Il y a 10 ans, les Printemps arabes commençaient en Tunisie, avant de gagner d’autres pays, puis d’être sévèrement réprimés, sauf en Tunisie. L’occasion de revenir sur leurs racines à l’analyse de leur échec actuel.
Par Yves Montenay.
Ce qui suit est la synthèse de mes voyages et contacts, recoupés par divers témoins de ces printemps. Du plus ancien, Gilles Kepel, un des grands islamologues mondiaux, arabophone et capable d’identifier l’origine de chaque interlocuteur suivant son accent et son parler, au plus récent, Olivier Poivre d’Arvor, ancien ambassadeur de France en Tunisie, qui a donné une conférence sur le sujet le 10 novembre pour « Géostratégies » et « Sciences-po défense », à laquelle j’ai assisté.
Je vais commencer par le pays où tout a commencé : la Tunisie.
LE PRINTEMPS ARABE EN TUNISIE
Une histoire particulière qui explique son rôle déclencheur
Je connais bien la Tunisie. Mes premiers séjours datent d’avant l’indépendance, pour des raisons familiales, puis en entreprise et enfin à titre universitaire.
Pour les Tunisiens, Bourguiba est le grand homme, tant pour son rôle dans l’indépendance que par le « règne » qui a suivi.
Vu de France, il s’est fait remarquer par sa déclaration « Le français n’est pas une langue étrangère » et par son soin initial à ne pas casser l’économie tunisienne en évitant de chasser des cadres étrangers, Français et Italiens principalement.
Il s’est fait également remarquer par sa laïcité, forcément relative, avec le meilleur statut de la femme du monde arabe et un célèbre verre d’eau bu à la télévision en période de Ramadan, pour montrer que la priorité devait aller au développement du pays plutôt qu’au respect des dogmes.
Cette ouverture tunisienne sur le monde non musulman, passé et présent, est illustrée dans mon esprit par les devoirs de lycéennes tunisiennes expliquant en français le rôle de Carthage dans leur histoire et leur impression de la visite des ruines de cette ville.
Mais, toujours vu de France, Bourguiba a commis deux péchés d’orgueil. Il a voulu avoir la gloire de « récupérer les terres coloniales » et d’avoir « la pleine souveraineté sur le pays » en voulant prendre possession de Bizerte peu de temps avant la fin du bail qui mettait cette base militaire à disposition de la France.
Alors que ces deux questions auraient pu se traiter à l’amiable avec De Gaulle avec qui il semblait bien s’entendre, il a voulu avoir la gloire de prendre des décisions unilatérales sans concertation. Supposer que De Gaulle se laisserait faire était bien sûr une erreur qui s’est dramatiquement terminée. Erreur qui a coulé la Tunisie pour au moins 10 ans, avec le départ précipité non seulement des étrangers, mais aussi de la communauté juive.
Étant resté au pouvoir malgré son vieillissement, il s’en fait écarter par Ben Ali pour des « raisons médicales ». Ce dernier, devenu président, a d’une part mis en place un état policier proclamé anti-islamiste, mais en fait dirigé contre toutes les oppositions, et d’autre part laissé se développer une corruption familiale au bénéfice du « clan Trabelsi » de sa femme.
Les élections étaient ainsi particulièrement « prévisibles» : je me souviens qu’étant en Tunisie un dimanche soir de vote, j’attendais avec curiosité le résultat des législatives. Rien ! Rien non plus le lundi et mardi suivants. Le mercredi, enfin un entrefilet dans la presse francophone : « le parti (du président) a remporté tous les sièges ». Il a fallu plus tard en réserver quelques-uns à une opposition très polie pour ne pas avoir l’air ridicule…
Par contre, cette stabilité politique a permis un net développement économique avec des investissements étrangers, notamment français et une politique de tourisme de masse à prix bas. Comme l’Égypte, mais sans avoir les mêmes atouts archéologiques.
Sur les côtes touristiques, la population était moins nombreuse que les touristes. Il est donc possible que leur genre de vie ait influencé les employés tunisiens, d’autant qu’une partie des touristes était francophone ou issue de la bourgeoisie algérienne en quête d’une relative liberté. Comme par ailleurs les élites françaises et tunisiennes s’interpénètrent tant à Paris qu’à Tunis, il y a là deux contributions à l’ouverture tunisienne.
