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Jamel, l’ex CRS

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  • Jamel, l’ex CRS

    Enquete interessante vue de l'interieur. Bon courage pour ceux qui veulent faire carriere dans la police.
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    Excédé par l’attitude des forces de l’ordre à l’encontre des jeunes de banlieue, Jamel Boussetta, 25 ans, a décidé d’enquêter au sein de la Police en devenant CRS. De 2003 à 2006, il est tour à tour cadet, adjoint de sécurité puis gardien de la paix. En 2007, il sort un livre (Jamel le CRS, aux éditions Duboiris). Sa liberté de ton déplaît, les menaces pleuvent. Quelques temps avant la parution de l’ouvrage, une garde à vue musclée pour outrage et rébellion lui vaut même un séjour à l’hôpital. Entretien.

    Lemagazine.info : Qu’est-ce qui vous a poussé à tenter cette démarche ?
    Jamel Boussetta : Je voulais savoir ce qu’il se passait de l’autre côté de la barrière. Et avoir ainsi la légitimité de dénoncer les bavures. Comment sont formés les futurs gardiens de la paix ? Quelles sont leurs motivations ? Pour répondre à ces questions, je suis devenu moi-même élève à l’école de Police. J’ai découvert qu’il n’y avait pas forcément de solidarité et que, si tu n’étais pas « lèche botte », il était impossible de progresser dans le métier. Pour faire une bonne carrière, il faut se taire. C’est la règle. Tout le long de mon parcours dans la Police, j’ai servi loyalement et ai toujours obtenu de bonnes notes. Mais ce que j’ai vécu m’a fait mal et a exacerbé mon côté humaniste. Le respect de la déontologie est devenu pour moi une obsession. Durant mon service, mon code personnel a toujours été de réfléchir avant de réprimander.

    Lemagazine.info : Comment avez-vous vécu votre formation ? Qu’est-ce que vous dénoncez ?
    Jamel Boussetta : Lorsque j’étais adjoint à la sécurité du Centre de rétention administrative au Palais de justice de Paris (autant dire chargé des sans-papiers), je me sentais mal à l’aise. Dans mon livre, j’appelle ce centre « la SPA pour humains », tellement les conditions de détention y étaient invivables. Il a d’ailleurs été fermé en 2006 après un rapport du Conseil de l’Europe aux Droits de l’homme. Avec mon caractère, je ne pouvais pas cautionner toutes les réflexions que j’entendais, du genre « je parie que c’est un noir », « marre des bougnoules », « rentre dans ton pays », etc. Quand ceux qui tiennent ces propos discriminatoires s’aperçoivent de ma présence, ils me disent que je suis différent, que je suis intégré. Pourquoi me parlent-ils d’intégration ? J’ai ma carte d’identité française comme eux !
    En septembre 2006, après un an à l’école nationale de police de Draveil, où je ne compte plus les vexations, je suis affecté à la CRS 7 de Deuil-la-Barre (95) qui avait déjà défrayé la chronique suite à des abus de pouvoir. Une vingtaine de collègues y ont été mis en cause pour viol en réunion de prostituées et racket de taximen ! Là-bas, mon étiquette d’élément perturbateur s’est empirée…

    Lemagazine.info : Votre fort sentiment d’injustice ne vous a-t-il pas influencé à ne voir que les aspects négatifs de la Police ?
    Jamel Boussetta : Face aux contrôles d’identité à répétition, au mépris, aux violences verbales et physiques dont nous faisons l’objet en banlieue, oui, j’avais une vision négative de la police. Je n’en fais pas pour autant une affaire personnelle. Je tiens à préciser que je ne dénigre qu’une minorité… Encore heureux ! Mon but est de lever les barrières entre les jeunes de banlieue et la Police. L’auteur de la préface de mon livre, Erik Blondin, qui a 25 ans de police derrière lui, fondateur en 1995 du Syndicat de la Police nationale, arrive aux mêmes conclusions que moi. La politique du résultat est-elle de qualité ? Mon but est de formuler des critiques constructives. Il faut se battre pour que les bavures n’existent plus.

    Lemagazine.info : Vous avez été personnellement victime de bavure policière…
    Jamel Boussetta : C’était le 21 février dernier. Je faisais des courses dans ma banlieue, à Bagneux, quand une foule autour d’un bus retint mon attention. Des copines étaient en train d’être malmenées par des policiers. Je suis intervenu en montrant ma carte de fonction. On m’a placé en garde à vue pour entrave au travail de cette brigade puis pour outrage et rébellion. Pendant 7 heures, je suis resté enfermé, privé d’eau et de toilettes ! N’en pouvant plus, je me suis mis à tambouriner à la porte pour que l’on me sorte de là. C’est là qu’une poignée de gardiens est arrivée… Ils m’ont frappé à la tête et ont sauté sur mon dos. Résultat : traumatisme crânien et douleurs lombaires. Dans les trois quarts d’heure qui ont suivi, j’ai vomis à quatre reprises. Les pompiers m’ont transporté à l’hôpital. Il y en a qui pensent que c’est un bon coup de pub, quelques jours avant la parution de mon livre … Je ne suis pas masochiste !

    Lemagazine.info : Quelles sont les circonstances de l’écriture de ce livre ?
    Jamel Boussetta : Le 28 septembre 2006, j’ai accordé un entretien aux journalistes auteurs de Place Beauveau, La face cachée de la Police aux éditions Roberts Laffont. L’article Etre beur dans la police du 9-3, paru dans Le Point, a fait grand bruit. Il m’a valu une interpellation à l’IGPN et la fin de ma carrière (j’ai été révoqué pour « non respect du devoir de réserve »)… Ce sont ces mêmes journalistes qui m’ont convaincu d’écrire un livre. C’est à ce moment là que les éditions Duboiris m’ont contacté. J’ai écris le livre entre octobre et décembre 2006. Quand on a beaucoup de choses à raconter, l’écriture vient facilement.

    Lemagazine.info : Quels sont vos projets d’avenir ?
    Jamel Boussetta : Je compte suivre en septembre des études de droits à l’université Jean Monet pour passer le concours d’avocat, le métier de mes rêves. Je pourrais défendre les plus faibles. Les études ne me font pas peur. J’ai du arrêter l’école tôt, quand ma mère est tombée malade. J’aurais pu tourner mal. Finalement, j’ai obtenu mon bac pro par correspondance en juillet 2006, avec mention. Je sais que j’ai les capacités d’y arriver. Mon expérience m’a conforté dans ce choix. J’ai tellement vu d’injustices que c’est devenu une évidence.

    Propos recueillis par

    Emma Lassort , le 24 mai 2007
    http://www.lemagazine.info/spip.php?article649
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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