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Alger republicain 4 février 2021
Hommage à Derradji Dilmi : un fils du peuple qui a consacré sa vie à l’émancipation de la classe ouvrière et à l’édification d’une nation souveraine
y a un an disparaissait à l’âge de 72 ans notre regretté Derradji Dilmi, ancien secrétaire-général du syndicat des sidérurgistes du complexe d’El Hadjar à Annaba.
Son nom est étroitement associé aux luttes syndicales mémorables des années 1970 au début des années 1990. Il évoque les luttes glorieuses des militants du Parti de l’Avant-Garde Socialiste (PAGS) pour doter la classe ouvrière de structures syndicales démocratiques de classe, affranchies de la tutelle du parti du FLN et de l’idéologie anti-socialiste. Leur militantisme inlassable a visé à forger les instruments d’expression des aspirations sociales et politiques des travailleurs, en vue du triomphe du socialisme. Il tendait à orienter leur mobilisation pour l’édification des bases économiques de l’affranchissement du pays des tendances dominatrices de l’impérialisme et de l’influence désagrégatrice des couches sociales parasitaires, ses alliées intérieures.
Premiers pas dans la vie syndicale et politique d’un fils du peuple
Derradji Dilmi est né en 1948 dans une famille très pauvre d’un village de la région de Sétif. Son père, employé comme journalier chez un colon ne pouvait nourrir, avec le salaire de misère qu’il percevait, une famille de plus en plus nombreuse. Il dut émigrer en 1954 en France où comme beaucoup d’autres Algériens sans qualification professionnelle, il se fit recruter sur un chantier de construction. Cela lui permettait d’envoyer de l’argent à sa famille restée au pays.
Derradji ne pourra commencer à fréquenter l’école qu’à l’âge de 10 ans. Grâce à ses aptitudes intellectuelles précoces et à l’attention d’un maître d’école dévoué il rattrape très vite son retard. Mais c’est à l’indépendance que le fils d’ouvrier émigré bénéficiera des conditions matérielles d’études assurées par l’Etat algérien en faveur des enfants de condition modeste. Il put mener et achever ses études dans le secondaire technique. L’enseignement de qualité qu’il reçut au lycée technique de Dellys le dotera d’un solide bagage grâce auquel il ira plus loin dans l’acquisition d’un savoir-faire pointu au moment où la sidérurgie algérienne préparera son envol.
Dilmi doit chercher un travail à la fin de ses études secondaires en juin 1969. Muni du Brevet de Technicien spécialisé, il se fait recruter par la Société Nationale de Sidérurgie (SNS) en octobre de la même année. La société venait de faire démarrer en 1969 le haut fourneau et la tuberie spiralée. Elle l’aide à compléter sa formation en Algérie même puis l’envoie à l’étranger pour acquérir le métier de technicien supérieur en automatisme. C’est au cours de sa formation à Milan et à Nancy qu’il fait la rencontre de syndicalistes de classe lors de stages en usine. En Italie il fréquente des militants de gauche et participe à leurs manifestations. En France il assimile les méthodes de lutte de la classe ouvrière au contact des militants de la CGT.
Poussé par ses convictions de fils d’ouvrier aspirant à une société libérée des injustice sociales et de l’exploitation, il entame en 1974 sa vie de militant syndicaliste. Il joue un rôle important dans le déclenchement d’une grève pour une augmentation du salaire des sidérurgistes compte tenu de la dureté de leurs conditions de travail. La direction finit au bout de quelques jours par admettre le bien-fondé de la revendication. Les responsables du parti FLN pour qui le militantisme n’était plus que source de privilèges ont quant à eux du mal à avaler les résultats de cette action qu’ils avaient désavouée et qualifiée d’illégale. Une accusation qui pouvait valoir à son auteur de lourdes sanctions voire le licenciement. Formés dans le moule de l’anti-communisme primaire pratiqué depuis des décennies par le mouvement nationaliste, ils voient la main des communistes derrière chaque contestation ouvrière. Dilmi sera cependant élu en 1977 président de l’Assemblée des travailleurs de l’unité( ATU). D’autres militants du PAGS viennent eux aussi l’épauler en arrivant à contourner les barrages dressés par les défenseurs de l’hégémonie du FLN.
