Et oui sans l'erreur de Nasser qui a exigé - et obtenu - du secrétaire général des Nations unies le départ des Casques bleus stationnés dans le Sinaï depuis 1957, Israël n'aurait jamais attaquer l'Egypte.
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Jamais les pays arabes n'avaient imaginé qu'Israël oserait se lancer dans une attaque préventive et occuper la bande de Gaza et le Sinaï. L'occupation dure toujours.
Le 5 juin 1967 à 7h00 du matin, c'est en entendant un signal codé que 180 chasseurs Mirage et les bombardiers Vautour israéliens se sont envolés pour clouer au sol les aviations des armées égyptienne, syrienne et jordanienne dont les pilotes n'avaient même pas été placés en état d'alerte. Le raid a duré moins de deux heures. En quelques survols israéliens, 309 des 345 chasseurs et bombardiers égyptiens ont ainsi été cloués au sol alors que Tsahal (l'armée de l'Etat hébreu) n'en perdait que 19. Disposant de la suprématie aérienne, l'état-major israélien a alors lancé l'opération «Drap rouge» visant à envahir la bande de Gaza (alors sous contrôle égyptien) ainsi que le désert du Sinaï. Là, stationnaient plus de mille T-54 et T-55 livrés à l'Egypte par l'URSS. Eux non plus n'ont pas résisté longtemps aux 345 blindés du général Gavish appuyés par un parapluie aérien efficace.
Le 7 juin, les éléments israéliens les plus avancés se trouvent à moins de quarante kilomètres du canal de Suez. Après avoir transmis un message enjoignant au roi Hussein de Jordanie de rester en dehors du conflit, le premier ministre de l'Etat hébreu Levi Eshkol, son ministre de la Défense Moshe Dayan et le chef de l'état-major Yitzhak Rabin autorisent l'ouverture d'un deuxième front. La Cisjordanie est conquise en quelques heures et deux cent mille réfugiés palestiniens qui s'y étaient installés après la création de l'Etat hébreu (1948) reprennent le chemin de l'exil. A pied ou à dos d'âne, ils fuient vers les pays arabes voisins qui les accueillent tant bien que mal. A Jérusalem, les unités d'élite de Tsahal s'emparent de la partie arabe de la ville: de l'esplanade du mont du Temple sur lequel est bâtie la mosquée Al-Aksa (le troisième lieu saint de l'islam) mais surtout le mur des Lamentations, le premier des lieux saints juifs auquel ces derniers n'avaient plus accès depuis 1948.
Les 8 et 9 juin, alors que les Israéliens confortent leur avance et réduisent les dernières poches de résistance égyptiennes, la Légion arabe jordanienne se retire de Cisjordanie. Les soldats de l'Etat hébreu campent désormais le long du Jourdain. Au même moment, la brigade d'élite «Golani» monte à l'assaut du plateau du Golan, une position stratégique à partir de laquelle l'armée syrienne pouvait contrôler le nord d'Israël. La bataille dure vingt heures. Le 10 juin, lorsque le cessez-le-feu entre en vigueur, Israël a quasiment triplé de superficie. Tsahal a perdu 800 hommes mais l'armée égyptienne commandée par le maréchal Amer compte plus de 20000 morts dans ses rangs, les Jordaniens 6000 et les Syriens 500.
• Le processus de la guerre
Quarante ans plus tard, le déroulé de la guerre des Six-Jours peut sembler bien linéaire. Mais il ne l'est pas. A-t-elle été planifiée par les «faucons» israéliens comme le prétendent certains historiens? Le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait sous-estimé les dirigeants de l'Etat hébreu en pariant sur le fait qu'ils n'oseraient pas déclencher une attaque préventive? «Le processus guerrier s'est vraiment enclenché le 18 mai 1967 lorsque Nasser a exigé - et obtenu - du secrétaire général des Nations unies le départ des Casques bleus stationnés dans le Sinaï depuis 1957 afin de veiller à ce que cette zone reste démilitarisée», explique Tom Segev, le chef de file des «nouveaux historiens» israéliens qui vient de publier un ouvrage consacré à la guerre des Six-Jours.* «Quelques jours plus tard, l'Egypte a également proclamé le blocus du golfe d'Akaba par lequel transitaient les navires se rendant au port israélien d'Eilat. Pour Levi Eshkol, Moshe Dayan et l'état-major de Tsahal, il s'agissait d'un casus belli.»
