger à des clopinettes, 3000 DA ou même moins. Le cas de Saïda gérante d’un magasin d’habillement, loin d’être une exception, constitue la règle : "j’ouvre 6 jours sur 7, nettoie, accueille les clients, vends, pour 3 000 misérables dinars. Quand à l’assurance, je ne sais même pas ce que c’est. L’espèce d’aumône que je reçois irrégulièrement, ne me permet aucune prise en charge. Une seule chose me retient : fuir l’environnement familial. Universitaire, j’estime mériter mieux que cette espèce d’exploitation qui ne veut pas dire son nom. Je travaille pour quelqu’un qui ne sait même pas écrire son nom. C’est rageant !"
    Autre lieu de Béjaïa, autre décor. Un café qui dès potron-minet jusqu’à l’émergence de Vesper ne désemplit pas.
    Certains parlent d’usine. Une demi-douzaine de serveurs et plongeurs s’y affairent. Tous travaillent au noir dans cette affaire dite de famille. La loi de l’omerta est de rigueur. Un peu par crainte de perdre un job, certes peu rémunérateur, un peu par honte d’avouer qu’ils ne reçoivent que des miettes, le regard inhumain sévère et menaçant du boss, en prime, les langues ne se délient que difficilement. Seul Hakim ose, loin des regards, des nombreux cerbères – délateurs se confier : "J’arrive d’un patelin oublié de Dieu et des hommes. Seul dans une ville déshumanisée, j’ai obtenu au bout d’une période de chômage difficile, ce job et cette planque je travaille 16, voire 18 heures pour 5 000 DA. Je n’ai pas tellement de choix"…
    S’il est une autre catégorie de "serfs des temps modernes" taillables et corvéables à merci, c’est assurément celles des receveurs de bus. Certains transporteurs peu scrupuleux vont jusqu’à faire durement trimer des proches parents, parfois leur propre progéniture, contre une somme ridicule ……….
    Le monde interlope, qui flirte souvent avec l’illégalité et dans tous les cas de figure "border line" , de l’apprentissage ne vaut guère mieux . Ce système qui a toujours les faveurs de parents dont les enfants sont rétifs à toute idée d’enfermement dans une salle de classe, absorbe une bonne partie d’adolescents en rupture de ban avec la scolarité. Ce segment, théoriquement, vient en appoint aux centres de formations. Il permet notamment à l’enfant trop jeune pour rejoindre le monde du travail d’acquérir par le recours exclusif à la force de ses bras, un métier et de prétendre à plus moins brève échéance à un pécule sous forme non pas de salaire mais d’argent de poche. La réalité est toute autre ! Une seule loi règne dans les ateliers, celle du maître. L’apprenti soudeur, mécano, plombier après une période passée à servir la maître est affecté aux basses besognes. Quand à l’apprentissage d’un métier, cela fonctionne plutôt mal, avec une nette impression de répulsion à vouloir partager un savoir que prodigue pourtant, à l’œil, n’importe quel centre d’apprentissage. Peu d’apprentis vont jusqu’au bout, rejetant par finir des tâches qui n’ont souvent pas grand-chose à voir avec la maîtrise d’un métier vrai . Quand, d’aventure, ils arrivent à force de pugnacité à posséder le métier et à assurer une rentabilité certaine à l’atelier, ils sont mal récompensés de leurs efforts. Là aussi, l’exploitation de l’homme par l’homme, loin d’être une exception s’avère être une règle. Le mépris affiché à l’égard des lois n’a d’égal que le refus malsain de transmettre un savoir qui n’a rien pourtant d’une science ésotérique. La culture du secret bien mal gardé au demeurant, se décline en garde-fous, garants d’une rentabilité qu’il ne faut surtout pas partager.
    Le garage, sans nom, jouit d’une réputation bien établie qui, pour surfaite qu’elle est , n’en assure pas moins des revenus considérables au propriétaire. Dans une obscurité que l’unique ampoule n’arrive pas à dissiper et les forts plein de cambouis, s’affairent une dizaine d’apprentis, encadrés par deux "durs à cuire" au coup de pied facile, les combinaisons trouées ( est-ce un effet de mode ?) rigides à force de saletés peuvent bien tenir debout. Là aussi, les apprentis dont certain ayant réussi à assimiler le B.A.ba du métier, bricolent plutôt bien, sont peu diserts. L’œil du maitre, comme celui de Caïn, sont omniprésents. C’est à peine, si derrière une voiture, l’un deux, à mi-voix susurre " j’ai terminé ma phase d’apprentissage et je me débrouille plutôt bien. Le patron, empoche tous les bénéfices et me refile de temps à autre un billet de 1000 DA. Mon rêve, c’est de m’installer à mon compte. Mais pour le moment, c’est de l’utopie".
    L’exploitation ? Point besoin d’aller la chercher au Pakistan ou dans les ateliers clandestins du Marais à Paris. Elle est tout prés, à Béjaïa, à Akbou, à Kherrata et ailleurs. Ce mal qui gangrène notre économie incapable, malgré tous les discours triomphalistes sur le recul du chômage (un leurre !) et une embellie financière, jamais égalée, expliquent, à eux seuls, les épi –phénomènes, qui algérianisent se déclinent sous les vocables de Hittisme, Harraguas, Trabendistes et dernière nouveauté Kamikazes.

    - Le Quotidien d'Oran
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