POUR NE PAS OUBLIER
Le massacre de Sétif débute le 8 mai 1945 en Algérie, alors colonie française. Ce jour là, les forces de l'ordre françaises ouvrent le feu sur une manifestation musulmane à Sétif, ainsi qu'à Guelma, autre ville de l'Est algérien. Les manifestants assassinent des Européens sous le coup de la colère et pour obtenir des armes à feu, ce qui déclenche une répression féroce dans tout le Constantinois. L'armée française, avec le soutien de milices civiles qu'elle arme et qui comprendront des prisonniers de guerre des forces de l'Axe, exerce une répression qui va prendre des proportions considérables et durer des semaines. Le nombre de victimes fait débat : certains avancent le chiffre de 45 000 Algériens tués, d'autres estiment le nombre entre 6 000 et 8 000.
Le contexte : la fin de la Seconde Guerre mondiale
La révolution nationale pétainiste avait renforcé en Algérie les partisans d'un ordre colonial brutal. Mais, avec le débarquement américain en novembre 1942, les conditions politiques changent. L'entrée en guerre de l'Afrique du Nord aux côtés des Alliés qui se prépare nécessite des égards vis à vis des populations indigènes. Messali Hadj, chef du pricipal mouvement nationaliste algérien, le Parti du Peuple Algérien (PPA, clandestin), reste cependant emprisonné. Ferhat Abbas, dirigeant des Amis du Manifeste et de la Liberté, demande que les musulmans qui s'apprêtent à entrer en guerre soient assurés de ne pas rester "privés des droits et des libertés essentielles dont jouissent les autres habitants de ce pays".
Le 7 mars 1944, le Comité français de la Libération nationale a adopté une ordonnance attribuant d'office la nationalité française, sans modification de leur statut civil religieux à tous les Indigènes disposant de certains diplômes tels que le certificat d'études, de décorations militaires, etc. En 1945, environ 62 000 combattants en bénéficient, ce qui suscite diverses oppositions dans certains milieux européens en Algérie.
Les dirigeants nationalistes algériens espèrent beaucoup de la première réunion de l'Organisation des Nations unies à San Francisco le 29 avril 1945.
Manifestations nationalistes
Au printemps 1945, l'ambiance est tendue parmi la population européenne où circulent des bruits alarmistes prédisant un soulèvement musulman. D'autant que l'Algérie connaît depuis quelques mois une situation alimentaire catastrophique. Messali Hadj est déporté à Brazzaville le 23 avril 1945. Le PPA organise des manifestations dans tout le pays le 1er mai qui se veulent pacifiques et sans armes, mais pour la première fois est brandi le drapeau algérien (interdit par le gouvernorat général français). Les manifestations se passent dans le calme sauf à à Alger et Oran où ont lieu des affrontements avec la police ; la répression est brutale et fait quelques morts.
Quelques jours plus tard, c'est l'annonce de la reddition allemande et de la fin de la guerre : des manifestations sont prévues un peu partout pour le 8 mai.
Le 8 mai
A Sétif , la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8h. 2000 à 5000 Algériens, chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes), défilent avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux » ou « A bas le colonialisme ». Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et un drapeau algérien. Tout dérape alors : devant le café de France, les commissaires Olivieri et Tort tentent de s’emparer du drapeau. Le porte-drapeau Soual Bouzid chef d'une patrouille de scouts musulmans marchant en tête est abattu par un policier. Immédiatement des tirs provenant de policiers ainsi que de civils à partir des balcons frappent le cortège qui est gagné par la panique. La vingtaine de gendarmes à qui se heurte la foule ouvre un feu meurtrier. La colère des manifestants se retourne contre les Français et fait 28 morts chez les Européens. Dans le même temps, des émeutes éclatent entre Bougie et Jijel.
