SAHARA OCCIDENTAL Tempête américaine au Maroc
par M.Mazari
La presse marocaine sort de ses gonds. Motif: les récentes déclarations à la presse de l'ambassadeur des Etats-Unis à Rabat, Thomas Riley, qui a affirmé que le Polisario était l'unique représentant officiel du peuple sahraoui et excluant le CORCAS (Conseil consultatif royal pour les affaires sahariennes) du processus de négociations au Sahara Occidental. par M.Mazari
Le tollé général - pour reprendre les termes de la presse marocaine - provoqué par les déclarations de Thomas Riley dans les sphères politiques et médiatiques du royaume marocain, fait l'effet d'une campagne menée contre le diplomate américain.
Mais que cache cette campagne, les hésitations du Palais royal à aller vers les négociations avec les Sahraouis pour un règlement pacifique d'un conflit qui dure depuis plus de 30 ans ? Ou est-ce une manière pour faire capoter le projet ?
Quoi qu'il en soit, l'idylle semble terminée entre le Maroc et les Etats-Unis. «Le torchon brûle entre Rabat et Washington», dixit «La Gazette du Maroc» dans une récente livraison. Pire, selon «Infos du Maroc», «Thomas Riley franchit la ligne jaune», ses déclarations à la presse ayant même provoqué colère et indignation chez... les habitants des provinces sahariennes, en l'occurrence le Sahara Occidental.
D'autre part, pour la presse marocaine, les déclarations «explosives» de Thomas Riley sont dignes d'un ambassadeur qui «soutient aveuglément les thèses algéro-polisariennes. Les Marocains n'hésitent pas à franchir le pas et parlent carrément d'ingérence en «décidant» de la composition des négociateurs sur le devenir du Sahara Occidental. Plus sobre, l'hebdomadaire «Le Journal» spécule sur les intentions de l'ambassadeur américain qui, par ses déclarations «tonitruantes», attendrait un feed-back de l'opinion à travers ce «sondage». Un exercice de haute diplomatie pour connaître les intentions réelles des uns et des autres en provoquant les commentaires de la classe politique au Maroc.
En réalité, la presse marocaine, et par extension le Palais royal, n'a pas encore digéré la fermeture du consulat général américain à Casablanca, et les déclarations de Thomas Riley n'ont fait donc qu'attiser une colère non encore refoulée, surtout que la décision de fermeture du consulat obligerait les Marocains à se déplacer vers les pays voisins, en particulier l'Algérie, pour solliciter le visa américain. Les autorités marocaines ont donc rompu le silence «honteux» de leurs diplomates par presse interposée. Celle-ci se demande même s'il ne fallait pas réagir «à la mode algérienne», faisant référence à la convocation du chargé d'affaires américain à Alger par le ministère des Affaires étrangères algérien, à cause de l'émission d'une note d'alerte annonçant d'éventuels attentats à Alger. Mais, objectivement, le diplomate américain au Maroc n'a fait qu'exprimer, peut-être avec des mots ambigus, les positions du Département américain en harmonie avec la compréhension des conditions des futures négociations par la communauté internationale après le dépôt du projet marocain aux Nations unies et l'adoption de la résolution 1754 du Conseil de Sécurité. Selon cette résolution, le représentant officiel du peuple sahraoui n'est autre que le Polisario. Concernant le CORCAS, comme le précise «Le Journal», il n'a d'existence que pour «conseiller» le Roi et ne devrait donc pas être de la partie dans les futures négociations. Bien entendu, les Marocains se basent sur les sympathies de l'administration Bush qui ne verrait pas d'un mauvais oeil la participation du CORCAS dans les fameuses négociations qui, apparemment, semblent battre de l'aile.
Cette «division» des positions américaines, que la presse marocaine qualifie de dichotomie - ou double langage -, met mal à l'aise le Royaume, peu enclin à s'asseoir autour de la table des négociations avec son ennemi juré, le Polisario.
Par ailleurs, le diplomate américain ne s'est pas rétracté, il a regretté que ses propos aient été «mal interprétés» par la presse marocaine. En clair, il s'agirait d'une manœuvre marocaine tendant à créer les conditions idoines à... ne pas aller aux négociations.
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