L’opposition a décidé de boycotter les élections législatives, où l’abstention s’annonce importante
bogota * correspondante
L
e président Nicolas Maduro a été emphatique.
« Je remets mon destin
dans les mains du peuple
vénézuélien, a*t*il déclaré, mardi
2 décembre, à Caracas. Si l’opposition remporte à nouveau l’Assemblée nationale, je quitte la présidence, je m’en vais. » Mais le successeur d’Hugo Chavez n’a guère
d’inquiétudes à se faire. Les principaux partis d’opposition ayant
décidé de boycotter les élections
législatives de ce dimanche 6 décembre, le Parti socialiste unifié
(PSUV) devrait récupérer le contrôle de l’Assemblée qui, depuis
2015, était aux mains de l’opposition. C’était la dernière institution rebelle au pouvoir chaviste.
Dans un pays ruiné par vingt ans
de gestion économique erratique et asphyxié par les sanctions
américaines, Nicolas Maduro
semble assuré de terminer son
mandat. Son fils, Nicolas Maduro
Guerra, dit « Nicolasito » (Petit
Nicolas), 30 ans, est l’un des
14 000 candidats qui se disputeront dimanche les 277 sièges de
la Chambre unicamérale.
Quelque 20 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Au
total, 103 formations politiques –
dont 36 d’envergure nationale –
présentent des candidats. Plusieurs personnalités et petits
partis d’opposition se sont démarqués du boycott décidé par
les grands partis, sans réussir à
présenter des candidatures communes. A gauche, le Parti communiste, devenu très critique du
gouvernement de Nicolas Maduro, a constitué une alliance
avec deux petits partis, Tupamaros et Patria para todos. Tout en
rappelant « qu’une surprise est
par nature imprévisible », Luis Vicente Leon, directeur de l’institut
de sondage Datanalisis, considère « qu’aucune de ces initiatives
ne semble de nature à menacer la
suprématie électorale du PSUV ».
Le pouvoir peine cependant à
mobiliser son électorat. Selon
Datanalisis, le taux de participation ne devrait pas dépasser 34 %.
« On est trop occupé à survivre
pour avoir envie d’aller voter, soupire Lisbeth Ochoa, professeur de
lycée dans la ville de Valencia.
Mais le gouvernement met la
pression et les gens, s’ils ne vont
pas voter, ont peur de perdre leur
travail ou de ne plus recevoir la
caisse d’aliments hebdomadaire
qui leur permet de ne pas crever de
faim. » Lundi, à l’occasion d’un
meeting de campagne, le viceprésident du PSUV, Diosdado Cabello, s’est fait clair : « Celui qui ne
vote pas ne mange pas », a*t*il
lancé à trois reprises, goguenard.
La récession économique avait
tourné au désastre bien avant la
pandémie. Selon le FMI, le PIB du
pays pourrait encore chuter de
25 % cette année. Plus de 90 %
des Vénézuéliens vivent aujourd’hui en deçà du seuil de pauvreté. « Le chavisme évidemment
ne séduit plus, mais l’opposition,
plus divisée que jamais, ne convainc pas. L’élection est perçue
comme une joute pour le pouvoir
entre deux camps qui ne se soucient pas de résoudre les problèmes du peuple », résume Ignacio
Avalos, de l’organisation Ojo
electoral (Œil électoral).
Rangs décimés
En septembre, un sondage révélait que 62,2 % des Vénézuéliens
ne soutenaient ni le gouvernement de Nicolas Maduro ni l’opposition officielle menée par
Juan Guaido. « Vous n’allez pas
me croire, mais je connais des
gens qui vont voter pour le PSUV
par conviction, parce qu’ils
croient que ce sera pire si la droite
revient. Comme si cela pouvait
être pire ! », soupire Margaret Perez, qui a fait le choix de l’exil,
comme plus de 5 millions de ses
compatriotes. Employée de service à Bogota, Margaret ne
pourra pas voter aux législatives.
L’émigration a décimé les rangs
de l’opposition.
