Cette réflexion sur la protection de l'enfance en Algérie propose le contexte formel et situationnel de la procédure de co-médiation conçue comme une stratégie de prévention et d'intervention directe sur les conjonctures de maltraitances de l'enfant. La co-médiation est également un concept nouveau de projection des possibles en matière de correspondance de stratégies et de ressources pour comprendre et agir ensemble.
Les maltraitances contre les enfants et les personnes fragiles s'inscrivent dans le champ d'une clinique sociale : fragmentation de la famille, abandon des enfants, désaffiliation, dépossession de soi, dysharmonies du développement mental et psychomoteur, organisation de structures psychopathologiques, désinvestissement du corps et du rapport au corps comme image symbolique et narcissique et objet du regard social, émergence de l'affrontement civil et politique.
Il est patent que les enfants et les adolescents qui souffrent ne possèdent pas le langage ni les délégations capables de les inscrire dans une communication protectrice. Des souffrances demeurent invisibles car, elles sont générées dans un contexte familial ou institutionnel où les acteurs, les parents, les professionnels de la santé, du travail social et du droit méconnaissent les formes de préjudices et les seuils de vulnérabilité de l'enfant.
Contextualiser les maltraitances
Il est possible de situer en Algérie de sévères bouleversements des étagements statutaires et culturels où des adolescents, toujours enfants, sont désignés aux charges paradoxales et aux fonctions troubles dans des contextes familiaux et sociaux décomposés ou à structuration psychonévrotique. Ainsi, la mobilité et la définition des champs de risques sociétaux, institutionnels et familiaux semblent contenues dans l'élaboration de la formule synthétique d'enfants de la rue. Ces Gavroches d'une nouvelle race ne sont pas, contrairement à l'entendement commun, uniquement des êtres issus d'une frange socioéconomique fragile et périphérique. Ils sont dans un ancrage familial urbain encadré d'outils culturels et financiers divers et souvent établis. Mais la manche et l'errance sont des épreuves nouvelles que les enfants s'approprient, au même titre que l'usage initiatique de drogues légères et l'érotisation des conduites, comme une pratique transgressive face à un ordre du convenu et de l'enclavement. Ces enfants vous interpellent souvent dans une langue bigarrée, baignée d'émotions naïves et d'augures infantiles.
La problématique de l'errance concerne de nombreuses pistes, théoriques et pragmatiques, pour encadrer les réalités contradictoires de la vie de l'enfant. La désocialisation est marquée dans la désagrégation des liens et l'étiolement des appartenances sociales et familiales, la fermeture des repères identitaires et la disqualification du statut humain de l'enfant. Des milliers d'enfants sont exposés aux maltraitances pour des raisons diverses d'affrontements sociaux et politiques, de déracinement, d'abandon et de précarité. Ces enfants développent des apprentissages à risque et des formats de suradaptation(1) des filières constitutives mentales, sociales, psychiques et organiques. Le risque de dépréciation est avéré ainsi que le rapport à la mort par exposition directe ou par expérience suicidaire. Ces situations interpellent l'ordre politique, les fonctions familiales ainsi que la médiation des réseaux professionnels de la santé, de la protection sociale, de l'éducation, du droit, de la recherche et de l'information. Une question éthique est ouverte qui appelle le ressourcement des savoirs et des méthodes afin que la violence et les divers formats de maltraitance ne puissent se développer et miner le devenir des enfants.
En Algérie, des situations réelles expriment le tableau du marasme sociofamilial et éducatif des enfants fragilisés : prostitution, drogues, fugues et errance, travail précoce, abandon, apprentissages limites ou déviants. Le développement didactique de la notion d'urgence, appliquée au travail d'accompagnement des enfants, illustre un vecteur de méthode et d'analyse des déterminants à risque. Toutefois, cette approche connaît des limites éthiques et applicatives dans le champ de l'enfance. Ces limites doivent être évoquées, car un système de maillage social ou politique ne doit pas se suffire de réparations conjoncturelles ni de méthodes, même les mieux adaptées, s'il ne peut s'interroger sur les origines des souffrances sociales et humaines, particulièrement celles des femmes et des enfants souvent intercesseurs de conflictualités opaques. Des interrogations claires doivent porter sur le mécanisme de l'exclusion institué par le manque de l'Etat, l'assignation de rôles marginaux aux plus faibles, la fermeture de l'intersubjectivité et la distorsion des solidarités. Des questions concernent encore les dispositifs conçus ou réalisés pour le développement opératoire et conceptuel des pratiques de protection de l'enfance(2).
