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Législatives : épilogue sans surprise

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  • Législatives : épilogue sans surprise

    35,51%, tel est le taux de participation officiel aux législatives. Un chiffre qualifié de “nettement inférieur à celui de 2002”. Et comment ! Un chiffre parfaitement attendu par ceux, nombreux, qui étaient convaincus que les Algériens ne se rendraient pas aux urnes “dans un élan et un engouement populaires” (Abdelaziz Belkhadem) en raison du réel et total désintérêt pour ces élections.

    Qualifiés tantôt “d’irresponsables”, tantôt de “traîtres à la nation”, par des candidats à la députation, ceux-là, — dont je fais partie — partisans du boycott, ont su depuis fort longtemps entendre et écouter des populations, désabusées, désespérées et en totale rupture tant avec les gouvernants qu’avec la classe politique. “Une classe politique dont l’apparition coïncide avec les rendez-vous électoraux et où des partis microscopiques n’ont pas manqué à l’appel pour jouer leur rôle de garniture des listes” ( El Watan, jeudi 17 mai 2007 “L’enjeu de la participation”). Quels que soient, en effet, l’âge, la condition sociale, l’activité professionnelle, des uns, ou le statut de chômeur( euse) à vie des autres, ces populations n’ont cessé de dire et de redire que l’acte de voter ne revêtait plus de sens à leurs yeux puisque rien, absolument rien ne changera pour elles. Rien ne changera, pas plus le mode de gouvernance, le pouvoir absolu, concentré entre les mains d’un seul homme : Abdelaziz Bouteflika que la corruption devenue avec sa sœur jumelle, la bureaucratie, une gangrène généralisée ou un cancer dont les métastases dévorent l’Algérie de partout. Deux fléaux qui ont fini par convaincre le citoyen — si tant est que ce concept ait un sens — que face au “terrorisme de l’administration” et la vénalité, tout est monnayable, tout est achetable : les institutions comme ceux qui les composent.

    A la défiance citoyenne à l’égard des gouvernants, ces derniers répondent invariablement tantôt par des discours creux : “il faut lutter contre la corruption” ou “la corruption sera éradiquée” tantôt par des “procès-spectacles”, où un ministre de la République déclare au prétoire en sa qualité de témoin, “qu’il assume pleinement son manque d’intelligence” (comprendre vigilance) mais ne démissionne pas. Pas plus lui, que d’autres responsables politiques qui ont dit eux aussi assumer leurs actes (témoins). Et que l’on n’invoque surtout pas l’indépendance du magistrat ! L’on sait que depuis l’investiture de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême, celle-ci est enfermée dans la “ligne rouge”, préalablement circonscrite par le politique. Évidemment, l’indépendance du juge est aussi affaire de tempérament. Faut-il, cependant, accepter d’assumer sa rébellion !

    Il y a ceux qui pensent “au pain de leurs enfants”, et ceux qui ont accepté une exécution “bien faite et vite faite”, après la célèbre affaire — tristement célèbre — du 8e congrès du FLN, ou pour avoir soutenu M. Ali Benflis en 2004. (Fatima Chenaïf, Ahmed Bellil, Menasri, Raïs- El-Aïn, Yasmina Aït Hamlet). Non, ce corps ne renferme pas en son sein que des juges incompétents, ou corrompus, comme se plaît à le répéter à chaque rentrée judiciaire le chef de l’Etat pour mieux humilier la justice et la tétaniser davantage.

    Tétanisée, elle ne peut rassurer le citoyen. Il ne s’agit nullement là d’une digression qui éloignerait le lecteur des législatives. Les deux choses sont au contraire intimement liées : ceux qui disent, en effet, que “voter est un acte citoyen” doivent ajouter à leur slogan électoraliste, qu’être citoyen, c’est avant tout être protégé dans sa liberté, dans sa personne et dans ses biens, par Dame Justice qui demeure l’ultime recours. Le premier et le dernier. Le désintérêt des Algériens ne tient pas à ces seules raisons, il faudrait bien entendu en rajouter d’autres dont les conditions précaires qui sont les leurs, les désillusions engendrées par une politique de pensée unique, fondée sur le mensonge, la manipulation et la répression.

    Mais surtout il y a cette vérité que certains candidats à la députation n’ont pas voulu entendre : les Algériens sont las, usés, excédés, écœurés par des formations politiques qu’ils ne voient et rencontrent qu’à l’occasion des rendez-vous électoraux.

    S’il est vrai qu’un parti sans ambition ne mérite pas ce qualificatif, il n’est pas moins vrai, que faire de la politique ponctuellement (lors d’échéances électorales) n’est pas crédible. L’abstention massive le 17 mai est précisément l’expression de ce message des Algériens en direction tant des responsables politiques, que celle de la classe politique. Incontestablement, celle-ci a reçu un camouflet cinglant sur lequel elle devra méditer. Car quels que soient les résultats, les sièges revenant à chacun des partis qui émergent, quelle que soit la “majorité” qui se dégagera, la future Assemblée ne pourra pas prétendre à une véritable assise populaire avec 35,51% de votants soit environ 7 millions sur plus de 18 millions d’inscrits.

