Entre 1867 et 1920, plusieurs centaines de Maghrébins - Algériens, Tunisiens et Marocains - furent déportés en Nouvelle-Calédonie. Beaucoup ne rentrèrent jamais en Afrique du nord et reconstruisirent ici une nouvelle vie, une nouvelle famille. Alors que jeudi, Mélica Ouennoughi, docteur en ethnohistoire et ethnobotaniste, donne une conférence sur l’Histoire des « Maghrébins » du Caillou, la famille Mestoura nous raconte ses retrouvailles, là-bas en Algérie, avec ses parents du Maghreb. Samedi dernier, trois sœurs calédoniennes et leur cousin algérien découvraient ensemble le chantier de Goro Nickel. En 1890, leur parent commun, Ahmed Mestoura, et son frère Tahar, étaient déportés en Nouvelle-Calédonie, laissant deux enfants au pays. Près d’un siècle plus tard, et après vingt ans de tâtonnements, ils se retrouvent enfin.
Les histoires de familles ne sont jamais simples, mais celle des Mestoura l’est encore moins que d’autres. Elle est victime de l’Histoire, celle de l’Algérie, de la France, de la Nouvelle-Calédonie. Elle est le fruit de révolte, de déportation.
Depuis vingt ans, elle est faite de voyages, d’articles dans les journaux, de reportages télé, de correspondances au-delà des mers, de ratages et, enfin, de retrouvailles.
Yasmina Sotirio est Calédonienne. Son père, Ahmed Mestoura, fut déporté en Nouvelle-Calédonie. Sa mère, Kanak originaire de Bourail, compte dans sa fratrie des demi-sœurs algériennes. Elles sont rentrées aux pays. Yasmina et ses sœurs ont, quant à elles, grandi sous les pins colonaires et les cocotiers, bien loin des oliviers des rives de la Méditerranée. Elles sont chrétiennes, ne parlent pas l’arabe.
A une vingtaine de milliers de kilomètres de là, en Algérie, peu de monde se souvient des déportés du Caillou, noyés dans l’histoire tourmentée de la jeune nation.
Pourtant, en 1986, le gouvernement algérien invite une délégation calédonienne de descendants de ces exilés. Parmi eux, Yasmina. « Ils avaient retrouvé la famille du côté de ma mère. Mes tantes et mon grand-père étaient morts mais j’ai pu voir tous les enfants. Je les ai touchés. » Le voyage est officiel, organisé, et Yasmina ne peut choisir son itinéraire, partir à la recherche de son autre famille, celle de son père. Les Mestoura se manifesteront d’eux-mêmes, ou plutôt de lui-même. Il s’appelle Rabah.
Rabah a lu, dans les journaux, les articles évoquant cette délégation des antipodes. Rabah connaît l’histoire, il cherche sa parente. Yasmina est à Constantine, elle déjeune chez la famille de sa mère. « Là-bas, ils mangent avec les mains. Devant ma gêne, ils ont compris et m’ont donné une cuillère, s’amuse Yasmina. Ce jour-là, le jour de Rabah, j’ai cru que j’allais étouffer de nourriture. On venait de finir de manger quand il est arrivé. On est allé dans sa famille à El Kroub et on a mangé, encore. Chez eux, c’est toujours comme ça. Pendant que les vieux parlaient, ils continuaient à me donner à manger. »
Ces vieux lui racontent son père, lui qui est mort quand elle avait six ans. Les gens lui touchent la peau, les cheveux. Elle est de la famille. Elle vient de Nouvelle-Calédonie. « Je ne savais pas mais mon père envoyait des lettres en Algérie. La famille de Rabah connaissait mon nom, ceux de mes frères et sœurs. »
Mais, déjà, il faut repartir. On fait le plein de photos, on se promet de s’écrire. On se quitte.
Vingt ans plus tard, le fil de l’histoire familiale se renoue de nouveau. Une équipe de télévision algérienne débarque ici, pour rencontrer et tourner un reportage sur les descendants des déportés. L’engouement est immense, sur les deux continents. Yasmina, sa sœur et ses enfants, décident, le soir de la projection, de partir pour l’Algérie.
Nous sommes en 2006 et commencent alors de nouvelles rencontres. En Nouvelle-Calédonie, la famille n’en est qu’à sa deuxième génération. On compte bien plus de descendants du côté algérien. Guidés par le réalisateur du documentaire, Saïd Oulmi, les Calédoniens rencontrent à Bouaroune, près d’Alger, une nouvelle branche de leur famille. Des oncles, des tantes, des cousins et des cousines. Des embrassades, des pleurs. Chacun se raconte et les Calédoniens évoquent leur départ pour El Kroub, lieu de naissance de celui qui les rassemblent tous, Ahmed Mestoura. El Kroub, où vit la famille de Rabah. Stupeur chez les Mestoura d’Alger : ils ignoraient l’existence de leurs cousins d’El Kroub. Venus de 20 000 kilomètres, les Calédoniens réunissent leurs parents algériens... Yasmina, sa sœur et ses enfants passeront trois semaines en Algérie, rythmées par les fêtes de famille, bien sûr, mais aussi la découverte d’un pays, d’une culture qui, au fond, sont un peu les leurs. Ils partiront avec une seule envie, recevoir à leur tour, chez eux en Nouvelle-Calédonie, ces cousins des antipodes. Un an plus tard, c’est chose faite.