Ainsi, il parait indispensable de qualifier, initialement, les registres de risques, virtuels et opératoires, concernant l'évolution de l'enfant dans la famille, dans le champ scolaire et social. Au demeurant, il s'agit de créer un entendement partagé des notions de violence et de maltraitance à enfant et des dispositifs qu'elles pourraient et devraient mobiliser pour un travail de protection de l'enfant. Or, une dimension de saturation de la communication sur les objets de la protection de l'enfant pourrait constituer un barrage fonctionnel important. Nous assistons actuellement à un travail d'information, de solidarité et de proposition associative, de formation conjoncturelle, voire à la carte, fondé sur l'événement ou sur la règle de l'urgence. Cependant, les indicateurs chiffrés, événementiels, traumatiques peuvent cesser de produire du sens et d'entraîner des mouvements de conscience en l'absence d'un arsenal composite de références judiciaires, de savoir-faire socioéducatif et sanitaire, de procédure prédictive et de réseau d'accompagnement. Le risque, de ce point de vue, serait de vulgariser à l'extrême le concept et le contenu de la maltraitance, de l'assigner au tout-venant et d'en systématiser les attentes en termes de réparation ou de sanction judiciaire. Il paraît fondamental de savoir reconnaître les conjonctures de maltraitances, de former des intervenants et d'appeler l'émergence de législations capables de protéger les enfants, les parents et les intervenants éventuels.
Dans l'ordre des propositions paradoxales du registre institutionnel, la projection de discussions d'ordre juridique semble aléatoire en l'absence, en Algérie, de textes de lois spécifiques à la protection de l'enfance. Le texte de La Convention internationale des droits de l'enfant ratifié par l'Algérie et assorti d'une déclaration interprétative de référence constitutionnelle (cf. J.O, n° 91 du 23 décembre 1992) n'a pas été intégré ni adapté à la législation nationale. Ce retard d'application des résolutions internationales, auxquelles adhère l'Algérie, constitue un obstacle à la protection effective de l'enfance.
De fait, en l'absence de références de lois, aucun procureur ne pourrait requérir la règle de droit contre un parent, contre un maître ou contre des auteurs de violences supposées ou avérées. Dans l'ordre du concret, citons le récit douloureux, rapporté par la presse nationale, d'une fillette durement punie dans sa chair et dans son intégrité de personne par un père monstrueux parce que, portée par l'impulsion affective du partage qui est le don particulier de l'enfance, elle a distribué, joyeusement, quelques cahiers et quelques gommes pris sur les étagères du commerce paternel. Aux plans clinique et judiciaire, il s'agit là d'une maltraitance clairement établie, identifiable et qualifiable dont a été coupable ce père indigne dans la région de Skikda. Quelles ont été les suites, sur le plan de la poursuite judiciaire, de la réparation psychologique, corporelle et morale de l'enfant ? Se peut-il qu'aucun magistrat n'ait eu avis de ce fait, aucune association de l'enfance, aucun service de la protection sociale, tous habilités en droit à se porter partie civile ? Voilà un exemple de jurisprudence ratée, précisément, en raison de l'absence d'outils de droit opposables aux maltraitants.
Une pédagogie plurielle est à construire pour élaborer et rendre lisibles les souffrances diverses des enfants, requalifier les approches notamment en passant du conjoncturel et de l'événementiel vers le systémique car les maltraitances, comme les drogues, sont des pratiques de destruction des liens et d'implication collective où tous les membres d'un groupe familial, professionnel ou social se trouvent interpellés. Ainsi, pour judiciariser les violences contre les enfants il est indispensable de créer et de qualifier la capacité de parole de l'enfant devant la justice et de former des intervenants, magistrats et opérateurs sociaux, au travail difficile de l'écoute et de la transcription.