Margaret n’a jamais entendu
parler de la « consultation citoyenne » organisée par les partis
d’opposition qui se tiendra du 7
au 12 décembre. « C’est une initiative qui va permettre aux citoyens
vénézuéliens d’exiger le départ de
Nicolas Maduro et de demander
l’aide de la communauté internationale, explique Enrique Colmenares, du comité organisateur.
Tous les Vénézuéliens pourront
voter par Internet ou dans les
7 079 bureaux de vote qui seront
installés le 12 décembre dans le
pays et dans quelque 80 pays. »
Faute d’accès aux médias nationaux, c’est sur les réseaux sociaux que l’opposition fait campagne pour l’abstention et appelle à participer à la consultation. « Le 6 décembre, il n’y aura
pas élection, il y aura fraude. Voter,
c’est collaborer avec la dictature »,
affirme Juan Guaido dans une vidéo. « Ne vous laissez pas piéger.
Les partis d’opposition qui apparaissent sur les bulletins de vote
ont été séquestrés », poursuit le
jeune député. Le Conseil national
électoral (CNE) a en effet usé de
ses pouvoirs pour renouveler la
direction de plusieurs grands partis et y placer des militants mieux
disposés à l’égard du pouvoir.
Perte de vitesse
Ces manœuvres du CNE sont une
des raisons invoquées par les
Etats*Unis et leurs alliés latinoaméricains réunis au sein du
groupe de Lima pour contester la
légitimité de l’élection législative. L’Union européenne a sans
succès tenté de jouer les médiateurs pour obtenir un report des
élections et des garanties minimales de transparence. « Rien ne
permet d’affirmer qu’il y aura
fraude, dit M. Leon, de Datanalisis. Mais, faute de témoins dans
les bureaux de vote et d’audit du
dépouillement, le résultat sera invérifiable et donc illégitime. D’un
point de vue technique, ce sera
aussi le cas pour la consultation
de l’opposition. »
Juan Guaido joue son avenir politique. C’est parce qu’il était président de l’Assemblée nationale
qu’il s’était autoproclamé, en janvier 2019, président de la République par intérim, en invoquant l’illégitimité de la réélection de Nicolas Maduro. Et c’est à ce titre
qu’il a été reconnu par une cinquantaine de gouvernements,
dont la France. D’aucuns s’interrogent sur le sort politique de
M. Guaido, une fois qu’il aura
perdu son siège de député. « Il ne
va pas le perdre, puisque l’élection
du 6 décembre n’en est pas une »,
répond Enrique Colmenares.
En perte de vitesse depuis des
mois, Juan Guaido recueille
aujourd’hui moins de 30 % d’opinions favorables. La décision
d’appeler au boycott des élections
n’a fait qu’approfondir plus avant
les divisions de l’opposition. En
août, l’ancien candidat Henrique
Capriles faisait un retour remarqué sur la scène politique en critiquant l’option du boycott. Si elles
ont conduit fin août à la libération d’une centaine de prisonniers politiques, les négociations
engagées par M. Capriles avec le
gouvernement ont, elles aussi,
achoppé sur les garanties électorales. M. Capriles a donc opté pour
ne pas présenter de candidats.
« En 2015, sans plus de garantie
qu’aujourd’hui et avec un CNE
tout aussi aligné sur le pouvoir,
l’opposition unie a emporté les
élections », rappelle le sociologue
Ignacio Avalos. Il est vrai que l’Assemblée nationale a rapidement
perdu le bras de fer engagé avec
le pouvoir. Dans les mois suivant
son investiture, toutes ses décisions furent annulées par la Cour
suprême, avant que la mise en
place d’une Assemblée constituante, en 2017, ne la prive de
tout pouvoir législatif. L’élection
législative du 6 décembre n’est
pas faite pour résoudre la crise
institutionnelle, ni réconcilier
les Vénézueliens.
marie delcas
Nicolas
Maduro
en meeting,
le 3 décembre,
à Caracas.
Photo
fournie par
la présidence
JHONN ZERPA/AFP
D’aucuns
s’interrogent sur
le sort politique
de M. Guaido,
une fois qu’il aura
perdu son siège
de député
La lente agonie d’AQMI dans le N
bogota * correspondante
L
e président Nicolas Maduro a été emphatique.
