La majorité des enfants de la rue en Algérie sont des garçons. Les filles sont, en effet, moins visibles dans la rue, car elles sont moins aventureuses et hésitent plus à quitter leurs domiciles même avec de mauvaises conditions de vie. On peut aussi les trouver travailler comme domestique, ouvrière dans des ateliers clandestins, ou comme prostituées dans des établissements spécialisés. Les enfants des rues ne rentrent pas tous dans la même « typologie », bien que la situation de chacun d’eux soit tragique, d’après des organismes spécialisés.
Riyad, SDF à huit ans !
On a toujours eu une fausse idée sur ces enfants, mais sur le terrain, la réalité est toute autre. En s'approchant d'eux, on a découvert un monde plein de souffrances. A chacun son histoire. Un seul enfant a attiré notre attention. Il était le moins âgé. Il s’appelle Riyad. Un charmant garçon au visage innocent, intelligent, et surtout éduqué.
L'histoire de Riyad est bien plus particulière, étant issu de parents divorcés. Nous l’avons rencontré aux alentours d'un quartier à Boudouaou. Il faisait nuit, environ vingt deux heures, dans un parking. Riyad s'apprêtait à rejoindre son lit de fortune, un vieux fourgon que le propriétaire a accepté de lui laisser ouvert la nuit.
Au début, il a eu peur et il a hésité à raconter ses déboires, et ayant repris confiance et en nous voyant vouloir sympathiser avec lui, il a accepté de nous parler et de nous vider son cœur: "Je m'appelle Riyad, j'ai douze ans. J’habitais Keddara ; un petit village situé prés de la commune de Boudouaou. Maintenant, je vis, depuis quatre ans tout seul, dans ces rues, suite à la rupture entre mes parents (divorcés). Les premiers temps, je vivais avec ma mère et mes deux fréres. Mon père, qui était mécanicien, a refait sa vie et il a eu trois autres enfants avec sa deuxième femme et il nous a totalement négligés. Après le divorce, ma mère s’est débrouillée un job pour nous nourrir, mais, à chaque fin de journée, elle rentrait épuisée et pour n'importe qu'elle raison, elle commençait à crier et me tabassait avec n’importe quel objet. Elle mettait du feu dans mes habits. Elle me brûlait la langue avec une fourchette très chaude… Un jour, elle a essayé de me brûler, en mettant du feu à mon pull. Heureusement, j’ai pu fuir et rejoindre mon père. Ce dernier avait déposé plainte à la gendarmerie qui l’avait tout de suite arrêtée pour coups et blessures. Elle a écopé de six mois de prison. Et depuis, ma mère me déteste. Ne supportant plus la situation, j'ai dû quitter la maison à l'âge de huit ans, vu que ma vie était en danger auprès de ma mère."
En entendant tout cela, nous n'avons pu nous empêcher de verser quelques larmes. Riyad s'arrête un moment, il se remémore et éclate en sanglots : "En aucun cas, j'ai voulu cette situation", s’est-il écrié avant d’ajouter : " j'étais un brillant élève. J'ai abandonné l'école vu que je n'avais aucune possibilité de poursuivre mes études. Ma mère refusait que j'aille chez mon père de peur de ne pas bénéficier de la pension alimentaire sans se soucier de moi. Je représentais pour elle une charge de plus."
Riyad, une fois à la rue et livré à lui-même, passe ses journées et la moitié de ses nuits à chercher de la nourriture. "Il m'arrive des fois de récupérer des matériaux ferreux pour les revendre en contrepartie d'une petite somme d'argent. Heureusement qu'il existe toujours des âmes charitables qui me proposent de l'aide à chaque fois et me donnent des conseils précieux afin d'éviter de sombrer dans le monde de la délinquance (la drogue, le tabac, le vol et l'agression)."
De l'expression de son visage, Riyad dégage une certaine rancœur, cachée au fond de lui, envers sa mère au lieu de sentir l'amour et l'affection: "Je sens de la tristesse quand je vois des enfants de mon âge tout heureux en allant à l'école accompagnés de leurs parents et moi …" Les yeux pleins de larmes, Riyad ne cesse de se demander la raison de son existence : " Pourquoi elle m'a mis au monde puisqu'elle me déteste ?", a-t-il fulminé.