A Guelma, une manifestation s'ébranle en bon ordre vers 16h. Quand un drapeau algérien apparait, le sous-préfet Achiary entre dans la foule vers le porte-drapeau. Bousculade, il tire, imité par son escorte. Le cortège se débande. Les nouvelles arrivant de Sétif exacerbent la psychose des européens qui se vivent comme encerclés. On distribue des armes aux civils pour épauler l'armée.
Pendant une semaine dans le Constantinois, alors que commence la répression, se produiront de nombreuses violences contre les Européens, surtout dans les fermes isolées. Des femmes sont violées, des actes de barbarie sont commis. Le nombre total d'Européens tués sera estimé à 109.
Le massacre
Le chef du gouvernement français provisoire, le général de Gaulle lance et coordonne (d'après le témoignage du garde des sceaux Teitgen[réf. nécessaire]) l'armée sous le commandement du général Duval dans une répression violente contre la population indigène. La marine participe grâce à son artillerie, ainsi que l'aviation. Deux croiseurs tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie. 10 000 soldats sont engagés dans l’opération. Ces troupes viennent de la Légion étrangère, des tabors marocains, des tirailleurs sénégalais et algériens. Des prisonniers de guerre allemands et italiens sont libérés et armés pour participer à la répression.
Celle-ci est à la mesure de la peur de voir cette manifestation dégénérer en une révolte générale. L’armée, qui était chargée de maintenir l’ordre, était également en sous-effectifs, à cause de la guerre. Des milices se forment sous l'œil bienveillant des autorités qui leur distribuent des armes, et se livrent à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux semaines, l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière. Plusieurs patriotes algériens, comme Ferhat Abbas, qui étaient totalement hostiles aux assassinats de Français qui allaient à l'encontre de toute leur action politique, furent de plus arrêtés.
Peu de citoyens français protestent contre ces massacres. Par exception l'un d'eux, le professeur José Aboulker, médecin juif et résistant (l'un des organisateurs du putsch du 8 novembre 1942, qui a permis le succès de l'Opération Torch à Alger), s'élève contre ces massacres. Il publie plusieurs articles dans le quotidien Alger Républicain, réclamant certes la sanction sévère des meurtriers provocateurs qui avaient assassiné 109 Français, mais à l'issue d'une procédure légale régulière. Et surtout, il dénonce sans réserve les massacres massifs et aveugles de milliers d'Algériens innocents. Il réclame aussi la libération immédiate de Fehrat Abbas, dont tout le monde savait qu'il avait toujours cantonné son action dans le cadre de la légalité. Le professeur Aboulker avait estimé que la défense des innocents devait primer toute considération politique.
Le 19 mai, à la demande du ministre de l’Intérieur Tixier, de Gaulle nomme le général de gendarmerie Tubert, résistant, membre depuis 1943 du Comité central provisoire de la Ligue des droits de l’homme (où siègent également René Cassin, Pierre Cot, Félix Gouin et Henri Laugier), membre de l’Assemblée consultative provisoire, dans le but d’arrêter la répression.
En effet, à partir du 19 mai, les ordres du général Duval changent complètement de nature et la milice de Guelma est dissoute. Mais, pendant six jours, du 19 au 25 mai, la commission fait du sur-place à Alger. Officiellement on attendait l’un de ses membres « retenu » à Tlemcen. Dans les faits, c'est bien Tubert qui est retenu à Alger. On ne le laisse partir pour Sétif que le 25 mai, quand tout y était terminé. Et, à peine arrivé à Sétif, il est rappelé à Alger le lendemain, le 26, sur ordre du gouvernement, par le gouverneur général Chataigneau. Si bien qu’il ne peut se rendre à Guelma.
La répression prend fin officiellement le 22 mai. Des officiers exigent la soumission publique, à genoux, des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata.
Les dernières victimes sont tuées le 25 mai. Mais, pendant de longs mois les indigènes qui, dans les campagnes, se déplaçaient le long des routes continuèrent à fuir pour se mettre à l'abri, au bruit de chaque voiture.
