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Une cartographie sensible du peuple sahraoui
Un très beau documentaire porte témoignage des souffrances du peuple sahraoui, de son courage et de ses rêves au souffle du désert. Les récits sont cruels.
Territoire perdu, de Pierre-Yves Vanderweerd France-Belgique. 1 h 15 C’est au Sahara une terre, celle des Sahraouis. Proie de la Mauritanie jusqu’en 1979, elle est aujourd’hui encore celle du Maroc qui en occupe une partie et dispute l’autre d’un cessez-le-feu en armes au Front de libération du Sahara occidental. Un mur édifié par l’armée marocaine les sépare, que le cinéaste Pierre-Yves Vandeweerd ne franchira pas, en réfutant ainsi le bornage. Au peuple sahraoui en exil, à ses soldats oubliés, il réservera l’attention scrupuleuse d’un cinéaste-poète, familier de l’ouest saharien (Racines lointaines, le Cercle des noyés, les Dormants).
Épaulé d’une caméra super 8 nomade, dont les bobines n’autorisent pas le gaspillage, réinventant le son d’ancestrales cavernes, Pierre-Yves Vanderweerd emplit le désert de son regard, du nuancier qui relie le noir au blanc. Des camps où l’indifférence confine près de 160 000 Sahraouis aux horizons tendus que doublent des lignes de silence, il va inventer une cartographie. Faisant halte chaque fois à une distance précise du mur, il tisse témoignages et paysages. Les récits sont cruels. Il en émane une douleur d’autant plus vaste que les mots nous parviennent face aux figures muettes de ceux qui les ont proférés. Alors l’abîme du temps se creuse. Près d’une fine calligraphie d’arbres prête de s’effacer, un homme se souvient. C’était en novembre 1975, la fuite vers l’est des Sahraouis, encerclés par l’armée mauritanienne au sud, par celle du Maroc au nord. Plus loin, un autre décline l’horreur des camps de réfugiés sous les bombes de l’aviation marocaine. Le feu, les corps dont les rares hommes survivants ensachent les fragments épars. Dans une posture de dénuement au seuil de sa tente, une femme se remémore elle aussi la faim, la soif, les souffrances. Les hommes disparus ou tués, il fallait prendre en charge vieillards et enfants. Sur ce bout de terre concédé par l’Algérie pour dresser des abris de fortune, son espoir de retour au pays natal s’obstine dans un lé de soleil. Trab es Sahil, la terre des rivages, sa terre. La piste file sous les roues. Les soldats sans guerre visible du Front de libération patrouillent au prisme des reflets trompeurs, bivouaquent dans des ruines. Les membres d’un petit peloton fixent tour à tour l’objectif vers notre monde où tant d’images font écran. Par instants, des halos de lumière se perdent dans celle du jour. Par téléphone depuis l’autre côté du mur, des jeunes femmes racontent les arrestations constantes des Sahraouis, les coups, humiliations et menaces de viol… Les ombres portées se frangent de traînes sinistres. Un vieil homme répond aux égarements de l’exil. Il a appris que « le cercle des mots est étroit. Celui du commerce plus encore. » « Il faut, dit-il, comprendre sa terre, en faire une arme et une alliée. » Dans leur enclos où le film s’entamait et se boucle, les chameaux lancent du fond de leur gorge leur longue alerte.
Un très beau documentaire porte témoignage des souffrances du peuple sahraoui, de son courage et de ses rêves au souffle du désert. Les récits sont cruels.
Territoire perdu, de Pierre-Yves Vanderweerd France-Belgique. 1 h 15 C’est au Sahara une terre, celle des Sahraouis. Proie de la Mauritanie jusqu’en 1979, elle est aujourd’hui encore celle du Maroc qui en occupe une partie et dispute l’autre d’un cessez-le-feu en armes au Front de libération du Sahara occidental. Un mur édifié par l’armée marocaine les sépare, que le cinéaste Pierre-Yves Vandeweerd ne franchira pas, en réfutant ainsi le bornage. Au peuple sahraoui en exil, à ses soldats oubliés, il réservera l’attention scrupuleuse d’un cinéaste-poète, familier de l’ouest saharien (Racines lointaines, le Cercle des noyés, les Dormants).
Épaulé d’une caméra super 8 nomade, dont les bobines n’autorisent pas le gaspillage, réinventant le son d’ancestrales cavernes, Pierre-Yves Vanderweerd emplit le désert de son regard, du nuancier qui relie le noir au blanc. Des camps où l’indifférence confine près de 160 000 Sahraouis aux horizons tendus que doublent des lignes de silence, il va inventer une cartographie. Faisant halte chaque fois à une distance précise du mur, il tisse témoignages et paysages. Les récits sont cruels. Il en émane une douleur d’autant plus vaste que les mots nous parviennent face aux figures muettes de ceux qui les ont proférés. Alors l’abîme du temps se creuse. Près d’une fine calligraphie d’arbres prête de s’effacer, un homme se souvient. C’était en novembre 1975, la fuite vers l’est des Sahraouis, encerclés par l’armée mauritanienne au sud, par celle du Maroc au nord. Plus loin, un autre décline l’horreur des camps de réfugiés sous les bombes de l’aviation marocaine. Le feu, les corps dont les rares hommes survivants ensachent les fragments épars. Dans une posture de dénuement au seuil de sa tente, une femme se remémore elle aussi la faim, la soif, les souffrances. Les hommes disparus ou tués, il fallait prendre en charge vieillards et enfants. Sur ce bout de terre concédé par l’Algérie pour dresser des abris de fortune, son espoir de retour au pays natal s’obstine dans un lé de soleil. Trab es Sahil, la terre des rivages, sa terre. La piste file sous les roues. Les soldats sans guerre visible du Front de libération patrouillent au prisme des reflets trompeurs, bivouaquent dans des ruines. Les membres d’un petit peloton fixent tour à tour l’objectif vers notre monde où tant d’images font écran. Par instants, des halos de lumière se perdent dans celle du jour. Par téléphone depuis l’autre côté du mur, des jeunes femmes racontent les arrestations constantes des Sahraouis, les coups, humiliations et menaces de viol… Les ombres portées se frangent de traînes sinistres. Un vieil homme répond aux égarements de l’exil. Il a appris que « le cercle des mots est étroit. Celui du commerce plus encore. » « Il faut, dit-il, comprendre sa terre, en faire une arme et une alliée. » Dans leur enclos où le film s’entamait et se boucle, les chameaux lancent du fond de leur gorge leur longue alerte.
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