Avec ma casquette de démographe, j’ajoute que la Tunisie a proclamé et réussi une politique de limitation des naissances qui a ramené sa fécondité au niveau français depuis plusieurs décennies, d’où un rapprochement supplémentaire de modes de vie.
Cette histoire explique à mon avis un terrain favorable aux idées occidentales, du moins par rapport à d’autres pays musulmans, et donc à la naissance du Printemps.
Le Printemps tunisien
La presse nous rappelle l’incident déclencheur du 17 décembre 2010, le suicide par le feu d’un jeune marchand ambulant pressé par la police, et les péripéties politiques qui ont suivi en commençant par la fuite de Ben Ali.
Personnellement j’en retiens le ras-le-bol de la population envers l’État policier et la corruption au sommet.
Naturellement, les islamistes du parti Ennahdha, profitent de cette chute du régime policier et de l’instauration de la démocratie pour prendre ou partager (je n’entre pas dans le détail de l’évolution politique) le pouvoir. On les accuse d’en avoir profité pour lancer un recrutement clientéliste massif de fonctionnaires, ce qui pèse aujourd’hui très lourd dans le budget de l’État tunisien.
Il faut rappeler que ces islamistes tunisiens sont relativement modérés, non seulement du fait des données historiques ci-dessus, mais également pour éviter les répressions sanglantes qui ont frappé leurs partis frères avant comme après les Printemps dans les pays arabes situés plus à l’est. De ce fait, une frange islamiste violente s’est créée en dehors d’eux.
Les acquis démocratiques du printemps ont été en gros conservés, notamment les élections libres et largement débattues.
Un de ces acquis démocratiques les plus remarqués est le droit qu’ont acquis les Tunisiennes de se marier à des non-musulmans. Dans tous les autres pays musulmans, le mariage avec non musulman n’est toujours pas autorisé.
Par contre l’évolution économique a beaucoup déçu. Les attentats islamistes puis le virus ont notamment ruiné le tourisme. Et certains regrettent l’époque de Ben Ali où l’on avait : « moins de liberté, mais la prospérité ».
Revenons en 2011 : les Printemps arabes sont lancés, et gagnent un pays phare du monde arabe, l’Égypte.
LE PRINTEMPS ARABE EN ÉGYPTE
L’Égypte et les racines coupées du Printemps
L’Égypte avec sa centaine de millions d’habitants et son université Al Azhar, référence pour le monde musulman, même concurrencée par la montée de l’Arabie Saoudite, était sous la coupe d’une dictature militaire créée par Nasser et dirigée alors par le président Hosni Moubarak.
L’histoire égyptienne, avec une certaine occidentalisation depuis plus de deux siècles, aurait pu déclencher une évolution à la tunisienne.
Malheureusement les racines en ont été coupées par Nasser et l’expédition franco-britannique de Suez en 1956, une énorme erreur du gouvernement français de l’époque, conduite par le socialiste Guy Mollet.
En effet les Français avaient un rôle très important en Égypte depuis Napoléon. Certes, ce fut l’Angleterre qui réussit à en devenir la puissance coloniale. Mais elle se fit détester, ce qui exonéra la France du « péché colonial ».
Dans les années 1930, on voyait le moment arriver où le français serait la deuxième langue du pays après l’arabe. Cela non seulement du fait de son influence culturelle mais par la participation active à l’économie de francophones très variés, notamment libanais.
Un mouvement anti-élite se développait souterrainement, visible à partir des années 1920, avec d’une part des officiers de la classe moyenne, dont Nasser, et les Frères musulmans d’autre part. Ces derniers avaient lancé en 1928 un parti politique de masse sur le modèle des partis communistes et nazis.
Nasser arriva au pouvoir en 1952 avec le soutien des Frères, puis en envoya beaucoup à la potence et diminua l’influence de l’élite francophone, notamment par de nombreuses nationalisations.
