Les dirigeants de la République arabe sahraouie démocratique viennent d’attribuer des concessions pétrolières aux multinationales. Elles espèrent ainsi faire pression sur le Maroc, toujours aussi inflexible dans les négociations. Le 17 mai 2005, à Londres, un représentant du gouvernement de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) annonçait l’octroi de concessions pour la recherche d’hydrocarbures dans le Sahara-Occidental. Les permis concernaient six zones sur la terre ferme et douze dans l’Atlantique, au large du Sahara. Le projet, conçu conformément aux règles et aux pratiques habituelles dans l’industrie du pétrole, respectait scrupuleusement les directives de l’ONU pour les opérations de ce type dans les territoires non autonomes, ce qui s’applique au Sahara étant donné que la décolonisation n’a pas été suivie d’un référendum sur l’autodétermination.
Les résultats de cette tournée de concessions ont été rendus publics il y a quelques semaines. La moitié, soit trois zones d’exploration terrestre et six zones d’exploitation maritime, ont été attribuées à des compagnies britanniques. Elles bénéficieront de conditions contractuelles intéressantes, mais ne pourront pas commencer les travaux de prospection tant que le Maroc contrôlera la région. Les trois autres permis terrestres ont été octroyés à Europa Oil & Gas et à un consortium formé par Maghreb Exploration, Osceola Hydrocarbons et Nighthawk Energy, et les six concessions maritimes restantes à EnCore Oil, Connet Petroleum, Ophir Energy et Premier Oil. Ces deux dernières ayant conclu un accord de partenariat, leurs quatre permis leur permettront de couvrir la même superficie que celle qui avait été accordée en concession en 2001 par le Maroc à la compagnie américaine Kerr McGee.
L’initiative de la RASD a une portée symbolique et une intentionnalité politique marquée. En premier lieu, l’offre de concessions a été faite en 2005, l’année du trentième anniversaire de l’occupation marocaine, afin de réaffirmer le droit du peuple sahraoui à exercer sa souveraineté sur la zone d’exclusivité économique. En second lieu, les permis ont été attribués un mois à peine avant la réunion du Conseil de sécurité qui va déterminer si le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara-Occidental (MINURSO) doit être prolongé après le 30 avril. Certains pensent que la RASD espérait ainsi attirer dans la région les grandes compagnies pétrolières, qui auraient pu user de leur influence à Bruxelles et à Washington pour obliger Rabat à négocier une solution et sortir le Sahara-Occidental de l’impasse dans laquelle il se trouve. Ce but n’a apparemment pas été atteint, mais l’initiative de la RASD permet au moins de contrarier une opération lancée il y a quelques années par le gouvernement marocain. En octobre 2001, le ministre de l’Energie marocain autorisait la compagnie pétrolière américaine Kerr McGee, spécialisée dans la recherche et la production d’hydrocarbures en eau profonde, à prospecter les eaux du Sahara, plus précisément une bande côtière de 110 000 kilomètres carrés. Quinze jours plus tard, Total annonçait qu’il avait signé un contrat similaire portant sur une zone d’exploration de 115 000 kilomètres carrés.
Les eaux du Sahara doivent être riches en hydrocarbures
Ces concessions, accordées par une puissance occupante, ont déclenché une forte vague de protestations et de pressions internationales. L’influent Norwegian Petroleum Fund a notamment obligé TGS-Nopec, une société de services norvégienne engagée par Total et Kerr McGee, à abandonner en 2003 son travail dans la région alors qu’elle avait déjà accompli 85 % de sa mission. TGS-Nopec s’est contentée de déclarer qu’elle préférait attendre la suite des événements politiques pour se lancer dans un nouveau projet dans le Sahara-Occidental. Un an plus tard, en 2004, Total décidait à son tour de ne pas renouveler son permis d’exploration en invoquant des “motifs économiques”. Après leur retrait et celui de compagnies plus petites – l’australienne Baraka Petroleum a quitté la région la même année, à la fin janvier –, Kerr McGee et ses associés, Pioneer Natural Resources et Kosmos Energy, se sont retrouvés seuls sur le terrain. Le Norwegian Petroleum Fund a accusé Kerr McGee d’avoir un comportement contraire à l’éthique et de miner les efforts de paix de l’ONU, et l’a pénalisée avec un désinvestissement de 52 millions de dollars. Malgré tout, la compagnie a décidé en octobre 2005 de prolonger son contrat de six mois. Depuis, deux fonds d’investissement suisses ont annoncé des sanctions similaires contre Kerr McGee, et Pioneer risque de subir le même traitement. Selon certaines sources provenant de la RASD, le groupe mené par Kerr McGee est déterminé à rentabiliser le temps et les efforts investis en creusant un puits dans un futur très proche. La compagnie n’a pas confirmé cette supposition, mais le Front Polisario a prévenu qu’un tel acte serait considéré comme illégal et entraînerait de graves conséquences pour la sécurité du personnel impliqué dans les opérations.
