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Diplomatie : des "changements", mais pas de "table rase"

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  • Diplomatie : des "changements", mais pas de "table rase"

    Nicolas Sarkozy sera le premier président français à ne pas avoir vécu ou été aux affaires lors des grands bouleversements traversés par la France au XXe siècle : la seconde guerre mondiale, la décolonisation, la guerre d'Algérie... Quand le mur de Berlin est tombé, il était maire de Neuilly-sur-Seine et député des Hauts-de-Seine. Au moment des attaques du 11 septembre 2001, il était ministre de l'intérieur, engageant à ce titre une coopération étroite avec Washington sur l'antiterrorisme. M. Sarkozy, fils d'un immigré hongrois ayant fui le joug soviétique, est aussi le premier chef d'Etat français à avoir des racines en Europe centrale. A quel point la notion de "rupture" avec les années Chirac s'appliquera-t-elle à sa politique étrangère ? M. Sarkozy a parlé de "changements nécessaires", mais il a aussi dit ne pas vouloir faire "table rase".

    Etats-Unis. Sans renier l'héritage gaulliste, M. Sarkozy ne nourrit pas, à l'égard des Etats-Unis, l'exaspération et l'hostilité qui ont marqué, ces dernières années, les réactions de Jacques Chirac. Les Etats-Unis "peuvent compter sur l'amitié" de la France, a-t-il déclaré au soir de sa victoire électorale. S'il lui est arrivé de critiquer la guerre en Irak (une "erreur historique"), M. Sarkozy veut éviter que les désaccords avec Washington donnent lieu à des empoignades passionnelles ou à des débordements d'"arrogance" - un terme qu'il a employé en allusion à la politique française à l'ONU, en 2003.
    A la notion de "monde multipolaire", qui, pour M. Chirac, revêtait l'idée de contrer les Etats-Unis, M. Sarkozy préfère le terme de multilatéralisme. Mais, sur le fond, les mêmes désaccords devraient surgir avec l'administration Bush : le protocole de Kyoto et le réchauffement climatique, la dimension "mondiale" de l'OTAN, les modalités de la présence militaire occidentale en Afghanistan ou encore la défense de la "diversité culturelle" sont autant de points où l'approche de M. Sarkozy s'inscrit dans la continuité avec M. Chirac. Si un règlement n'intervient pas d'ici au 16 mai, l'une de ses premières tâches sera l'affaire de l'otage français en Afghanistan.

    Droits de l'homme. M. Sarkozy s'est fixé comme priorité la promotion des droits de l'homme, notamment dans les relations avec la Russie et la Chine - des régimes que Jacques Chirac a pris soin d'épargner en la matière. L'idée est de se comporter comme la chancelière allemande, Angela Merkel, qui ose dire son fait à Vladimir Poutine sur la Tchétchénie et le glissement autoritaire du pouvoir russe, sans pour autant perdre de vue les enjeux économiques avec Moscou. Le candidat de l'UMP s'est prononcé contre une levée de l'embargo européen sur les ventes d'armes à la Chine, prenant à contre-pied M. Chirac.
    S'agissant du Darfour, il est favorable à des sanctions accrues contre le régime soudanais, une idée à laquelle M. Chirac s'est rallié tardivement, en mars.

    Proche-Orient. Au Proche-Orient, une page devrait en toute logique être tournée : celle de la "politique arabe de la France", ancrée dans le tournant pris en 1967 par le général de Gaulle, et que Jacques Chirac s'était efforcé de perpétuer, avec des succès mitigés. M. Sarkozy est dépourvu du "bagage" de relations personnelles que M. Chirac a pu entretenir avec des dirigeants arabes, au fil des ans. Son approche de la question libano-syrienne ne relèvera sans doute pas des mêmes impératifs personnels - même si, sur ce point, M. Chirac a insisté pour que l'héritage soit préservé.
    M. Sarkozy a souligné, à plusieurs reprises, l'attachement qu'il porte à la "sécurité d'Israël", qui passe à ses yeux par la création d'un Etat palestinien "indépendant et viable". C'est au sein d'un effort européen commun - qu'il s'agit de réactiver - que la politique française au Proche-Orient doit s'exprimer, estime-t-il. A propos du programme nucléaire de l'Iran, M. Sarkozy tient un discours plus dur que celui de M. Chirac, qui a mis l'accent sur la volonté de dialogue avec Téhéran. Il n'exclut pas que la France adopte des sanctions en dehors du cadre de l'ONU, ce que Jacques Chirac a toujours rejeté.

    Europe élargie. M. Sarkozy est favorable à un rapprochement de l'Ukraine et de la Géorgie avec l'OTAN, ce qui n'est pas le cas de M. Chirac. Il a l'intention de se montrer plus attentif que M. Chirac à l'égard de ces pays comme des nouveaux membres de l'Union européenne. Lors de sa conférence de presse du 28 février, consacrée aux questions internationales, le candidat de l'UMP a qualifié les pays de l'Est de "frères européens". Il a aussi parlé d'une Europe qui s'était "réunifiée", plus qu'élargie.

    Afrique. M. Sarkozy a promis un aggiornamento, en appelant à "définitivement tourner la page des complaisances et des officines" entre la France et l'Afrique. Il rejette en même temps la notion de "repentance" et les culpabilités postcoloniales.
    En affirmant, en mai, à Bamako et à Cotonou, que "la France n'(a) pas économiquement besoin de l'Afrique", le ministre-candidat a inquiété nombre d'Africains, qui y ont vu une menace d'abandon, une rupture avec "Chirac l'Africain". L'"aide" aux Africains, annoncée dimanche soir, sonne comme une volonté d'apaiser cette inquiétude. Mais l'"immigration choisie" que prône M. Sarkozy risque aussi de creuser un fossé.
    Par ailleurs, la visite que le candidat a rendue le 22 mars au président du Gabon, Omar Bongo, dans sa luxueuse résidence parisienne, afin d'y "recueillir ses sentiments d'amitié", a semblé contredire les promesses de rupture - d'autant qu'elle était entourée d'une totale discrétion.

    Philippe Bernard et Natalie Nougayrède(Le Monde)
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