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Par André Vltchek
Au fait qu’avez vous fait pour Cuba aujourd’hui? Avez vous signé la pétition pour que ses médecins aient le Nobel, l’avez vous proposée à la signature? Avez vous envoyé à Cuba coopération une somme pour l’aide alimentaire?
Un magnifique texte sur l’impossibilité de briser les communistes quand ils le sont réellement, d’asservir un peuple et d’interdire à un être humain de se révolter… J’ai parfois mis mes pas dans ceux d’André Vltchek en faisant le tour de la planète et si aujourd’hui je me sens en exil dans mon propre pays, il reste en moi la conviction inébranlable que même si je ne verrai pas ce temps surtout dans ma pauvre France, il viendra et il est déjà là dans le coeur et les actes de millions d’êtres humains. Et cette conviction me donne des moments de bonheur incroyables, ceux qui me poussent à alimenter ce site, ceux des combats sans compromis. Combien sommes-nous à ressentir chaque mot de Vltchek au plus profond? (note de Danielle Bleitrach)
counterpunch 13 mai 2016
Il y a plusieurs messages essentiels qui surgissent littéralement de l’écran, chaque fois que l’on regarde La Ultima Cena (Le dernier repas), un film brillant de 1976, du réalisateur cubain Tomás Gutiérrez Alea [photo].
L’ultime message est qu’il est impossible d’asservir tout un groupe ou une race, tout au moins pas indéfiniment. Le désir de liberté, la vraie liberté, est impossible à briser, peu importe la brutalité et la persistance avec lesquelles le colonialisme, l’impérialisme, le racisme et la terreur religieuse, tentent de le faire.
Le deuxième message, tout aussi important, est que les blancs et les chrétiens (mais surtout les chrétiens blancs) se sont comportés, et cela depuis des siècles et partout dans le monde, comme une horde de bêtes sauvages et de maniaques génocidaires 1.
Fin avril 2016, à bord d’un avion de Cubana de Aviation qui m’amenait de Paris à La Havane, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder à nouveau, sur mon ordinateur, La Ultima Cena, pour au moins la dixième fois de ma vie.
Avec Gutiérrez sur mon écran, Granma Internacional (journal officiel de Cuba du nom du bateau qui a amené Fidel, le Che et d’autres révolutionnaires à Cuba pour déclencher la Révolution) et un verre de rhum pur et honnête sur ma table, je me sentis chez moi, en toute sécurité et parfaitement heureux. Après plusieurs journées déprimantes à Paris, j’ai pu enfin quitter cette Europe grise, de plus en plus désolante, oppressive et pharisaïque.
L’Amérique latine m’attendait. Elle se confrontait à de terribles attaques organisées par l’Occident. Son avenir était à nouveau incertain. «Nos gouvernements» saignaient ; certains d’entre eux s’effondraient. L’épouvantable gouvernement d’extrême-droite de Mauricio Macri s’affairait à démanteler l’État providence argentin. Le Brésil souffrait du coup d’État politique fomenté par des législateurs de droite corrompus. La Révolution bolivarienne du Venezuela se débattait littéralement pour sa survie. Des forces réactionnaires traîtresses étaient à l’œuvre à la fois en Équateur et en Bolivie.
On m’a demandé de venir. On m’a dit: «L’Amérique latine a besoin de toi. Nous menons une guerre pour la survie.» Et me voilà, à bord de Cubana, rentrant à la «maison», la partie du monde qui m’a toujours été si chère, qui m’a façonné en tant qu’homme et en tant qu’écrivain.
Je rentrais à la «maison», parce que je le voulais, mais aussi parce que c’était mon devoir. Et je crois sacrément en mes devoirs !
Après tout, je ne suis pas un anarchiste, mais un communiste, «éduqué» et endurci en Amérique latine.
Mais que veut dire : «Je suis un communiste» ?
Suis-je un léniniste, un maoïste ou un trotskiste ? Est-ce que je souscris au modèle soviétique ou chinois ?
Honnêtement, je ne sais pas ! Franchement, je ne me soucie pas de ces nuances.
Pour moi personnellement, un vrai communiste est un combattant contre l’impérialisme, le racisme, «l’exceptionnalisme occidental», le colonialisme et le néo-colonialisme. Il, ou elle, est un internationaliste déterminé, une personne qui croit en l’égalité et à la justice sociale pour toutes les personnes sur cette Terre.