Hacene et sa femme sont venus trois semaines. De la brousse à l’île des Pins, de Nouméa à Bourail, eux qui, il y a quelques années encore, « ne savaient même pas qu’ils avaient un grand-père déporté » découvrent une famille « assez grande mais quand même pas autant que celle d’Algérie ». Tout sourire, Hacene s’étonne : « Tellement de gens descendent d’Algériens ici... C’est quelque chose qui marque, qu’il nous faudra raconter. Certains ont même gardé quelques mots d’arabe... »
A Constantine, ville du nord-est de l’Algérie, et dans sa région, Yasmina Sotirio a retrouvé deux branches de sa famille.
Les histoires de familles ne sont jamais simples, mais celle des Mestoura l’est encore moins que d’autres. Elle est victime de l’Histoire, celle de l’Algérie, de la France, de la Nouvelle-Calédonie. Elle est le fruit de révolte, de déportation.
Depuis vingt ans, elle est faite de voyages, d’articles dans les journaux, de reportages télé, de correspondances au-delà des mers, de ratages et, enfin, de retrouvailles.
Yasmina Sotirio est Calédonienne. Son père, Ahmed Mestoura, fut déporté en Nouvelle-Calédonie. Sa mère, Kanak originaire de Bourail, compte dans sa fratrie des demi-sœurs algériennes. Elles sont rentrées aux pays. Yasmina et ses sœurs ont, quant à elles, grandi sous les pins colonaires et les cocotiers, bien loin des oliviers des rives de la Méditerranée. Elles sont chrétiennes, ne parlent pas l’arabe.
A une vingtaine de milliers de kilomètres de là, en Algérie, peu de monde se souvient des déportés du Caillou, noyés dans l’histoire tourmentée de la jeune nation.
Pourtant, en 1986, le gouvernement algérien invite une délégation calédonienne de descendants de ces exilés. Parmi eux, Yasmina. « Ils avaient retrouvé la famille du côté de ma mère. Mes tantes et mon grand-père étaient morts mais j’ai pu voir tous les enfants. Je les ai touchés. » Le voyage est officiel, organisé, et Yasmina ne peut choisir son itinéraire, partir à la recherche de son autre famille, celle de son père. Les Mestoura se manifesteront d’eux-mêmes, ou plutôt de lui-même. Il s’appelle Rabah.
Rabah a lu, dans les journaux, les articles évoquant cette délégation des antipodes. Rabah connaît l’histoire, il cherche sa parente. Yasmina est à Constantine, elle déjeune chez la famille de sa mère. « Là-bas, ils mangent avec les mains. Devant ma gêne, ils ont compris et m’ont donné une cuillère, s’amuse Yasmina. Ce jour-là, le jour de Rabah, j’ai cru que j’allais étouffer de nourriture. On venait de finir de manger quand il est arrivé. On est allé dans sa famille à El Kroub et on a mangé, encore. Chez eux, c’est toujours comme ça. Pendant que les vieux parlaient, ils continuaient à me donner à manger. »
Ces vieux lui racontent son père, lui qui est mort quand elle avait six ans. Les gens lui touchent la peau, les cheveux. Elle est de la famille. Elle vient de Nouvelle-Calédonie. « Je ne savais pas mais mon père envoyait des lettres en Algérie. La famille de Rabah connaissait mon nom, ceux de mes frères et sœurs. »
Mais, déjà, il faut repartir. On fait le plein de photos, on se promet de s’écrire. On se quitte.
Vingt ans plus tard, le fil de l’histoire familiale se renoue de nouveau. Une équipe de télévision algérienne débarque ici, pour rencontrer et tourner un reportage sur les descendants des déportés. L’engouement est immense, sur les deux continents. Yasmina, sa sœur et ses enfants, décident, le soir de la projection, de partir pour l’Algérie.
Nous sommes en 2006 et commencent alors de nouvelles rencontres. En Nouvelle-Calédonie, la famille n’en est qu’à sa deuxième génération. On compte bien plus de descendants du côté algérien. Guidés par le réalisateur du documentaire, Saïd Oulmi, les Calédoniens rencontrent à Bouaroune, près d’Alger, une nouvelle branche de leur famille. Des oncles, des tantes, des cousins et des cousines. Des embrassades, des pleurs. Chacun se raconte et les Calédoniens évoquent leur départ pour El Kroub, lieu de naissance de celui qui les rassemblent tous, Ahmed Mestoura. El Kroub, où vit la famille de Rabah. Stupeur chez les Mestoura d’Alger : ils ignoraient l’existence de leurs cousins d’El Kroub. Venus de 20 000 kilomètres, les Calédoniens réunissent leurs parents algériens... Yasmina, sa sœur et ses enfants passeront trois semaines en Algérie, rythmées par les fêtes de famille, bien sûr, mais aussi la découverte d’un pays, d’une culture qui, au fond, sont un peu les leurs. Ils partiront avec une seule envie, recevoir à leur tour, chez eux en Nouvelle-Calédonie, ces cousins des antipodes. Un an plus tard, c’est chose faite.
Hacene et sa femme sont venus trois semaines. De la brousse à l’île des Pins, de Nouméa à Bourail, eux qui, il y a quelques années encore, « ne savaient même pas qu’ils avaient un grand-père déporté » découvrent une famille « assez grande mais quand même pas autant que celle d’Algérie ». Tout sourire, Hacene s’étonne : « Tellement de gens descendent d’Algériens ici... C’est quelque chose qui marque, qu’il nous faudra raconter. Certains ont même gardé quelques mots d’arabe... »
A Constantine, ville du nord-est de l’Algérie, et dans sa région, Yasmina Sotirio a retrouvé deux branches de sa famille.
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