Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Décryptage du comportement de "l'électeur-consommateur"

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Décryptage du comportement de "l'électeur-consommateur"

    "Des enfants gâtés du marketing" : c'est ainsi que le sociologue, Robert Rochefort décrit les électeurs de François Bayrou qui ont dit refuser, le 22 avril, de "choisir entre la droite et la gauche", au premier tour de la présidentielle.

    En désirant "tout à la fois", explique le directeur général du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), ils se sont conformés, pour une partie d'entre eux, "aux messages commerciaux qui veulent nous convaincre, depuis des années, qu'il est possible de concilier des aspirations contradictoires : manger des plats cuisinés qui ne font pas grossir, des produits sucrés avec des édulcorants, rouler en 4X4 sans abîmer la nature comme le suggèrent les publicités montrant ces grosses cylindrées au milieu du désert ou de paysages vierges".

    "LE BON CONSOMMATEUR ET LE MAUVAIS CITOYEN"

    Pour Robert Rochefort, auteur d'un livre récent sur le sujet, Le Bon consommateur et le mauvais citoyen, (Odile Jacob, mars 2007), les électeurs de François Bayrou ne sont pas les seuls victimes de cette tentation consommatrice d'envisager la politique. Aujourd'hui, nous vivons dans une société qu'il appelle "consommatoire" dans laquelle, dit-il, le fait d'acheter "est devenu un acte central au point d'envahir tout notre imaginaire". Cela se vérifie dans les enquêtes d'opinion, explique-t-il : "Quand on demande aux gens de citer un acte citoyen, ils ne répondent pas immédiatement le fait d'aller voter. En revanche, ils citent le tri des déchets, l'utilisation de sacs réutilisables pour faire ses courses pour ne pas "tuer les dauphins" avec des pochettes plastiques... La consommation est devenue un moyen, pour chacun d'affirmer son souci de l'intérêt commun." Du même coup, nos comportements d'acheteur et nos attentes d'électeur ont tendance à se confondre. "Les argumentaires de vente - qui visent à déculpabiliser les acheteurs dans une société de surabondance ont fini par s'insinuer dans notre manière d'envisager la citoyenneté", soutient-il.

    Au petit jeu des correspondances, "l'électeur "consommateur" de Ségolène Royal achète pour avoir bonne conscience des produits estampillés "commerce équitable". Le consommateur-électeur de Nicolas Sarkozy - décomplexé - pense que quel quoi qu'il achète, il participe à la production de richesses. Une bonne part des conducteurs de 4X4 votent à droite", sourit-il.

    "IMPASSE"


    Mais pour M. Rochefort, le modèle "consommatoire" n'est pas transposable à la citoyenneté. "La logique du consommateur est égoïste. Elle consiste à entrer dans un magasin, pour assouvir un besoin personnel puis à passer à la caisse. La logique citoyenne consiste, au contraire, à s'abstraire de ses soucis personnels pour considérer l'intérêt général."

    A propos du vote Bayrou, il observe que "tous les nutritionnistes le disent : acheter des plats allégés n'a jamais fait maigrir personne ! De la même manière, en politique, le fait de vouloir tout à la fois est une illusion qui mène à une impasse. Là où le consommateur est invité à croire qu'il peut mettre du "et" partout, l'électeur est obligé de mettre du "ou", c'est-à-dire de choisir. C'est ce principe de réalité auquel sera confronté au second tour, dimanche, l'électorat Bayrou. Cela dit, en ne donnant aucune consigne de vote, le patron de l'UDF est habile. Il évite de culpabiliser ce nouvel électorat qui n'aime pas qu'on lui impose de choisir".

    Aujourd'hui, la défense de la planète, la famille, l'épanouissement personnel sont devenus des arguments publicitaires. Le produit vendu vient combler des attentes qui n'ont rien à voir avec son utilité. De la même façon, poursuit M. Rochefort, "on a bien vu dans cette campagne que ce qui avait compté avant tout pour les électeurs et les commentateurs, ce n'était pas la technicité des produits - c'est-à-dire les programmes - mais l'image des candidats. Un peu comme si, l'électeur aujourd'hui était considéré comme un consommateur de valeurs. Jamais, dit-il, dans aucune autre présidentielle, la question du religieux n'avait été aussi présente dans les débats"

    Par Le Monde
Chargement...
X