Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Daniel Cohen dissèque les liens entre génétique et comportement

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Daniel Cohen dissèque les liens entre génétique et comportement

    Le généticien Daniel Cohen, découvreur de la première carte du génome humain, dissèque les liens entre génétique et comportement.

    Le débat sur le caractère inné ou acquis des comportements humains a pris une place notable dans la campagne électorale. Cela traduit un intérêt scientifique nouveau, mais souligne aussi la méconnaissance de nos concitoyens sur ces questions complexes.

    LE FIGARO. - Qu'avez-vous pensé de la récente polémique sur la génétique ?

    Daniel COHEN. - En tant que généticien, cette polémique m'a intéressé, et tout particulièrement les réactions du public. La majorité des Français ont dit que Nicolas Sarkozy avait eu tort d'avoir attribué à des facteurs génétiques, la pédophilie ou le suicide des adolescents, comme s'il n'y avait pas de contribution des gènes dans les comportements. Ces questions sont importantes, y compris pour les décideurs. À la lumière de cette polémique, j'ai découvert qu'il y avait un océan d'idées reçues qui circulent non seulement dans le grand public, mais aussi dans les milieux scientifiques non spécialisés. Il est faux de dire qu'un caractère dépend d'un seul gène, faux de dire que si c'est génétique, c'est héréditaire, faux de dire que le génome détermine le destin, que le comportement ne peut pas dépendre de facteurs génétiques... Hormis pour une ou deux personnes sur cent, l'orthographe de notre génome ne permet pas de prédire avec certitude quoi que ce soit, qu'il s'agisse de notre santé, de notre longévité, de notre comportement. Le devenir d'un être ne dépend pas de son génome ou de son environnement ou du hasard, mais des trois à la fois.

    Pourquoi toutes ces idées reçues ?

    On a commencé à comprendre la génétique avec Mendel quand il a décrit pour la première fois qu'un caractère donné dépendait d'un seul gène. On sait qu'un seul gène peut déterminer la couleur des yeux et 5 000 maladies rares qui concernent au total 2 % de la population. Dans ce cas, c'est très simple, j'ai le gène, mon destin est fixé de manière inexorable et prévisible. Mais cela ne peut expliquer qu'une minorité de situations. La plupart des caractères, morphologiques, pathologiques, comportementaux, sont dus à plusieurs facteurs. Pour avoir le caractère, sont indispensables l'orthographe particulière du génome et l'exposition à une série de facteurs de l'environnement. Ce n'est pas l'un ou l'autre, mais forcément l'un et l'autre. Dans ces cas-là, on sait aussi que plusieurs gènes interviennent et non plus un seul.

    Comment sait-on cela ?


    Les vrais jumeaux ont le même patrimoine génétique, ce qui n'est pas le cas des faux jumeaux. Quand un des deux vrais jumeaux est atteint d'une maladie monogénique (liée à un seul gène, comme la mucoviscidose), l'autre a 100 % de risque d'être malade. Pour les faux jumeaux, lorsque l'un présente cette maladie, le risque pour l'autre est de 50 ou 25 %, selon les cas. Pour les maladies multifactorielles (comme la schizophrénie, l'autisme, le diabète...), quand un vrai jumeau est atteint, l'autre qui a les mêmes gènes, ne présentent en général que 50 % de risque d'en souffrir. Cela prouve que des facteurs de l'environnement influent sur le destin. Mais des facteurs génétiques interviennent aussi puisque dans ces cas-là, pour les faux jumeaux, quand l'un est atteint, le risque pour l'autre est d'environ 10 %. L'autre manière d'analyser le rôle de la génétique dans les pathologies ou les comportements, c'est d'identifier les gènes associés en comparant l'orthographe du génome des personnes concernées ou non. On connaît ainsi déjà quelques gènes associés aux comportements violents. Mais on sait que lorsque des rats génétiquement prédisposés à la violence sont élevés par des souches de rats doux, ils cessent d'agresser leurs congénères. Le fait d'avoir un terrain génétique ne suffit pas : l'éducation est importante.

    Peut-on alors intervenir pour prévenir certains comportements ?

    Pour prévenir, il faut prédire. La génétique seule ne peut pas prédire, sauf dans les rares cas de maladies monogéniques, l'environnement à lui seul non plus. Si l'on trace deux cercles, l'un représentant la population affectée par une prédisposition génétique par exemple à la violence et l'autre représentant la population soumise à un environnement favorable à la violence, les populations à risque ne se situent que dans l'espace d'intersection commun aux deux cercles. On pourrait sans doute trouver des facteurs génétiques de beaucoup de comportements, qui mettraient en cause, 100 voire 1 000 gènes. L'objectif de la découverte de tels gènes n'est pas la prédiction, vu l'importance de l'environnement. En revanche, ces 1 000 gènes codent pour des protéines qui rentrent dans des circuits biologiques et qui vont permettre de comprendre comment un trait se fabrique. La génétique n'est pas une religion, mais un outil qui nous rapproche des mécanismes moléculaires du vivant.

    La pédophilie peut être un comportement d'origine génétique ? Et le suicide ?

    Pour la pédophilie, on n'en sait rien. Mais, comme pour tous les comportements extrêmes, il pourrait y avoir une composante génétique. Mais cela n'a pas été recherché. On connaît déjà en revanche plusieurs affections qui comportent un risque suicidaire important, comme la dépression et la schizophrénie. Or la présence de facteurs génétiques dans ces maladies est clairement établie. La crainte de certains est qu'un régime autoritaire utilise les techniques génétiques dans un but eugénique. Mais, cette crainte est peu justifiée du fait de la nature multifactorielle de la majorité des caractères. Quelqu'un qui chercherait par exemple à éliminer sur la base de la génétique tous ceux qui risquent de souffrir d'un cancer, d'une maladie cardio-vasculaire, ou d'une maladie neurologique serait obligé de rayer toute la population de la carte. Si l'on voulait se débarrasser de tous les porteurs d'un des gènes associés à l'agressivité identifiés (monoamine oxydase), il faudrait détruire 20 % des humains.

    Trouver des facteurs génétiques ne signifie pas dédouaner le système social, mais au contraire l'aider à trouver des solutions humainement acceptables.

    Par Le Figaro
Chargement...
X