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Bye bye London

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    Les Echos Par Gaspard Koenig Publié le 23 déc. 2020

    Le Brexit est en passe de se concrétiser, pour de bon. Depuis des mois, l'échéance était attendue, redoutée. Pour Gaspard Koenig, c'est la fin d'une ère d'insouciance et de liberté qui étaient offertes à tous ceux qui avaient trouvé dans la capitale britannique un lieu à la fois d'effervescence et de tolérance sans pareil. C'est la fin de « la dernière ville-monde européenne ».

    Dimanche dernier, j'ai fait partie des hordes d'immigrés tentant de fuir Londres pour rejoindre le continent avant la fermeture des frontières . C'était l'exode : des familles chargées de valises rebondies ; des couples accrochés l'un à l'autre comme si la marée humaine risquait de les séparer à jamais ; des silhouettes esseulées, immobiles, déjà prêtes à renoncer. Conserver un semblant de dignité ou d'humanité dans ces circonstances est voué à l'échec. Chacun devient un fauve, tentant d'arracher le dernier billet, brandissant les nouveau-nés en guise de coupe-file, déversant son ire sur le personnel débordé. Je suis parvenu à me glisser dans l'Eurotunnel en voiture tandis que l'autre moitié de ma famille sautait dans le tout dernier train, parti quelques minutes avant les annonces du Conseil de défense. A minuit, les portes du terminal Eurostar se fermaient, les accès routiers à l'Eurotunnel étaient condamnés, les ferrys restaient amarrés à quai. Le calme retombait sur la Manche, enfin débarrassée de toutes ces puces hominidées qui sautent sur son dos ou se glissent sous sa peau.

    Le coeur cosmopolite de l'Europe

    Depuis près de quinze ans, je vis « entre les deux », entre France et Angleterre, entre croissants et bacon. Diverses évolutions professionnelles et familiales m'ont fait expérimenter à peu près toutes les configurations possibles : travail à Paris et week-ends à Londres ; travail à Londres et vacances en France ; activisme à Paris et écriture à Londres ; permis de conduire à gauche et conduite à droite ; famille à Londres et copains à Paris ; jusqu'à ces dernières années, où ma vie était rigoureusement partagée en deux moitiés. Pourquoi se donner tant de peine ? Parce que le Royaume-Uni fut, tout au long des années Blair et Cameron, le coeur cosmopolite de l'Europe. Pendant vingt ans, une génération de jeunes Européens a été irrésistiblement attirée par un pays en pleine renaissance. Maçons, banquiers, serveurs, entrepreneurs et artistes sont venus chercher des embauches faciles, une vraie méritocratie, une culture effervescente, une tolérance sans pareil. Puisque tout le monde était étranger (plus d'un tiers de la population de Londres n'est pas née au Royaume-Uni), nous n'avions pas le sentiment de résider à l'étranger : les soirées réunissaient des couples mixtes composés de Roumains, Espagnols, Français, Danois, et même quelques Anglais angéliquement patients face à nos barbarismes linguistiques. Nous nous retrouvions toutes les semaines dans les wagons du morne Eurostar, à partager des bières. Nous discutions des chanteuses à la mode puis, l'âge et les enfants venant, des mérites comparés de l'éducation française et britannique. Comptant 400.000 compatriotes, Londres était devenue la sixième ville française. Nous nous sentions « home » dans deux patries, avec ce délicieux sentiment de décalage que confère l'exil. C'était « Global Britain ».

    Le « monde d'hier »

    Depuis le référendum du Brexit, nous nous sommes follement accrochés à ce rêve, comme si rien n'avait changé. Petit à petit, la frontière est réapparue : queues à la douane, paperasse pour demander la nationalité (ce que je me suis toujours refusé à faire, n'ayant nulle intention de prêter serment à un monarque) ou la « permanent residency ». Le pire reste à venir : « deal » ou « no deal », les permis de conduire ne seront plus valables, les frais de « roaming » téléphonique réapparaîtront, les contrôles se multiplieront (combien de grammes de camembert pourrons-nous encore transporter dans nos bagages ?). Ruse de l'histoire, le virus a porté le coup de grâce à notre mode de vie, avec ses obligations de quarantaine, ses tests virologiques et ses attestations diverses et variées. La pression bureaucratique et logistique nous forcera à choisir « entre les deux ».

    C'est la fin d'une époque.

    Il ne s'agit pas seulement du confort d'une communauté relativement privilégiée. A travers nos petits tracas, nous avons été aux premières loges pour voir disparaître, comme Stefan Zweig avant la Première Guerre mondiale, le « monde d'hier », libre et insouciant. Même avec les meilleurs vaccins, Londres redeviendra britannique et aucune capitale européenne n'est en passe de la remplacer. Les Etats-nations sont revenus avec toute leur morgue : impensable il y a encore quelques années, la fermeture des frontières est une mesure essentiellement politique (la nouvelle mutation du virus était connue depuis plusieurs mois, sans provoquer le moindre affolement). Bye bye London : avec la dernière ville-monde européenne meurt un peu de notre humanité à tous.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet

  • #2


    Ça m'a pris du temps pour penser que ça arriverait
    Mais voilà quoi

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    • #3
      En fait les britanniques qui sont pourtant nos plus fidèles alliés ont toujours regardé vers l'atlantique
      Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
      Mahomet

      Commentaire


      • #4
        Difficile d'admettre que des responsables décident d'une telle remise en cause des équilibres

        Commentaire

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