À mon avis, cela n’a justifié en rien le débarquement franco-britannique de 1956 sur le canal de Suez, alors que Nasser, comme Bourguiba, avait voulu se donner la gloire du récupérer ce canal avant la fin de son bail à une entreprise privée franco-britannique.
L’entreprise française Suez, aujourd’hui un grand de l’environnement, s’est d’ailleurs constituée à partir de l’indemnité reçue du gouvernement égyptien à la suite de la nationalisation du canal.
L’alliance de la France avec le colonisateur et l’ennemi israélien, illustration d’une dramatique incompétence historique de Guy Mollet, obligea les francophones à partir dans les 48 heures. Cette disparition d’une grande partie de l’élite moderniste, réfugiée notamment en France, a coupé une grande partie des racines du futur printemps.
Le Printemps égyptien
Comme en Tunisie, ce printemps fut mené par la frange plus ou moins occidentalisée de la population égyptienne, frange très diminuée depuis les événements de 1956. À la surprise générale, le président Moubarak démissionna.
Antoine Sfeir avec qui je travaillais à l’époque m’avait pourtant dit quelques jours plus tôt que c’était impossible…
En effet, il savait que l’armée tenait vigoureusement le pays, contrairement à la Tunisie où elle n’avait pas d’activité politique, Ben Ali étant soutenu par la police.
Le lâchage de Moubarak par l’armée aurait été dû au fait que le président souhaitait avoir son fils comme successeur, alors que ce dernier n’était pas militaire. Le Printemps semblait donc avoir triomphé d’une dictature militaire, alors qu’en fait il n’a triomphé que du président.
Je me souviens d’un entretien avec un général égyptien parfaitement francophone : « Le peuple décidera ce qu’il voudra, mais s’il choisit les Frères musulmans, nous serons très attentifs et reprendrons la main s’ils se conduisent mal ».
Effectivement, les Frères gagnèrent les élections, mais ils se firent vite détester par leur incompétence et leur intolérance.
Les militaires reprirent alors le pouvoir à la grande satisfaction des démocrates (!) et firent valider leur coup d’Etat par l’élection du général Sissi à la présidence.
Mais les démocrates furent ensuite fort déçus, et leurs militants sont aujourd’hui en prison, tandis que les Frères continuent à être pendus par centaines.
Par Yves Montenay.
Ce qui suit est la synthèse de mes voyages et contacts, recoupés par divers témoins de ces printemps. Du plus ancien, Gilles Kepel, un des grands islamologues mondiaux, arabophone et capable d’identifier l’origine de chaque interlocuteur suivant son accent et son parler, au plus récent, Olivier Poivre d’Arvor, ancien ambassadeur de France en Tunisie, qui a donné une conférence sur le sujet le 10 novembre pour « Géostratégies » et « Sciences-po défense », à laquelle j’ai assisté.
Je vais commencer par le pays où tout a commencé : la Tunisie.
LE PRINTEMPS ARABE EN TUNISIE
Une histoire particulière qui explique son rôle déclencheur
Je connais bien la Tunisie. Mes premiers séjours datent d’avant l’indépendance, pour des raisons familiales, puis en entreprise et enfin à titre universitaire.
Pour les Tunisiens, Bourguiba est le grand homme, tant pour son rôle dans l’indépendance que par le « règne » qui a suivi.
Vu de France, il s’est fait remarquer par sa déclaration « Le français n’est pas une langue étrangère » et par son soin initial à ne pas casser l’économie tunisienne en évitant de chasser des cadres étrangers, Français et Italiens principalement.
Il s’est fait également remarquer par sa laïcité, forcément relative, avec le meilleur statut de la femme du monde arabe et un célèbre verre d’eau bu à la télévision en période de Ramadan, pour montrer que la priorité devait aller au développement du pays plutôt qu’au respect des dogmes.
Cette ouverture tunisienne sur le monde non musulman, passé et présent, est illustrée dans mon esprit par les devoirs de lycéennes tunisiennes expliquant en français le rôle de Carthage dans leur histoire et leur impression de la visite des ruines de cette ville.
