Transport.
Interview Karim Ghellab. “L’intérêt général passe avant ma popularité”
(TNIOUNI/ NICHANE)
Réforme portuaire, libéralisation du ciel, construction d’autoroutes… qui se souvient encore aujourd’hui que Karim Ghellab est derrière tous ces projets ? L’homme le dit d’ailleurs lui-même : “J’ai l’impression d’être devenu le ministre du Code de la route”. Le dernier projet du jeune ministre istiqlalien déchaîne les passions. A-t-il encore des chances de passer avant septembre 2007 ? Aura-t-il assez d’arguments pour le défendre devant des parlementaires en période pré-électorale ? Surtout, Ghellab y laissera-t-il des plumes ?
Après son passage en Conseil de gouvernement et sa présentation au Parlement, le projet du nouveau Code de la route a suscité des réactions, souvent violentes, auprès des professionnels du transport. Aujourd’hui, le texte devrait être amendé par les parlementaires. N’est-ce pas une manière élégante d’enterrer un texte qui dérange, surtout en période pré-électorale ?
Je rappelle que le texte a été déposé au Parlement le 15 janvier 2007. Nous avons eu deux mois de travail intense cumulant, selon le président de la commission, plus de 70 heures de débat entre étude générale du texte et étude détaillée des 308 articles qu’il contient. Aujourd’hui, ce texte est arrivé à une étape qui justifie le dialogue syndical qui a lieu actuellement. Nous ne sommes pas dans une logique d’enterrer le texte ou de le faire passer au forceps. Nous sommes dans une phase de dialogue qui associe tous les acteurs, soit plus de 47 organisations syndicales ou professionnelles, réparties en 14 groupes de travail.
Vous restez donc convaincu que le nouveau Code verra le jour avant la fin de votre mandat ?
Je pense que oui. Mais encore une fois, je ne suis pas maître de tous les tenants et aboutissants. Je dis qu’aujourd’hui, nous sommes en mesure de répondre de manière satisfaisante et équilibrée aux doléances des professionnels et préserver l’âme du texte. En tant que ministre de tutelle, j’ai fait mon travail. Le gouvernement a validé le projet, la police et la gendarmerie ont pleinement collaboré avec nous. La balle est maintenant dans le camp des parlementaires pour proposer des amendements, en lien avec les doléances des syndicats et des professionnels.
Et vous croyez que le gouvernement et les parlementaires partagent votre enthousiasme pour faire passer ce texte avant septembre 2007 ?
Pas tous. Et c’est justement la différence entre la politique et l’opportunisme politicien. Je considère qu’être ministre est une responsabilité, une charge importante. Quand quelqu’un meurt sur la route, je me sens quelque part responsable, en tant que ministre de tutelle. Car entre autres missions, je suis chargé d’améliorer les conditions de sécurité dans nos moyens de transport et j’entends assumer cette responsabilité jusqu’au bout. Elle peut être contradictoire avec des soucis de popularité et d’image, mais peu importe. Si je peux concilier entre les deux, tant mieux. Mais si j’ai à choisir, c’est l’intérêt général qui prime.
Cela veut dire que vous êtes prêt à jouer votre carrière politique sur ce projet. Vous ne regrettez pas le déclin de votre popularité ?
Non, je ne le regrette pas. On ne me paie pas pour développer ma popularité, mais pour assumer une responsabilité qui m’a été confiée par Sa Majesté au sein de l’équipe gouvernementale que lui a proposé M. Jettou. C’est quand même la première fois que quelque chose de concret se réalise dans le domaine de la sécurité routière. Vous parlez du port obligatoire de la ceinture de sécurité, mais ce n’est que la partie visible du dispositif. Il y a aussi la mise à niveau des centres immatriculateurs, des centres de visite technique, des auto-écoles, la réforme du permis de conduire, etc. Concernant le Code de la route, je dis que c’est pour moi un honneur d’avoir pu contribuer à cette réforme qui attend depuis 1953 (ndlr : date de promulgation de l’actuel Code de la route). Il fallait bien que quelqu’un assume cette mission lourde et difficile.
Le projet du Code de la route contient 308 articles. Ne retenir que les amendes, l’alcootest et le permis à points est-il finalement réducteur ?