On a quitté Riyad, avec une grande peine, afin de le laisser dormir en paix pour affronter une nouvelle journée et de nouvelles aventures. Il était environ vingt trois heures. Son rêve, de se retrouver entouré de sa petite famille et retrouvé la chaleur et l'amour perdu, de reprendre ses études, se réalisera-t-il un jour,?
Plusieurs d’autres Riyad vivent dans l'ombre, et sont exposés à toutes formes d'exploitation. Ils sont victimes de graves dangers qui leur sont souvent fatals. Les maladies, les accidents, l’indifférence, la violence, et les sévices sexuels sont le lot de leur quotidien. Un quotidien imposé par des adultes, sans doute plus forts qu’eux. Leurs souffrances restent ignorées et leurs droits les plus élémentaires occultés.
D'autres enfants témoignent
Nous avons décidé de nous déplacer le lendemain à la ville de Boumerdès. A la plage, nous avons aperçu un groupe d'enfants. Nous nous sommes approchés d'eux afin de recueillir leurs témoignages. Le contact était difficile, au début. Mais peu à peu, leurs langues commencent à se délier.
Ahmed, âgé de 15 ans, raconte : "Depuis que mes parents ont divorcé, j’étais obligé de me prendre en charge, moi et mes deux petites sœurs. Alors, je me suis retrouvé dans la rue à vendre des cigarettes, afin de ne pas ajouter d’autres dépenses à ma mère, déjà affaiblie par la maigre pension alimentaire, versée, rarement d’ailleurs, par mon père. Donc, j'ai préféré abandonné mes études pour ne pas être une charge de plus". Il s’arrête un petit moment, puis il continue en colère : "Quand les grands n'assument pas leurs responsabilités, c'est les enfants qui payent toujours". Un autre enfant se dirige vers nous. Il voulait certainement parler. "Et moi, vous ne voulez pas m'interroger?", a réclamé Saïd, avant de commencer à raconter son histoire avec la rue. "Moi, je m'appelle Saïd. J'ai 16 ans. Ma situation est très spéciale. Je dois rentrer très tard la nuit pour éviter tout contact avec mon père qui est tous le temps soûl et agressif. Et c'est ma mère qui paye. Je ne supporte plus de la voir pleurer. Donc j'ai décidé de rejoindre la rue, et là, j'ai commencé à fumer et à me droguer pour oublier ma souffrance. Je sais que ce n’est pas bien pour ma santé mais "Allah raleb" c'est plus fort que moi".
Sur le chemin de retour, nous aurions bien voulu rencontrer au moins une fille. Mais, apparemment, ce n'est pas évident. Les filles sont moins visibles. Et comme par hasard, nous sommes tombés sur une fille qui a l'air un peut bizarre. On s’est arrêté pour lui parler. Pas question de raconter sa propre histoire. Par contre, elle a accepté de parler d'une certaine Kenza, âgée de 09 ans. "Depuis le décès de sa maman, Kenza vit avec sa grande sœur et son père. Ce dernier s'est remarié avec une méchante femme. C'était le début des souffrances de Kenza. Sa belle mère la maltraitait. Elle la frappait. Elle la mettait dehors tout au long de la journée. Elle ne pouvait pas se défendre. Ses études en patisssaient, car elle ne pouvait plus réfléchir. Elle ne pensait qu'à fuguer et se débarrasser de sa belle mère. Son père s'en foutait pas mal d'elle (elle et sa sœur). Kenza avait décidé de s'enfuir. Elle était restée une semaine dehors. C'était là où je l'avais rencontrée", a-t-elle raconté sur une touche d’amertume. Et de poursuivre : "Un jour, Kenza décide de rentrer à la maison. Malheureusement, la belle-mère n’était pas contente. Elle l'avait chassé de la maison. Kenza est sortie en courant. Et un camion, de passage, met fin à sa vie". La fille s'arrête puis continue : "Comme ça, Kenza a trouvé enfin la paix". Il est inadmissible que certains enfants n'aient d'autre choix que de vivre dans la rue sans protection, livrés à la délinquance et survivant de la mendicité. Souffrant en silence.