Ce « petit » changement qualitatif va ébranler les méthodes imposées jusque-là par les équipe du FLN, méthodes complètement étrangères aux principes du vrai syndicalisme. Derradji et ses camarades provoquent une rupture avec les conceptions et les pratiques autoritaires d’avant. Finie l’ère de l’aristocratie syndicale pour qui le syndicalisme se confond avec la filouterie, la délation, les ententes avec les patrons -privés ou publics- pour obtenir de petits avantages personnels indus sur le dos de la masse des travailleurs. Révolu le temps où l’homme de paille installé sous la casquette de « syndicaliste » par l’appareil du parti unique doit se faire obéir par les travailleurs et n’a aucun compte à leur rendre. Désormais, les responsables syndicaux doivent être élus et non désignés par la kasma du FLN. Ils doivent se présenter avec un programme et livrer des comptes-rendus réguliers de leurs activités aux travailleurs qui ont le droit de les rejeter. Un responsable élu peut faire l’objet d’un retrait de confiance par les travailleurs. Les décisions ne peuvent être que collégiales. Elles doivent être prises après discussions préalables et participation élargie à l’ensemble des travailleurs.
C’est un véritable séisme ! L ‘émergence d’un noyau de syndicalistes bousculant les mauvaises habitudes transforme la conscience des travailleurs eux-mêmes. Ils viennent quasiment tous de la paysannerie et n’ont encore aucune expérience de l’action collective consciente, organisée et disciplinée qui ne se forge que dans les concentrations ouvrières. Toute l’expérience collective du mouvement ouvrier national et international est condensée dans les nouvelles règles introduites par Dilmi et ses camarades. Elle est acceptée comme quelque chose de naturel et de logique, parce qu’elle reflète leurs attentes et leur vie d’ouvriers comprenant que sans associer démocratie et discipline stricte mais librement acceptée on ne peut ni obtenir satisfaction des revendications légitimes ni participer activement à la réalisation des options de progrès du pays, à la construction et à la défense de son indépendance. Dilmi et ses compagnons ont accompli en 3 ans un extraordinaire travail pédagogique dont ils découvrent les règles par eux-mêmes autant que par assimilation de l’expérience de leurs aînés dans leur parti (1).
Cette riche expérience des luttes ouvrières ininterrompues accumulée depuis le début du 20 ème siècle est transmise par d’innombrables canaux à travers les liens tissés par le PAGS dans la société (2).
Ecarté par le pouvoir réactionnaire de Chadli parce que sa devise était : « Servir et non se servir »
Dilmi et ses nombreux camarades étaient porteurs de la confiance des travailleurs. L’estime et la reconnaissance dont ils jouissaient étaient le fruit de leurs luttes courageuses et persévérantes pour faire entendre la voix des travailleurs dans un système politique hégémonique n’admettant surtout pas la libre organisation d’un mouvement prolétarien.
Dilmi et ses compagnons sont écartés du syndicat par la force au début des années 1980, en application d’une disposition scélérate introduite par les nouveaux dirigeants, le fameux article 120. Mais ils seront plébiscités en 1989 par la grande majorité des 13000 ouvriers et cadres du complexe. Ils sont élus en dépit des actions d’obstruction désespérées des nervis du régime de Chadli tentant par des manœuvres vouées à l’échec de maintenir le syndicat sous leur tutelle anti-ouvrière, à contre-courant de la tempête qui venait de se lever dans tout le pays. Les fantoches parachutés par le FLN et l’UGTA mise au pas ne réussirent pas à colmater les grandes brèches ouvertes dans les pratiques antidémocratiques du régime prédateur.
L’immense espoir soulevé par l’explosion populaire du 5 Octobre 1988 et la grande mobilisation qui s’ensuivit faisaient leur œuvre de salubrité.
Dans leur tentative de provoquer un réflexe de répulsion au sein des travailleurs, les fantoches vomis de l’Union de Wilaya de l’UGTA n’avaient pas reculé devant les attaques les plus odieuses. Comme à leur habitude, dès qu’ils sentent qu’ils ont en face d’eux des militants du PAGS, ils leur collent l’étiquette de « mécréants ». Peine perdue, ils se cassèrent les dents sur l’unité et la volonté des travailleurs de les jeter à la poubelle.