L’activité frénétique déployée dans les eaux du Sahara porte à penser qu’elles doivent être riches en hydrocarbures. Les permis octroyés par la RASD couvrent les bassins sédimentaires d’El-Ayoun et de Tindouf, des régions qui peuvent être considérées comme pratiquement inexplorées. Des indices de pétrole ont été découverts dans le Sahara-Occidental lors des explorations effectuées à terre et près de la côte à l’époque coloniale, mais aucun gisement d’hydrocarbures n’a encore été localisé. Les possibles richesses en hydrocarbures du Sahara-Occidental ne sont pas à elles seules une garantie d’avenir pour le peuple sahraoui, mais elles joueront un rôle clé à la fois dans son chemin vers l’indépendance et dans la future consolidation de la RASD en tant qu’Etat souverain.
source : El País - Courrier international
Les résultats de cette tournée de concessions ont été rendus publics il y a quelques semaines. La moitié, soit trois zones d’exploration terrestre et six zones d’exploitation maritime, ont été attribuées à des compagnies britanniques. Elles bénéficieront de conditions contractuelles intéressantes, mais ne pourront pas commencer les travaux de prospection tant que le Maroc contrôlera la région. Les trois autres permis terrestres ont été octroyés à Europa Oil & Gas et à un consortium formé par Maghreb Exploration, Osceola Hydrocarbons et Nighthawk Energy, et les six concessions maritimes restantes à EnCore Oil, Connet Petroleum, Ophir Energy et Premier Oil. Ces deux dernières ayant conclu un accord de partenariat, leurs quatre permis leur permettront de couvrir la même superficie que celle qui avait été accordée en concession en 2001 par le Maroc à la compagnie américaine Kerr McGee.
L’initiative de la RASD a une portée symbolique et une intentionnalité politique marquée. En premier lieu, l’offre de concessions a été faite en 2005, l’année du trentième anniversaire de l’occupation marocaine, afin de réaffirmer le droit du peuple sahraoui à exercer sa souveraineté sur la zone d’exclusivité économique. En second lieu, les permis ont été attribués un mois à peine avant la réunion du Conseil de sécurité qui va déterminer si le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara-Occidental (MINURSO) doit être prolongé après le 30 avril. Certains pensent que la RASD espérait ainsi attirer dans la région les grandes compagnies pétrolières, qui auraient pu user de leur influence à Bruxelles et à Washington pour obliger Rabat à négocier une solution et sortir le Sahara-Occidental de l’impasse dans laquelle il se trouve. Ce but n’a apparemment pas été atteint, mais l’initiative de la RASD permet au moins de contrarier une opération lancée il y a quelques années par le gouvernement marocain. En octobre 2001, le ministre de l’Energie marocain autorisait la compagnie pétrolière américaine Kerr McGee, spécialisée dans la recherche et la production d’hydrocarbures en eau profonde, à prospecter les eaux du Sahara, plus précisément une bande côtière de 110 000 kilomètres carrés. Quinze jours plus tard, Total annonçait qu’il avait signé un contrat similaire portant sur une zone d’exploration de 115 000 kilomètres carrés.
Les eaux du Sahara doivent être riches en hydrocarbures
Ces concessions, accordées par une puissance occupante, ont déclenché une forte vague de protestations et de pressions internationales. L’influent Norwegian Petroleum Fund a notamment obligé TGS-Nopec, une société de services norvégienne engagée par Total et Kerr McGee, à abandonner en 2003 son travail dans la région alors qu’elle avait déjà accompli 85 % de sa mission. TGS-Nopec s’est contentée de déclarer qu’elle préférait attendre la suite des événements politiques pour se lancer dans un nouveau projet dans le Sahara-Occidental. Un an plus tard, en 2004, Total décidait à son tour de ne pas renouveler son permis d’exploration en invoquant des “motifs économiques”. Après leur retrait et celui de compagnies plus petites – l’australienne Baraka Petroleum a quitté la région la même année, à la fin janvier –, Kerr McGee et ses associés, Pioneer Natural Resources et Kosmos Energy, se sont retrouvés seuls sur le terrain. Le Norwegian Petroleum Fund a accusé Kerr McGee d’avoir un comportement contraire à l’éthique et de miner les efforts de paix de l’ONU, et l’a pénalisée avec un désinvestissement de 52 millions de dollars. Malgré tout, la compagnie a décidé en octobre 2005 de prolonger son contrat de six mois. Depuis, deux fonds d’investissement suisses ont annoncé des sanctions similaires contre Kerr McGee, et Pioneer risque de subir le même traitement. Selon certaines sources provenant de la RASD, le groupe mené par Kerr McGee est déterminé à rentabiliser le temps et les efforts investis en creusant un puits dans un futur très proche. La compagnie n’a pas confirmé cette supposition, mais le Front Polisario a prévenu qu’un tel acte serait considéré comme illégal et entraînerait de graves conséquences pour la sécurité du personnel impliqué dans les opérations.
L’activité frénétique déployée dans les eaux du Sahara porte à penser qu’elles doivent être riches en hydrocarbures. Les permis octroyés par la RASD couvrent les bassins sédimentaires d’El-Ayoun et de Tindouf, des régions qui peuvent être considérées comme pratiquement inexplorées. Des indices de pétrole ont été découverts dans le Sahara-Occidental lors des explorations effectuées à terre et près de la côte à l’époque coloniale, mais aucun gisement d’hydrocarbures n’a encore été localisé. Les possibles richesses en hydrocarbures du Sahara-Occidental ne sont pas à elles seules une garantie d’avenir pour le peuple sahraoui, mais elles joueront un rôle clé à la fois dans son chemin vers l’indépendance et dans la future consolidation de la RASD en tant qu’Etat souverain.
source : El País - Courrier international
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