«Ce sentiment était d'ailleurs partagé par la plupart des 2 millions de ressortissants israéliens qui étaient alors des survivants de la Shoah», poursuit l'historien. «Le facteur psychologique a pesé d'autant plus fort dans le déclenchement de cette guerre qu'Israël était affaibli du point de vue moral. Le pays traversait une crise économique importante et de nombreux Israéliens s'installaient à l'étranger. Certes, on ne connaît pas les vraies intentions des dirigeants arabes de l'époque mais pour les Israéliens qui restaient au pays, il était évident que les vociférations du leader de l'OLP Ahmed Choukeiry promettant que «le sang des juifs allait couler dans les rigoles de Tel-Aviv», préfiguraient ce qui risquait de se passer vraiment dans les prochaines semaines.»
• Persuadés d'être envahis
Adolescent en juin 1967, le député progressiste Avshalom Vilan se souvient de l'«ambiance morbide» de l'époque. «Les trois semaines séparant le départ des Casques bleus du 5 juin à l'aube ont été horriblement longues. Nous étions persuadés que les Arabes, supérieurs en nombre et en armement, allaient nous envahir en quelques enjambées. Qu'il faudrait combattre maison par maison et que nos filles seraient violées à même les trottoirs. Comme tous les jeunes gens de mon âge, je passais mes journées à creuser des tombes et des tranchées dans les jardins publics car nous pensions que nos pertes seraient énormes», ajoute celui qui allait, vingt-quatre ans plus tard, participer à la fondation du mouvement «La paix maintenant».
Au sein de la communauté internationale, bon nombre de dirigeants n'étaient pourtant pas persuadés qu'Israël était réellement en danger. Charles de Gaulle avait d'ailleurs fait savoir à Levy Eshkol qu'il prononcerait un embargo (la France était alors le principal fournisseur d'armes de l'Etat hébreu) si Jérusalem prenait l'initiative de déclencher les hostilités. Quant au président américain Lyndon Johnson, il avait déclaré au chef de la diplomatie israélienne Abba Ebban que son pays «n'était pas en danger, seulement en situation difficile».
Selon les protocoles des délibérations du gouvernement israéliens révélés beaucoup plus tard, le premier ministre israélienn'était pas décidé à lancer une attaque préventive. Homme intelligent mais hésitant, cet ancien agriculteur s'est semble-t-il laissé entraîner par l'enthousiasme guerrier de Moshe Dayan et de son état-major. D'accord pour frapper l'Egypte, qui représentait le danger principal, il était nettement moins chaud à propos de la Jordanie. «Six mois avant la guerre, les dirigeants du Mossad et de l'Aman (les Renseignements militaires) avaient beaucoup discuté du sort de la Cisjordanie en cas de conflit. Ils avaient conclu que sa conquête porterait préjudice à Israël», affirme Tom Segev, qui a eu accès aux documents secrets de l'époque. Ce qui explique sans doute pourquoi Levi Eshkol ne voyait pas l'utilité d'une confrontation avec le royaume hachémite même si l'armée de ce pays, qui avait été placée sous commandement égyptien quelques semaines auparavant, bombardait la partie juive de Jérusalem.
• L'enjeu du Golan
En ce qui concerne la Syrie, Moshe Dayan a confié dans ses Mémoires posthumes que la conquête du Golan n'était pas non plus préméditée. A l'en croire, le lobby des kibboutzim (à l'époque les villages collectifs constituaient l'ossature du parti travailliste) aurait exercé d'énormes pressions sur le gouvernement et sur l'état-major. Parce que l'armée syrienne pilonnait et bombardait certains kibboutzim de haute Galilée mais aussi - et surtout - parce que le Golan contient d'énormes réserves d'eau. Dans les mois précédant l'ouverture des hostilités, l'utilisation des eaux de la rivière Banias avait d'ailleurs provoqué plusieurs accrochages meurtriers entre soldats israéliens et syriens.
Au sein du monde arabe chauffé à blanc par l'idée que ses armées allaient bientôt «venger 1948 en roulant dans les rues de Tel-Aviv», l'entrée en vigueur du cessez-le-feu du 10 juin a eu l'effet d'une douche écossaise. A l'humiliation de voir des dizaines de milliers de prisonniers égyptiens progressant à pieds nus dans le désert sous le regard hilare de quelques gardes israéliens s'ajoutaient les images pathétiques des réfugiés palestiniens de Cisjordanie entassés sous des abris de fortune. Mais la victoire de Tsahal a également surpris le public israélien. «En six jours, nous sommes passés d'une déprime profonde à un état de surexcitation extrême. Tout nous semblait possible», se souvient l'ancien chroniqueur militaire Eytan Haber. «Retransmise en direct par «Kol Israël» (la radio publique) l'arrivée du grand rabbin Shlomo Goren devant le mur des Lamentations a fait pleurer le pays d'émotion. De simples «généraux prestigieux», Moshe Dayan, Yitzhak Rabin, Ezer Weizman (le chef de l'aviation) et leurs homologues se sont transformés en demi-dieux dont personne n'aurait eu l'audace de contester les décisions».