Les maltraitances contre les enfants et les personnes fragiles s'inscrivent dans le champ d'une clinique sociale : fragmentation de la famille, abandon des enfants, désaffiliation, dépossession de soi, dysharmonies du développement mental et psychomoteur, organisation de structures psychopathologiques, désinvestissement du corps et du rapport au corps comme image symbolique et narcissique et objet du regard social, émergence de l'affrontement civil et politique.
Il est patent que les enfants et les adolescents qui souffrent ne possèdent pas le langage ni les délégations capables de les inscrire dans une communication protectrice. Des souffrances demeurent invisibles car, elles sont générées dans un contexte familial ou institutionnel où les acteurs, les parents, les professionnels de la santé, du travail social et du droit méconnaissent les formes de préjudices et les seuils de vulnérabilité de l'enfant.
Contextualiser les maltraitances
Il est possible de situer en Algérie de sévères bouleversements des étagements statutaires et culturels où des adolescents, toujours enfants, sont désignés aux charges paradoxales et aux fonctions troubles dans des contextes familiaux et sociaux décomposés ou à structuration psychonévrotique. Ainsi, la mobilité et la définition des champs de risques sociétaux, institutionnels et familiaux semblent contenues dans l'élaboration de la formule synthétique d'enfants de la rue. Ces Gavroches d'une nouvelle race ne sont pas, contrairement à l'entendement commun, uniquement des êtres issus d'une frange socioéconomique fragile et périphérique. Ils sont dans un ancrage familial urbain encadré d'outils culturels et financiers divers et souvent établis. Mais la manche et l'errance sont des épreuves nouvelles que les enfants s'approprient, au même titre que l'usage initiatique de drogues légères et l'érotisation des conduites, comme une pratique transgressive face à un ordre du convenu et de l'enclavement. Ces enfants vous interpellent souvent dans une langue bigarrée, baignée d'émotions naïves et d'augures infantiles.
La problématique de l'errance concerne de nombreuses pistes, théoriques et pragmatiques, pour encadrer les réalités contradictoires de la vie de l'enfant. La désocialisation est marquée dans la désagrégation des liens et l'étiolement des appartenances sociales et familiales, la fermeture des repères identitaires et la disqualification du statut humain de l'enfant. Des milliers d'enfants sont exposés aux maltraitances pour des raisons diverses d'affrontements sociaux et politiques, de déracinement, d'abandon et de précarité. Ces enfants développent des apprentissages à risque et des formats de suradaptation(1) des filières constitutives mentales, sociales, psychiques et organiques. Le risque de dépréciation est avéré ainsi que le rapport à la mort par exposition directe ou par expérience suicidaire. Ces situations interpellent l'ordre politique, les fonctions familiales ainsi que la médiation des réseaux professionnels de la santé, de la protection sociale, de l'éducation, du droit, de la recherche et de l'information. Une question éthique est ouverte qui appelle le ressourcement des savoirs et des méthodes afin que la violence et les divers formats de maltraitance ne puissent se développer et miner le devenir des enfants.
En Algérie, des situations réelles expriment le tableau du marasme sociofamilial et éducatif des enfants fragilisés : prostitution, drogues, fugues et errance, travail précoce, abandon, apprentissages limites ou déviants. Le développement didactique de la notion d'urgence, appliquée au travail d'accompagnement des enfants, illustre un vecteur de méthode et d'analyse des déterminants à risque. Toutefois, cette approche connaît des limites éthiques et applicatives dans le champ de l'enfance. Ces limites doivent être évoquées, car un système de maillage social ou politique ne doit pas se suffire de réparations conjoncturelles ni de méthodes, même les mieux adaptées, s'il ne peut s'interroger sur les origines des souffrances sociales et humaines, particulièrement celles des femmes et des enfants souvent intercesseurs de conflictualités opaques. Des interrogations claires doivent porter sur le mécanisme de l'exclusion institué par le manque de l'Etat, l'assignation de rôles marginaux aux plus faibles, la fermeture de l'intersubjectivité et la distorsion des solidarités. Des questions concernent encore les dispositifs conçus ou réalisés pour le développement opératoire et conceptuel des pratiques de protection de l'enfance(2).
