Annonce

Réduire
Aucune annonce.

MANIPULATIONS AUTOUR DE LA «MENACE» IRAKIENNE Confessions de l'ex-patron de la CIA

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • MANIPULATIONS AUTOUR DE LA «MENACE» IRAKIENNE Confessions de l'ex-patron de la CIA

    Aux Etats-Unis comme ailleurs, beaucoup pensaient, convaincus, qu'il s'était définitivement éclipsé. George Tenet n'a pas jeté complètement l'éponge.

    Trois ans après son départ forcé, l'ancien patron de la CIA revient sur le devant de la scène américaine. Renvoyé par la porte de Langeley House, le QG de la centrale de renseignement, l'ex-premier barbouze du monde revient par la «fenêtre éditoriale».

    Selon une tradition qui veut que tout départ de la direction de la CIA se traduise par un livre, George Tenet publie, cette semaine, ses mémoires. Un voyage, en 505 pages, dans les méandres d'une carrière qui l'a mené des postes subalternes au bureau directorial de la plus puissante boîte de renseignement du monde. Sorti, dimanche, aux Etats-Unis, le livre n'a pas fait encore son apparition dans les librairies européennes. Annoncé dans les prochains mois en France, il a été présenté par Le Monde dans son édition d'hier.

    Exercice inévitable, At the Center of the Storm (Au coeur de la tempête) ne passe pas sous silence le 11 septembre et la guerre en Irak. Cause directe de sa chute, ses deux épisodes sont au coeur du livre et, surtout, des interviews réalisées pour les besoins de la promotion médiatique. Persuadé que sa carrière a été brisée dès l'instant où il a pris congé de Langeley House, George Tenet n'a pas boudé son «plaisir» de tremper sa plume dans une encre vitriolée. «Il n'y a jamais eu, dans l'administration, de débats sérieux sur l'imminence de la menace irakienne», témoigne-t-il a posteriori. Une façon d'affirmer que le «OK» pour une opération militaire était déjà pris. George Tenet détruit ce qu'il reste d'alibis chez les néo-conservateurs sur la dramatique séquence irakienne.

    A la Maison Blanche, au Département d'Etat et au Pentagone, officiels et communicants ont, depuis toujours, accrédité, sans faillir, un discours simple: l'opportunité d'une guerre contre Saddam a été décidée sur la base de menaces avérées. Dans un livre paru l'an dernier, Bob Woodword, l'auteur du célèbre scoop sur l'affaire du Watergate, avait rédigé des lignes à charge contre Tenet. Sur la foi de documents et d'investigations, il avait désigné l'ex-patron de la CIA comme l'inspirateur, en décembre 2002, de G.W. Bush sur les prétendues armes de destruction massive irakiennes.

    Tenet s'en défend dans ses mémoires, en remettant son affirmation au président dans son contexte. A l'en croire, son briefing sur le prétendu arsenal nucléaire de Saddam est intervenu plus tard: «dix mois après que le président eut vu le premier plan d'attaque opérationnel contre l'Irak» et «deux semaines après que le Pentagone eut émis le premier ordre de déploiement militaire dans la région».

    Nul doute que la nouvelle majorité démocrate au Congrès va se frotter les mains à la lecture des mémoires de Tenet. Le livre sort en librairie et suscite l'intérêt des networks et des journaux au moment où une nouvelle passe oppose la Maison Blanche républicaine et les démocrates sur le devenir des forces d'occupation américaine en Irak. Pas plus tard que la semaine dernière, la majorité démocrate à la Chambre des représentants avait voté un projet demandant le départ des soldats US à partir d'octobre prochain. Fidèle à sa politique irakienne, G.W. Bush avait opposé immédiatement son veto.

    Tantôt sollicité, tantôt contourné par l'équipe des néo-conservateurs, George Tenet avoue avoir été constamment mis sous pression. Sans lâcher du lest, les faucons étaient à la recherche - à tout prix - d'une accréditation de liens entre le 11 septembre 2001 et l'Irak. L'auteur confirme des propos qu'il avait déjà prêtés à Richard Perle, le plus ultra des néo-conservateurs du Pentagone.

    «L'Irak doit payer», lui aurait-il dit dans les jours qui avaient suivi les attaques de New York et de Washington. Détail qui n'a rien de nouveau, Tenet rappelle les liens quasi organiques entre les «néocons» et Ahmed Chalabi, l'agent de la CIA auquel la Maison Blanche a voulu tailler le costume de premier opposant irakien. «Ils mentionnaient Chalabi à tout bout de champ dans leurs notes. On aurait dit des lycéennes avec leur premier béguin», ironise-t-il.

    Autre détail de nature à faire débat: une instruction de Condoleezza Rice, alors conseillère de Bush pour la sécurité nationale. Alors que les préparatifs de guerre battaient leur plein, «Conde» a chargé Tenet d'appeler Alison Mitchell, chargée par le New York Times de couvrir le débat parlementaire sur l'autorisation de déclencher la guerre. Teneur précise du message: demander à la journaliste de ne pas faire écho aux conclusions de la CIA minimisant les liens entre Al Qaïda et le régime de Saddam. Tenet avoue avoir transmis le message. Tout comme il reconnaît s'être trompé en émaillant un rapport de renseignement d'éléments fantaisistes sur le potentiel nucléaire irakien.

    S. Raouf (Le Quotidien d'Oran)
Chargement...
X