Par La depêche de Kabylie
Riyad, SDF à huit ans !
On a toujours eu une fausse idée sur ces enfants, mais sur le terrain, la réalité est toute autre. En s'approchant d'eux, on a découvert un monde plein de souffrances. A chacun son histoire. Un seul enfant a attiré notre attention. Il était le moins âgé. Il s’appelle Riyad. Un charmant garçon au visage innocent, intelligent, et surtout éduqué.
L'histoire de Riyad est bien plus particulière, étant issu de parents divorcés. Nous l’avons rencontré aux alentours d'un quartier à Boudouaou. Il faisait nuit, environ vingt deux heures, dans un parking. Riyad s'apprêtait à rejoindre son lit de fortune, un vieux fourgon que le propriétaire a accepté de lui laisser ouvert la nuit.
Au début, il a eu peur et il a hésité à raconter ses déboires, et ayant repris confiance et en nous voyant vouloir sympathiser avec lui, il a accepté de nous parler et de nous vider son cœur: "Je m'appelle Riyad, j'ai douze ans. J’habitais Keddara ; un petit village situé prés de la commune de Boudouaou. Maintenant, je vis, depuis quatre ans tout seul, dans ces rues, suite à la rupture entre mes parents (divorcés). Les premiers temps, je vivais avec ma mère et mes deux fréres. Mon père, qui était mécanicien, a refait sa vie et il a eu trois autres enfants avec sa deuxième femme et il nous a totalement négligés. Après le divorce, ma mère s’est débrouillée un job pour nous nourrir, mais, à chaque fin de journée, elle rentrait épuisée et pour n'importe qu'elle raison, elle commençait à crier et me tabassait avec n’importe quel objet. Elle mettait du feu dans mes habits. Elle me brûlait la langue avec une fourchette très chaude… Un jour, elle a essayé de me brûler, en mettant du feu à mon pull. Heureusement, j’ai pu fuir et rejoindre mon père. Ce dernier avait déposé plainte à la gendarmerie qui l’avait tout de suite arrêtée pour coups et blessures. Elle a écopé de six mois de prison. Et depuis, ma mère me déteste. Ne supportant plus la situation, j'ai dû quitter la maison à l'âge de huit ans, vu que ma vie était en danger auprès de ma mère."
En entendant tout cela, nous n'avons pu nous empêcher de verser quelques larmes. Riyad s'arrête un moment, il se remémore et éclate en sanglots : "En aucun cas, j'ai voulu cette situation", s’est-il écrié avant d’ajouter : " j'étais un brillant élève. J'ai abandonné l'école vu que je n'avais aucune possibilité de poursuivre mes études. Ma mère refusait que j'aille chez mon père de peur de ne pas bénéficier de la pension alimentaire sans se soucier de moi. Je représentais pour elle une charge de plus."
Riyad, une fois à la rue et livré à lui-même, passe ses journées et la moitié de ses nuits à chercher de la nourriture. "Il m'arrive des fois de récupérer des matériaux ferreux pour les revendre en contrepartie d'une petite somme d'argent. Heureusement qu'il existe toujours des âmes charitables qui me proposent de l'aide à chaque fois et me donnent des conseils précieux afin d'éviter de sombrer dans le monde de la délinquance (la drogue, le tabac, le vol et l'agression)."
De l'expression de son visage, Riyad dégage une certaine rancœur, cachée au fond de lui, envers sa mère au lieu de sentir l'amour et l'affection: "Je sens de la tristesse quand je vois des enfants de mon âge tout heureux en allant à l'école accompagnés de leurs parents et moi …" Les yeux pleins de larmes, Riyad ne cesse de se demander la raison de son existence : " Pourquoi elle m'a mis au monde puisqu'elle me déteste ?", a-t-il fulminé.
