A Oman, le developpement s'est fait en douceur, en 40 ans ils sont passé du sous développement à la modernité sans perdre leur authenticité.
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Au sud du plus grand chantier de la planète, celui de Dubaï, une paisible pétromonarchie préfère l'authenticité et la modestie à l'excentricité et à la mégalomanie. Enturbanné d'une aura mystique, elle persévère dans la tradition tout en suscitant intrigue et fascination; plus qu'un complément à une visite de Dubaï, Oman forme en soi une surprenante destination.
Mascate -- Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Oman revient de loin. Il n'y a pas si longtemps -- 40 ans à peine --, ce discret sultanat de la péninsule arabique vivotait en mode médiéval dans une ambiance pour le moins tiers-mondiste. À l'époque, le pays ne comptait que trois écoles et une vingtaine de lits d'hôpitaux et accusait un analphabétisme rampant ainsi qu'une espérance de vie inférieure à 50 ans. Journaux, télé et radio étaient media non grata et le seul ruban de bitume se déroulait entre Mascate et son quartier de Mouttrah, sur à peine dix kilomètres... Bref, c'était la mouise.
Tout a changé quand l'actuel sultan Qabous décida que ça commençait à bien faire, de laisser dormir tous ces pétrobidous dans les coffres de son paternel, un grippe-sous parano replié sur lui-même. De retour d'un séjour dans la fière Albion, fiston bouta alors papa hors du sultanat (en fait, il le qabouscula) et entreprit de rénover le pays. Ainsi débuta ce qu'on appelle aujourd'hui la Renaissance d'Oman.
Désormais, les Omanais ont tous accès à de décents soins de santé, les nouvelles générations sont scolarisées et le pays est traversé par un vaste réseau de routes pavées et lisses comme un billard. Mieux: le sultan Qabous a créé un véritable État-providence qui subvient aux besoins élémentaires de tout un chacun, à commencer par les nécessiteux. Inutile de préciser que, malgré une monarchie absolue et un sultan plénipotentiaire, pas moyen de trouver quelqu'un qui ait ici du fiel à déverser.
Dans cet ancien protectorat britannique empreint d'un islam tolérant et progressiste, on fait aussi la part belle aux femmes, détentrices de plusieurs postes clés dans l'administration publique, dont trois ministères. En outre, Oman est le premier pays arabe à avoir engagé des policières, même si les femmes n'ont acquis le droit de vote qu'en 1997. «Le sultan a compris que, puisque ce sont elles qui élèvent les enfants, il valait mieux qu'elles soient elles-mêmes instruites», explique Jacky Hirzel, guide iranienne expatriée en Oman. Bref, une mère inculte risque de transmettre ses tares éducationnelles à sa descendance, et ladite descendance ne peut plus se permettre de vivre dans un pays arriéré.
«Pour moi, Oman, c'est le paradis», assure Mauro Martini, un guide italo-serbe né en Allemagne et qui y vit depuis trois ans. «Les gens sont hyper-gentils, c'est archi-sécuritaire, il fait toujours beau et chaud, il n'y a jamais d'ouragan ou de cataclysme naturel et le coût de la vie n'est pas trop élevé, surtout si on le compare à Dubaï.»
Pour tout étranger qui y débarque, là ne s'arrêtent pas les avantages: de fabuleux fjords où s'ébattent des contingents de dauphins (péninsule de Moussandam); 2000 kilomètres de côtes parsemées de plages idylliques et de sites de plongée féeriques; 700 kilomètres de rudes massifs montagneux percés de jouissifs canyons; des étendues dunaires dignes du Ténéré (comme dans le Roub al-Khali, le fameux Quart vide); des villages de pêcheurs qui n'ont pas changé depuis Ibn Battuta; ainsi qu'une ravissante cité, Mascate, qui jouit à la fois du titre de capitale du monde la plus petite et la plus chaude.
Dans le souk de Mouttrah, vieux quartier populaire de Mascate, les allées sont chargées d'épices, de broderies, d'or, de soieries et de khanjars, ces fameuses dagues en argent qu'on retrouve sur les armoiries d'Oman. Mais au-delà de ce capharnaüm mercantile planent d'enivrants effluves capiteux, qui vous caressent les voies nasales jusqu'à doucement vous racler les sinus, attisant de vagues souvenirs d'églises catholiques, évoquant une histoire millénaire et un passé éminemment commerçant.
Ce qui flotte dans l'air des souks de Mouttrah, c'est l'odeur de myrrhe et surtout d'encens, la divine résine qui fait monter les prières au ciel, parfume les vêtements des Omanais et apaise les sens de quiconque l'hume à grandes bouffées.