Je laisserai les discussions théoriques à ceux qui ont beaucoup de temps devant eux. Je n’ai jamais relu la totalité du Capital. C’est trop long. Je l’avais lu quand j’avais seize ans. Je pense qu’en faire la lecture une fois suffit… Ce n’est pas le seul pilier du communisme et ce n’est pas une Écriture sainte, qui devrait être constamment citée.
Plus que par le Capital, j’ai été influencé par ce que j’ai vu en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine. J’ai vu le monde entier, quelques cent soixante pays ; j’ai vécu sur tous les continents. Partout où je suis allé, j’ai vu les horreurs du pillage continuel de la planète par l’Occident.
J’ai vu l’Empire forcer des pays à faire des guerres civiles bestiales ; des guerres déclenchées pour que les multinationales puissent piller confortablement. J’ai vu des millions de réfugiés de pays jadis fiers et riches ou potentiellement riches – dévastés par l’Occident : des réfugiés congolais, des réfugiés somaliens, des réfugiés libyens et syriens, des réfugiés en provenance d’Afghanistan… J’ai vu des conditions inhumaines dans des usines qui ressemblaient à des purgatoires ; j’ai vu de monstrueux ateliers clandestins, des mines et des champs à proximité de villages administrés féodalement. J’ai vu des hameaux et des communes où la population tout entière avait disparu – morte de faim, de maladie ou des deux.
J’ai également passé des jours et des jours, à écouter des témoignages choquants de victimes de torture. J’ai parlé à des mères qui avaient perdu leurs enfants, à des femmes qui avaient perdu leurs maris, à des maris dont les femmes et les filles avaient été violées devant leurs yeux.
Et plus je le voyais, plus j’étais témoin, plus les histoires que j’écoutais étaient choquantes ; plus je me suis senti obligé de prendre parti, de me battre pour ce que je crois être un monde meilleur.
J’ai écrit deux livres compilant des centaines d’histoires de terreur commises par l’Occident : Exposing Lies Of The Empire (Démasquer les mensonges de l’Empire) et Fighting Against Western Imperialism (Combattre l’impérialisme occidental).
La façon dont l’Empire dépeignait péjorativement des gens encore fidèles à leurs idéaux ne me dérangeait pas ; ils étaient prêts à sacrifier tout, ou presque tout, pour la lutte contre l’injustice.
Je n’ai pas peur d’être ridiculisé, mais je suis terrifié à l’idée de gâcher ma vie en mettant l’égoïsme sur un piédestal, l’élevant au-dessus des valeurs humanistes les plus essentielles.
Je crois qu’un écrivain ne peut être «neutre» ou apolitique. S’il l’est, alors c’est un lâche, sinon un menteur.
Naturellement, certains des plus grands écrivains modernes ont été ou sont communistes : José Saramago, Eduardo Galeano, Pablo Neruda, Mo Yan, Gabriel García Márquez, pour ne citer que quelques-uns. Ce n’est pas une mauvaise compagnie, pas mauvaise du tout !
Je trouve que vivre et lutter pour les autres est beaucoup plus gratifiant que de vivre pour satisfaire ses propres intérêts et plaisirs égoïstes.
J’admire Cuba pour ce qu’elle a fait pour l’humanité, en près de six décennies de son existence révolutionnaire. L’internationalisme cubain est ce que je considère personnellement comme mon communisme.
Cuba a du cœur et des tripes. Elle sait comment se battre, comment embrasser, comment chanter et danser et comment ne pas trahir ses idéaux.
Cuba est-elle idéale ? Est-elle parfaite ? Non, bien sûr qu’elle ne l’est pas. Mais je n’exige pas la perfection des pays ou des personnes, ni même des révolutions. Ma propre vie est très loin d’être «parfaite». Nous faisons tous des erreurs et prenons de mauvaises décisions, que ce soit les pays, les personnes, et même les révolutions.
La perfection en fait m’horrifie. Elle est froide, stérile et bien-pensante. Elle est ascétique, puritaine, et donc inhumaine, voire perverse. Je ne crois pas aux saints. Je me sens gêné quand quelqu’un fait semblant d’en être un. Ces petites erreurs et «imperfections» rendent les gens et les pays si chauds, si aimables, si humains.
