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SAHARA: Le traitement des militants sahraouis s’inscrit dans le retour au Maroc d’une répression des voix critiques

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  • SAHARA: Le traitement des militants sahraouis s’inscrit dans le retour au Maroc d’une répression des voix critiques



    Depuis dix ans, dix-neuf militants de l’autodétermination du Sahara occidental sont « injustement » emprisonnés, dénonce Bernadette Forhan, présidente de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) France.

    Tribune. L’affaire remonte au 8 novembre 2010, quand des hommes sont arrêtés dans le cadre du démantèlement par les forces de sécurité marocaines du camp de Gdeim Izik.Ce camp rassemblait alors plusieurs milliers de Sahraouis venus installer leurs tentes traditionnelles à proximité de la ville de Laayoune dans le Sahara occidental, afin d’exprimer leurs exaspérations quant aux discriminations économiques et sociales qu’ils subissent.

    Cet événement majeur de la société civile sahraouie est considéré comme un signe annonciateur du printemps arabe, avec une mobilisation de masse de la population et des jeunes en particulier. Ce rassemblement est également l’occasion de revendiquer le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, alors que le Maroc occupe depuis 1975 ce territoire considéré au regard du droit international et de l’ONU comme non autonome.

    Malgré la montée des tensions avec les forces de police, le rassemblement se déroule pacifiquement et un dialogue est noué avec les autorités marocaines, débouchant sur un accord de principe le 4 novembre où le royaume s’engage à répondre progressivement aux demandes des manifestants.

    Alors que la mise en œuvre de ces mesures devait débuter le 8 novembre 2010, ce même jour, les forces de sécurité marocaines interviennent brusquement à 6 h 30 du matin pour démanteler le camp, entraînant des affrontements avec les jeunes sur place. Suivant l’annonce de l’intervention de la police et des violences qui s’y produisent, une situation chaotique s’installe à Laayoune, avec des affrontements entre manifestants sahraouis d’une part et forces de sécurité et groupes de résidents marocains de l’autre. Le bilan de la journée est lourd, avec des centaines de blessés, 13 morts, dont 11 policiers marocains et plus de 300 Sahraouis arrêtés.

    Torture

    La répression continue pendant plusieurs semaines après les événements, et ceux que l’on appelle désormais le « groupe de Gdeim Izik », composé de 25 militants politiques et de défenseurs des droits, dont 19 encore en détention, sont particulièrement ciblés par les autorités.

    Envoyés à la prison militaire de Salé près de Rabat, ils sont condamnés à de très lourdes peines le 16 février 2013 par un tribunal militaire. Les condamnations ont toutes été prononcées sur la base d’aveux obtenus sous la torture, à l’issue d’un procès inique, marqué notamment par le refus d’entendre les témoins cités par la défense et d’enquêter sur les allégations de torture.

    D’ailleurs, la Cour de cassation annule en juillet 2016 le jugement pour défaut de preuve et absence d’identification des victimes, et ordonne une nouvelle procédure devant la cour d’appel de Rabat, suite à l’adoption récente d’une loi interdisant de juger des civils devant des tribunaux militaires.

    Le 12 décembre 2016, le Maroc est condamné par le Comité contre la torture de l’ONU (CAT) sur le cas de Naâma Asfari, l’un des prisonniers du groupe de Gdeim Izik et porte-parole du camp en 2010, pour les sévices subis pendant son arrestation, la prise en compte des aveux forcés par le juge militaire et l’absence d’enquête malgré la réitération de ses allégations de torture.

    Sous le contrôle du Makhzen

    Le CAT est l’organe chargé de veiller à la bonne application de la Convention contre la torture, dont le Maroc est parti depuis 1993, ce qui l’oblige notamment à prendre des mesures efficaces pour empêcher le recours à la torture et à diligenter des enquêtes en cas d’allégation de torture. C’est un coup dur pour le royaume chérifien qui mène un intense lobbying pour convaincre ses partenaires internationaux de l’engagement du royaume sur le chemin des droits humains.

    Malgré ce signal fort, un nouveau jugement en juillet 2017 prononce à nouveau de lourdes peines, toujours sur la base d’aveux forcés et d’absence d’enquête indépendante sur les allégations de torture. Le lendemain de la condamnation, une communication est émise par plusieurs experts indépendants des Nations unies, pointant entre autres le caractère arbitraire de la détention. Une nouvelle fois, les autorités marocaines sont pointées du doigt par des instances onusiennes dans cette affaire.

    Le traitement de ces militants sahraouis s’inscrit dans le retour au Maroc d’une répression des voix critiques et discordantes. Citons pêle-mêle l’étouffement du mouvement du Rif comme de celui à Jerada, le harcèlement judiciaire à l’encontre du militant Maâti Monjib ou des journalistes Omar Radi et Hajar Raissouni, ou encore l’arrestation des rappeurs Gnawi et Hamza Asbaar comme du youtubeur Mohamed Sekkaki.

    Il apparaît clairement que la justice au Maroc est sous le contrôle du Makhzen, le pouvoir royal avec ses cercles d’influences et de clientélisme, et qu’il ne s’agit ici rien de moins que de procès politiques. Dans le cas des prisonniers de Gdeim Izik, plutôt que de chercher les véritables responsables de la mort des 11 membres des forces de l’ordre, le régime marocain a fait le choix d’instrumentaliser ce procès pour poursuivre des militants et défenseurs sahraouis en raison de leurs engagements et activités.

    Les détenus et leurs familles subissent régulièrement des représailles et des mesures punitives en raison de leur détermination à obtenir justice, comme des restrictions au droit de visite, mise en isolement, surveillance policière des proches…

    En cet anniversaire des événements de Gdeim Izik, après dix longues années de détention arbitraire et alors que la Cour de cassation s’intéresse enfin à l’affaire, il faut rappeler inlassablement aux autorités marocaines leurs obligations de respecter les droits de ces prisonniers sahraouis comme de tous les autres prisonniers de conscience au Maroc, en demandant leur libération, la fin de tout harcèlement judiciaire, et que réparation soit faite pour les injustices et les tortures qu’ils ont subies.


    lemonde
    Dernière modification par MEC213, 16 novembre 2020, 19h42.
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