A SUIVRE
Le massacre de Sétif débute le 8 mai 1945 en Algérie, alors colonie française. Ce jour là, les forces de l'ordre françaises ouvrent le feu sur une manifestation musulmane à Sétif, ainsi qu'à Guelma, autre ville de l'Est algérien. Les manifestants assassinent des Européens sous le coup de la colère et pour obtenir des armes à feu, ce qui déclenche une répression féroce dans tout le Constantinois. L'armée française, avec le soutien de milices civiles qu'elle arme et qui comprendront des prisonniers de guerre des forces de l'Axe, exerce une répression qui va prendre des proportions considérables et durer des semaines. Le nombre de victimes fait débat : certains avancent le chiffre de 45 000 Algériens tués, d'autres estiment le nombre entre 6 000 et 8 000.
Le contexte : la fin de la Seconde Guerre mondiale
La révolution nationale pétainiste avait renforcé en Algérie les partisans d'un ordre colonial brutal. Mais, avec le débarquement américain en novembre 1942, les conditions politiques changent. L'entrée en guerre de l'Afrique du Nord aux côtés des Alliés qui se prépare nécessite des égards vis à vis des populations indigènes. Messali Hadj, chef du pricipal mouvement nationaliste algérien, le Parti du Peuple Algérien (PPA, clandestin), reste cependant emprisonné. Ferhat Abbas, dirigeant des Amis du Manifeste et de la Liberté, demande que les musulmans qui s'apprêtent à entrer en guerre soient assurés de ne pas rester "privés des droits et des libertés essentielles dont jouissent les autres habitants de ce pays".
Le 7 mars 1944, le Comité français de la Libération nationale a adopté une ordonnance attribuant d'office la nationalité française, sans modification de leur statut civil religieux à tous les Indigènes disposant de certains diplômes tels que le certificat d'études, de décorations militaires, etc. En 1945, environ 62 000 combattants en bénéficient, ce qui suscite diverses oppositions dans certains milieux européens en Algérie.
Les dirigeants nationalistes algériens espèrent beaucoup de la première réunion de l'Organisation des Nations unies à San Francisco le 29 avril 1945.
Manifestations nationalistes
Au printemps 1945, l'ambiance est tendue parmi la population européenne où circulent des bruits alarmistes prédisant un soulèvement musulman. D'autant que l'Algérie connaît depuis quelques mois une situation alimentaire catastrophique. Messali Hadj est déporté à Brazzaville le 23 avril 1945. Le PPA organise des manifestations dans tout le pays le 1er mai qui se veulent pacifiques et sans armes, mais pour la première fois est brandi le drapeau algérien (interdit par le gouvernorat général français). Les manifestations se passent dans le calme sauf à à Alger et Oran où ont lieu des affrontements avec la police ; la répression est brutale et fait quelques morts.
Quelques jours plus tard, c'est l'annonce de la reddition allemande et de la fin de la guerre : des manifestations sont prévues un peu partout pour le 8 mai.
Le 8 mai
A Sétif , la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8h. 2000 à 5000 Algériens, chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes), défilent avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux » ou « A bas le colonialisme ». Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et un drapeau algérien. Tout dérape alors : devant le café de France, les commissaires Olivieri et Tort tentent de s’emparer du drapeau. Le porte-drapeau Soual Bouzid chef d'une patrouille de scouts musulmans marchant en tête est abattu par un policier. Immédiatement des tirs provenant de policiers ainsi que de civils à partir des balcons frappent le cortège qui est gagné par la panique. La vingtaine de gendarmes à qui se heurte la foule ouvre un feu meurtrier. La colère des manifestants se retourne contre les Français et fait 28 morts chez les Européens. Dans le même temps, des émeutes éclatent entre Bougie et Jijel.