La suite...
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Jamais les pays arabes n'avaient imaginé qu'Israël oserait se lancer dans une attaque préventive et occuper la bande de Gaza et le Sinaï. L'occupation dure toujours.
Le 5 juin 1967 à 7h00 du matin, c'est en entendant un signal codé que 180 chasseurs Mirage et les bombardiers Vautour israéliens se sont envolés pour clouer au sol les aviations des armées égyptienne, syrienne et jordanienne dont les pilotes n'avaient même pas été placés en état d'alerte. Le raid a duré moins de deux heures. En quelques survols israéliens, 309 des 345 chasseurs et bombardiers égyptiens ont ainsi été cloués au sol alors que Tsahal (l'armée de l'Etat hébreu) n'en perdait que 19. Disposant de la suprématie aérienne, l'état-major israélien a alors lancé l'opération «Drap rouge» visant à envahir la bande de Gaza (alors sous contrôle égyptien) ainsi que le désert du Sinaï. Là, stationnaient plus de mille T-54 et T-55 livrés à l'Egypte par l'URSS. Eux non plus n'ont pas résisté longtemps aux 345 blindés du général Gavish appuyés par un parapluie aérien efficace.
Le 7 juin, les éléments israéliens les plus avancés se trouvent à moins de quarante kilomètres du canal de Suez. Après avoir transmis un message enjoignant au roi Hussein de Jordanie de rester en dehors du conflit, le premier ministre de l'Etat hébreu Levi Eshkol, son ministre de la Défense Moshe Dayan et le chef de l'état-major Yitzhak Rabin autorisent l'ouverture d'un deuxième front. La Cisjordanie est conquise en quelques heures et deux cent mille réfugiés palestiniens qui s'y étaient installés après la création de l'Etat hébreu (1948) reprennent le chemin de l'exil. A pied ou à dos d'âne, ils fuient vers les pays arabes voisins qui les accueillent tant bien que mal. A Jérusalem, les unités d'élite de Tsahal s'emparent de la partie arabe de la ville: de l'esplanade du mont du Temple sur lequel est bâtie la mosquée Al-Aksa (le troisième lieu saint de l'islam) mais surtout le mur des Lamentations, le premier des lieux saints juifs auquel ces derniers n'avaient plus accès depuis 1948.
Les 8 et 9 juin, alors que les Israéliens confortent leur avance et réduisent les dernières poches de résistance égyptiennes, la Légion arabe jordanienne se retire de Cisjordanie. Les soldats de l'Etat hébreu campent désormais le long du Jourdain. Au même moment, la brigade d'élite «Golani» monte à l'assaut du plateau du Golan, une position stratégique à partir de laquelle l'armée syrienne pouvait contrôler le nord d'Israël. La bataille dure vingt heures. Le 10 juin, lorsque le cessez-le-feu entre en vigueur, Israël a quasiment triplé de superficie. Tsahal a perdu 800 hommes mais l'armée égyptienne commandée par le maréchal Amer compte plus de 20000 morts dans ses rangs, les Jordaniens 6000 et les Syriens 500.
• Le processus de la guerre
Quarante ans plus tard, le déroulé de la guerre des Six-Jours peut sembler bien linéaire. Mais il ne l'est pas. A-t-elle été planifiée par les «faucons» israéliens comme le prétendent certains historiens? Le président égyptien Gamal Abdel Nasser avait sous-estimé les dirigeants de l'Etat hébreu en pariant sur le fait qu'ils n'oseraient pas déclencher une attaque préventive? «Le processus guerrier s'est vraiment enclenché le 18 mai 1967 lorsque Nasser a exigé - et obtenu - du secrétaire général des Nations unies le départ des Casques bleus stationnés dans le Sinaï depuis 1957 afin de veiller à ce que cette zone reste démilitarisée», explique Tom Segev, le chef de file des «nouveaux historiens» israéliens qui vient de publier un ouvrage consacré à la guerre des Six-Jours.* «Quelques jours plus tard, l'Egypte a également proclamé le blocus du golfe d'Akaba par lequel transitaient les navires se rendant au port israélien d'Eilat. Pour Levi Eshkol, Moshe Dayan et l'état-major de Tsahal, il s'agissait d'un casus belli.»
«Ce sentiment était d'ailleurs partagé par la plupart des 2 millions de ressortissants israéliens qui étaient alors des survivants de la Shoah», poursuit l'historien. «Le facteur psychologique a pesé d'autant plus fort dans le déclenchement de cette guerre qu'Israël était affaibli du point de vue moral. Le pays traversait une crise économique importante et de nombreux Israéliens s'installaient à l'étranger. Certes, on ne connaît pas les vraies intentions des dirigeants arabes de l'époque mais pour les Israéliens qui restaient au pays, il était évident que les vociférations du leader de l'OLP Ahmed Choukeiry promettant que «le sang des juifs allait couler dans les rigoles de Tel-Aviv», préfiguraient ce qui risquait de se passer vraiment dans les prochaines semaines.»