Mais, toujours vu de France, Bourguiba a commis deux péchés d’orgueil. Il a voulu avoir la gloire de « récupérer les terres coloniales » et d’avoir « la pleine souveraineté sur le pays » en voulant prendre possession de Bizerte peu de temps avant la fin du bail qui mettait cette base militaire à disposition de la France.
Alors que ces deux questions auraient pu se traiter à l’amiable avec De Gaulle avec qui il semblait bien s’entendre, il a voulu avoir la gloire de prendre des décisions unilatérales sans concertation. Supposer que De Gaulle se laisserait faire était bien sûr une erreur qui s’est dramatiquement terminée. Erreur qui a coulé la Tunisie pour au moins 10 ans, avec le départ précipité non seulement des étrangers, mais aussi de la communauté juive.
Étant resté au pouvoir malgré son vieillissement, il s’en fait écarter par Ben Ali pour des « raisons médicales ». Ce dernier, devenu président, a d’une part mis en place un état policier proclamé anti-islamiste, mais en fait dirigé contre toutes les oppositions, et d’autre part laissé se développer une corruption familiale au bénéfice du « clan Trabelsi » de sa femme.
Les élections étaient ainsi particulièrement « prévisibles» : je me souviens qu’étant en Tunisie un dimanche soir de vote, j’attendais avec curiosité le résultat des législatives. Rien ! Rien non plus le lundi et mardi suivants. Le mercredi, enfin un entrefilet dans la presse francophone : « le parti (du président) a remporté tous les sièges ». Il a fallu plus tard en réserver quelques-uns à une opposition très polie pour ne pas avoir l’air ridicule…
Par contre, cette stabilité politique a permis un net développement économique avec des investissements étrangers, notamment français et une politique de tourisme de masse à prix bas. Comme l’Égypte, mais sans avoir les mêmes atouts archéologiques.
Sur les côtes touristiques, la population était moins nombreuse que les touristes. Il est donc possible que leur genre de vie ait influencé les employés tunisiens, d’autant qu’une partie des touristes était francophone ou issue de la bourgeoisie algérienne en quête d’une relative liberté. Comme par ailleurs les élites françaises et tunisiennes s’interpénètrent tant à Paris qu’à Tunis, il y a là deux contributions à l’ouverture tunisienne.
Avec ma casquette de démographe, j’ajoute que la Tunisie a proclamé et réussi une politique de limitation des naissances qui a ramené sa fécondité au niveau français depuis plusieurs décennies, d’où un rapprochement supplémentaire de modes de vie.
Cette histoire explique à mon avis un terrain favorable aux idées occidentales, du moins par rapport à d’autres pays musulmans, et donc à la naissance du Printemps.
Le Printemps tunisien
La presse nous rappelle l’incident déclencheur du 17 décembre 2010, le suicide par le feu d’un jeune marchand ambulant pressé par la police, et les péripéties politiques qui ont suivi en commençant par la fuite de Ben Ali.
Personnellement j’en retiens le ras-le-bol de la population envers l’État policier et la corruption au sommet.
Naturellement, les islamistes du parti Ennahdha, profitent de cette chute du régime policier et de l’instauration de la démocratie pour prendre ou partager (je n’entre pas dans le détail de l’évolution politique) le pouvoir. On les accuse d’en avoir profité pour lancer un recrutement clientéliste massif de fonctionnaires, ce qui pèse aujourd’hui très lourd dans le budget de l’État tunisien.
Il faut rappeler que ces islamistes tunisiens sont relativement modérés, non seulement du fait des données historiques ci-dessus, mais également pour éviter les répressions sanglantes qui ont frappé leurs partis frères avant comme après les Printemps dans les pays arabes situés plus à l’est. De ce fait, une frange islamiste violente s’est créée en dehors d’eux.
Les acquis démocratiques du printemps ont été en gros conservés, notamment les élections libres et largement débattues.
Un de ces acquis démocratiques les plus remarqués est le droit qu’ont acquis les Tunisiennes de se marier à des non-musulmans. Dans tous les autres pays musulmans, le mariage avec non musulman n’est toujours pas autorisé.
Par contre l’évolution économique a beaucoup déçu. Les attentats islamistes puis le virus ont notamment ruiné le tourisme. Et certains regrettent l’époque de Ben Ali où l’on avait : « moins de liberté, mais la prospérité ».