Par André Vltchek
Au fait qu’avez vous fait pour Cuba aujourd’hui? Avez vous signé la pétition pour que ses médecins aient le Nobel, l’avez vous proposée à la signature? Avez vous envoyé à Cuba coopération une somme pour l’aide alimentaire?
Un magnifique texte sur l’impossibilité de briser les communistes quand ils le sont réellement, d’asservir un peuple et d’interdire à un être humain de se révolter… J’ai parfois mis mes pas dans ceux d’André Vltchek en faisant le tour de la planète et si aujourd’hui je me sens en exil dans mon propre pays, il reste en moi la conviction inébranlable que même si je ne verrai pas ce temps surtout dans ma pauvre France, il viendra et il est déjà là dans le coeur et les actes de millions d’êtres humains. Et cette conviction me donne des moments de bonheur incroyables, ceux qui me poussent à alimenter ce site, ceux des combats sans compromis. Combien sommes-nous à ressentir chaque mot de Vltchek au plus profond? (note de Danielle Bleitrach)
counterpunch 13 mai 2016
Il y a plusieurs messages essentiels qui surgissent littéralement de l’écran, chaque fois que l’on regarde La Ultima Cena (Le dernier repas), un film brillant de 1976, du réalisateur cubain Tomás Gutiérrez Alea [photo].
L’ultime message est qu’il est impossible d’asservir tout un groupe ou une race, tout au moins pas indéfiniment. Le désir de liberté, la vraie liberté, est impossible à briser, peu importe la brutalité et la persistance avec lesquelles le colonialisme, l’impérialisme, le racisme et la terreur religieuse, tentent de le faire.
Le deuxième message, tout aussi important, est que les blancs et les chrétiens (mais surtout les chrétiens blancs) se sont comportés, et cela depuis des siècles et partout dans le monde, comme une horde de bêtes sauvages et de maniaques génocidaires 1.
Fin avril 2016, à bord d’un avion de Cubana de Aviation qui m’amenait de Paris à La Havane, je n’ai pas pu m’empêcher de regarder à nouveau, sur mon ordinateur, La Ultima Cena, pour au moins la dixième fois de ma vie.
Avec Gutiérrez sur mon écran, Granma Internacional (journal officiel de Cuba du nom du bateau qui a amené Fidel, le Che et d’autres révolutionnaires à Cuba pour déclencher la Révolution) et un verre de rhum pur et honnête sur ma table, je me sentis chez moi, en toute sécurité et parfaitement heureux. Après plusieurs journées déprimantes à Paris, j’ai pu enfin quitter cette Europe grise, de plus en plus désolante, oppressive et pharisaïque.
L’Amérique latine m’attendait. Elle se confrontait à de terribles attaques organisées par l’Occident. Son avenir était à nouveau incertain. «Nos gouvernements» saignaient ; certains d’entre eux s’effondraient. L’épouvantable gouvernement d’extrême-droite de Mauricio Macri s’affairait à démanteler l’État providence argentin. Le Brésil souffrait du coup d’État politique fomenté par des législateurs de droite corrompus. La Révolution bolivarienne du Venezuela se débattait littéralement pour sa survie. Des forces réactionnaires traîtresses étaient à l’œuvre à la fois en Équateur et en Bolivie.
On m’a demandé de venir. On m’a dit: «L’Amérique latine a besoin de toi. Nous menons une guerre pour la survie.» Et me voilà, à bord de Cubana, rentrant à la «maison», la partie du monde qui m’a toujours été si chère, qui m’a façonné en tant qu’homme et en tant qu’écrivain.
Je rentrais à la «maison», parce que je le voulais, mais aussi parce que c’était mon devoir. Et je crois sacrément en mes devoirs !
Après tout, je ne suis pas un anarchiste, mais un communiste, «éduqué» et endurci en Amérique latine.
Mais que veut dire : «Je suis un communiste» ?
Suis-je un léniniste, un maoïste ou un trotskiste ? Est-ce que je souscris au modèle soviétique ou chinois ?
Honnêtement, je ne sais pas ! Franchement, je ne me soucie pas de ces nuances.
Pour moi personnellement, un vrai communiste est un combattant contre l’impérialisme, le racisme, «l’exceptionnalisme occidental», le colonialisme et le néo-colonialisme. Il, ou elle, est un internationaliste déterminé, une personne qui croit en l’égalité et à la justice sociale pour toutes les personnes sur cette Terre.