Alger republicain 4 février 2021
Hommage à Derradji Dilmi : un fils du peuple qui a consacré sa vie à l’émancipation de la classe ouvrière et à l’édification d’une nation souveraine
y a un an disparaissait à l’âge de 72 ans notre regretté Derradji Dilmi, ancien secrétaire-général du syndicat des sidérurgistes du complexe d’El Hadjar à Annaba.
Son nom est étroitement associé aux luttes syndicales mémorables des années 1970 au début des années 1990. Il évoque les luttes glorieuses des militants du Parti de l’Avant-Garde Socialiste (PAGS) pour doter la classe ouvrière de structures syndicales démocratiques de classe, affranchies de la tutelle du parti du FLN et de l’idéologie anti-socialiste. Leur militantisme inlassable a visé à forger les instruments d’expression des aspirations sociales et politiques des travailleurs, en vue du triomphe du socialisme. Il tendait à orienter leur mobilisation pour l’édification des bases économiques de l’affranchissement du pays des tendances dominatrices de l’impérialisme et de l’influence désagrégatrice des couches sociales parasitaires, ses alliées intérieures.
Premiers pas dans la vie syndicale et politique d’un fils du peuple
Derradji Dilmi est né en 1948 dans une famille très pauvre d’un village de la région de Sétif. Son père, employé comme journalier chez un colon ne pouvait nourrir, avec le salaire de misère qu’il percevait, une famille de plus en plus nombreuse. Il dut émigrer en 1954 en France où comme beaucoup d’autres Algériens sans qualification professionnelle, il se fit recruter sur un chantier de construction. Cela lui permettait d’envoyer de l’argent à sa famille restée au pays.
Derradji ne pourra commencer à fréquenter l’école qu’à l’âge de 10 ans. Grâce à ses aptitudes intellectuelles précoces et à l’attention d’un maître d’école dévoué il rattrape très vite son retard. Mais c’est à l’indépendance que le fils d’ouvrier émigré bénéficiera des conditions matérielles d’études assurées par l’Etat algérien en faveur des enfants de condition modeste. Il put mener et achever ses études dans le secondaire technique. L’enseignement de qualité qu’il reçut au lycée technique de Dellys le dotera d’un solide bagage grâce auquel il ira plus loin dans l’acquisition d’un savoir-faire pointu au moment où la sidérurgie algérienne préparera son envol.
Dilmi doit chercher un travail à la fin de ses études secondaires en juin 1969. Muni du Brevet de Technicien spécialisé, il se fait recruter par la Société Nationale de Sidérurgie (SNS) en octobre de la même année. La société venait de faire démarrer en 1969 le haut fourneau et la tuberie spiralée. Elle l’aide à compléter sa formation en Algérie même puis l’envoie à l’étranger pour acquérir le métier de technicien supérieur en automatisme. C’est au cours de sa formation à Milan et à Nancy qu’il fait la rencontre de syndicalistes de classe lors de stages en usine. En Italie il fréquente des militants de gauche et participe à leurs manifestations. En France il assimile les méthodes de lutte de la classe ouvrière au contact des militants de la CGT.
Poussé par ses convictions de fils d’ouvrier aspirant à une société libérée des injustice sociales et de l’exploitation, il entame en 1974 sa vie de militant syndicaliste. Il joue un rôle important dans le déclenchement d’une grève pour une augmentation du salaire des sidérurgistes compte tenu de la dureté de leurs conditions de travail. La direction finit au bout de quelques jours par admettre le bien-fondé de la revendication. Les responsables du parti FLN pour qui le militantisme n’était plus que source de privilèges ont quant à eux du mal à avaler les résultats de cette action qu’ils avaient désavouée et qualifiée d’illégale. Une accusation qui pouvait valoir à son auteur de lourdes sanctions voire le licenciement. Formés dans le moule de l’anti-communisme primaire pratiqué depuis des décennies par le mouvement nationaliste, ils voient la main des communistes derrière chaque contestation ouvrière. Dilmi sera cependant élu en 1977 président de l’Assemblée des travailleurs de l’unité( ATU). D’autres militants du PAGS viennent eux aussi l’épauler en arrivant à contourner les barrages dressés par les défenseurs de l’hégémonie du FLN.