Revenons en 2011 : les Printemps arabes sont lancés, et gagnent un pays phare du monde arabe, l’Égypte.
LE PRINTEMPS ARABE EN ÉGYPTE
L’Égypte et les racines coupées du Printemps
L’Égypte avec sa centaine de millions d’habitants et son université Al Azhar, référence pour le monde musulman, même concurrencée par la montée de l’Arabie Saoudite, était sous la coupe d’une dictature militaire créée par Nasser et dirigée alors par le président Hosni Moubarak.
L’histoire égyptienne, avec une certaine occidentalisation depuis plus de deux siècles, aurait pu déclencher une évolution à la tunisienne.
Malheureusement les racines en ont été coupées par Nasser et l’expédition franco-britannique de Suez en 1956, une énorme erreur du gouvernement français de l’époque, conduite par le socialiste Guy Mollet.
En effet les Français avaient un rôle très important en Égypte depuis Napoléon. Certes, ce fut l’Angleterre qui réussit à en devenir la puissance coloniale. Mais elle se fit détester, ce qui exonéra la France du « péché colonial ».
Dans les années 1930, on voyait le moment arriver où le français serait la deuxième langue du pays après l’arabe. Cela non seulement du fait de son influence culturelle mais par la participation active à l’économie de francophones très variés, notamment libanais.
Un mouvement anti-élite se développait souterrainement, visible à partir des années 1920, avec d’une part des officiers de la classe moyenne, dont Nasser, et les Frères musulmans d’autre part. Ces derniers avaient lancé en 1928 un parti politique de masse sur le modèle des partis communistes et nazis.
Nasser arriva au pouvoir en 1952 avec le soutien des Frères, puis en envoya beaucoup à la potence et diminua l’influence de l’élite francophone, notamment par de nombreuses nationalisations.
À mon avis, cela n’a justifié en rien le débarquement franco-britannique de 1956 sur le canal de Suez, alors que Nasser, comme Bourguiba, avait voulu se donner la gloire du récupérer ce canal avant la fin de son bail à une entreprise privée franco-britannique.
L’entreprise française Suez, aujourd’hui un grand de l’environnement, s’est d’ailleurs constituée à partir de l’indemnité reçue du gouvernement égyptien à la suite de la nationalisation du canal.
L’alliance de la France avec le colonisateur et l’ennemi israélien, illustration d’une dramatique incompétence historique de Guy Mollet, obligea les francophones à partir dans les 48 heures. Cette disparition d’une grande partie de l’élite moderniste, réfugiée notamment en France, a coupé une grande partie des racines du futur printemps.
Le Printemps égyptien
Comme en Tunisie, ce printemps fut mené par la frange plus ou moins occidentalisée de la population égyptienne, frange très diminuée depuis les événements de 1956. À la surprise générale, le président Moubarak démissionna.
Antoine Sfeir avec qui je travaillais à l’époque m’avait pourtant dit quelques jours plus tôt que c’était impossible…
En effet, il savait que l’armée tenait vigoureusement le pays, contrairement à la Tunisie où elle n’avait pas d’activité politique, Ben Ali étant soutenu par la police.
Le lâchage de Moubarak par l’armée aurait été dû au fait que le président souhaitait avoir son fils comme successeur, alors que ce dernier n’était pas militaire. Le Printemps semblait donc avoir triomphé d’une dictature militaire, alors qu’en fait il n’a triomphé que du président.
Je me souviens d’un entretien avec un général égyptien parfaitement francophone : « Le peuple décidera ce qu’il voudra, mais s’il choisit les Frères musulmans, nous serons très attentifs et reprendrons la main s’ils se conduisent mal ».
Effectivement, les Frères gagnèrent les élections, mais ils se firent vite détester par leur incompétence et leur intolérance.
Les militaires reprirent alors le pouvoir à la grande satisfaction des démocrates (!) et firent valider leur coup d’Etat par l’élection du général Sissi à la présidence.
Mais les démocrates furent ensuite fort déçus, et leurs militants sont aujourd’hui en prison, tandis que les Frères continuent à être pendus par centaines.
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