C'est dans la région du Dhofar, aux confins du Yémen, qu'on cultive le meilleur encens du monde. À l'époque de Néron, qui en brûla plus en une nuit que tout ce que produisait alors l'Arabie en un an, l'encens valait plus cher que l'or et servait de monnaie d'échange à Oman, carrefour essentiel du Moyen-Orient et porte d'accès des expéditions pour l'Inde.
Aujourd'hui, Mascate perdure dans son rôle de plaque tournante commerciale: après tout, c'est ce qu'elle fait de mieux depuis des lustres. Mais elle demeure néanmoins l'antithèse de la ville chaotique moyen-orientale, gardant le profil bas, vivant au jour le jour, bien nippée dans sa mignonne robe blanche qui se découpe lumineusement sur fond de montagnes rêches.
Après le feu d'artifices -- dans tous les sens du terme -- de Dubaï, elle rafraîchit par son authenticité, sans flafla ni faux jetons, sans frimeurs à la petite semaine ni jeteurs de poudre aux yeux. Dans les modestes venelles qui jouxtent la Corniche, les sourires réverbèrent, les gamins badinent, les badins cheminent.
Quelques portes ouvragées, typiquement omanaises, s'ouvrent sur un fond de cour où les hommes fument la shisha (narguilé) vêtus de leur dishdasha (longue tunique) et coiffés de l'omniprésente kummah, ce joli couvre-chef brodé. Dans Liwatiya, un quartier où vivent des musulmans du même nom, le vase est cependant clos: le périmètre est muré et gardé et nul étranger n'est admis à baguenauder.
Peu importe leur allégeance, tous les musulmans de Mascate se réunissent chaque semaine dans la Grande mosquée du sultan Qabous. Absolument splendide au petit matin, ce chef-d'oeuvre de grâce, de finesse et de lumière peut accueillir 20 000 fidèles, dont 7000 dans la grande salle de prière. C'est là que pend du plafond le plus gros lustre du monde, commandé chez Svarowski -- un véritable vaisseau spatial -- au-dessus du plus grand tapis de la planète que 600 tisserandes ont confectionné au terme de quatre années de labeur. Et dehors, les pieds bien posés sur l'éblouissant marbre blanc, saoûlé par l'humeur aérienne des frangipaniers, on a presque envie de se convertir tant la sérénité se fait ubiquiste.
La suite...
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Au sud du plus grand chantier de la planète, celui de Dubaï, une paisible pétromonarchie préfère l'authenticité et la modestie à l'excentricité et à la mégalomanie. Enturbanné d'une aura mystique, elle persévère dans la tradition tout en suscitant intrigue et fascination; plus qu'un complément à une visite de Dubaï, Oman forme en soi une surprenante destination.
Mascate -- Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Oman revient de loin. Il n'y a pas si longtemps -- 40 ans à peine --, ce discret sultanat de la péninsule arabique vivotait en mode médiéval dans une ambiance pour le moins tiers-mondiste. À l'époque, le pays ne comptait que trois écoles et une vingtaine de lits d'hôpitaux et accusait un analphabétisme rampant ainsi qu'une espérance de vie inférieure à 50 ans. Journaux, télé et radio étaient media non grata et le seul ruban de bitume se déroulait entre Mascate et son quartier de Mouttrah, sur à peine dix kilomètres... Bref, c'était la mouise.
Tout a changé quand l'actuel sultan Qabous décida que ça commençait à bien faire, de laisser dormir tous ces pétrobidous dans les coffres de son paternel, un grippe-sous parano replié sur lui-même. De retour d'un séjour dans la fière Albion, fiston bouta alors papa hors du sultanat (en fait, il le qabouscula) et entreprit de rénover le pays. Ainsi débuta ce qu'on appelle aujourd'hui la Renaissance d'Oman.
Désormais, les Omanais ont tous accès à de décents soins de santé, les nouvelles générations sont scolarisées et le pays est traversé par un vaste réseau de routes pavées et lisses comme un billard. Mieux: le sultan Qabous a créé un véritable État-providence qui subvient aux besoins élémentaires de tout un chacun, à commencer par les nécessiteux. Inutile de préciser que, malgré une monarchie absolue et un sultan plénipotentiaire, pas moyen de trouver quelqu'un qui ait ici du fiel à déverser.