« Je remets mon destin
dans les mains du peuple
vénézuélien, a*t*il déclaré, mardi
2 décembre, à Caracas. Si l’opposition remporte à nouveau l’Assemblée nationale, je quitte la présidence, je m’en vais. » Mais le successeur d’Hugo Chavez n’a guère
d’inquiétudes à se faire. Les principaux partis d’opposition ayant
décidé de boycotter les élections
législatives de ce dimanche 6 décembre, le Parti socialiste unifié
(PSUV) devrait récupérer le contrôle de l’Assemblée qui, depuis
2015, était aux mains de l’opposition. C’était la dernière institution rebelle au pouvoir chaviste.
Dans un pays ruiné par vingt ans
de gestion économique erratique et asphyxié par les sanctions
américaines, Nicolas Maduro
semble assuré de terminer son
mandat. Son fils, Nicolas Maduro
Guerra, dit « Nicolasito » (Petit
Nicolas), 30 ans, est l’un des
14 000 candidats qui se disputeront dimanche les 277 sièges de
la Chambre unicamérale.
Quelque 20 millions d’électeurs sont appelés aux urnes. Au
total, 103 formations politiques –
dont 36 d’envergure nationale –
présentent des candidats. Plusieurs personnalités et petits
partis d’opposition se sont démarqués du boycott décidé par
les grands partis, sans réussir à
présenter des candidatures communes. A gauche, le Parti communiste, devenu très critique du
gouvernement de Nicolas Maduro, a constitué une alliance
avec deux petits partis, Tupamaros et Patria para todos. Tout en
rappelant « qu’une surprise est
par nature imprévisible », Luis Vicente Leon, directeur de l’institut
de sondage Datanalisis, considère « qu’aucune de ces initiatives
ne semble de nature à menacer la
suprématie électorale du PSUV ».
Le pouvoir peine cependant à
mobiliser son électorat. Selon
Datanalisis, le taux de participation ne devrait pas dépasser 34 %.
« On est trop occupé à survivre
pour avoir envie d’aller voter, soupire Lisbeth Ochoa, professeur de
lycée dans la ville de Valencia.
Mais le gouvernement met la
pression et les gens, s’ils ne vont
pas voter, ont peur de perdre leur
travail ou de ne plus recevoir la
caisse d’aliments hebdomadaire
qui leur permet de ne pas crever de
faim. » Lundi, à l’occasion d’un
meeting de campagne, le viceprésident du PSUV, Diosdado Cabello, s’est fait clair : « Celui qui ne
vote pas ne mange pas », a*t*il
lancé à trois reprises, goguenard.
La récession économique avait
tourné au désastre bien avant la
pandémie. Selon le FMI, le PIB du
pays pourrait encore chuter de
25 % cette année. Plus de 90 %
des Vénézuéliens vivent aujourd’hui en deçà du seuil de pauvreté. « Le chavisme évidemment
ne séduit plus, mais l’opposition,
plus divisée que jamais, ne convainc pas. L’élection est perçue
comme une joute pour le pouvoir
entre deux camps qui ne se soucient pas de résoudre les problèmes du peuple », résume Ignacio
Avalos, de l’organisation Ojo
electoral (Œil électoral).
Rangs décimés
En septembre, un sondage révélait que 62,2 % des Vénézuéliens
ne soutenaient ni le gouvernement de Nicolas Maduro ni l’opposition officielle menée par
Juan Guaido. « Vous n’allez pas
me croire, mais je connais des
gens qui vont voter pour le PSUV
par conviction, parce qu’ils
croient que ce sera pire si la droite
revient. Comme si cela pouvait
être pire ! », soupire Margaret Perez, qui a fait le choix de l’exil,
comme plus de 5 millions de ses
compatriotes. Employée de service à Bogota, Margaret ne
pourra pas voter aux législatives.
L’émigration a décimé les rangs
de l’opposition.