• Persuadés d'être envahis
Adolescent en juin 1967, le député progressiste Avshalom Vilan se souvient de l'«ambiance morbide» de l'époque. «Les trois semaines séparant le départ des Casques bleus du 5 juin à l'aube ont été horriblement longues. Nous étions persuadés que les Arabes, supérieurs en nombre et en armement, allaient nous envahir en quelques enjambées. Qu'il faudrait combattre maison par maison et que nos filles seraient violées à même les trottoirs. Comme tous les jeunes gens de mon âge, je passais mes journées à creuser des tombes et des tranchées dans les jardins publics car nous pensions que nos pertes seraient énormes», ajoute celui qui allait, vingt-quatre ans plus tard, participer à la fondation du mouvement «La paix maintenant».
Au sein de la communauté internationale, bon nombre de dirigeants n'étaient pourtant pas persuadés qu'Israël était réellement en danger. Charles de Gaulle avait d'ailleurs fait savoir à Levy Eshkol qu'il prononcerait un embargo (la France était alors le principal fournisseur d'armes de l'Etat hébreu) si Jérusalem prenait l'initiative de déclencher les hostilités. Quant au président américain Lyndon Johnson, il avait déclaré au chef de la diplomatie israélienne Abba Ebban que son pays «n'était pas en danger, seulement en situation difficile».
Selon les protocoles des délibérations du gouvernement israéliens révélés beaucoup plus tard, le premier ministre israélienn'était pas décidé à lancer une attaque préventive. Homme intelligent mais hésitant, cet ancien agriculteur s'est semble-t-il laissé entraîner par l'enthousiasme guerrier de Moshe Dayan et de son état-major. D'accord pour frapper l'Egypte, qui représentait le danger principal, il était nettement moins chaud à propos de la Jordanie. «Six mois avant la guerre, les dirigeants du Mossad et de l'Aman (les Renseignements militaires) avaient beaucoup discuté du sort de la Cisjordanie en cas de conflit. Ils avaient conclu que sa conquête porterait préjudice à Israël», affirme Tom Segev, qui a eu accès aux documents secrets de l'époque. Ce qui explique sans doute pourquoi Levi Eshkol ne voyait pas l'utilité d'une confrontation avec le royaume hachémite même si l'armée de ce pays, qui avait été placée sous commandement égyptien quelques semaines auparavant, bombardait la partie juive de Jérusalem.
• L'enjeu du Golan
En ce qui concerne la Syrie, Moshe Dayan a confié dans ses Mémoires posthumes que la conquête du Golan n'était pas non plus préméditée. A l'en croire, le lobby des kibboutzim (à l'époque les villages collectifs constituaient l'ossature du parti travailliste) aurait exercé d'énormes pressions sur le gouvernement et sur l'état-major. Parce que l'armée syrienne pilonnait et bombardait certains kibboutzim de haute Galilée mais aussi - et surtout - parce que le Golan contient d'énormes réserves d'eau. Dans les mois précédant l'ouverture des hostilités, l'utilisation des eaux de la rivière Banias avait d'ailleurs provoqué plusieurs accrochages meurtriers entre soldats israéliens et syriens.
Au sein du monde arabe chauffé à blanc par l'idée que ses armées allaient bientôt «venger 1948 en roulant dans les rues de Tel-Aviv», l'entrée en vigueur du cessez-le-feu du 10 juin a eu l'effet d'une douche écossaise. A l'humiliation de voir des dizaines de milliers de prisonniers égyptiens progressant à pieds nus dans le désert sous le regard hilare de quelques gardes israéliens s'ajoutaient les images pathétiques des réfugiés palestiniens de Cisjordanie entassés sous des abris de fortune. Mais la victoire de Tsahal a également surpris le public israélien. «En six jours, nous sommes passés d'une déprime profonde à un état de surexcitation extrême. Tout nous semblait possible», se souvient l'ancien chroniqueur militaire Eytan Haber. «Retransmise en direct par «Kol Israël» (la radio publique) l'arrivée du grand rabbin Shlomo Goren devant le mur des Lamentations a fait pleurer le pays d'émotion. De simples «généraux prestigieux», Moshe Dayan, Yitzhak Rabin, Ezer Weizman (le chef de l'aviation) et leurs homologues se sont transformés en demi-dieux dont personne n'aurait eu l'audace de contester les décisions».
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