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Lire dans nos pensées est ce possible?

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  • Lire dans nos pensées est ce possible?

    La tragédie de Virginia Tech a relancé aux Etats-Unis un débat récurrent entre chercheurs. Aurait-il été possible d'anticiper un tel massacre et d'identifier le tueur avant son passage à l'acte ? Pur fantasme ? Toujours est-il qu'en Europe et aux Etats-Unis des technologies sont imaginées et même testées pour anticiper au plus tôt les pensées et les intentions d'un individu. Une quête digne du film futuriste Minority Report...

    Ainsi, certains chercheurs estiment que les progrès de l'imagerie cérébrale pourraient non seulement permettre d'analyser l'activité du cerveau, mais également d'y débusquer des projets naissants. "Chaque pensée, et donc chaque intention, est associée à un schéma unique d'activité du cerveau, explique John-Dylan Haynes, chercheur au Max Planck Institute pour les sciences de la cognition et du cerveau. Ainsi, le projet d'une attaque terroriste doit correspondre à un schéma particulier. Si on est capable de le reconnaître, on doit pouvoir prédire que quelqu'un fomente un tel complot."

    Le scientifique, qui travaille avec l'University College de Londres et d'Oxford, a demandé à des volontaires dont le cerveau était scruté par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) de choisir entre l'addition et la soustraction, puis de réaliser l'opération avec deux chiffres présentés sur un écran, entre 3 et 10 secondes plus tard. Un logiciel de reconnaissance de formes a permis d'identifier que des images cérébrales distinctes étaient obtenues selon que le sujet avait choisi l'addition ou la soustraction. Le taux de réussite de la prédiction a atteint 71 % grâce aux images prises dans le cortex préfrontal médian, une région impliquée dans la préparation de mouvements volontaires.

    L'exploitation possible de ces résultats, pour préliminaires qu'ils soient, inquiète M. Haynes, qui appelle à la vigilance - et à la réflexion éthique - vis-à-vis de ces nouvelles techniques. Pour lui, il faudrait réglementer leur utilisation afin qu'elles ne soient pas utilisées à des fins commerciales et de marketing. Le scientifique estime que l'imagerie cérébrale pourrait donner de meilleurs résultats que les actuels détecteurs de mensonges. "Nous accédons directement au cerveau, et il sera beaucoup plus difficile de brouiller cette mesure parce que les suspects n'apprendront pas facilement comment manipuler la machine." Le Graal, dans ce domaine, serait de découvrir des schémas de pensées communs à tous les êtres humains. "Le problème, reconnaît M. Haynes, c'est que les détails des pensées correspondent à des schémas d'activité cérébrale différents suivant les individus. Nous avons beaucoup de recherches à mener."

    Une telle incursion dans le secret des neurones est fortement nuancée par plusieurs spécialistes. Même s'il devenait possible de détecter le projet d'un individu, cela ne pourrait se faire qu'avec sa pleine collaboration soutient Jean-Luc Martinot, responsable de l'équipe "Imagerie cérébrale en psychiatrie" de l'Inserm-CEA. Assez improbable de la part d'un terroriste. Autre réserve, celle de Stanislas Dehaene, directeur de l'unité mixte Inserm-CEA de neuro-imagerie cognitive à Orsay. Il note que, s'il est possible d'identifier dans le cerveau certaines notions abstraites, elles sont encore très grossières, comme la différence entre la vision d'un visage et celle d'une maison ou celle entre un X et un L. "En effet, ces observations ne descendent jamais au niveau neuronal du fait de la limitation des techniques d'analyse à des volumes contenant plusieurs dizaines de milliers de neurones", souligne-t-il.

    Pour autant, quelle que soit la fiabilité réelle de cette approche, Jean-Claude Ameisen, président du comité d'éthique de l'Inserm, souligne qu'il existe un risque d'utilisation avec surinterprétation des informations fournies par l'imagerie cérébrale. Un peu comme cela a pu être le cas avec le sérum de vérité au milieu du XXe siècle. Pour lui, le danger réside dans la "tentation des explications simples" exercée par le côté magique de l'image. "Ce que l'on voit a plus de force de conviction", remarque-t-il.

    Signe de l'époque, sans même entrer dans le cerveau, d'autres outils d'aide à l'anticipation des "comportements dangereux" sont actuellement en cours de développement ou même sur le marché aux Etats-Unis. Ils utilisent tous les images vidéo.

    Une entreprise de Reston en Virginie, ObjectVideo, propose déjà des logiciels de surveillance "intelligents" décryptant les comportements et utilisés notamment en Irak par les soldats américains, dans le métro de Barcelone ou le port de Jacksonville en Floride pour détecter les dangers potentiels.

    Les recherches se multiplient. A l'université du Maryland, Rama Chellappa travaille sur l'interprétation de la démarche afin de détecter une menace lorsque, par exemple, l'allure d'une personne est altérée par le transport d'une charge lourde. Les chercheurs tentent également de repérer automatiquement l'abandon volontaire d'une mallette ou les déplacements d'une voiture à l'autre dans un parking.

    Chez IBM également, des logiciels de traitement des images vidéo sont en cours d'élaboration afin de déceler les comportements apparaissant comme suspects. L'objectif est de traiter automatiquement le flot croissant d'images qui submerge le personnel de sécurité et impose un degré d'attention intenable sur de longues périodes. En matière d'analyse de ces images, "il n'existe plus d'obstacles technologiques", explique Nicolas Sekkaki, directeur général d'IBM Global Technology Services. Il ne reste qu'à perfectionner les logiciels de filtrage des informations afin d'en extraire les plus utiles. "Exactement comme ce que fait le cerveau humain", note-t-il.

    Au-delà même de la sécurité, IBM envisage une exploitation de ces prochains logiciels à des fins de marketing pour répondre par exemple à l'envie des grands distributeurs de connaître les désirs de leurs clients sans que ceux-ci aient à les exprimer. "Il sera possible, en interprétant par exemple les mouvements d'hésitation d'une personne dans un rayon, de déduire qu'elle a besoin d'informations supplémentaires", indique M. Sekkaki. Et de commander sur un écran ad hoc l'affichage automatique d'un comparateur de prix, d'une fiche technique ou d'un message publicitaire.

    DIFFÉRENTES TENTATIVES

    LA VOIE PHYSIOLOGIQUE.
    Amorcé dès 1913 par William Moulton Marston, le polygraphe veut détecter l'émotion qu'un mensonge provoque en mesurant des réactions physiologiques (salivation, transpiration, pression sanguine...)

    LA VOIE CHIMIQUE.
    Sérums de vérité, développés pendant la guerre froide, et composés de drogues dont la plus célèbre est le penthotal. Ils sont désormais jugés inefficaces, sauf si la personne interrogée est persuadée du contraire.

    LA VOIE ÉLECTRIQUE.
    Développée dans les années 1980 par Lawrence Farwell. Par électrocardiogramme, cette technique relève les réactions d'un individu à des mots, phrases ou images. Ces signaux sont ensuite analysés pour voir s'ils correspondent à des informations présentes dans sa mémoire.

    Par le Monde
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