    Et lorsque nous disions, nombreux, que la campagne électorale se déroulait dans l’indifférence générale (salles vides, affiches lacérées ou carrément déchirées) il s’est trouvé un candidat plus arrogant que les autres, qui a répondu : “Nous n’avons même pas besoin de faire campagne, nous remporterons le match” (Abdelaziz Belkhadem). De quel match s’agit-il, décidément ? De quelle victoire s’agira-t-il lorsque des ministres du FLN et leur chef du gouvernement ont fait campagne sans avoir eu la décence de démissionner en utilisant les moyens de l’Etat ? Et nul ne s’en est choqué ! L’indifférence générale était d’autant plus grande que les Algériens étaient beaucoup plus intéressés et fascinés par l’élection présidentielle qui se déroulait en France et par les évènements de la Turquie où la Cour constitutionnelle coupait les ailes à des islamistes devenus trop gourmands.

    Au même moment, un émir, fier d’avoir été assassin dans les années 1990, annonçait en Algérie son soutien au FLN de Belkhadem ! Soutien à vrai dire sans surprise, s’agissant de l’islamiste Belkhadem ressemblant idéologiquement à ne point s’y tromper à “son” émir surtout lorsqu’il se déguise en Soudanais. Mais plus surprenant par contre, fut le silence des autorités (ministère de l’Intérieur) face à un émir hier assassin, aujourd’hui soutien électoral, pourtant interdit de faire la moindre déclaration politique conformément à la loi concédée et voulue par le premier magistrat du pays. Et à travers l’abstention, les Algériens ont entendu exprimer leur rejet absolu d’un Etat et d’un personnel politique totalement décrédibilisé.

    Un Etat où le premier magistrat du pays, à son initiative ou à celle de sa fratrie ou entourage proche, nous inflige à la télévision le spectacle affligeant d’un homme effroyablement fatigué. Et l’on ne sait plus qui, de ceux qui répandent des rumeurs, sur l’état de santé du président ou ceux qui se croient obligés de répondre auxdites rumeurs, en organisant des visites présidentielles inutiles, ou des conseils de ministres à la veille des législatives, sont en définitive les plus déshumanisés ?

    Ce qui est certain et parfaitement établi en politique c’est que répondre aux rumeurs est la meilleure façon de confirmer celle-ci. Et dans ce cas, il ne faudrait surtout pas croire que la fraude n’a pas eu lieu le 17 mai, parce que les “élections ont été transparentes” comme l’a déclaré le ministre de l’Intérieur. Non et mille fois non.

    La fraude n’a pu être pratiquée le 17 mai :
    a) parce que l’abstention a été générale et il était difficile de tripatouiller. Quoique...
    b) l’autre raison et la plus importante est que les législatives n’ont plus aucune importance, aucun intérêt pour le premier magistrat du pays qui ne peut plus nous cacher sa santé chancelante, son image sur le petit écran est parlante d’elle-même. Il n’y a que Abdelaziz Belkhadem pour croire à la révision constitutionnelle...

    Aussi, plutôt que d’avoir eu à s’exciter inutilement autour des législatives, les Algériens préféreraient savoir qui sera qui demain et qui fera quoi. Et sur ce point, la génération des 70/80 ans devra comprendre enfin qu’il serait grand temps pour elle de céder la place à la génération des 50/60 ans. C’est celle dont mon fils âgé de 32 ans m’a dit, comme auraient pu me le dire d’autres jeunes de son âge : “Je me sens proche de ceux-là (50/60 ans) les autres je ne les connais pas, on n’en veut plus” Est-ce normal, en effet, que nous ayons un président du Conseil constitutionnel, un ministre des Affaires étrangères, un ministre de l’Intérieur, celui de la Participation, notre ambassadeur d’Algérie en France (pour ne citer que ceux-là) et un chef de l’Etat dont l’âge oscille entre 80 et 70 ans ?

    Peut-on gouverner, peut-on réformer avec des idées du passé ? Il suffit de constater l’immobilisme dans lequel est figé le pays pour trouver la réponse à cette question. Peut-on gouverner lorsqu’on ne fait appel qu’à sa région, sa wilaya, sa commune, ses amitiés ou ses liens de parenté ? Peut-on enfin gouverner lorsque le citoyen vit dans un pays où l’insécurité vient aggraver la précarité (2 bombes à Constantine au moment où le chef de l’Etat se trouvait à Annaba). Et que l’on ne lui offre aucune réponse ? Ce sont là les vraies préoccupations des Algériens. Comparées à elles, un strapontin à l’APN est vraiment dérisoire...

    En tout état de cause, et sans faire dans le triomphalisme, que je jugerai moi-même stupide, je ne nierai nullement ma satisfaction suite à l’abstention massive aux législatives. Car, contrairement à ce qui s’est toujours dit : Le peuple peut changer le cours des évènements lorsqu’il le décide. La classe politique comme les gouvernants le comprendront- ils enfin et en tireront-ils les conclusions qui s’imposent ? Rien n’est moins sûr, pourtant les futurs “élus” ne pourront pas occulter sitôt installés le fiasco des législatives et l’affront populaire qui leur a été fait eux qui nous avaient promis un engouement sans précédent ! Comprendront-ils enfin que faire de la politique, ce n’est pas seulement courir derrière un strapontin ?

    N. B. : Au moment où j’achève cette chronique, le ministre de l’Intérieur annonce les résultats officiels des législatives : avec 35,51% de participation, il ose qualifier celle-ci de “respectable révélant la maturation populaire !” Ne vous avais-je pas dit qu’ils ne tireront jamais de conclusions de la volonté populaire ? Je reviendrai dans la prochaine chronique sur ce point.

    Par Leila Aslaoui, Le soir
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