Ce « petit » changement qualitatif va ébranler les méthodes imposées jusque-là par les équipe du FLN, méthodes complètement étrangères aux principes du vrai syndicalisme. Derradji et ses camarades provoquent une rupture avec les conceptions et les pratiques autoritaires d’avant. Finie l’ère de l’aristocratie syndicale pour qui le syndicalisme se confond avec la filouterie, la délation, les ententes avec les patrons -privés ou publics- pour obtenir de petits avantages personnels indus sur le dos de la masse des travailleurs. Révolu le temps où l’homme de paille installé sous la casquette de « syndicaliste » par l’appareil du parti unique doit se faire obéir par les travailleurs et n’a aucun compte à leur rendre. Désormais, les responsables syndicaux doivent être élus et non désignés par la kasma du FLN. Ils doivent se présenter avec un programme et livrer des comptes-rendus réguliers de leurs activités aux travailleurs qui ont le droit de les rejeter. Un responsable élu peut faire l’objet d’un retrait de confiance par les travailleurs. Les décisions ne peuvent être que collégiales. Elles doivent être prises après discussions préalables et participation élargie à l’ensemble des travailleurs.
C’est un véritable séisme ! L ‘émergence d’un noyau de syndicalistes bousculant les mauvaises habitudes transforme la conscience des travailleurs eux-mêmes. Ils viennent quasiment tous de la paysannerie et n’ont encore aucune expérience de l’action collective consciente, organisée et disciplinée qui ne se forge que dans les concentrations ouvrières. Toute l’expérience collective du mouvement ouvrier national et international est condensée dans les nouvelles règles introduites par Dilmi et ses camarades. Elle est acceptée comme quelque chose de naturel et de logique, parce qu’elle reflète leurs attentes et leur vie d’ouvriers comprenant que sans associer démocratie et discipline stricte mais librement acceptée on ne peut ni obtenir satisfaction des revendications légitimes ni participer activement à la réalisation des options de progrès du pays, à la construction et à la défense de son indépendance. Dilmi et ses compagnons ont accompli en 3 ans un extraordinaire travail pédagogique dont ils découvrent les règles par eux-mêmes autant que par assimilation de l’expérience de leurs aînés dans leur parti (1).
Cette riche expérience des luttes ouvrières ininterrompues accumulée depuis le début du 20 ème siècle est transmise par d’innombrables canaux à travers les liens tissés par le PAGS dans la société (2).
Ecarté par le pouvoir réactionnaire de Chadli parce que sa devise était : « Servir et non se servir »
Dilmi et ses nombreux camarades étaient porteurs de la confiance des travailleurs. L’estime et la reconnaissance dont ils jouissaient étaient le fruit de leurs luttes courageuses et persévérantes pour faire entendre la voix des travailleurs dans un système politique hégémonique n’admettant surtout pas la libre organisation d’un mouvement prolétarien.
Dilmi et ses compagnons sont écartés du syndicat par la force au début des années 1980, en application d’une disposition scélérate introduite par les nouveaux dirigeants, le fameux article 120. Mais ils seront plébiscités en 1989 par la grande majorité des 13000 ouvriers et cadres du complexe. Ils sont élus en dépit des actions d’obstruction désespérées des nervis du régime de Chadli tentant par des manœuvres vouées à l’échec de maintenir le syndicat sous leur tutelle anti-ouvrière, à contre-courant de la tempête qui venait de se lever dans tout le pays. Les fantoches parachutés par le FLN et l’UGTA mise au pas ne réussirent pas à colmater les grandes brèches ouvertes dans les pratiques antidémocratiques du régime prédateur.
L’immense espoir soulevé par l’explosion populaire du 5 Octobre 1988 et la grande mobilisation qui s’ensuivit faisaient leur œuvre de salubrité.
Dans leur tentative de provoquer un réflexe de répulsion au sein des travailleurs, les fantoches vomis de l’Union de Wilaya de l’UGTA n’avaient pas reculé devant les attaques les plus odieuses. Comme à leur habitude, dès qu’ils sentent qu’ils ont en face d’eux des militants du PAGS, ils leur collent l’étiquette de « mécréants ». Peine perdue, ils se cassèrent les dents sur l’unité et la volonté des travailleurs de les jeter à la poubelle.
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