La polémique soulevée par le projet de Code de la route était attendue. C’est un projet hautement politique qui concerne les 30 millions de Marocains, usagers des transports ou piétons. Tous utilisent la route et la voie publique. C’est une loi qui veut mettre de l’ordre dans cet espace commun en clarifiant les droits, les libertés et les devoirs des uns et des autres. Il est maintenant normal que les articles concernant les amendes ou le permis à points retiennent à ce point l’attention, mais il serait faux de réduire le texte à ces quelques dispositions. Beaucoup d’avantages contenus dans ce Code ne sont malheureusement pas connus des citoyens. C’est assez paradoxal. Plusieurs maux dont se plaignent les gens trouvent leur remède dans ce texte qu’ils critiquent. C’est comme si un malade critiquait son médicament qui n’est, certes, pas une potion magique, mais qui apaise les souffrances et guérit les maux.
Concrètement, cela donne quoi ?
Je vous donne quelques exemples. Aujourd’hui, un citoyen est démuni face à un agent d’autorité. Il n’a aucun moyen de recours et doit se soumettre de manière absolue à ses injonctions. Le nouveau Code tente de rééquilibrer cette relation. Désormais, un agent d’autorité est obligé, selon le texte, de vous demander si vous êtes d’accord pour payer l’amende. Première possibilité : vous reconnaissez l’infraction et vous payez tout de suite. C’est ce qu’on appelle un règlement à l’amiable. Deuxième possibilité : vous contestez l’infraction ou ne souhaitez pas payer tout de suite. L’agent d’autorité retire alors votre permis et vous délivre, c’est une nouveauté, un reçu valable pendant 10 jours et qui vaut permis de conduire. Pendant ce délai, vous avez le droit de déposer plainte auprès du tribunal pour contester l’infraction. Vous demandez donc, et c’est votre droit, d’être jugé par la seule autorité habilitée à le faire, c’est à dire le juge. Vous devez alors déposer une caution égale au montant de l’amende auprès du tribunal, vous récupérez votre permis et attendez la décision du tribunal. Si le tribunal vous donne raison, le montant de l’amende vous est restitué.
Interview Karim Ghellab. “L’intérêt général passe avant ma popularité”
(TNIOUNI/ NICHANE)
Réforme portuaire, libéralisation du ciel, construction d’autoroutes… qui se souvient encore aujourd’hui que Karim Ghellab est derrière tous ces projets ? L’homme le dit d’ailleurs lui-même : “J’ai l’impression d’être devenu le ministre du Code de la route”. Le dernier projet du jeune ministre istiqlalien déchaîne les passions. A-t-il encore des chances de passer avant septembre 2007 ? Aura-t-il assez d’arguments pour le défendre devant des parlementaires en période pré-électorale ? Surtout, Ghellab y laissera-t-il des plumes ?
Après son passage en Conseil de gouvernement et sa présentation au Parlement, le projet du nouveau Code de la route a suscité des réactions, souvent violentes, auprès des professionnels du transport. Aujourd’hui, le texte devrait être amendé par les parlementaires. N’est-ce pas une manière élégante d’enterrer un texte qui dérange, surtout en période pré-électorale ?
Je rappelle que le texte a été déposé au Parlement le 15 janvier 2007. Nous avons eu deux mois de travail intense cumulant, selon le président de la commission, plus de 70 heures de débat entre étude générale du texte et étude détaillée des 308 articles qu’il contient. Aujourd’hui, ce texte est arrivé à une étape qui justifie le dialogue syndical qui a lieu actuellement. Nous ne sommes pas dans une logique d’enterrer le texte ou de le faire passer au forceps. Nous sommes dans une phase de dialogue qui associe tous les acteurs, soit plus de 47 organisations syndicales ou professionnelles, réparties en 14 groupes de travail.
Vous restez donc convaincu que le nouveau Code verra le jour avant la fin de votre mandat ?
Je pense que oui. Mais encore une fois, je ne suis pas maître de tous les tenants et aboutissants. Je dis qu’aujourd’hui, nous sommes en mesure de répondre de manière satisfaisante et équilibrée aux doléances des professionnels et préserver l’âme du texte. En tant que ministre de tutelle, j’ai fait mon travail. Le gouvernement a validé le projet, la police et la gendarmerie ont pleinement collaboré avec nous. La balle est maintenant dans le camp des parlementaires pour proposer des amendements, en lien avec les doléances des syndicats et des professionnels.
