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Hommage de Yasmina Khadra à Lounis Ait Menguellet- Le Phénix des Neiges

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  • Hommage de Yasmina Khadra à Lounis Ait Menguellet- Le Phénix des Neiges

    «Si je devais mettre une figure sur l’Algérie de nos prières, je m’inspirerais de celle de Lounis Aït Menguellet : la figure de l’enfant du pays. Tout, chez cet artiste emblématique, m’apaise et me réconforte dans mon algérianité. Son charisme droit sorti de la sagesse ancestrale, sa hauteur étincelante de neiges djurdjuraennes, son amour indéfectible pour les siens font de son chant une rédemption.
    Je crois avoir adhéré à cet homme avant même de le rencontrer. Je ne comprenais pas ses paroles, mais je me reconnaissais dans ses chansons, et sa voix de chantre tranquille m’insufflait un sentiment de plénitude comme lorsque le vent du désert balaie mes angoisses. Lounis Aït Menguellet est un havre de paix, une oasis féerique qui transcende, à elle seule, ces espaces mortifères que sont devenus nos silences tandis que nos rêves menacent de s’effilocher au gré des désillusions. Il sait dire ce que nous taisons par crainte d’être entendus : notre fierté égratignée, nos joies chahutées, nos aspirations laminées.
    Plus qu’un barde, Lounis est ce refus viscéral de céder devant l’adversité, l’impératif devoir de renouer avec la beauté au cœur même des laideurs abyssales qui ont failli nous défigurer. Lorsqu’il chante, Lounis, les aigreurs retiennent leur souffle car, d’un coup, nous sommes en phase avec ce que nous croyons avoir perdu de vue, à savoir le goût de la fête.
    Qui a dit que nous étions morts et finis ? Quand bien même nos colères se voudraient amarres, un mot de Lounis, et déjà nous sommes ailleurs, loin des chaînes de nos frustrations et de nos galères mentales. Lounis ne chante pas, il apprivoise la vie, nous la restitue dans ce qu’elle a de plus grisant et de plus tentant ; subitement, nous avons envie de tout avoir, de ait menguellet tout mériter, les instants de bonheur comme les moments de folie, et nous sommes heureux d’être là, dans cette salle qui devient, au fil du répertoire, une grande maison familiale où toutes les complicités sont permises et où personne n’est jamais esseulé.
    Nous redevenons, le temps d’un concert, ce que nous sommes d’abord : des Algériens en liesse. Dieu a créé notre pays un jour de grande jouissance, et s’il arrive à certains de gâcher ses festins, d’autres sont là pour nous faire recouvrer, une à une, l’ensemble de nos ivresses. Parmi ces derniers, Lounis Aït Menguellet que l’on ne remerciera jamais assez pour l’immense faveur qu’il nous fait : de continuer d’aimer la vie malgré tout. Béni soit cet homme par qui l’éveil aux bonnes choses arrive, béni soit sa musique et sa grande générosité. Une nation ne s’enorgueillit que par la verve de ses idoles, et Lounis en est l’une des plus belles que notre fierté ait connues.
    Il est la preuve vivante que, chez nous, au bled comme partout où l’âme algérienne frémit, rien n’est tout à fait perdu». 🖊 Yasmina Khadra
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Voilà l'édito que j'avais conçue lors de la sortie de l'avant dernier album d'Ait Menguellet pour la revue culturelle "Passerelle" consacrée au poète :


    Une clairvoyance tourmentée:

    C’est sans doute sa dimension poétique qui a chevillé Aït Menguellet à son public depuis plusieurs décennies, une dimension qui tient dans le génie du verbe de ce visionnaire atypique qui a longtemps frappé aux portes de nos consciences.
    Cet eternel rêveur toujours en quête d’absolu porte en lui en fardeau un idéal en fuite et assiste impuissant à la décomposition latente de sa langue et de sa culture.
    Depuis longtemps Aït Menguellet ne cesse de flirter avec le réel mieux que d’autres voix poétiques pour invoquer l’espoir en évoquant ce qui constitue le cœur même de l’humain, l’amour de la patrie, le sens de la dignité et des valeurs authentiques; et plus le pays semble s’effriter plus il tente de le préserver par la simple magie des mots. Il s’est aussi forgé une opinion sur l’endormissement de son peuple par une alimentation spirituelle permanente et dangereuse. A cet égard, ses réflexions et sa philosophie empreintes d’une grande sagesse nous véhiculent dans l’histoire qui se confond au présent et conditionne l’avenir.
    Les œuvres d’Aït Menguellet ne peuvent appartenir à un espace contingent et un temps limité, elles débordent en amont et en aval des datations conventionnelles et jouent un rôle important à la hauteur de nos songes.
    Aux premiers abords, l’homme est de l’espèce la plus rude. Physiquement assez fort, avec des moustaches en crocs. On pourrait d’ailleurs faire toute une typologie de celle-ci à travers ses photos et ses portraits où on le voit à la fois serein et mélancolique, avec un regard triste qui alterne tour à tour intelligence et nostalgie.
    Cet être simple, capable de gestes de bonté et de générosité qui lui valent d’ailleurs des dévouements inaltérables, cache tellement ses sentiments que certains le tiennent pour une nature insensible. Ce caractère ainsi sous-estimé abrite en réalité une clairvoyance tourmentée.
    Au moment où ces mots sont rédigés, Lounis Aït Menguellet est proche de la soixantaine. Il commence à vieillir, ça se voit sur son visage et ses tempes grisonnantes. Il n’a plus la souplesse d’autrefois et donne l’impression d’être fatigué. Fatigué par une errance sur les chemins de la vie, à la recherche de tout ce que nous avons perdu. Fatigué de voir son peuple en perpétuelle adversité. Fatigué de ne pouvoir guérir les tragédies nationales, les tourmentes régionales et les blessures familiales. Fatigué d’avoir raison mais demeure souvent incompris. Des fatigues qui caractérisent ce poète des heurts et des malheurs, d’une région et d’un peuple martyrisés, dont la réalité est souvent plus fantastique que la fiction.
    Beaucoup reste à dire et à s’écrire sur cette grandeur universelle dans une dimension locale. Le moindre est de le voir entrer dans la postérité par la grande voie royale.
    Arezki HAMOUDI
    Dernière modification par infinite1, 22 décembre 2020, 20h17.

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