Ainsi, il parait indispensable de qualifier, initialement, les registres de risques, virtuels et opératoires, concernant l'évolution de l'enfant dans la famille, dans le champ scolaire et social. Au demeurant, il s'agit de créer un entendement partagé des notions de violence et de maltraitance à enfant et des dispositifs qu'elles pourraient et devraient mobiliser pour un travail de protection de l'enfant. Or, une dimension de saturation de la communication sur les objets de la protection de l'enfant pourrait constituer un barrage fonctionnel important. Nous assistons actuellement à un travail d'information, de solidarité et de proposition associative, de formation conjoncturelle, voire à la carte, fondé sur l'événement ou sur la règle de l'urgence. Cependant, les indicateurs chiffrés, événementiels, traumatiques peuvent cesser de produire du sens et d'entraîner des mouvements de conscience en l'absence d'un arsenal composite de références judiciaires, de savoir-faire socioéducatif et sanitaire, de procédure prédictive et de réseau d'accompagnement. Le risque, de ce point de vue, serait de vulgariser à l'extrême le concept et le contenu de la maltraitance, de l'assigner au tout-venant et d'en systématiser les attentes en termes de réparation ou de sanction judiciaire. Il paraît fondamental de savoir reconnaître les conjonctures de maltraitances, de former des intervenants et d'appeler l'émergence de législations capables de protéger les enfants, les parents et les intervenants éventuels.
Dans l'ordre des propositions paradoxales du registre institutionnel, la projection de discussions d'ordre juridique semble aléatoire en l'absence, en Algérie, de textes de lois spécifiques à la protection de l'enfance. Le texte de La Convention internationale des droits de l'enfant ratifié par l'Algérie et assorti d'une déclaration interprétative de référence constitutionnelle (cf. J.O, n° 91 du 23 décembre 1992) n'a pas été intégré ni adapté à la législation nationale. Ce retard d'application des résolutions internationales, auxquelles adhère l'Algérie, constitue un obstacle à la protection effective de l'enfance.
De fait, en l'absence de références de lois, aucun procureur ne pourrait requérir la règle de droit contre un parent, contre un maître ou contre des auteurs de violences supposées ou avérées. Dans l'ordre du concret, citons le récit douloureux, rapporté par la presse nationale, d'une fillette durement punie dans sa chair et dans son intégrité de personne par un père monstrueux parce que, portée par l'impulsion affective du partage qui est le don particulier de l'enfance, elle a distribué, joyeusement, quelques cahiers et quelques gommes pris sur les étagères du commerce paternel. Aux plans clinique et judiciaire, il s'agit là d'une maltraitance clairement établie, identifiable et qualifiable dont a été coupable ce père indigne dans la région de Skikda. Quelles ont été les suites, sur le plan de la poursuite judiciaire, de la réparation psychologique, corporelle et morale de l'enfant ? Se peut-il qu'aucun magistrat n'ait eu avis de ce fait, aucune association de l'enfance, aucun service de la protection sociale, tous habilités en droit à se porter partie civile ? Voilà un exemple de jurisprudence ratée, précisément, en raison de l'absence d'outils de droit opposables aux maltraitants.
Une pédagogie plurielle est à construire pour élaborer et rendre lisibles les souffrances diverses des enfants, requalifier les approches notamment en passant du conjoncturel et de l'événementiel vers le systémique car les maltraitances, comme les drogues, sont des pratiques de destruction des liens et d'implication collective où tous les membres d'un groupe familial, professionnel ou social se trouvent interpellés. Ainsi, pour judiciariser les violences contre les enfants il est indispensable de créer et de qualifier la capacité de parole de l'enfant devant la justice et de former des intervenants, magistrats et opérateurs sociaux, au travail difficile de l'écoute et de la transcription.
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