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Abdou Diop : Managing Partner de Mazars au Maroc «Le Maroc a clairement une opportunité à travers la ZLECAf

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  • Abdou Diop : Managing Partner de Mazars au Maroc «Le Maroc a clairement une opportunité à travers la ZLECAf

    Pour Abdou Diop, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ouvrira un nouvel horizon continental aux entreprises marocaines. Dans cette interview, le Managing Partner de Mazars au Maroc, décrypte les opportunités les enjeux de ce futur marché commun panafricain.


    Challenge : Le Maroc a signé plus d’une cinquantaine d’accords de libre-échange pour lesquels il est déficitaire. Voilà encore qu’il s’apprête à en ajouter un autre le 1er janvier prochain, avec l’entrée en vigueur de la ZLECAf. Le même scénario ne risque-t-il pas de se reproduire ?

    Abdou Diop : Tout d’abord, il est très important d’appréhender ce que représente la création de la Zone de libre-échange continental africaine : ce sont 54 pays qui ensemble, regroupant 1,2 milliard d’habitants (2,5 milliards à horizon 2050), forment un espace économique et commercial commun avec une libre circulation de biens et des personnes. C’est l’accord de libre-échange impliquant le plus de pays après celui de l’OMC. Son ambition est de faire doubler le commerce intra africain comme premier objectif, mais au-delà, permettre de développer l’industrialisation du continent et la création de chaînes de valeurs régionales complémentaires à travers l’Afrique.

    Donc il s’agit d’un accord inédit, qui concerne l’ensemble du continent africain, continent d’appartenance du Maroc et ne pourrait être considéré comme un enième accord ou assimilé aux accords que vous citez.

    Ainsi, il est important de préciser les particularités de la ZLECAf :

    – D’abord, il s’agit pour le Maroc d’intégrer un accord qui concerne l’ensemble de son continent d’appartenance

    – Ensuite, contrairement aux accords avec les USA, la Turquie, l’Europe etc, la ZLECAf met ensemble des pays du continent parmi lesquels le Maroc est des plus avancés économiquement et figure parmi les pays moteurs disposant d’un bon tissu industriel ; par conséquent, il y a moins de différentiel de développement défavorable pour le Maroc

    – Troisième élément important, l’Afrique constitue un axe stratégique de développement pour l’économie marocaine

    – Enfin, au-delà des pays africains, sur plusieurs marchés, les principaux concurrents du Maroc sont des acteurs hors du continent africain. La ZLECAf apporterait un avantage comparatif certain pour le Made in Africa.

    De manière plus globale, la ZLECAf est une opportunité pour l’ensemble des pays africains qui pourront développer leurs échanges commerciaux à hauteur de 23% d’ici à 2023, contre 16% actuellement.

    Mais dans tous les cas, comme pour tout accord de ce genre, des études préalables ont été menées pour mesurer l’impact sur l’économie et les entreprises marocaines et évaluer nos capacités concurrentielles sectorielles, ainsi que les gains en compétitivité. L’expérience et la maturité acquises des différents accords précédents, seront bien entendu très utiles dans le process.

    Concrètement, le Maroc a clairement une opportunité à travers la ZLECAf, pour :

    – Avoir accès au marché continental dans un cadre avantageux sans barrières douanières

    – Approvisionner l’industrie en intrants (matières premières, produits semi-finis ou intermédiaires) en provenance du continent à meilleur coût pour une plus grande compétitivité ;

    – Créer avec les secteurs privés du continent des chaînes de valeur industrielles régionales complémentaires, renforçant les taux d’intégration du Made in Africa.

    Challenge : Qu’est-ce que la ZLECAf va changer pour les opérateurs marocains qui opèrent déjà sur le continent et ceux qui pensent y aller pour saisir des opportunités ?

    Il est important de préciser que le 1er janvier 2021 signifie l’entrée en vigueur officielle de la ZLECAf, mais ne veut pas dire parachèvement du dispositif. En effet, le démarrage se fera de manière hybride avec les Etats ayant ratifié et déposé leur offre.

    Beaucoup de pays sont encore dans le processus de ratification et de préparation de leur offre. Par conséquent, ils prendront le train en marche. Par ailleurs, le démantèlement tarifaire ne se fera que progressivement. En effet, il est prévu que pour les 90% des lignes tarifaires qui seront en libre-échange, le démantèlement se fera de manière linéaire sur 10 ans. Donc, il faudra un peu de temps pour l’opérationnalisation.

    Une fois en marche, la ZLECAf ouvrira un nouvel horizon continental aux entreprises marocaines :

    – D’abord, elle donnera accès des produits marocains au marché continental sans droit de douane et donc avec un avantage compétitif par rapport à nos concurrents hors continent.