A Guelma, une manifestation s'ébranle en bon ordre vers 16h. Quand un drapeau algérien apparait, le sous-préfet Achiary entre dans la foule vers le porte-drapeau. Bousculade, il tire, imité par son escorte. Le cortège se débande. Les nouvelles arrivant de Sétif exacerbent la psychose des européens qui se vivent comme encerclés. On distribue des armes aux civils pour épauler l'armée.
Pendant une semaine dans le Constantinois, alors que commence la répression, se produiront de nombreuses violences contre les Européens, surtout dans les fermes isolées. Des femmes sont violées, des actes de barbarie sont commis. Le nombre total d'Européens tués sera estimé à 109.
Le massacre
Le chef du gouvernement français provisoire, le général de Gaulle lance et coordonne (d'après le témoignage du garde des sceaux Teitgen[réf. nécessaire]) l'armée sous le commandement du général Duval dans une répression violente contre la population indigène. La marine participe grâce à son artillerie, ainsi que l'aviation. Deux croiseurs tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie. 10 000 soldats sont engagés dans l’opération. Ces troupes viennent de la Légion étrangère, des tabors marocains, des tirailleurs sénégalais et algériens. Des prisonniers de guerre allemands et italiens sont libérés et armés pour participer à la répression.
Celle-ci est à la mesure de la peur de voir cette manifestation dégénérer en une révolte générale. L’armée, qui était chargée de maintenir l’ordre, était également en sous-effectifs, à cause de la guerre. Des milices se forment sous l'œil bienveillant des autorités qui leur distribuent des armes, et se livrent à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux semaines, l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière. Plusieurs patriotes algériens, comme Ferhat Abbas, qui étaient totalement hostiles aux assassinats de Français qui allaient à l'encontre de toute leur action politique, furent de plus arrêtés.
Peu de citoyens français protestent contre ces massacres. Par exception l'un d'eux, le professeur José Aboulker, médecin juif et résistant (l'un des organisateurs du putsch du 8 novembre 1942, qui a permis le succès de l'Opération Torch à Alger), s'élève contre ces massacres. Il publie plusieurs articles dans le quotidien Alger Républicain, réclamant certes la sanction sévère des meurtriers provocateurs qui avaient assassiné 109 Français, mais à l'issue d'une procédure légale régulière. Et surtout, il dénonce sans réserve les massacres massifs et aveugles de milliers d'Algériens innocents. Il réclame aussi la libération immédiate de Fehrat Abbas, dont tout le monde savait qu'il avait toujours cantonné son action dans le cadre de la légalité. Le professeur Aboulker avait estimé que la défense des innocents devait primer toute considération politique.
Le 19 mai, à la demande du ministre de l’Intérieur Tixier, de Gaulle nomme le général de gendarmerie Tubert, résistant, membre depuis 1943 du Comité central provisoire de la Ligue des droits de l’homme (où siègent également René Cassin, Pierre Cot, Félix Gouin et Henri Laugier), membre de l’Assemblée consultative provisoire, dans le but d’arrêter la répression.
En effet, à partir du 19 mai, les ordres du général Duval changent complètement de nature et la milice de Guelma est dissoute. Mais, pendant six jours, du 19 au 25 mai, la commission fait du sur-place à Alger. Officiellement on attendait l’un de ses membres « retenu » à Tlemcen. Dans les faits, c'est bien Tubert qui est retenu à Alger. On ne le laisse partir pour Sétif que le 25 mai, quand tout y était terminé. Et, à peine arrivé à Sétif, il est rappelé à Alger le lendemain, le 26, sur ordre du gouvernement, par le gouverneur général Chataigneau. Si bien qu’il ne peut se rendre à Guelma.
La répression prend fin officiellement le 22 mai. Des officiers exigent la soumission publique, à genoux, des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata.
Les dernières victimes sont tuées le 25 mai. Mais, pendant de longs mois les indigènes qui, dans les campagnes, se déplaçaient le long des routes continuèrent à fuir pour se mettre à l'abri, au bruit de chaque voiture.
A SUIVRE
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