Dans cet ancien protectorat britannique empreint d'un islam tolérant et progressiste, on fait aussi la part belle aux femmes, détentrices de plusieurs postes clés dans l'administration publique, dont trois ministères. En outre, Oman est le premier pays arabe à avoir engagé des policières, même si les femmes n'ont acquis le droit de vote qu'en 1997. «Le sultan a compris que, puisque ce sont elles qui élèvent les enfants, il valait mieux qu'elles soient elles-mêmes instruites», explique Jacky Hirzel, guide iranienne expatriée en Oman. Bref, une mère inculte risque de transmettre ses tares éducationnelles à sa descendance, et ladite descendance ne peut plus se permettre de vivre dans un pays arriéré.
«Pour moi, Oman, c'est le paradis», assure Mauro Martini, un guide italo-serbe né en Allemagne et qui y vit depuis trois ans. «Les gens sont hyper-gentils, c'est archi-sécuritaire, il fait toujours beau et chaud, il n'y a jamais d'ouragan ou de cataclysme naturel et le coût de la vie n'est pas trop élevé, surtout si on le compare à Dubaï.»
Pour tout étranger qui y débarque, là ne s'arrêtent pas les avantages: de fabuleux fjords où s'ébattent des contingents de dauphins (péninsule de Moussandam); 2000 kilomètres de côtes parsemées de plages idylliques et de sites de plongée féeriques; 700 kilomètres de rudes massifs montagneux percés de jouissifs canyons; des étendues dunaires dignes du Ténéré (comme dans le Roub al-Khali, le fameux Quart vide); des villages de pêcheurs qui n'ont pas changé depuis Ibn Battuta; ainsi qu'une ravissante cité, Mascate, qui jouit à la fois du titre de capitale du monde la plus petite et la plus chaude.
Dans le souk de Mouttrah, vieux quartier populaire de Mascate, les allées sont chargées d'épices, de broderies, d'or, de soieries et de khanjars, ces fameuses dagues en argent qu'on retrouve sur les armoiries d'Oman. Mais au-delà de ce capharnaüm mercantile planent d'enivrants effluves capiteux, qui vous caressent les voies nasales jusqu'à doucement vous racler les sinus, attisant de vagues souvenirs d'églises catholiques, évoquant une histoire millénaire et un passé éminemment commerçant.
Ce qui flotte dans l'air des souks de Mouttrah, c'est l'odeur de myrrhe et surtout d'encens, la divine résine qui fait monter les prières au ciel, parfume les vêtements des Omanais et apaise les sens de quiconque l'hume à grandes bouffées.
C'est dans la région du Dhofar, aux confins du Yémen, qu'on cultive le meilleur encens du monde. À l'époque de Néron, qui en brûla plus en une nuit que tout ce que produisait alors l'Arabie en un an, l'encens valait plus cher que l'or et servait de monnaie d'échange à Oman, carrefour essentiel du Moyen-Orient et porte d'accès des expéditions pour l'Inde.
Aujourd'hui, Mascate perdure dans son rôle de plaque tournante commerciale: après tout, c'est ce qu'elle fait de mieux depuis des lustres. Mais elle demeure néanmoins l'antithèse de la ville chaotique moyen-orientale, gardant le profil bas, vivant au jour le jour, bien nippée dans sa mignonne robe blanche qui se découpe lumineusement sur fond de montagnes rêches.
Après le feu d'artifices -- dans tous les sens du terme -- de Dubaï, elle rafraîchit par son authenticité, sans flafla ni faux jetons, sans frimeurs à la petite semaine ni jeteurs de poudre aux yeux. Dans les modestes venelles qui jouxtent la Corniche, les sourires réverbèrent, les gamins badinent, les badins cheminent.
Quelques portes ouvragées, typiquement omanaises, s'ouvrent sur un fond de cour où les hommes fument la shisha (narguilé) vêtus de leur dishdasha (longue tunique) et coiffés de l'omniprésente kummah, ce joli couvre-chef brodé. Dans Liwatiya, un quartier où vivent des musulmans du même nom, le vase est cependant clos: le périmètre est muré et gardé et nul étranger n'est admis à baguenauder.
Peu importe leur allégeance, tous les musulmans de Mascate se réunissent chaque semaine dans la Grande mosquée du sultan Qabous. Absolument splendide au petit matin, ce chef-d'oeuvre de grâce, de finesse et de lumière peut accueillir 20 000 fidèles, dont 7000 dans la grande salle de prière. C'est là que pend du plafond le plus gros lustre du monde, commandé chez Svarowski -- un véritable vaisseau spatial -- au-dessus du plus grand tapis de la planète que 600 tisserandes ont confectionné au terme de quatre années de labeur. Et dehors, les pieds bien posés sur l'éblouissant marbre blanc, saoûlé par l'humeur aérienne des frangipaniers, on a presque envie de se convertir tant la sérénité se fait ubiquiste.
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