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Ben Bella, Aït Ahmed et le Sahara occidental (Conférence, Londres 1985)

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  • Ben Bella, Aït Ahmed et le Sahara occidental (Conférence, Londres 1985)

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    Ahmed Ben Bella : Mon point de vue est le suivant : il y a une guerre en Algérie. On l’appelle de la façon qu’on veut, mais depuis dix ans il y a une guerre. Nous sommes contre cette guerre dont il serait assez long de s’arrêter aux raisons qui l’ont engendrée. Ce qu’il y a de fondamental c’est que nous sommes pour l’arrêt de la guerre. Personnellement, je n’avance pas de solution miracle mais je pense qu’il faut sortir du jeu politique actuel qui a conduit à cette impasse.

    Il faut que le Maghreb s’unisse. Qu’importe sous quelle forme ! Fédération, confédération ? mais il doit s’unir. Il doit faire comme l’Europe et comme d’autres régions du monde. Les petites entités n’ont pas d’avenir. Seuls les grands ensembles sont viables. Pour ce qui nous concerne, nous avons beaucoup plus de raisons de nous fondre dans un grand Maghreb. Tout nous unit. Si le Maghreb n’existe pas dans les têtes des dirigeants, il existe dans les consciences des Maghrébins, qu’ils soient Algériens, Marocains, Tunisiens, Libyens ou membres du Polisario.

    Le Maghreb se fera. Les solutions à l’arrêt de la guerre passent par le dépassement des petits problèmes de frontières avec la création d’un cadre de type confédéral, par exemple, qui réunirait tout le monde.

    N’étant pas un homme prudent, je dirai qu’en tant qu’Algériens nous n’avons pas intérêt au démembrement du Maroc. Il faudrait que les partenaires en discutent mais nous pensons que le Maroc a une profondeur historique réelle. Tous les dirigeants du Maroc sont venus de la Saguia El Hamra. Tous sans exception. Les Almoravides, les Almohades (mourabitounes, Mouahidounes), les Saadiens, les Alaouites etc.

    Le pouvoir politique s’est toujours situé dans le Sahara. Le problème du Sahara n’est pas le problème de Hassan II. C’est le problème d’un peuple, d’une histoire dont il faut tenir compte. Pourquoi, dans un premier temps, le Maroc actuel, la région que revendique le Polisario et la Mauritanie ne se regrouperaient-ils pas sous forme de fédération ? Ils constituent un ensemble naturel.

    Savez-vous qu’au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, on a voulu nous créer une « République du Sahara » avec Hamza Boubakeur. Chez nous la guerre a duré trois ans de plus pour qu’ils n’y ait pas une Mauritanie algérienne. Pourquoi serions-nous pour le démembrement du Maroc, lorsque nous l’avons refusé chez nous ? Certes, la Mauritanie et le Polisario sont une réalité. Ils existent. Mais il est possible de dépasser ces problèmes en discutant. Il faut que disparaissent les passeports et les frontières. Il faut qu’il y ait une libre circulation des biens et des personnes. C’est cela que veulent nos peuples.

    Hocine Aït Ahmed :
    Je propose quelques thèmes de réflexion. Comme l’a dit le frère Ahmed, nous sommes contre la guerre qui serait un génocide spirituel. Cette guerre qui est honteuse en Algérie puisque nous avons des morts dont on ne parle jamais, il faut l’éviter à tout prix. Souvent on entend dire nous sommes l’Orient, en oubliant que nous empruntons à l’Occident ce qu’il y a de néfaste en lui et notamment la notion de l’Etat-Nation, centralisateur et réducteur de valeurs culturelles. Si nos Etats étaient organisés comme l’Espagne sur la base de la décentralisation, peut-être trouverions-nous une formule. Donc, c’est du dépassement, comme l’a souligné Ahmed, des petits problèmes que naîtra la solution. Faisons le Maghreb tout de suite alors que l’Europe achève sa mise en place avec l’adhésion de l’Espagne et du Portugal. Nos économies ne peuvent être viables qu’à l’échelle maghrébine. De plus, il faut en finir avec le nationalisme qui n’est pas de nos traditions. L’islam ne connaît pas ce type d’idéologie très étroite et donne l’importance à l’humanité que recoupe ses territoires.

    Pourquoi ne pas organiser toutes les zones frontalières, objets de litiges ou pas, comme des bases de coopération commune ? Pourquoi ne pas laisser les R’guibates vivre comme ils ont toujours vécu dans le Maghreb, fiers, heureux de leur civilisation nomade ? Pourquoi s’attacher à les sédentariser, à les couper de leurs racines qui sont précisément de n’en avoir d’autres que leur orgueil, et ne pas leur permettre de se déplacer où ils veulent et sans passeports. Je rejoins tout à fait le point de vue de Ahmed. On a perdu trop d’argent, trop de temps. Nous sommes manipulés par les superpuissances. Nous devons faire du Maghreb, au seuil de l’Afrique et proche de l’Europe, un foyer de développement qui serait le bienvenu dans un Tiers-monde où il n’y a que des foyers de tension et de désintégration économique.
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