    – Ensuite, elle permettra à nos entreprises de s’approvisionner à partir du continent en intrants à des coûts plus bas. Le continent regorge de matières premières et de produits intermédiaires essentiels pour notre industrie, que ce soit dans l’agroalimentaire, le textile, les IMME, etc : Coton, Bauxite, Fruits et légumes, Caoutchouc, Beurre de Karité, etc.

    – Par ailleurs l’industrie marocaine qui a pu s’arrimer aux chaines de valeur mondiales, pourrait trouver une réelle complémentarité industrielle sur les autres régions du continent pour renforcer le taux d’intégration continental. Ainsi, l’industrie automobile pourra potentiellement trouver une complémentarité dans les industries naissantes de l’Afrique de l’Ouest de la pneumatique à partir de l’hévea ou de l’alumine de la bauxite transformée, l’industrie textile trouverait sa complémentarité dans le coton transformé malien, etc.
    Le développement induit du commerce intra-africain va naturellement renforcer les investissements dans les infrastructures de transport et logistique et réduire ainsi les coûts. Cela renforcera la compétitivité de nos entreprises

    Challenge : Concrètement, quelles pourraient être les premières retombées pour les industriels marocains ?

    Comme précisé tantôt, la ZLECAf va améliorer l’accès aux marchés et favoriser de nouvelles sources d’approvisionnement à de meilleurs coûts et ainsi, permettre d’être plus compétitif.

    Dans l’industrie agroalimentaire par exemple, rien ne nous empêchera plus d’importer des fruits comme des mangues ou ananas à des prix plus réduits. Des investisseurs pourront également créer des complémentarités avec des écosystèmes de différents pays et créer des joint-ventures pour devenir des fournisseurs à des industries. Ils continueront ainsi d’encourager et de valoriser le « Made in Africa”, réalisé par et avec les Africains. La ZLECAf peut offrir un fort potentiel de développement pour les industriels marocains qui pourront accéder plus aisément à un marché de 1,2 milliard de personnes. Compte tenu des capacités de production actuelles, ils ne pourraient adresser leurs offres à l’ensemble de cette population. Mais admettons qu’ils en ciblent que 1%, ils toucheront alors 12 millions de personnes. C’est déjà un très bon début. La ZLECAf va leur permettre de s’ouvrir sur de nouveaux marchés qu’ils n’osaient peut être pas pénétrer par le passé. Les opérateurs marocains se focalisaient notamment sur des pays de l’Afrique de l’Ouest. Avec la ZLECAf, le champ est beaucoup plus vaste pour aller sur des marchés plus lointains, qui offrent de belles opportunités d’échanges.

    Challenge : Quels sont les secteurs au Maroc qui sont aujourd’hui bien placés pour profiter pleinement de la ZLECAf? Quelques exemples ?

    On peut considérer aujourd’hui, que l’ensemble des secteurs pourraient bénéficier de la nouvelle zone de libre-échange :

    – Certains, pour accéder à un marché plus large et exporter ;

    – D’autres, pour s’approvisionner en intrants et matières

    – Ceux qui pourront construire des chaînes de valeurs industrielles complémentaires

    – Les entreprises qui bénéficieront de la baisse des coûts de transport et de logistique

    – Enfin, tout ceux qui profiteront du boom du « Made in Africa »

    Challenge : Quels sont les secteurs au Maroc qui sont menacés par la ZLECAf?

    Certains secteurs pourront se sentir challengés, mais pas menacés. Le miel guinéen pourrait faire son entrée dans le secteur agroalimentaire en concurrençant l’apiculture marocaine. Des produits pharmaceutiques de l’Afrique du Sud ou du Nigéria pourraient également pénétrer le marché pharmaceutique. Mais je reste très confiant, quant à la capacité de nos industries à faire face à la compétition internationale.

    Challenge : Quelles sont les implications de cet accord pour les échanges commerciaux avec les autres régions du monde ?

    La ZLECAf avec la question de la clause de la nation la plus favorisée, va entrainer nécessairement une revue des différents accords extérieurs, bilatéraux et multilatéraux.

    D’ailleurs, un des chantiers des négociations actuelles, est la hiérarchie des accords.

    Donc progressivement, de nouvelles discussions ne manqueront pas d’être sur la table pour revisiter certains accords.

    Challenge : Le Maroc est le deuxième investisseur africain dans le continent. Avec la ZLECAf, les investisseurs marocains devraient-ils continuer dans cette dynamique ou arrêter d’investir sur le continent et produire au Maroc pour exporter en Afrique ?

    Malgré le démantèlement qui s’est opéré avec l’Union européenne, plusieurs opérateurs européens ont continué à investir au Maroc. Il en est de même pour les opérateurs marocains. La ZLECAf ne devrait pas constituer un frein à l’investissement mais bien au contraire, pourrait l’encourager pour réaliser des économies d’échelle et créer des complémentarités. Chaque opérateur devra faire ses calculs pour optimiser ses investissements.

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