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Jean Ferrat - Nul ne guérit de son enfance

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  • Jean Ferrat - Nul ne guérit de son enfance


  • #2
    Le romantisme excite l'imagination...

    L'enfance détermine l'homme ou la femme que nous serons.
    Un des souvenirs marquants chez moi est celui du premier jour d'école. Je ne l'ai su que la semaine d'avant, deux à trois jours à peine. Je me souviens avoir pris l'info comme quelque chose d'anodin, éphémère.

    En s'adressant à moi gentiment, mon oncle informait ma mère sans chercher à convaincre l'enfant que j'étais. J'avais bien perçu le stratagème, le plus difficile était de me trouver une place à l'école primaire qui était à 800 m de la maison. Pour cela il n'a pas eu à se déplacer ; c'est l'école, en la personne de l'instituteur puis du directeur, qui est venue à lui dans son hanout où se traitait pour moi toutes les affaires du monde, de mon monde d'enfant insouciant.

    Mon oncle n'a pas eu à forcer son talent de négociateur au sang froid et son regard bleu qui laisse deviner sa détermination en esquissant un sourire narquois vous oblige à acquiescer. Si Arezki devait jouer gros lui qui avait une ligne de crédit à l'année dans le magasin. Rien de tel qu'une boutique dans laquelle on pouvait aller chercher ce qu'on voulait et passer payer à chaque fin du mois.

    C'est ainsi qu'un matin de septembre, je fus réveillé délicatement par ma mère en me montrant la pile d'habits neufs que j'ai essayés la veille dans le hanout qui se trouvent désormais déposés à mes pieds sur le coin du lit. La maison était ancienne de type méditerranéen. La cour ombragée recouverte d'une vigne broussailleuse servait de refuge aux chats de tout le quartier. Je me suis vite dépêché de m'habiller puis je suis sorti me laver le visage au robinet d'eau froide en me barbouillant ostensiblement avec du savon dont la mousse sentait les feuilles d'olivier écrasées et piquait affreusement les yeux.

    En me lavant, j'entendais une discussion dans la pièce voisine qui nous servait de salle à manger. La voix de ma grand mère Menoune m'apaisait. Sa présence était rassurante, j'avais l'impression qu'il ne m'arriverait rien de mal à part un petit déjeuner copieux et anormalement fourni. Viens mon fils me dit gentiment grand mère, viens prendre des forces. Viens prendre ton ftour. Ma mère et ma tante qui devaient se sentir gênées me tendent des bouts de makroud et de gâteau aux oeufs. Des gestes à la fois généreux et désobligeants pour moi qui avais un appétit de moineau. Je fais mine de prendre mais la conviction n'y était pas, elle avait déserté mon esprit qui commençait à imaginer le pire. Et si l'école durait tout le temps ? Et si elle m'empêchait d'aller tous les jours au hanout dévorer des gauffrettes au chocolat ? Et si elle mettait fin à mes longues parties de football que je jouais tous les jours sur le bitume avec les enfants de ma rue?

    J'étais perdu dans le labyrinthe de mes circonvolutions quand la voix de mon oncle retentit, Ali allez viens, il est temps d'y aller. Ma grand mère lui rabat le caquet car elle était de mon côté : Laisse-le finir son petit déjeuner, il n'a presque rien mangé, mais je savais que c'était pour la forme et que le silence de mon oncle était une sentence.

    On n'échappe pas à son destin et mieux vaut tôt que tard, l'école cette citadelle que je voyais de loin me convoqua comme auditeur en classe de CP. Il n'était pas question d'y échapper pas même de la faire attendre.

    Je marchais à côté de mon oncle sur sa droite, on tourne à gauche et on descend tranquillement la rue du khaznadji. J'avais l'impression qu'il était guilleret, content de son coup et comme à son habitude, peu affable et péremptoire. Heuresement que le temps était clément avec une belle lumière qui inspirait la bonne humeur. Le bonbon que ma mère superstitieuse m'a donné en partant commençait à peine à libérer son sucre parfumé quand mon oncle me tend la main pour changer de trottoir et tourner à droite.

    En levant les yeux silencieux, je regarde la marmaille qui s'agite au bout de la rue. Le bruit, les mouvements, les couleurs produisaient un spectacle improvisé devant le grand portail de l'école qui m'intriguait au plus haut point. Je me sentais seul et mon oncle, distant comme à son habitude, n'avait sûrement pas compris ma solitude d'enfant plutôt belliqueux sûr de son bon droit et qui allait définitivement quitter sa zone de confort douillet.

    Nous traversons d'un pas décidé cette foulé agitée et nous nous dirigeons vers le portail ouvert et gardé par Si Arezki qui tapait la causette avec le directeur. Après des salutations sur un ton masculin plein de virilité, les trois hommes se sont mis à discuter de mon cas. Au loin, devant une classe se tenait une institutrice qui dégageait de la gentillesse un côté maternel qui semblait m'attendre et cela me remplissait le coeur d'un baume de sérénité. En revenant sur mes pieds, je me rends compte que mon cas avait été expédié d'un traité de plume. J'entendis vaguement que j'étais de la famille de Si Arezki et que ma présence dans sa classe était à titre d'auditeur pour me préparer un an à l'avance. L'inspecteur accepter a-t-il le stratagème ? Au pire, je retournerai chez moi près de grand mère.

    Tout à coup les trois hommes se séparent, le directeur fit sonner les cloches et Si Arezki me fit signe de le suivre en descendant les marches devant moi. J'ai vu sa tonsure de chauve briller sous l'effet des rayons de soleil timides du matin et je ne tarde pas à comprendre qu'il se dirige vers une autre classe avant de me donner l'ordre d'attendre devant la porte comme un coureur de fond sur la ligne de départ. Les élèves de CP qui se connaissaient déjà, ne tardèrent pas à se mettre en rang devant la classe. Près de moi, deux filles bavardaient joyeusement. Après conciliabule, Zineb se tourne vers moi et me demande si j'étais nouveau ? Une question existentielle que Si Arezki interrompt brutalement en scandant un mot abrupt "dokhoul" que je ne comprenait pas.

    Dans l'arène, je découvre une atmosphère lugubre de tables entassées face à un tableau noir et des bâtons de craie à profusion. Aucune photo, aucune décoration ne viennent perturber la tristesse du lieu. Je compris vite qu'il me fallait trouver ma place mais je n'avais aucun indice. Alors que les autres se dirigeaient chacun vers sa table muni de son gros cartable porté comme un fardeau, je suis resté planté devant le tableau comme un cancre qui n'a pas de réponse à une question. Un moment, Si Arezki se retourne vers moi et dit : Les enfants, nous avons un nouvel élève et sans rien dire d'autre demande à un enfant de changer de place pour que je m'installe entre Zineb et sa copine qui semblait aux anges.
    Dernière modification par Tizwel, 20 décembre 2020, 13h39.

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    • #3
      Mon ami Mon frère Tiregwa


      Mais quel cadeau tu m'as offert mon ami, quelle joie, quelle authenticité et quelle rustique beauté ... m'envoyer ainsi caresser les sourires, les yeux, et embrasser les cœurs tendres de ce lieu chargé et vivant

      Tiregwa lorsque tu viens et je suis encore là yek tji on se fera un bon couscous ?



      c'est du Baudelaire pour moi


      Merci infiniment mon ami

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      • #4
        Avec plaisir Aloha...
        Un thé surtout..

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        • #5
          oui un thé aussi

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          • #6
            Aloha,
            Cool, t sympa

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