Et vous croyez que le gouvernement et les parlementaires partagent votre enthousiasme pour faire passer ce texte avant septembre 2007 ?
Pas tous. Et c’est justement la différence entre la politique et l’opportunisme politicien. Je considère qu’être ministre est une responsabilité, une charge importante. Quand quelqu’un meurt sur la route, je me sens quelque part responsable, en tant que ministre de tutelle. Car entre autres missions, je suis chargé d’améliorer les conditions de sécurité dans nos moyens de transport et j’entends assumer cette responsabilité jusqu’au bout. Elle peut être contradictoire avec des soucis de popularité et d’image, mais peu importe. Si je peux concilier entre les deux, tant mieux. Mais si j’ai à choisir, c’est l’intérêt général qui prime.
Cela veut dire que vous êtes prêt à jouer votre carrière politique sur ce projet. Vous ne regrettez pas le déclin de votre popularité ?
Non, je ne le regrette pas. On ne me paie pas pour développer ma popularité, mais pour assumer une responsabilité qui m’a été confiée par Sa Majesté au sein de l’équipe gouvernementale que lui a proposé M. Jettou. C’est quand même la première fois que quelque chose de concret se réalise dans le domaine de la sécurité routière. Vous parlez du port obligatoire de la ceinture de sécurité, mais ce n’est que la partie visible du dispositif. Il y a aussi la mise à niveau des centres immatriculateurs, des centres de visite technique, des auto-écoles, la réforme du permis de conduire, etc. Concernant le Code de la route, je dis que c’est pour moi un honneur d’avoir pu contribuer à cette réforme qui attend depuis 1953 (ndlr : date de promulgation de l’actuel Code de la route). Il fallait bien que quelqu’un assume cette mission lourde et difficile.
Le projet du Code de la route contient 308 articles. Ne retenir que les amendes, l’alcootest et le permis à points est-il finalement réducteur ?
La polémique soulevée par le projet de Code de la route était attendue. C’est un projet hautement politique qui concerne les 30 millions de Marocains, usagers des transports ou piétons. Tous utilisent la route et la voie publique. C’est une loi qui veut mettre de l’ordre dans cet espace commun en clarifiant les droits, les libertés et les devoirs des uns et des autres. Il est maintenant normal que les articles concernant les amendes ou le permis à points retiennent à ce point l’attention, mais il serait faux de réduire le texte à ces quelques dispositions. Beaucoup d’avantages contenus dans ce Code ne sont malheureusement pas connus des citoyens. C’est assez paradoxal. Plusieurs maux dont se plaignent les gens trouvent leur remède dans ce texte qu’ils critiquent. C’est comme si un malade critiquait son médicament qui n’est, certes, pas une potion magique, mais qui apaise les souffrances et guérit les maux.
Concrètement, cela donne quoi ?
Je vous donne quelques exemples. Aujourd’hui, un citoyen est démuni face à un agent d’autorité. Il n’a aucun moyen de recours et doit se soumettre de manière absolue à ses injonctions. Le nouveau Code tente de rééquilibrer cette relation. Désormais, un agent d’autorité est obligé, selon le texte, de vous demander si vous êtes d’accord pour payer l’amende. Première possibilité : vous reconnaissez l’infraction et vous payez tout de suite. C’est ce qu’on appelle un règlement à l’amiable. Deuxième possibilité : vous contestez l’infraction ou ne souhaitez pas payer tout de suite. L’agent d’autorité retire alors votre permis et vous délivre, c’est une nouveauté, un reçu valable pendant 10 jours et qui vaut permis de conduire. Pendant ce délai, vous avez le droit de déposer plainte auprès du tribunal pour contester l’infraction. Vous demandez donc, et c’est votre droit, d’être jugé par la seule autorité habilitée à le faire, c’est à dire le juge. Vous devez alors déposer une caution égale au montant de l’amende auprès du tribunal, vous récupérez votre permis et attendez la décision du tribunal. Si le tribunal vous donne raison, le montant de l’amende vous est restitué.
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