Le royaume «rétrograde»
Le Maroc s’enfonce dans le bas du classement en matière de liberté de la presse. Le Comité pour la protection des journalistes vient de publier un rapport qui fait état d’une détérioration inquiétante au cours des dernières années.
C’est avec un goût amer que la profession journalistique célèbre cette année la Journée mondiale de la liberté de la presse. Il faut dire que ce 3 mai 2007 a une connotation toute particulière, du moins si l’on en juge des derniers rapports des organisations internationales, parmi lesquelles le Comité pour la protection des journalistes. Le verdict du CPJ publié à cette occasion est sans appel. Le Maroc fait partie du top 10 des “backsliders” (Etats rétrogrades). Il s’agit des pays où la liberté des médias s’est détériorée de manière inquiétante au cours des dernières années. «Vu la tendance qui se profile à long terme, le constat est encore plus troublant», relève Joel Campagna qui supervise la région MENA. Une sacrée gifle pour les officiels marocains ayant eu des entretiens récemment avec une délégation du CPJ et qui ont tenté de défendre l’indéfendable en mettant en avant le fait que le Maroc ne ménage aucun effort pour garantir la liberté de la presse.
Selon les études du Comité au cours des cinq dernières années, le Maroc et la Tunisie ont chacun emprisonné plus de journalistes que dans n’importe quel autre pays dans le monde arabe. Entre 2002 et 2007, les deux pays chacun ont jugé et emprisonné trois journalistes. «Quand on en arrive à une situation où un pays comme le Maroc peut se comparer à la Tunisie pour certains aspects de la liberté de la presse et quand les voix médiatiques les plus critiques sont sous le coup de la sanction, nous avons toutes les raisons d’être préoccupés», analyse Joel Campagna. Et si le royaume a gagné 23 places dans le classement 2006 de Reporters sans frontières, il faut s’attendre à ce qu’il perde des points dans celui de 2007.
Le dernier rapport de RSF souligne que les «espoirs nés de l’arrivée de Mohammed VI en 1999 se sont progressivement évanouis. Les journalistes marocains sont aujourd’hui confrontés à des poursuites judiciaires qui ont des conséquences très graves sur l’exercice de leur profession, même si les tabous ont progressivement reculé ces dernières années».
Une chose est sûre : le Maroc ne peut plus maintenant se vanter d’avoir l’une des presses les plus libres dans le monde arabe et jouer cette carte sur le plan diplomatique. Et ce n’est certainement pas la révision du Code de la presse, encore en discussion, qui changera cette donne, ne serait-ce que par les lourdes sanctions contenues dans ce projet lorsqu’il est question de traiter des sujets sensibles -la monarchie, la religion et l’intégrité territoriale- et dont les critères d’évaluation restent vagues. Dans ce registre, Joel Campagna tient à préciser qu’«on ne peut pas avoir une presse libre tout en empêchant de débattre de quelques-uns des enjeux capitaux du Maroc, à savoir la monarchie, la religion et la question de l’intégrité territoriale, par des restrictions vagues. De telles restrictions sur le contenu prévues dans le projet de Code de la presse n’ont pas leur place dans un pays qui s’est engagé dans des réformes démocratiques».
Au moment où le Maroc est confronté au risque croissant du terrorisme, ce projet dans sa version actuelle ne protégera pas la liberté de la presse. On se rappelle tous des dérives de la Justice au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi antiterroriste qui a fait des victimes dans le corps journalistique. Sensible à ce sujet, l’Association mondiale des journalistes (AMJ) a publié un manifeste en sept points via lequel elle appelle les gouvernements à prendre des mesures spécifiques pour protéger la liberté des médias face au renforcement des mesures antiterroristes. Pour l’AMJ, il est évident que de telles mesures sont utilisées pour étouffer le débat et la libre circulation de l’information en matière de décisions politiques. N’est-ce pas le cas chez nous ?
