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France-Algérie : peut-on construire une mémoire commune “sans repentance ni excuses” ?

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  • France-Algérie : peut-on construire une mémoire commune “sans repentance ni excuses” ?

    Courrier international - Paris Publié le 22/01/2021 -

    Le rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie, remis à Emmanuel Macron le 20 janvier, cherche à “réconcilier les mémoires” des deux côtés de la Méditerranée, mais la France a averti qu’elle n’offrirait “ni repentance ni excuse” au peuple algérien, suscitant des réactions contrastées dans la presse algérienne et internationale.

    En commandant le rapport, Emmanuel Macron – premier chef d’État français à être né après la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962) – “s’est aventuré sur un terrain sensible où les six derniers présidents français avaient hésité à mettre les pieds”, observe le New York Times.

    “Le passé colonial de la France en Algérie est un traumatisme qui continue de façonner la France moderne”, poursuit le quotidien américain. “Les millions de résidents français qui, à des degrés divers, ont des liens avec l’Algérie, ont des vues divergentes de l’histoire coloniale et de la guerre, rendant risquée toute clarification politique officielle”.

    “L’histoire de la colonisation et de la guerre ne se raconte pas de la même façon à Alger qu’à Paris”, confirme El País. “Mais même à l’intérieur de la France, il n’existe pas de récit unifié sur la signification de la période”, souligne le quotidien espagnol.

    D’où la proposition phare du rapport Stora : la création d’une commission “Mémoire et Vérité” à laquelle il reviendra “d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie sur les questions de mémoires”.

    “Regarder l’histoire en face”

    Cette proposition – d’ores et déjà acceptée par la France – s’accompagne d’une vingtaine d’autres recommandations, telles que le partage d’archives, la création de lieux de mémoire, la reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat et militant politique Ali Boumendjel en 1957, la publication d’un guide des disparus algériens et européens pendant la guerre, ou l’entrée au Panthéon de l’avocate Gisèle Halimi, figure d’opposition à la guerre d’Algérie.

    “À charge pour l’Exécutif français, et à sa tête le président Macron, d’étudier et de mettre en œuvre les préconisations de l’historien Benjamin Stora”, commente le quotidien algérien El Watan, pour qui “il semblerait que l’Élysée ait choisi la démarche de la reconnaissance de la colonisation et de ses crimes par la ‘vérité’ et des ‘actes’”.

    Point d’excuses, cependant, relève Algérie Part, citant une déclaration de l’Élysée diffusée après la remise du rapport. “Il s’agit de ‘regarder l’histoire en face’ d’une ‘façon sereine et apaisée’ afin de ‘construire une mémoire de l’intégration’” résume le site algérien. “C’est ‘une démarche de reconnaissance’ mais ‘il n’est pas question de repentance’ et ‘de présenter des excuses’”.

    Une position qui étonne le Middle East Eye. “Ces déclarations peuvent paraître surprenantes à certains, sachant que Macron avait qualifié la colonisation de ‘crime contre l’humanité’ lors d’une visite à Alger en 2017, alors qu’il n’était encore que candidat à la présidence”.

    Selon le site d’information, l’Élysée a insisté sur le fait que Macron “ne regrettait pas” ses déclarations d’il y a quatre ans. “Il n’y a rien de plus à ajouter, mais il y a beaucoup à faire”, a assuré la présidence française, promettant “des paroles” et des “actions” dans les prochains mois.

    “Tragédie française”


    Pour le 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, en 2022, l’Élysée a d’ores et déjà confirmé qu’Emmanuel Macron participerait à trois journées de commémoration : la journée nationale des harkis le 25 septembre, la répression d’une manifestation d’Algériens le 17 octobre 1961 et les accords d’Evian du 19 mars 1962.

    Pour le quotidien L’Expression, “les relations entre l’Algérie et la France semblent entamer une nouvelle phase, un nouvel élan et un rythme nouveau”. Prudemment optimiste, il estime qu’une “réconciliation des mémoires permettra une nouvelle impulsion aux relations algéro-françaises”.

    Mais dans les colonnes de Liberté, l’historien Mohamed El-Korso ne partage pas cet avis. “Je pense que pour parvenir à un véritable dialogue sain et serein, capable de faire avancer les choses, il faudrait que la France reconnaisse de manière claire et franche qu’il y a eu crime contre l’humanité”, déclare-t-il. “Il s’agit pour elle de faire le même pas que l’Allemagne a fait envers la France, en reconnaissant ses crimes durant la Seconde Guerre mondiale. Je crois qu’il est dommageable que la France, qui s’est excusée envers les juifs, ne s’excuse pas auprès des Algériens”.

    En Suisse, Le Temps n’est guère optimiste et considère que le rapport Stora “n’est pas de nature à tourner la page de l’aventure algérienne de la France”.

    “Trop de larmes, de frustrations et de sang versé continuent d’empoisonner cette impossible décolonisation psychologique”, estime Richard Werly, le correspondant du journal à Paris. “L’Algérie est une tragédie française que beaucoup refusent encore de regarder en face”.
    Ce que vous faites de bien et de mal, vous le faites à vous
    Mahomet
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