Je laisserai les discussions théoriques à ceux qui ont beaucoup de temps devant eux. Je n’ai jamais relu la totalité du Capital. C’est trop long. Je l’avais lu quand j’avais seize ans. Je pense qu’en faire la lecture une fois suffit… Ce n’est pas le seul pilier du communisme et ce n’est pas une Écriture sainte, qui devrait être constamment citée.
Plus que par le Capital, j’ai été influencé par ce que j’ai vu en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique latine. J’ai vu le monde entier, quelques cent soixante pays ; j’ai vécu sur tous les continents. Partout où je suis allé, j’ai vu les horreurs du pillage continuel de la planète par l’Occident.
J’ai vu l’Empire forcer des pays à faire des guerres civiles bestiales ; des guerres déclenchées pour que les multinationales puissent piller confortablement. J’ai vu des millions de réfugiés de pays jadis fiers et riches ou potentiellement riches – dévastés par l’Occident : des réfugiés congolais, des réfugiés somaliens, des réfugiés libyens et syriens, des réfugiés en provenance d’Afghanistan… J’ai vu des conditions inhumaines dans des usines qui ressemblaient à des purgatoires ; j’ai vu de monstrueux ateliers clandestins, des mines et des champs à proximité de villages administrés féodalement. J’ai vu des hameaux et des communes où la population tout entière avait disparu – morte de faim, de maladie ou des deux.
J’ai également passé des jours et des jours, à écouter des témoignages choquants de victimes de torture. J’ai parlé à des mères qui avaient perdu leurs enfants, à des femmes qui avaient perdu leurs maris, à des maris dont les femmes et les filles avaient été violées devant leurs yeux.
Et plus je le voyais, plus j’étais témoin, plus les histoires que j’écoutais étaient choquantes ; plus je me suis senti obligé de prendre parti, de me battre pour ce que je crois être un monde meilleur.
J’ai écrit deux livres compilant des centaines d’histoires de terreur commises par l’Occident : Exposing Lies Of The Empire (Démasquer les mensonges de l’Empire) et Fighting Against Western Imperialism (Combattre l’impérialisme occidental).
La façon dont l’Empire dépeignait péjorativement des gens encore fidèles à leurs idéaux ne me dérangeait pas ; ils étaient prêts à sacrifier tout, ou presque tout, pour la lutte contre l’injustice.
Je n’ai pas peur d’être ridiculisé, mais je suis terrifié à l’idée de gâcher ma vie en mettant l’égoïsme sur un piédestal, l’élevant au-dessus des valeurs humanistes les plus essentielles.
Je crois qu’un écrivain ne peut être «neutre» ou apolitique. S’il l’est, alors c’est un lâche, sinon un menteur.
Naturellement, certains des plus grands écrivains modernes ont été ou sont communistes : José Saramago, Eduardo Galeano, Pablo Neruda, Mo Yan, Gabriel García Márquez, pour ne citer que quelques-uns. Ce n’est pas une mauvaise compagnie, pas mauvaise du tout !
Je trouve que vivre et lutter pour les autres est beaucoup plus gratifiant que de vivre pour satisfaire ses propres intérêts et plaisirs égoïstes.
J’admire Cuba pour ce qu’elle a fait pour l’humanité, en près de six décennies de son existence révolutionnaire. L’internationalisme cubain est ce que je considère personnellement comme mon communisme.
Cuba a du cœur et des tripes. Elle sait comment se battre, comment embrasser, comment chanter et danser et comment ne pas trahir ses idéaux.
Cuba est-elle idéale ? Est-elle parfaite ? Non, bien sûr qu’elle ne l’est pas. Mais je n’exige pas la perfection des pays ou des personnes, ni même des révolutions. Ma propre vie est très loin d’être «parfaite». Nous faisons tous des erreurs et prenons de mauvaises décisions, que ce soit les pays, les personnes, et même les révolutions.
La perfection en fait m’horrifie. Elle est froide, stérile et bien-pensante. Elle est ascétique, puritaine, et donc inhumaine, voire perverse. Je ne crois pas aux saints. Je me sens gêné quand quelqu’un fait semblant d’en être un. Ces petites erreurs et «imperfections» rendent les gens et les pays si chauds, si aimables, si humains.
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