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Pourquoi les médias votent Sarkozy ?

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  • Pourquoi les médias votent Sarkozy ?

    En dix ans, les télés et les radios ont accompagné docilement toutes les « mutations » du ministre candidat.

    Rappel des faits

    Nicolas Sarkozy a « survécu » à des changements de discours constants, aux émeutes de novembre 2005 et à un bilan sécuritaire guère reluisant. Grâce notamment à des médias contrôlés par des patrons amis, dont certains, comme Jean-Pierre Elkabbach, n’hésitent pas à lui demander conseil pour l’embauche de reporters, et à des journalistes fascinés par son « énergie ». Une redoutable machine de guerre alimentée par le service de presse le plus fourni des candidats et (presque) entièrement dévouée à la présidentielle.

    Pour mesurer l’emprise et l’influence de Nicolas Sarkozy sur le paysage médiatique français, il suffisait, au lendemain de son sacre à l’UMP le 14 janvier dernier, d’ouvrir son journal. Depuis plusieurs semaines, handicapée par le rassemblement réussi du Parti socialiste autour de Ségolène Royal et par une politique de « rupture » anxiogène majoritairement rejetée par les Français, la communication du ministre candidat semblait sérieusement marquer le pas. Puis vint son fameux discours d’investiture définitivement purgé de rupture, perlé de références au gaullisme, et d’un hommage au « non » de Jacques Chirac lors de l’intervention américaine en Irak .

    opération

    séduction

    Un recentrage de com’ « stratégique » : réconciliation de façade avec les chiraquiens, virage à 180 d’une politique internationale jusqu’ici très « atlantiste », le tout unanimement salué, à la notable exception de l’Humanité. Ainsi Laurent Joffrin, dans Libération, laissait poindre son admiration : « Un homme qui cite Jaurès, Hugo, Mandel et Zola peut-il être entièrement mauvais ? (1) On dira beaucoup de choses mais on devra en reconnaître une : le candidat de la droite a produit une performance impressionnante. Oui, cet homme est dangereux : avant tout pour la gauche. Il n’est pas le César ou le Napoléon qu’on voit parfois en lui. (...) Il a triomphé par l’énergie, le talent, l’organisation. »

    Reprendre l’ensemble des commentaires élogieux publiés ce jour-là eut été fastidieux, tant l’opération séduction, même basée sur les plus aberrantes contradictions, fut couronnée de succès. Laurent Fabius, qui n’a cessé de souffrir de sa conversion tardive à la critique radicale du « marché », aurait certainement aimé bénéficier d’une telle mansuétude. Comment l’expliquer ?

    il rêvait d’être journaliste

    D’abord, on a tendance à l’oublier, les liens étroits tissés entre Nicolas Sarkozy et les médias sont très anciens. Avant de se lancer en politique, le patron de l’UMP a longtemps caressé le rêve de devenir journaliste, signant même, pendant la « traversée du désert » qui avait suivi sa déroute aux européennes de juin 1999, une série de correspondances anonymes publiées dans le quotidien les Échos. Quant aux rédactions, elles ont eu le temps de découvrir sa touchante familiarité (tutoiement de rigueur, coups de fil intempestifs) lors de la campagne pro-Balladur de 1995, orchestrée par « les deux Nicolas », Bazire et Sarkozy. Le résultat est impressionnant : en dix ans, le ronronnement des télévisions et des radios aura accompagné toutes les « mutations » du personnage Sarkozy. Assagi, lors de la sortie en 2001 de son ouvrage Libre, pour casser une image jugée trop arrogante et (déjà !) empreinte de nervosité. Omniprésent père fouettard muni de son Karcher, ensuite, à l’heure de réconcilier une France traumatisée par le 21 avril 2002, et matraquée par la thématique de l’insécurité. Puis, « Speedy Sarko » s’adoucit à nouveau, calme et presque consensuel, donc, pour élargir au maximum sa base électorale, avant d’aborder la dernière ligne droite de l’élection présidentielle.

    Oubliées, les outrances verbales, un pillage du programme frontiste qui a encouragé la progression des idées de Jean-Marie Le Pen, une image désastreuse sur le continent africain, les innombrables censures et autocensures (2)...

    Pour comprendre cette amnésie, il faut traverser une « galaxie médiatique » presque entièrement acquise au candidat Sarkozy. À tu et à toi avec Martin Bouygues (TF1), témoin de son second mariage, Arnaud Lagardère (Europe 1, Paris-Match, le Monde...), qu’il appelle « mon frère », Bernard Arnault (la Tribune, Radio Classique...), le ministre de l’Intérieur pourrait reprendre au mot près les voeux aux journalistes formulés par Édouard Balladur en 1994 : « globalement, je n’aurais pas trop à me plaindre de vous ». Au Figaro, contrôlé depuis le mois de mars 2004 par Serge Dassault et dirigé par un Nicolas Beytout dont l’ancrage ultra-libéral épouse sans peine le sarkozysme de son patron, la seule chose dont pourrait se plaindre Nicolas Sarkozy serait... l’excès de zèle ! Débarrassé de ses plumes chiraquiennes (3), le quotidien de droite se donne même, parfois, des allures de Pravda. Alors que le champion de l’UMP admettait lui-même s’être « planté » après un passage chez Marc-Olivier Fogiel (3), le quotidien de droite préférait évoquer « un rare moment de vérité », à l’occasion duquel un Sarkozy « très à l’aise », « n’a pas cédé à la démagogie »... Mais, à n’en pas douter, au lendemain du 22 avril 2007, journalistes et patrons de presse se défendront la main sur le coeur d’avoir, ne serait-ce qu’un instant, roulé pour Nicolas - Sarkozy.

    (1) Pluraliste, Laurent Joffrin écrivait le 1er février à propos de José Bové : « Un leader qui fait de la voile ne peut pas être entièrement mauvais »...

    (2) Un exemple parmi d’autres : l’excellent documentaire Sarkozy mot à mot qui décrypte ses discours, commandé par France 2 et achevé en avril 2005, dort toujours dans les tiroirs...

    (3) Nicolas Sarkozy, enquête sur un homme de pouvoir, de Frédéric Charpier. Presses de la Cité. 304 pages, 19 euros.
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