Mohamed Douyeb
Le Maroc s’enfonce dans le bas du classement en matière de liberté de la presse. Le Comité pour la protection des journalistes vient de publier un rapport qui fait état d’une détérioration inquiétante au cours des dernières années.
C’est avec un goût amer que la profession journalistique célèbre cette année la Journée mondiale de la liberté de la presse. Il faut dire que ce 3 mai 2007 a une connotation toute particulière, du moins si l’on en juge des derniers rapports des organisations internationales, parmi lesquelles le Comité pour la protection des journalistes. Le verdict du CPJ publié à cette occasion est sans appel. Le Maroc fait partie du top 10 des “backsliders” (Etats rétrogrades). Il s’agit des pays où la liberté des médias s’est détériorée de manière inquiétante au cours des dernières années. «Vu la tendance qui se profile à long terme, le constat est encore plus troublant», relève Joel Campagna qui supervise la région MENA. Une sacrée gifle pour les officiels marocains ayant eu des entretiens récemment avec une délégation du CPJ et qui ont tenté de défendre l’indéfendable en mettant en avant le fait que le Maroc ne ménage aucun effort pour garantir la liberté de la presse.
Selon les études du Comité au cours des cinq dernières années, le Maroc et la Tunisie ont chacun emprisonné plus de journalistes que dans n’importe quel autre pays dans le monde arabe. Entre 2002 et 2007, les deux pays chacun ont jugé et emprisonné trois journalistes. «Quand on en arrive à une situation où un pays comme le Maroc peut se comparer à la Tunisie pour certains aspects de la liberté de la presse et quand les voix médiatiques les plus critiques sont sous le coup de la sanction, nous avons toutes les raisons d’être préoccupés», analyse Joel Campagna. Et si le royaume a gagné 23 places dans le classement 2006 de Reporters sans frontières, il faut s’attendre à ce qu’il perde des points dans celui de 2007.
Le dernier rapport de RSF souligne que les «espoirs nés de l’arrivée de Mohammed VI en 1999 se sont progressivement évanouis. Les journalistes marocains sont aujourd’hui confrontés à des poursuites judiciaires qui ont des conséquences très graves sur l’exercice de leur profession, même si les tabous ont progressivement reculé ces dernières années».
Une chose est sûre : le Maroc ne peut plus maintenant se vanter d’avoir l’une des presses les plus libres dans le monde arabe et jouer cette carte sur le plan diplomatique. Et ce n’est certainement pas la révision du Code de la presse, encore en discussion, qui changera cette donne, ne serait-ce que par les lourdes sanctions contenues dans ce projet lorsqu’il est question de traiter des sujets sensibles -la monarchie, la religion et l’intégrité territoriale- et dont les critères d’évaluation restent vagues. Dans ce registre, Joel Campagna tient à préciser qu’«on ne peut pas avoir une presse libre tout en empêchant de débattre de quelques-uns des enjeux capitaux du Maroc, à savoir la monarchie, la religion et la question de l’intégrité territoriale, par des restrictions vagues. De telles restrictions sur le contenu prévues dans le projet de Code de la presse n’ont pas leur place dans un pays qui s’est engagé dans des réformes démocratiques».
Au moment où le Maroc est confronté au risque croissant du terrorisme, ce projet dans sa version actuelle ne protégera pas la liberté de la presse. On se rappelle tous des dérives de la Justice au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi antiterroriste qui a fait des victimes dans le corps journalistique. Sensible à ce sujet, l’Association mondiale des journalistes (AMJ) a publié un manifeste en sept points via lequel elle appelle les gouvernements à prendre des mesures spécifiques pour protéger la liberté des médias face au renforcement des mesures antiterroristes. Pour l’AMJ, il est évident que de telles mesures sont utilisées pour étouffer le débat et la libre circulation de l’information en matière de décisions politiques. N’est-ce pas le cas chez nous ?
Mohamed Douyeb
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