On a quitté Riyad, avec une grande peine, afin de le laisser dormir en paix pour affronter une nouvelle journée et de nouvelles aventures. Il était environ vingt trois heures. Son rêve, de se retrouver entouré de sa petite famille et retrouvé la chaleur et l'amour perdu, de reprendre ses études, se réalisera-t-il un jour,?
Plusieurs d’autres Riyad vivent dans l'ombre, et sont exposés à toutes formes d'exploitation. Ils sont victimes de graves dangers qui leur sont souvent fatals. Les maladies, les accidents, l’indifférence, la violence, et les sévices sexuels sont le lot de leur quotidien. Un quotidien imposé par des adultes, sans doute plus forts qu’eux. Leurs souffrances restent ignorées et leurs droits les plus élémentaires occultés.
D'autres enfants témoignent
Nous avons décidé de nous déplacer le lendemain à la ville de Boumerdès. A la plage, nous avons aperçu un groupe d'enfants. Nous nous sommes approchés d'eux afin de recueillir leurs témoignages. Le contact était difficile, au début. Mais peu à peu, leurs langues commencent à se délier.
Ahmed, âgé de 15 ans, raconte : "Depuis que mes parents ont divorcé, j’étais obligé de me prendre en charge, moi et mes deux petites sœurs. Alors, je me suis retrouvé dans la rue à vendre des cigarettes, afin de ne pas ajouter d’autres dépenses à ma mère, déjà affaiblie par la maigre pension alimentaire, versée, rarement d’ailleurs, par mon père. Donc, j'ai préféré abandonné mes études pour ne pas être une charge de plus". Il s’arrête un petit moment, puis il continue en colère : "Quand les grands n'assument pas leurs responsabilités, c'est les enfants qui payent toujours". Un autre enfant se dirige vers nous. Il voulait certainement parler. "Et moi, vous ne voulez pas m'interroger?", a réclamé Saïd, avant de commencer à raconter son histoire avec la rue. "Moi, je m'appelle Saïd. J'ai 16 ans. Ma situation est très spéciale. Je dois rentrer très tard la nuit pour éviter tout contact avec mon père qui est tous le temps soûl et agressif. Et c'est ma mère qui paye. Je ne supporte plus de la voir pleurer. Donc j'ai décidé de rejoindre la rue, et là, j'ai commencé à fumer et à me droguer pour oublier ma souffrance. Je sais que ce n’est pas bien pour ma santé mais "Allah raleb" c'est plus fort que moi".
Sur le chemin de retour, nous aurions bien voulu rencontrer au moins une fille. Mais, apparemment, ce n'est pas évident. Les filles sont moins visibles. Et comme par hasard, nous sommes tombés sur une fille qui a l'air un peut bizarre. On s’est arrêté pour lui parler. Pas question de raconter sa propre histoire. Par contre, elle a accepté de parler d'une certaine Kenza, âgée de 09 ans. "Depuis le décès de sa maman, Kenza vit avec sa grande sœur et son père. Ce dernier s'est remarié avec une méchante femme. C'était le début des souffrances de Kenza. Sa belle mère la maltraitait. Elle la frappait. Elle la mettait dehors tout au long de la journée. Elle ne pouvait pas se défendre. Ses études en patisssaient, car elle ne pouvait plus réfléchir. Elle ne pensait qu'à fuguer et se débarrasser de sa belle mère. Son père s'en foutait pas mal d'elle (elle et sa sœur). Kenza avait décidé de s'enfuir. Elle était restée une semaine dehors. C'était là où je l'avais rencontrée", a-t-elle raconté sur une touche d’amertume. Et de poursuivre : "Un jour, Kenza décide de rentrer à la maison. Malheureusement, la belle-mère n’était pas contente. Elle l'avait chassé de la maison. Kenza est sortie en courant. Et un camion, de passage, met fin à sa vie". La fille s'arrête puis continue : "Comme ça, Kenza a trouvé enfin la paix". Il est inadmissible que certains enfants n'aient d'autre choix que de vivre dans la rue sans protection, livrés à la délinquance et survivant de la mendicité. Souffrant en silence.
Par La depêche de Kabylie
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