Margaret n’a jamais entendu
parler de la « consultation citoyenne » organisée par les partis
d’opposition qui se tiendra du 7
au 12 décembre. « C’est une initiative qui va permettre aux citoyens
vénézuéliens d’exiger le départ de
Nicolas Maduro et de demander
l’aide de la communauté internationale, explique Enrique Colmenares, du comité organisateur.
Tous les Vénézuéliens pourront
voter par Internet ou dans les
7 079 bureaux de vote qui seront
installés le 12 décembre dans le
pays et dans quelque 80 pays. »
Faute d’accès aux médias nationaux, c’est sur les réseaux sociaux que l’opposition fait campagne pour l’abstention et appelle à participer à la consultation. « Le 6 décembre, il n’y aura
pas élection, il y aura fraude. Voter,
c’est collaborer avec la dictature »,
affirme Juan Guaido dans une vidéo. « Ne vous laissez pas piéger.
Les partis d’opposition qui apparaissent sur les bulletins de vote
ont été séquestrés », poursuit le
jeune député. Le Conseil national
électoral (CNE) a en effet usé de
ses pouvoirs pour renouveler la
direction de plusieurs grands partis et y placer des militants mieux
disposés à l’égard du pouvoir.
Perte de vitesse
Ces manœuvres du CNE sont une
des raisons invoquées par les
Etats*Unis et leurs alliés latinoaméricains réunis au sein du
groupe de Lima pour contester la
légitimité de l’élection législative. L’Union européenne a sans
succès tenté de jouer les médiateurs pour obtenir un report des
élections et des garanties minimales de transparence. « Rien ne
permet d’affirmer qu’il y aura
fraude, dit M. Leon, de Datanalisis. Mais, faute de témoins dans
les bureaux de vote et d’audit du
dépouillement, le résultat sera invérifiable et donc illégitime. D’un
point de vue technique, ce sera
aussi le cas pour la consultation
de l’opposition. »
Juan Guaido joue son avenir politique. C’est parce qu’il était président de l’Assemblée nationale
qu’il s’était autoproclamé, en janvier 2019, président de la République par intérim, en invoquant l’illégitimité de la réélection de Nicolas Maduro. Et c’est à ce titre
qu’il a été reconnu par une cinquantaine de gouvernements,
dont la France. D’aucuns s’interrogent sur le sort politique de
M. Guaido, une fois qu’il aura
perdu son siège de député. « Il ne
va pas le perdre, puisque l’élection
du 6 décembre n’en est pas une »,
répond Enrique Colmenares.
En perte de vitesse depuis des
mois, Juan Guaido recueille
aujourd’hui moins de 30 % d’opinions favorables. La décision
d’appeler au boycott des élections
n’a fait qu’approfondir plus avant
les divisions de l’opposition. En
août, l’ancien candidat Henrique
Capriles faisait un retour remarqué sur la scène politique en critiquant l’option du boycott. Si elles
ont conduit fin août à la libération d’une centaine de prisonniers politiques, les négociations
engagées par M. Capriles avec le
gouvernement ont, elles aussi,
achoppé sur les garanties électorales. M. Capriles a donc opté pour
ne pas présenter de candidats.
« En 2015, sans plus de garantie
qu’aujourd’hui et avec un CNE
tout aussi aligné sur le pouvoir,
l’opposition unie a emporté les
élections », rappelle le sociologue
Ignacio Avalos. Il est vrai que l’Assemblée nationale a rapidement
perdu le bras de fer engagé avec
le pouvoir. Dans les mois suivant
son investiture, toutes ses décisions furent annulées par la Cour
suprême, avant que la mise en
place d’une Assemblée constituante, en 2017, ne la prive de
tout pouvoir législatif. L’élection
législative du 6 décembre n’est
pas faite pour résoudre la crise
institutionnelle, ni réconcilier
les Vénézueliens.
marie delcas
Nicolas
Maduro
en meeting,
le 3 décembre,
à Caracas.
Photo
fournie par
la présidence
JHONN ZERPA/AFP
D’aucuns
s’interrogent sur
le sort politique
de M. Guaido,
une fois qu’il aura
perdu son siège
de député
La lente agonie d’AQMI dans le N
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